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12/05/2005 | LUXEMBOURG | N°19299C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 12 mai 2005, 19299C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19299 C Inscrit le 11 février 2005

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Audience publique du 12 mai 2005 Recours formé par les époux XXX XXX -XXX et consort contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 19 janvier 2005, n° 18580 du rôle)

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Vu la requête d’

appel, inscrite sous le numéro 19299C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrativ...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19299 C Inscrit le 11 février 2005

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Audience publique du 12 mai 2005 Recours formé par les époux XXX XXX -XXX et consort contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 19 janvier 2005, n° 18580 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 19299C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 11 février 2005 par Maître Marc Walch, avocat à la Cour, au nom de Monsieur XXX XXX, né le 5 septembre 1960 à XXX (Albanie), et de son épouse, Madame XXX XXX, née le 7 septembre 1972 à XXX, agissant tant en leur nom personnel qu’en celui de leur fils mineur XXX, né le 7 janvier 2001 à XXX, tous de nationalité albanaise, demeurant actuellement ensemble à L-

XXX, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 19 janvier 2005, par lequel il a déclaré non fondé le recours en réformation introduit contre une décision du ministre de la Justice du 7 juin 2004 rejetant leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, tout en déclarant irrecevable le recours subsidiaire en annulation ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 23 février 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le conseiller en son rapport, Maître Marc Walch et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc Mathekowitsch en leurs plaidoiries respectives.

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Par requête, inscrite sous le numéro 18580 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 août 2004, les époux XXX XXX et XXX XXX, agissant tant en leur nom personnel qu’en celui de leur enfant mineur XXX, ont fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 7 juin 2004, rejetant leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée.

Par jugement rendu le 19 janvier 2005, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, a reçu le recours principal en réformation en la forme, au fond, l’a déclaré non justifié et en a débouté les époux XXX XXX et a déclaré irrecevable le recours subsidiaire en annulation.

Les premiers juges ont justifié leur décision en retenant que les actuels appelants, déclarant être originaires de l’Albanie et y avoir exercé, en ce qui concerne Madame XXX, un rôle actif au sein du parti politique « Mouvement de Légalité », en raison duquel elle aurait reçu des menaces de mort et elle aurait été l’objet de nombreuses discriminations du fait de ce qu’elle aurait eu des difficultés à poursuivre ses études, d’accéder à un emploi ou de trouver un logement décent, étant précisé par elle qu’elle aurait fait, ensemble avec son enfant mineur, l’objet d’un enlèvement et d’une séquestration de la part d’inconnus qui auraient tenté d’obtenir des renseignements de sa part sur le lieu où se trouvait son frère ayant fui l’Albanie en 2001 et qui l’auraient par la suite vendu à un réseau de prostitution dont elle n’aurait pu s’échapper que par un pur hasard, son mari se plaignant d’avoir fait l’objet d’insultes et de menaces en raison des activités politiques de son épouse, n’ont pas établi des actes de persécution ou des craintes justifiées de persécution dans le chef de Monsieur XXX, au motif que celui-ci n’a pas joué un rôle actif au sein du parti démocratique et qu’il a affirmé ne pas avoir personnellement subi des persécutions et dans le chef de Madame XXX, au motif qu’elle n’a pas établi à suffisance de droit que les autorités chargées d’assurer la sécurité publique ne soient pas capables de lui assurer un niveau de protection suffisant face aux menaces de mort reçues en raison de son engagement politique, étant relevé par les premiers juges que la plainte de Madame XXX a été suivie d’une enquête pénale.

En ce qui concerne le prétendu enlèvement de Madame XXX et sa vente à un réseau de prostitution italien, le tribunal a relevé que ces affirmations de Madame XXX restent à l’état de simples allégations qui, même à les supposer établies, s’inscrivent dans une criminalité de droit commun, de sorte à ne pas constituer un motif valable de reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève. En ce qui concerne en outre les discriminations dont les époux XXX XXX ont fait état, les premiers juges ont décidé qu’à supposer lesdites discriminations établies, elles constituent tout au plus des pratiques condamnables, mais ne dénotent pas une gravité telle qu’elles établissent une crainte justifiée de persécution en Albanie.

En date du 11 février 2005, Maître Marc Walch, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel en nom et pour compte de Monsieur XXX XXX et de Madame XXX XXX XXX, agissant tant en leur nom personnel qu’en celui de leur enfant mineur XXXXXX, inscrite sous le numéro 19299C du rôle, par laquelle les parties appelantes sollicitent la réformation du premier jugement.

