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12/05/2005 | LUXEMBOURG | N°19710C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 12 mai 2005, 19710C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19710 C Inscrit le 22 avril 2005

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Audience publique du 12 mai 2005 Recours formé par … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 30 mars 2005, n° 19472 du rôle)

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Vu la requête d’a

ppel, inscrite sous le numéro 19710C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le ...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19710 C Inscrit le 22 avril 2005

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Audience publique du 12 mai 2005 Recours formé par … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 30 mars 2005, n° 19472 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 19710C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 22 avril 2005 par Maître Gilles Plottké, avocat à la Cour, au nom de …, né le … à … (Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 30 mars 2005, par lequel il s’est déclaré incompétent pour connaître du recours en réformation et a déclaré non fondé le recours en annulation introduit contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 1er février 2005, par laquelle ledit ministre a déclaré manifestement infondée sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié, telle que cette décision a été confirmée par le même ministre le 21 février 2005 à la suite d’un recours gracieux, tout en rejetant la demande en reconnaissance d’un effet suspensif au recours pendant le délai et l’instance d’appel pour manquer d’objet ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 3 mai 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le conseiller en son rapport, Maître Radu Duta, en remplacement de Maître Gilles Plottké, et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy Schleder en leurs plaidoiries respectives.

Par requête, inscrite sous le numéro 19472 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 mars 2005, … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 1er février 2005, par laquelle ledit ministre a déclaré manifestement infondée sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié, telle que cette décision a été confirmée par le même ministre le 21 février 2005, suite à un recours gracieux de l’actuel appelant.

Par jugement rendu le 30 mars 2005, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, s’est déclaré incompétent pour connaître de la demande en réformation, a reçu en la forme le recours en annulation et, au fond, l’a déclaré non justifié et a rejeté pour manquer d’objet la demande en reconnaissance d’un effet suspensif au recours pendant le délai et l’instance d’appel.

Les premiers juges ont justifié leur décision en retenant, d’une part, que des considérations d’ordre matériel et économique, telles que la crainte de difficultés financières, ne constituent pas à elles seules un motif d’obtention du statut de réfugié et, d’autre part, qu’une demande d’asile basée exclusivement sur des motifs d’ordre personnel et familial ou sur un sentiment général d’insécurité sans faire état d’un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève est à considérer comme manifestement infondée. Ils ont constaté en l’espèce que l’appelant n’a manifestement pas établi, ni même allégué des raisons personnelles suffisamment précises de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance. Ils ont ainsi constaté à la lecture des déclarations faites par l’appelant à l’agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration qu’il a expressément reconnu avoir quitté son pays « en raison de la situation économique et afin de soigner [sa] main » et qu’il a en outre fait état d’un sentiment général d’insécurité au regard de la situation générale régnant actuellement au Kosovo. A ce dernier titre, le tribunal a relevé que l’appelant est un Albanais du Kosovo, c’est-à-dire qu’il fait partie de la population majoritaire de ce pays et qu’il n’a pas apporté le moindre élément concret et plausible de persécutions au sens de la Convention de Genève ou précisé en quoi sa situation particulière ait été telle qu’il pouvait avec raison craindre qu’il risquerait de faire l’objet de persécutions au sens de la Convention de Genève.

En ce qui concerne la demande formulée par l’actuel appelant sur base de l’article 35 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, et ayant tendu à voir « ordonner l’effet suspensif du recours contre un jugement confirmatif pendant le délai et l’instance d’appel », les premiers juges ont écarté cette demande pour manquer d’objet au vu de l’article 10 (3) de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, qui prévoit un effet suspensif de plein droit de la procédure contentieuse en la matière.

Les premiers juges ont encore ajouté qu’indépendamment de la conclusion ci-avant retenue, une telle demande ne saurait être admise en cas de jugement portant rejet du recours.

En date du 22 avril 2005, Maître Gilles Plottké, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel en nom et pour compte de …, inscrite sous le numéro 19710C du rôle, par laquelle la partie appelante sollicite la réformation du premier jugement.

A l’appui de sa requête d’appel, l’appelant reproche aux premiers juges de ne pas avoir fait droit à ses conclusions telles qu’exposées en première instance, en estimant que le tribunal aurait dû prendre en considération de ce qu’il aurait dû quitter son pays d’origine en raison des graves troubles qui « secouent actuellement son pays d’origine ». A ce titre, il insiste plus particulièrement sur la situation politique et économique régnant actuellement au Kosovo où il ne serait pas possible de vivre en raison des sévères troubles ethniques qui pourraient y être constatés. Il ajoute qu’en tant que membre de la communauté albanaise du Kosovo, il se verrait refuser l’accès à un emploi qui lui permettrait de vivre dans des conditions « décentes et dignes, sans devoir s’enquérir quotidiennement de moyens de subsistance ». Il conteste par ailleurs avoir sollicité la reconnaissance du statut de réfugié uniquement pour des raisons économiques, en précisant que ses « déboires économiques » ne seraient que le « fruit des persécutions fondées sur sa race et sa nationalité ». En substance, il expose qu’en raison de son appartenance à la communauté albanaise du Kosovo, il risquerait d’y subir des discriminations de nature à porter atteinte à ses droits fondamentaux.

