La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/03/2005 | LUXEMBOURG | N°19402C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 10 mars 2005, 19402C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19402 C Inscrit le 28 février 2005

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

Audience publique du 10 mars 2005 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative - Appel -

(jugement entrepris du 24 février 2005, n° 19307 du rôle)

-----------------------------------------------------------------------------------------------------
>Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 19402C du rôle et déposée au greffe de la Cou...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19402 C Inscrit le 28 février 2005

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

Audience publique du 10 mars 2005 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative - Appel -

(jugement entrepris du 24 février 2005, n° 19307 du rôle)

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 19402C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 28 février 2005 par Maître Daniel Baulisch, avocat à la Cour, au nom de Monsieur …, né le … à … (Cap-Vert), de nationalité capverdienne, actuellement détenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 24 février 2005, par lequel il a déclaré non fondé le recours en réformation introduit contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 29 octobre 2004, notifiée le 10 février 2005, ordonnant son placement audit centre pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de la décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 3 mars 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le conseiller en son rapport, Maître Daniel Baulisch et Madame le délégué du Gouvernement Claudine Konsbruck en leurs plaidoiries respectives.

Par requête, inscrite sous le numéro 19307 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 février 2005, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 29 octobre 2004, notifiée le 10 février 2005, ordonnant son placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de ladite décision.

Par jugement rendu le 24 février 2005, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, a reçu le recours en réformation en la forme et, au fond, l’a déclaré non justifié et en a débouté l’actuel appelant.

Les premiers juges ont décidé que contrairement à l’argumentation développée par l’actuel appelant, aucune condition portant sur une absolue nécessité n’était exigée pour justifier une mesure de rétention administrative, que la décision de placement n’est pas basée sur une décision d’expulsion, qu’une mesure de refoulement pouvait valablement être prise à l’encontre de l’actuel appelant et qu’elle était de nature à justifier la mesure de rétention et qu’il existait une impossibilité d’éloigner l’actuel appelant vers son pays d’origine, à savoir le Cap-Vert, en raison du fait qu’il était démuni de toute pièce d’identité, de sorte qu’il était nécessaire de procéder à l’organisation de certaines formalités juridiques et pratiques afin d’assurer son rapatriement, celles-ci nécessitant un certain délai. Les premiers juges ont encore constaté qu’il a été procédé auxdites démarches dans un délai de trois jours ouvrables après le placement de l’étranger, conformément à la loi. Les premiers juges ont rejeté comme non fondés les moyens tirés de la violation de l’article 5 paragraphe 1er de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article 8 de la même convention, en ce qu’une mesure privative de liberté se justifie dans le cas de l’arrestation ou de la détention régulière d’une personne contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours, ces termes devant nécessairement englober celui d’expulsion en ce qu’il s’agit également d’une mesure d’éloignement du territoire et qu’une prétendue séparation de l’unité familiale par le fait de l’éloignement ne saurait être invoquée dans le cadre d’un recours visant exclusivement la décision de placement. Enfin, le tribunal a rejeté le moyen basé sur le caractère prétendument disproportionné de la décision litigieuse, en l’absence d’arguments concrets tenant à la situation spécifique de l’actuel appelant.

En date du 28 février 2005, Maître Daniel Baulisch, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel en nom et pour compte de Monsieur …, inscrite sous le numéro 19402C du rôle, par laquelle la partie appelante sollicite la réformation du premier jugement.

A l’appui de sa requête d’appel, l’appelant souligne que la sœur ainsi que l’époux de celle-ci et son frère résideraient de manière régulière au Grand-Duché de Luxembourg et qu’il serait autorisé à séjourner « dans un premier temps » auprès de sa sœur « en attendant la régularisation administrative de son séjour au Grand-

Duché de Luxembourg ». Il reproche au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration d’avoir mis plus de trois mois pour l’informer de son séjour irrégulier au Luxembourg et il soutient que ce délai ne pourrait pas être considéré comme étant un délai raisonnable dans lequel l’administration aurait dû agir. Il se réfère dans ce contexte aux articles 10 et 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes en argumentant qu’au cas où l’administration l’aurait averti « immédiatement » de son « problème d’autorisation de séjour », il aurait pu de sa propre initiative régulariser sa situation, de sorte que du fait que le ministre compétent aurait omis de l’informer dans un délai raisonnable de son intention de le refouler à l’étranger, le tribunal administratif n’aurait pas été en droit de déclarer son recours en réformation non justifié.

