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12/05/2005 | LUXEMBOURG | N°19237C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 12 mai 2005, 19237C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 19237C Inscrit le 1er février 2005

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AUDIENCE PUBLIQUE DU 12 MAI 2005 Recours formé par le ministre des Transports contre la société à responsabilité limitée XXX, XXX en matière de transports Appel (jugement entrepris du 23 décembre 2004, no 17550 du rôle)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 1er février ...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 19237C Inscrit le 1er février 2005

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AUDIENCE PUBLIQUE DU 12 MAI 2005 Recours formé par le ministre des Transports contre la société à responsabilité limitée XXX, XXX en matière de transports Appel (jugement entrepris du 23 décembre 2004, no 17550 du rôle)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 1er février 2005, en vertu d’un mandat exprès du ministre des Transports du 27 janvier 2005, par le délégué du Gouvernement Guy Schleder, au nom du ministre des Transports, contre un jugement rendu par le tribunal administratif à la date du 23 décembre 2004 en matière de transports, à la requête de la société à responsabilité limitée XXX, établie et ayant son siège social à L-XXX, zone industrielle, représentée par son gérant actuellement en fonctions, inscrite au registre de commerce de Luxembourg sous le n° B XXX, contre une décision du ministre des Transports.

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 1er mars 2005 par Maître Charles Kaufhold, assisté de Maître Yves Wagner, avocats à la Cour, au nom de la société à responsabilité limitée XXX préqualifiée.

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 29 mars 2005 par le délégué du Gouvernement Guy Schleder, au nom du ministre des Transports.

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris.

Ouï le premier conseiller en son rapport et la déléguée du Gouvernement Claudine Konsbrück ainsi que Maître Virginie Roelens, en remplacement de Maître Charles Kaufhold, en leurs observations orales.

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Par requête, inscrite sous le numéro 17550 du rôle, déposée le 5 février 2004 au greffe du tribunal administratif, Maître Charles Kaufhold, avocat à la Cour, assisté de Maître Yves Wagener, avocat à la Cour, au nom de la société à responsabilité limitée XXX, établie et ayant son siège social à L-XXX, zone industrielle, représentée par son gérant actuellement en fonctions, inscrite au registre de commerce de Luxembourg sous le n° B XXX, a demandé l’annulation, sinon la réformation d’une décision du ministre des Transports du 16 décembre 2003 portant retrait de sa licence communautaire en matière de transports internationaux par route et l’invitant à remettre l’original de la licence n° 0098, en fait n° 087, ainsi que les copies conformes lui délivrées pour l’année 2004.

Par jugement du 23 décembre 2004, le tribunal administratif s’est déclaré incompétent pour connaître du recours en réformation, a reçu le recours en annulation en la forme, au fond l’a déclaré justifié au motif que, lors de l’enquête sur l’existence d’un établissement de la société demanderesse suffisant aux exigences de la loi du 30 juillet 2002, le ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement n’a pas été mis en mesure d’exercer sa compétence conjointement avec celle du ministre des Transports.

Partant, il a annulé la décision du ministre des Transports du 16 décembre 2003 portant retrait de la licence communautaire n° 0087 délivrée à la société demanderesse et a ordonné l’effet suspensif du recours pendant le délai et une éventuelle instance d’appel.

Fort d’un mandat du ministre des Transports daté du 27 janvier 2005, le délégué du Gouvernement Guy Schleder, par requête déposée en date du 1er février 2005 au greffe de la Cour administrative, a relevé appel du prédit jugement.

Le représentant étatique reproche aux premiers juges d’avoir fait une confusion entre la compétence du ministre des Transports qui a en charge de vérifier et de réguler l’exercice de l’activité de transporteur par le biais des licences communautaires, et de l’accès au marché, et celle du ministre des Classes moyennes qui a vocation à superviser l’accès et le maintien à cette activité.

Il expose que la nature distincte des agréments ministériels procède ainsi de compétences différentes et donc d’une autonomie décisionnelle même en présence du critère commun qu’est l’établissement, ce critère comportant différentes facettes qui concernent tantôt l’exercice des activités, tantôt le socle même de l’activité, et qu’en imposant une action concertée à tout moment et sur le terrain entre les deux autorités ministérielles compétentes, le tribunal impose une procédure qui, non seulement n’a pas de fondement légal ou réglementaire, mais est impossible à réaliser dans la pratique.

Le tribunal confondrait encore le contrôle effectué par l’administration des Douanes et Accises, et l’enquête du ministre des Transports, ce dernier, ainsi que le ministre des Classes moyennes étant représenté lors du contrôle en question par le biais de l’administration des Douanes et Accises, et les deux ministres ont reçu les mêmes rapports rédigés par l’administration des Douanes et Accises et sont venus à la même conclusion.