Dans son mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 3 mai 2005, le délégué du Gouvernement conclut à la confirmation du jugement entrepris.

Lors des plaidoiries, le délégué du Gouvernement conclut à l’irrecevabilité de la requête d’appel dans la mesure où celle-ci contient dans son dispositif une demande tendant à voir accorder à l’appelant le statut de réfugié, en soutenant que seul un recours en annulation est prévu en matière de décisions ayant déclaré une demande d’asile manifestement infondée.

La Cour peut se rallier à cette argumentation, de sorte qu’il y a lieu de déclarer irrecevable la requête d’appel dans la mesure où elle tend à la réformation des décisions critiquées.

Pour le surplus, la requête d’appel est recevable pour avoir été introduite dans les formes et délai prévus par la loi.

Aux termes de l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En vertu de l’article 3 du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de craintes de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande.

Lorsque le demandeur invoque la crainte d’être persécuté dans son propre pays, mais qu’il résulte des éléments et des renseignements fournis que le demandeur n’a aucune raison objective de craindre des persécutions, sa demande peut être considérée comme manifestement infondée ».

Une demande d’asile basée exclusivement sur des motifs d’ordre personnel et familial ou sur un sentiment général d’insécurité, sans faire état d’un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécutions au sens de la Convention de Genève est à considérer comme manifestement infondée.

C’est à bon droit que les juges de première instance ont décidé qu’au regard des faits et motifs invoqués par l’appelant à l’appui de sa demande d’asile, tels qu’ils se dégagent du rapport d’audition de l’appelant par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration en date du 24 janvier 2005, ainsi que de sa requête d’appel, force est de constater que l’appelant n’a manifestement pas établi, ni même allégué, des raisons personnelles suffisamment précises de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance. – En effet, il appert des explications fournies par l’appelant au cours de son audition précitée qu’il déclare avoir quitté son pays d’origine exclusivement pour des motifs d’ordre économique, ainsi que pour des raisons médicales, au vu de ce qu’il a été blessé à la main pendant la guerre du Kosovo et qu’il devrait subir une deuxième opération. Ainsi, interrogé sur la question de savoir ce qu’il espérait obtenir de la part des autorités luxembourgeoises, l’appelant a déclaré ce qui suit : « Je voudrais qu’on soigne ma main et j’espère trouver du travail afin de pouvoir aider ma famille ». Interrogé encore sur les raisons concrètes qui l’ont amené à quitter le Kosovo, il a déclaré à l’agent du ministère avoir quitté son pays « en raison de la situation économique et afin de soigner [sa] main ». A part ces problèmes d’ordre économique et médical, il a déclaré que ni son père ni un autre membre de sa famille ni lui-même n’avaient été persécutés ou maltraités au Kosovo. Or, de tels problèmes d’ordre économique et personnel ne sont pas de nature à rentrer dans le champ d’application de la Convention de Genève.

Il échet encore de constater que l’appelant a fait état d’un vague sentiment général d’insécurité en ce qu’il craint subir des persécutions de la part d’autres ressortissants albanais du Kosovo en raison du fait qu’il aurait quitté l’armée de l’UCK, en expliquant que ces personnes seraient venues chez lui la dernière fois en 2000 ou 2001, qu’elles ne seraient plus revenues par la suite et qu’en fin de compte il n’avait plus vraiment de raison de les craindre, en ajoutant toutefois qu’il resterait toujours « une petite peur ». Or, un tel sentiment général d’insécurité n’est pas non plus, à lui seul, de nature à fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève.

Il s’ensuit que dans ces circonstances, la Cour est amenée à constater que l’appelant, déclarant être un ressortissant albanais de religion musulmane du Kosovo, a exclusivement fait état de motifs d’ordre personnel et économique, ainsi que d’un sentiment général d’insécurité, qui ne sauraient, à eux seuls, suffire pour faire tomber sa demande d’asile dans le champ d’application de la Convention de Genève.

Il suit des éléments qui précèdent que la demande d’asile sous examen ne repose sur aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, de sorte que c’est à bon droit que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a rejeté la demande d’asile de l’appelant comme étant manifestement infondée et que la requête d’appel sous analyse est à rejeter comme n’étant pas fondée.

Il suit enfin des considérations qui précèdent que le jugement entrepris du 30 mars 2005 est à confirmer.

Par ces motifs, La Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties ;

déclare irrecevable la requête d’appel, en ce qu’elle tend à la réformation des décisions critiquées ;

reçoit la requête d’appel du 22 avril 2005 en la forme pour le surplus ;

la dit cependant non fondée et en déboute ;

partant confirme le jugement entrepris du 30 mars 2005 dans toute sa teneur;

condamne l’appelant aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par :

Jean-Mathias Goerens, vice-président Marc Feyereisen, conseiller, Carlo Schockweiler, conseiller, rapporteur, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie Wiltzius.

le greffier le vice-président 6


Synthèse
Numéro d'arrêt : 19710C
Date de la décision : 12/05/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2005-05-12;19710c ?

Source

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