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12/05/2005 | LUXEMBOURG | N°19302C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 12 mai 2005, 19302C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19302 C Inscrit le 14 février 2005

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Audience publique du 12 mai 2005 Recours formé par Monsieur XXX XXX et son épouse, Madame XXX XXX contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 31 janvier 2005, n° 18688 du rôle)

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a requête d’appel, inscrite sous le numéro 19302C du rôle et déposée au greffe de la Cou...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19302 C Inscrit le 14 février 2005

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Audience publique du 12 mai 2005 Recours formé par Monsieur XXX XXX et son épouse, Madame XXX XXX contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 31 janvier 2005, n° 18688 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 19302C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 14 février 2005 par Maître Renaud Le Squeren, avocat à la Cour, au nom de Monsieur XXX XXX, né le 5 juin 1980 à XXX (Biélorussie) et de son épouse, Madame XXX XXX, née le 10 septembre 1980 à XXX, tous les deux de citoyenneté biélorusse, demeurant actuellement ensemble à L-XXX, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 31 janvier 2005, par lequel il a déclaré non fondé le recours en réformation introduit contre une décision du ministre de la Justice du 5 juillet 2004, rejetant leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que contre une décision confirmative du même ministre du 7 septembre 2004 intervenue sur recours gracieux, tout en déclarant irrecevable le recours subsidiaire en annulation ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 1er mars 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le conseiller en son rapport, Maître Renaud Le Squeren et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc Mathekowitsch en leurs plaidoiries respectives.

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Par requête, inscrite sous le numéro 18688 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 6 octobre 2004, Monsieur XXX XXX et son épouse, Madame XXX XXX ont fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 5 juillet 2004, rejetant leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 7 septembre 2004 intervenue sur recours gracieux.

Par jugement rendu le 31 janvier 2005, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, a reçu le recours en réformation en la forme, au fond, l’a déclaré non justifié et a déclaré irrecevable le recours subsidiaire en annulation.

Les premiers juges ont justifié leur décision en retenant que les actuels appelants, déclarant être originaires de Biélorussie et y craindre des persécutions en raison de l’appartenance de Madame XXX à la confession judaïque, ce qui aurait eu pour conséquence leurs licenciements respectifs, et qu’ils n’auraient pas pu trouver un refuge approprié dans leur pays d’origine, sont restés en défaut de soumettre le moindre élément concret susceptible d’illustrer un contexte général d’hostilité de la part des autorités en place dans leur pays d’origine à l’égard des juifs. Ils ont plus particulièrement retenu que les appelants n’ont pas ébranlé les informations se trouvant à la base des décisions litigieuses, telles que réitérées en cours d’instance par le délégué du Gouvernement, suivant lesquelles les agressions antisémites isolées seraient l’œuvre de groupements privés et non de la milice, tel qu’allégué par les actuels appelants.

En date du 14 février 2005, Maître Renaud Le Squeren, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel en nom et pour compte de Monsieur XXX XXX et de son épouse, Madame XXX XXX, inscrite sous le numéro 19302C du rôle, par laquelle les parties appelantes sollicitent la réformation du premier jugement.

A l’appui de leur requête d’appel, les appelants reprochent aux premiers juges de ne pas avoir fait droit à leurs conclusions tendant à se voir reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention de Genève. Ils rappellent ainsi que Madame XXX aurait participé à deux regroupements politiques qui se seraient tenus en date des 25 décembre 2003 et 1er janvier 2004, organisés par une association de défense des droits des citoyens de confession judaïque dans le but de réclamer un traitement égalitaire entre les personnes de confession juive et les autres, notamment en ce qui concerne l’accès au marché du travail, et qu’en raison de cette participation, elle aurait été licenciée de son poste de travail. Par ailleurs, Monsieur XXX, en sa qualité de milicien, aurait refusé de participer à la répression desdits regroupements politiques et qu’à la suite de ces refus, il aurait été obligé à démissionner de la milice. Les appelants font encore état de ce qu’à la suite de ces événements, ils auraient été victimes d’attaques racistes dans le cadre desquelles leur maison aurait été « attaquée » et leur chien empoisonné.

D’une manière générale, ils font état de ce que la situation en Biélorussie serait extrêmement préoccupante du point de vue des droits de l’homme et ils contestent les affirmations de l’Etat suivant lesquelles les agressions antisémites seraient isolées et ne seraient l’œuvre que de groupements privés et non de la milice.