A l’appui de leur requête d’appel, les appelants reprochent aux premiers juges de ne pas avoir fait droit à leur demande tendant à se voir reconnaître le statut de réfugié, en rappelant les faits par eux soumis au tribunal, qui devraient à suffisance de droit justifier leur demande. Ainsi, ils rappellent le rôle de membre actif de Madame XXX au sein du parti politique « Mouvement de Légalité », sa qualité d’observatrice lors des élections ayant eu lieu au cours des mois de juin ou juillet 2001, à la suite desquelles elle aurait fait l’objet de menaces qui auraient été mis à exécution le 20 février 2002, date à laquelle elle aurait été enlevée ensemble avec son fils. Il s’en serait suivi une période de séquestrations et de violences exercées contre elle dans le but de connaître le lieu de séjour de son frère ayant fui l’Albanie à la fin de l’année 2001 pour se réfugier au Luxembourg. A la suite de ces actes, elle aurait été vendue à une personne dénommée « Badzi » qui l’aurait forcée à se prostituer dans une ville du Nord de l’Italie où elle n’aurait pu se libérer, ensemble avec son enfant mineur, que par un pur hasard. Elle fait encore état de différentes discriminations dont elle aurait été la victime en Albanie en raison de son appartenance à une famille persécutée par l’ancien régime communiste pour des raisons politiques, notamment dans le cadre de la poursuite de ses études, de l’accès à un emploi rémunéré, ainsi que de la recherche d’un logement décent. En ce qui concerne Monsieur XXX, celui-ci fait état de menaces et d’injures dont il aurait été l’objet en raison des activités politiques de son épouse. Les appelants s’étonnent encore de la décision prise à leur encontre par le ministre de la Justice, alors que le frère de Madame XXX, à savoir Monsieur XXX XXX, ainsi que les membres de sa famille se seraient vus reconnaître le statut de réfugié au Grand-Duché de Luxembourg à la suite d’un jugement du tribunal administratif non appelé daté du 25 novembre 2002 (n° 15067 du rôle). Ils estiment que dans la mesure où leur situation serait « résolument identique » à celle des consorts XXX-XXX, ils devraient également se voir reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention de Genève. Enfin, ils contestent que leur région d’origine soit redevenue paisible, alors qu’au contraire de nouvelles attaques armées y auraient eu lieu récemment.

Dans son mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 23 février 2005, le délégué du Gouvernement Jean-Paul Reiter conclut à la confirmation du jugement entrepris.

La requête d’appel est recevable pour avoir été introduite dans les formes et délai prévus par la loi.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

En ce qui concerne tout d’abord les craintes exposées par Madame XXX de faire l’objet de persécutions en raison de son appartenance et de son rôle de membre actif au sein du parti politique « Mouvement de Légalité », il échet de confirmer les premiers juges dans leur analyse suivant laquelle, bien que le récit afférent est à considérer comme étant crédible, les faits en question se réfèrent à des actes commis ou susceptibles d’être commis par des personnes privées étrangères aux autorités publiques et Madame XXX n’a pas établi à suffisance de droit que les autorités chargées d’assurer la sécurité publique en Albanie ne soient pas capables de lui assurer, ainsi qu’aux autres membres de sa famille, un niveau de protection suffisant. Il y a au contraire lieu de relever dans ce contexte, comme l’ont fait à bon droit les premiers juges, qu’il ressort d’un écrit daté du 20 juillet 2001, délivré par le procureur du tribunal d’arrondissement d’Elbasan qu’une plainte quant à ces faits introduite par Madame XXX a été suivie d’une enquête, laquelle a confirmé les faits exposés par elle.

En ce qui concerne l’enlèvement de Madame XXX et de son fils, ainsi que sa vente subséquente à un réseau de prostitution italien, les premiers juges ont décidé à bon droit, après avoir constaté qu’il n’a pas été établi ni même soutenu de manière crédible que les actes en question ont été justifiés par des raisons politiques, que le récit crédible de l’appelante à ce sujet a trait à des infractions relevant de la délinquance de droit commun et est partant insuffisant pour établir un état de persécution dans son pays d’origine. Cette interprétation des faits est d’ailleurs confirmée par les affirmations mêmes de Monsieur XXX qui, interrogé sur la question de savoir si sa peur était liée à ses opinions politiques, religieuses ou en raison de son appartenance à un groupe social ou national, a répondu comme suit lors de son audition du 25 juin 2003 par un agent du ministère de la Justice : « cela n’a rien à voir avec tout cela. C’est un problème lié à des gens de la rue. C’est lié avec des délinquants. Il a (sic) amené ma femme en Italie ».

