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28/04/2005 | LUXEMBOURG | N°19348C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 28 avril 2005, 19348C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 19348C Inscrit le 23 février 2005

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AUDIENCE PUBLIQUE DU 28 AVRIL 2005 Recours formé par le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration contre XXX XXX, Roumanie en matière d’autorisation de séjour Appel (jugement entrepris du 31 janvier 2005, no 18452 du rôle)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 19348C Inscrit le 23 février 2005

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AUDIENCE PUBLIQUE DU 28 AVRIL 2005 Recours formé par le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration contre XXX XXX, Roumanie en matière d’autorisation de séjour Appel (jugement entrepris du 31 janvier 2005, no 18452 du rôle)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 23 février 2005, en vertu d’un mandat exprès du ministre délégué des Affaires étrangères et de l’Immigration du 18 février 2005, par le délégué du Gouvernement Jean-Paul Reiter, au nom du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, contre un jugement rendu, en matière d’autorisation de séjour, par le tribunal administratif à la date du 31 janvier 2005, à la requête de XXX XXX, demeurant à RO-XXX (Roumanie), de nationalité roumaine, contre une décision du ministre de la Justice.

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 17 mars 2005 par Maître Guy Thomas au nom de XXX XXX.

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris.

Ouï le premier conseiller en son rapport ainsi que la déléguée du Gouvernement Claudine Konsbrück et Maître Sarah Esposito, en remplacement de Maître Guy Thomas, en leurs observations orales.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 23 juillet 2004, Maître Eyal Grumberg, avocat à la Cour, au nom de XXX XXX, demeurant à RO-XXX (Roumanie), de nationalité roumaine, a demandé principalement l’annulation et subsidiairement la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 29 avril 2004 lui refusant l’entrée et le séjour au Grand-Duché de Luxembourg.

Par constitution de nouvel avocat datée du 5 janvier 2004, Maître Guy Thomas a déclaré agir en remplacement de Maître Eyal Grumberg.

Par jugement rendu en date du 31 janvier 2005, le tribunal administratif a reçu le recours en annulation en la forme, au fond l’a déclaré justifié, partant a annulé la décision déférée, en renvoyant l’affaire devant le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration.

Le tribunal a estimé que le ministre, en érigeant, pour un indépendant, l’exigence du fait d’être gérant technique d’une société à responsabilité limitée en une cause de refus de l’octroi de séjour non prévue par la loi, a excédé le cadre légal applicable en la matière, et que le requérant aurait une expectative légitime de revenus d’exploitation à générer par la société XXX s.à r.l..

Fort d’un mandat du ministre délégué des Affaires étrangères et de l’Immigration daté du 18 février 2005, le délégué du Gouvernement Jean-Paul Reiter, par requête déposée le 23 février 2005 au greffe de la Cour administrative, a relevé appel du prédit jugement.

Le représentant étatique reproche en premier lieu au tribunal d’avoir qualifié le requérant d’indépendant, alors que la seule création d’une société à responsabilité limitée sans être personnellement en possession des qualifications requises pour l’exercice de la profession n’est pas suffisante à cet égard.

Il reproche aussi aux premiers juges d’avoir accepté comme preuve des moyens d’existence de simples revenus hypothétiques non autrement prouvés ni circonstanciés en l’espèce.

A titre subsidiaire, le délégué du Gouvernement soutient que l’intimé se trouve en séjour irrégulier sur le territoire Schengen, et que la décision du ministre de la Justice est également justifiée sur base de l’article 2, 1er tiret, de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers.

Dans un mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 17 mars 2005, Maître Guy Thomas, au nom de XXX XXX, se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité de l’acte d’appel et réitère que la décision du 29 avril 2004 a excédé le cadre légal posé par la loi du 28 mars 1972 et son règlement d’application et demande la confirmation du jugement entrepris.

L’acte d’appel est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

L’intimé est gérant et associé unique d’une société à responsabilité limitée, dénommée XXX s.à r.l., créée par acte notarié le 17 avril 2003.

Par décision du 29 avril 2004, le ministre de la Justice lui a refusé le bénéfice d’une autorisation de séjour en qualité d’indépendant aux motifs suivants :

« Je tiens à signaler que pour entrer dans le bénéfice d’une autorisation de séjour en qualité d’indépendant, il ne suffit pas d’être l’associé majoritaire de la société à responsabilité limitée. Il faut en outre en être le gérant technique, c’est-à-dire remplir les qualifications professionnelles pour être titulaire en nom propre, pour le compte de la société, de l’autorisation d’établissement. Or, d’après les documents que vous m’avez fait parvenir, votre mandant n’est que gérant administratif. » Il n’existe qu’une seule base légale qui réglemente l’entrée et le séjour de tout étranger au pays, à savoir la loi du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers, 2. le contrôle médical des étrangers, 3. l’emploi de la main d’œuvre étrangère.