Ils font encore état de ce que les juifs, ainsi que d’autres opposants politiques qui manifesteraient contre le régime actuellement en place en Biélorussie, comme ils l’auraient fait eux-mêmes, disparaîtraient sans que les autorités publiques n’interviendraient. Ils insistent en outre sur la crédibilité de leurs récits qui seraient fondés sur des faits précis et datés. Ils contestent finalement que la milice les auraient protégés, en estimant au contraire qu’elle les aurait harcelés, ainsi que d’autres membres de leur famille et qu’elle n’aurait jamais entamé des enquêtes sur les violences dirigées contre eux.

Dans son mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 1er mars 2005, Madame le délégué du Gouvernement Jacqueline Jacques conclut à la confirmation du jugement entrepris. Il se réfère plus particulièrement au rapport annuel du comité Helsinki de l’année 2004 suivant lequel, bien que la religion orthodoxe russe constitue la religion majoritaire en Biélorussie, le catholicisme, le luthéranisme, l’islam et le judaïsme sont les quatre religions « traditionnelles » de ce pays et à ce titre acceptées et respectées officiellement.

La requête d’appel est recevable pour avoir été introduite dans les formes et délai prévus par la loi.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Il échet tout d’abord de relever à titre liminaire qu’aucun élément du récit des appelants n’est établi par un quelconque élément de preuve, de sorte que le récit des appelants reste à l’état de simples allégations.

Pour le surplus, il échet de confirmer les premiers juges dans leur analyse suivant laquelle les appelants sont restés en défaut d’apporter le moindre élément concret susceptible d’illustrer un contexte général d’hostilité de la part des autorités en place en Biélorussie à l’égard des juifs, de sorte que les informations retenues à la base des décisions litigieuses et réitérées en cours d’instance contentieuse par le délégué du Gouvernement relativement au fait que des agressions antisémites isolées seraient l’œuvre de groupements privés et non de la milice qui interviendrait au contraire pour protéger les personnes concernées, restent non utilement ébranlées en cause. A ce sujet, il échet de relever qu’il ne suffit pas de contester, en instance d’appel, d’une manière générale et non circonstanciée, lesdites affirmations de l’Etat, mais il aurait appartenu aux appelants de rapporter des éléments de preuve, dûment documentés, de nature à établir leur argumentation suivant laquelle la milice de la Biélorussie participerait également à des agressions antisémites. La seule référence au fait que la situation politique régnant actuellement en Biélorussie serait « préoccupante » et que des violations des droits de l’homme pourraient y être constatées, n’est pas à elle seule suffisante pour établir dans le chef des appelants qu’ils remplissent les conditions posées par la Convention de Genève en vue de la reconnaissance du statut de réfugié.

Force est encore de constater que les appelants n’ont démontré ni que les autorités en place en Biélorussie encourageraient ou toléreraient les actes dont ils prétendent avoir été victimes ni que celles-ci auraient été dans l’incapacité de les protéger. A ce titre, il y a lieu de relever que la simple affirmation, non autrement établie ou documentée en cause, que la milice aurait refusé de les protéger et qu’elle les aurait au contraire harcelés, n’est pas de nature à entraîner la conviction de la Cour, à défaut également par les appelants d’avoir rapporté la preuve de l’introduction par eux d’une plainte auprès des autorités de leur pays d’origine quant aux faits de persécutions auxquels ils se réfèrent pour se voir reconnaître le statut de réfugié au Luxembourg.

En conclusion, il y a lieu de retenir que le tribunal administratif a décidé à bon droit que le ministre de la Justice a valablement pu refuser la demande d’asile lui soumise par les appelants, de sorte que la requête d’appel n’est pas fondée et que le jugement entrepris du 31 janvier 2005 est à confirmer.

Par ces motifs, La Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

reçoit la requête d’appel du 14 février 2005 en la forme ;

la dit cependant non fondée et en déboute ;

partant confirme le jugement entrepris du 31 janvier 2005 dans toute sa teneur;

condamne les appelants aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par :

Marion Lanners, présidente, Christiane Diederich-Tournay, premier conseiller, Carlo Schockweiler, conseiller, rapporteur, et lu par la présidente en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier en chef de la Cour Erny May.

le greffier en chef la présidente 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 19302C
Date de la décision : 12/05/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2005-05-12;19302c ?

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