Il s’ensuit qu’à défaut par les appelants d’avoir établi un lien entre ces actes et l’un des motifs prévus par la Convention de Genève en vue de la reconnaissance du statut de réfugié, il y a lieu d’en conclure que ces prétendus actes, nonobstant leur gravité et leur caractère condamnable, ont trait à une activité criminelle, insusceptible de tomber sous le champ d’application de la Convention de Genève.

Quant aux différentes discriminations dont Madame XXX déclare avoir fait l’objet en raison de son appartenance à une famille persécutée par l’ancien régime communiste, et ayant plus particulièrement trait à ses études, à l’accès à un emploi rémunéré, ainsi qu’à un logement décent, il échet de confirmer les premiers juges dans leur conclusion suivant laquelle ces faits, à les supposer établis, ont trait à des pratiques certes condamnables, mais qui ne sont pas d’une gravité telle qu’ils établissent à l’heure actuelle une crainte justifiée de persécution dans le pays d’origine des appelants.

En ce qui concerne Monsieur XXX, celui-ci se réfère à des menaces et injures dont il aurait fait l’objet en raison des activités politiques de son épouse. Ces craintes, non autrement circonstanciées, sont toutefois trop vagues pour pouvoir être prises en considération, de sorte que la Cour est dans l’impossibilité de vérifier si Monsieur XXX est susceptible de faire l’objet de persécutions ou peut raisonnablement faire état d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève. Il y a encore lieu de relever à ce titre, comme l’ont fait les premiers juges, que Monsieur XXX a déclaré lui-même ne pas avoir joué un rôle actif au sein du parti démocratique, qu’il a déclaré lors de son audition qu’il n’a été qu’un simple membre et qu’il n’a pas personnellement subi de persécutions.

Par ailleurs, quant à l’argumentation des appelants suivant laquelle ils devraient également se voir reconnaître le statut de réfugié puisque le frère de Madame XXX, à savoir Monsieur XXX XXX, ainsi que les membres de la famille de celui-ci se seraient vus reconnaître le statut de réfugié au Luxembourg, il échet de rappeler que les situations respectives des demandeurs d’asile sont analysées au cas par cas afin de vérifier si les faits exposés par eux sont susceptibles de remplire les conditions posées par la Convention de Genève en vue de la reconnaissance du statut de réfugié, de sorte que le simple fait par un membre de leur famille de s’être vu reconnaître le statut de réfugié n’est pas suffisant à lui seul afin que d’autres membres de la même famille se voient reconnaître le même bénéfice. En ce qui concerne plus particulièrement la situation des appelants, il échet de relever que ceux-ci n’ont pas établi remplir les conditions prévues par la Convention de Genève, de sorte que le statut de réfugié ne saurait leur être reconnu.

Enfin, en ce qui concerne la référence d’ordre général faite à la situation régnant actuellement en Albanie, il y a lieu de rappeler que la situation politique actuelle en Albanie, quelle que soit d’ailleurs l’appréciation qu’on peut en donner, n’est pas suffisante pour que les appelants puissent en déduire un droit à se voir reconnaître le statut de réfugié au Luxembourg.

Il suit de l’ensemble des éléments qui précède qu’il y a lieu de déclarer la requête d’appel non fondée et de confirmer le jugement entrepris du 19 janvier 2005.

Par ces motifs, La Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

reçoit la requête d’appel du 11 février 2005 en la forme ;

la dit cependant non fondée et en déboute ;

partant confirme le jugement entrepris du 19 janvier 2005 dans toute sa teneur;

condamne les appelants aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par :

Marion Lanners, présidente, Christiane Diederich-Tournay, premier conseiller, Carlo Schockweiler, conseiller, rapporteur, et lu par la présidente en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier en chef de la Cour Erny May.

le greffier en chef la présidente 6


Synthèse
Numéro d'arrêt : 19299C
Date de la décision : 12/05/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2005-05-12;19299c ?

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