Le représentant étatique relève que le tribunal se base sur un texte réglant la licence communautaire pour tirer des conclusions mettant en cause l’autorisation d’établissement, et qu’il opère en l’espèce, un revirement de jurisprudence alors que, jusqu’à présent, les premiers juges n’avaient pas critiqué le dualisme de procédure nécessaire pour régler deux matières différentes, ou la démarche autonome d’un des deux ministères en cause.

Dans un mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 1er mars 2005, Maître Charles Kaufhold, assisté de Maître Yves Wagner, avocats à la Cour, au nom de la société à responsabilité limitée XXX s.à r.l. maintient ses moyens soulevés en première instance et demande la confirmation du jugement entrepris, alors qu’une action concertée et commune entre les ministres des Transports et des Classes moyennes s’impose en l’espèce.

Le délégué du Gouvernement Guy Schleder a répliqué en date du 29 mars 2005 pour répondre aux observations énoncées dans le mémoire en réponse du 1er mars 2005.

L’acte d’appel est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Suite à deux contrôles sur place effectués les 6 mai 2002 et 17 juillet 2003 par des agents de l’administration des Douanes et Accises, et sur avis de la Commission des transports internationaux par route du 2 décembre 2003, le ministre des Transports décida le 16 décembre 2003 de retirer la licence communautaire 0087 à la société XXX avec effet au 29 février 2004, en se référant au règlement grand-ducal du 15 mars 1993 portant exécution et sanction du règlement communautaire (CEE) n° 881/92 du Conseil des Communautés européennes du 26 mars 1992 concernant l’accès au marché des transports de marchandises par route dans la Communauté, exécutés au départ ou à destination du territoire d’un Etat membre ou traversant le territoire d’un ou de plusieurs Etats membres.

Par requête déposée le 5 février 2004, la Société XXX a introduit un recours contentieux tendant à l’annulation, sinon à la réformation de la décision ministérielle du 16 décembre 2003.

Dans son jugement du 23 décembre 2004, le tribunal a estimé que l’existence d’un établissement tel qu’exigé et défini à la loi du 30 juillet 2002 concernant les transporteurs constitue une condition de fond pour la délivrance tant d’une autorisation d’établissement que d’une licence communautaire pour en déduire que, nécessairement, les autorités compétentes « agissent ensemble et de concert en procédant ensemble à des mesures d’instruction et en tirant du résultat de cette instruction une conclusion commune ».

Le tribunal a estimé encore que cette procédure « répond à la fois à une finalité de protection de l’intérêt général, le constat d’un défaut de satisfaire à une condition de fond commune à une autorisation d’établissement et à une licence communautaire devant entraîner l’arrêt de l’activité du transporteur fautif, et à la protection des droits des administrés concernés afin d’empêcher une multiplication des actes d’instruction et des appréciations divergentes entre différentes administrations ».

Enfin, le tribunal a constaté qu’en l’espèce cette procédure n’a pas été respectée, le ministère des Classes moyennes n’ayant pas été associé aux enquêtes concernant la licence communautaire, de sorte que non seulement la révocation des licences est viciée, mais également la procédure de révocation de l’autorisation d’établissement.

Le tribunal a, en conséquence, annulé la décision du ministre des Transports du 16 décembre 2003 portant retrait de la licence communautaire n° 0087.

La partie appelante reproche au tribunal, en imposant une action concertée à tout moment et sur le terrain entre le ministère des Transports et le ministère des Classes moyennes, d’imposer une procédure qui, non seulement n’a pas de fondement légal ou réglementaire, mais est impossible à réaliser dans la pratique. Elle fait valoir que la nature distincte des agréments ministériels procède de compétences différentes, et donc d’une autonomie décisionnelle, même en présence du critère commun qu’est l’établissement, et qu’en effectuant ces contrôles, l’administration des Douanes et Accises a agi au nom et pour compte et du ministère des Transports et du ministère des Classes moyennes, les deux ministères ayant pris en considération les mêmes rapports et étant venus à la même conclusion.

L’existence d’un établissement constitue une condition de fond pour la délivrance tant d’une autorisation d’établissement que d’une licence communautaire et les autorités nationales compétentes respectivement en matière du droit d’établissement et des transports routiers sont appelées dans le cadre des législations et réglementations respectivement applicables, la loi du 30 juillet 2002 en matière d’établissement et le règlement 881/92 ensemble le règlement grand-ducal du 15 mars 1993 en matière de transport intracommunautaires par route, à vérifier l’existence effective d’un tel établissement avant l’émission d’une autorisation d’établissement respectivement d’une licence communautaire.

La compétence pour le contrôle du respect d’une même condition de fond, celle relative à l’existence d’un établissement posée par l’article 5 (2) de la loi du 30 juillet 2002, laquelle conditionne la délivrance à la fois d’une autorisation d’établissement et d’une licence communautaire, revient ainsi de manière conjointe à deux ministres différents, à savoir au ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en ce qui concerne les autorisations d’établissement et au ministre des Transports en ce qui concerne les licences communautaires.