Cette loi s’applique à tout étranger qui désire séjourner au pays, même s’il est qualifié d’indépendant.

Aucune disposition de la prédite loi modifiée du 28 mars 1972 et ni du règlement grand-ducal modifié du 28 mars 1972 relatif aux formalités à remplir par les étrangers séjournant au pays n’oblige l’intimé à être gérant technique de la société, c’est-à-dire, selon la définition du ministre de la Justice, de remplir les qualifications professionnelles pour être titulaire en nom propre pour le compte de la société de l’autorisation d’établissement.

C’est partant à juste titre que les premiers juges ont estimé que le ministre en érigeant, pour un indépendant, l’exigence du fait d’être gérant technique d’une société à responsabilité limitée en une cause de refus de l’octroi de l’autorisation de séjour non prévu par la loi ou par son règlement d’application, a excédé le cadre légal applicable en la matière, de sorte que le motif de refus ainsi énoncé ne saurait légalement motiver la décision déférée, et le premier moyen soulevé par la partie appelante est à écarter comme non fondé.

En deuxième lieu, le représentant étatique reproche aux premiers juges d’avoir annulé la décision du ministre de la Justice en prenant en compte les « expectatives légitimes de revenus d’exploitation » à générer par la s.à r.l. créée par l’intimé, et d’avoir accepté comme preuve de moyens d’existence de simples revenus hypothétiques non autrement prouvés ni circonstanciés en l’espèce.

Même si la décision attaquée du 29 avril 2004 ne mentionne pas expressément l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972, il est de jurisprudence que, dans le cadre d’un recours en annulation, le juge administratif est amené à contrôler non seulement les motifs indiqués expressément dans l’acte attaqué, mais qu’il peut également prendre en considération d’autres motifs ayant existé au jour de la décision attaquée et développés en cours de procédure contentieuse.

Selon l’article 2 de la prédite loi modifiée du 28 mars 1972, l’entrée et le séjour peuvent être refusés à l’étranger qui ne dispose pas de moyens d’existence personnels suffisants pour supporter les frais liés à son séjour dans le pays.

En présence d’un recours en annulation, le rôle des juridictions administratives se limite à la vérification de la légalité et de la régularité formelle de l’acte attaqué ainsi qu’au contrôle de l’exactitude matérielle des faits pris en considération par la décision, en tenant compte de la situation de droit et de fait au jour où la décision a été prise.

C’est à bon droit que la partie appelante fait valoir que l’intimé, indépendamment du fait qu’il soit en possession de parts d’une société à responsabilité limitée, n’était pas, à la date du 29 avril 2004, en possession de moyens d’existence personnels suffisants pour subvenir à son séjour, alors que la viabilité de la société nouvellement créée n’était nullement assurée, ni des revenus d’exploitation à générer par ladite société, que des moyens ou des garanties procurés par des tiers ou une banque ne sont pas à prendre en considération, et que des revenus hypothétiques mais encore inexistants ne peuvent suffire à la condition requise par l’article 2 de la prédite loi modifiée du 28 mars 1972.

Il en découle que le prédit moyen d’annulation est fondé, et qu’il y a lieu de confirmer la décision ministérielle de refus.

L’acte d’appel étant partiellement fondé, il y a lieu à réformation du jugement entrepris.

Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges la Cour, statuant contradictoirement, dit l’acte d’appel du 23 février 2005 recevable en la forme, au fond, le dit partiellement fondé, réformant, dit le recours initial introduit par requête du 23 juillet 2004 non fondé et en déboute, condamne la partie intimée XXX XXX aux frais des deux instances.

Ainsi délibéré et jugé par Marion Lanners, présidente Christiane Diederich-Tournay, premier conseiller, rapporteur Carlo Schockweiler, conseiller et lu par la présidente Marion Lanners en l’audience publique au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête en présence du greffier en chef de la Cour Erny May.

le greffier en chef la présidente 4


Synthèse
Numéro d'arrêt : 19348C
Date de la décision : 28/04/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2005-04-28;19348c ?

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