Le règlement grand-ducal du 15 mars 1993 précité tient compte de cette dualité de compétence en disposant dans son article 2 que « les vérifications visées à l’article 7 du règlement (CEE) n° 881/92 sont menées conjointement et en collaboration par le Ministre et par le membre du Gouvernement ayant dans ses attributions les autorisations d’établissement.

Ce dernier communique notamment au Ministre copies des autorisations d’établissement et toutes les données utiles concernant la modification, le transfert, le retrait ou la caducité d’une autorisation d’établissement ».

Le tribunal administratif a retenu à juste titre qu’au vu du parallélisme de compétences et de l’identité partielle des conditions concernant l’octroi d’une autorisation d’établissement et d’une licence communautaire à un même transporteur, le pouvoir réglementaire, en requérant à l’article 2 du règlement grand-ducal du 15 mars 1993 que les vérifications soient menées « conjointement et en collaboration » par les deux ministres y visés, a nécessairement imposé que ces derniers agissent ensemble et de concert en procédant ensemble à des mesures d’instruction et en tirant du résultat de cette instruction une conclusion commune.

Dans le cas du ministère des Transports, le service de contrôle a été supprimé le 26 novembre 2000 et ses compétences ont été transférées à l’administration des Douanes et Accises qui, d’après le représentant étatique, en effectuant ses contrôles, aurait agi en nom et pour compte des deux ministères concernés.

Cette affirmation est contredite par les pièces versées en cause, alors que le rapport du 22 juillet 2003 dressé par l’administration des Douanes et Accises, adressé uniquement au ministre des Transports, est intitulé « concerne : Cellule de coopération administrative Douane – Ministère des Transports », et a comme objet « Contrôle de la société XXX S.à r.l.

Zone Industrielle, L-XXX, en application de la loi du 30 juillet 2002 concernant l’établissement de transporteur de voyageurs et de transporteur de marchandises par route et portant transposition de la directive 98/76/CE du Conseil du 1er octobre 1998. » Enfin, le rapport révèle, au 2e alinéa qu’ont participé au contrôle du 17 juillet 2003, l’inspecteur principal premier en rang XXX et le brigadier-chef XXX de l’Administration des Douanes et Accises, l’attachée de direction XXX de l’Inspection du Travail et des Mines, le contrôleur XXX du Centre Commun de la Sécurité Sociale et comme observateur du Ministère des Transports, l’inspecteur principal premier en rang Jean Welter.

Il n’apparaît donc pas qu’en effectuant ses contrôles, l’administration des Douanes et Accises ait agi au nom du ministère des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement qui n’a, par ailleurs, pas été associé à cette enquête sur l’existence d’un établissement de la société requérante suffisant aux exigences de la loi du 30 juillet 2002.

Même si les deux ministères ont pris en considération les mêmes rapports, ils ont agi séparément, non conjointement, une association des deux ministères n’apparaissant pas non plus dans l’avis de la Commission des transports internationaux de marchandises par route du 2 décembre 2003 adressé au ministre des Transports.

C’est partant pour de justes motifs auxquels la Cour se rallie, que les premiers juges ont retenu que, dans la mesure où le ministère des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement n’a pas été mise en mesure d’exercer sa compétence conjointement avec celle du ministre des Transports, l’enquête à la base de la décision ministérielle a été accomplie en violation de cette exigence substantielle, et ce vice affecte également la décision ministérielle prise à la suite de cette enquête.

En conséquence la décision ministérielle du 16 décembre 2003 encourt l’annulation.

Même si des jugements récents du tribunal, dont l’un a été confirmé par la Cour en date du 13 mai 2004, n° du rôle 17519, sont venus préciser certains aspects de la définition d’établissement stable portés par la loi du 30 juillet 2002 précitée, les juridictions ne faisaient que répondre à des moyens soulevés spécifiques, le présent dossier soumis aux juridictions administratives est différent de par les moyens soulevés quant à l’application de la procédure à suivre, de sorte qu’on ne peut invoquer un revirement de jurisprudence.

L’acte d’appel n’étant pas fondé, le jugement entrepris est à confirmer dans toute sa teneur.

Par ces motifs la Cour, statuant contradictoirement, reçoit l’acte d’appel du 1er février 2005, le dit non fondé et en déboute, partant confirme le jugement entrepris du 23 décembre 2004, condamne l’Etat aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi délibéré et jugé par Marion Lanners, présidente Christiane Diederich-Tournay, premier conseiller, rapporteur Carlo Schockweiler, conseiller et lu par la présidente Marion Lanners en l’audience publique au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête en présence du greffier en chef de la Cour Erny May.

le greffier en chef la présidente 6


Synthèse
Numéro d'arrêt : 19237C
Date de la décision : 12/05/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2005-05-12;19237c ?

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