Dans son mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 3 mars 2005, le délégué du Gouvernement conclut à la confirmation du jugement entrepris.

Il conclut plus particulièrement au caractère inapplicable de l’article 9 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979, au motif que la décision critiquée n’a pas modifié ou révoqué une décision ayant antérieurement reconnu des droits à l’appelant. Il rappelle dans ce contexte que l’appelant se trouvait en situation irrégulière au Luxembourg depuis le 6 mai 2002, date à laquelle sa carte d’identité d’étranger avait perdu sa validité. Ce fait ressort d’ailleurs d’un procès-verbal établi par la police grand-ducale le 23 novembre 2003.

La requête d’appel est recevable pour avoir été introduite dans les formes et délai prévus par la loi.

En vertu de l’article 15, paragraphe (1) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, lorsque l’exécution d’une mesure d’expulsion ou de refoulement en application des articles 9 ou 12 de la même loi est impossible en raison des circonstances de fait, l’étranger peut, sur décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, être placé dans un établissement approprié à cet effet pour une durée maximale d’un mois.

En l’espèce, force est de constater qu’il se dégage du dossier administratif et des éléments d’appréciation soumis à la Cour que le ministre a pris le 29 octobre 2004 une mesure de rétention à l’égard de l’appelant qui, à ce moment – et encore à l’heure actuelle –, se trouve en séjour irrégulier au pays, étant relevé qu’il est dépourvu d’un titre de voyage ou de séjour valable et qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels.

Il remplit partant les conditions telles que prévues par l’article 12 de la loi précitée du 28 mars 1972 pour qu’une mesure de refoulement ait pu être prise à son encontre, étant rappelé qu’aucune disposition législative ou réglementaire ne détermine la forme d’une décision de refoulement, celle-ci étant censée avoir été prise par le ministre compétent à partir du moment où les conditions de forme et de fond justifiant un refoulement sont remplies et où, par la suite, une mesure de placement a été décidée à l’encontre de l’intéressé. En effet, une telle décision de refoulement est nécessairement sousjacente à la décision de mise à la disposition du Gouvernement à partir du moment où il n’existe pas d’arrêté d’expulsion.

En l’espèce, il n’est pas contesté par l’appelant qu’une mesure de refoulement pouvait valablement être prise à son encontre et que celle-ci a été de nature à justifier la mesure de rétention litigieuse, de sorte que cette dernière se trouve être justifiée, en l’absence d’une critique soulevée par l’appelant en instance d’appel à l’encontre de la décision des premiers juges quant à la validité de la mesure de rétention administrative.

Les critiques soulevées par l’appelant tendent en substance à critiquer, sans toutefois la nommer, la décision de refoulement, non visée par le recours dont se trouve actuellement saisie la Cour administrative, de sorte que celle-ci ne saurait y prendre position, dans la mesure où il semble vouloir s’opposer à l’exécution d’une mesure d’éloignement du territoire en prétendant pouvoir être hébergé par sa soeur qui résiderait légalement au Luxembourg « en attendant la régularisation administrative de son séjour au Grand-Duché de Luxembourg ».

En deuxième lieu, en ce qui concerne le reproche de l’appelant suivant lequel le ministre ne l’a pas informé en temps utile de ce qu’il se trouvait en séjour irrégulier au Luxembourg, ce qui l’aurait mis dans l’impossibilité de régulariser en temps utile sa situation administrative, il échet tout d’abord de relever qu’il n’existe aucune obligation dans le chef du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration d’avertir des personnes se trouvant sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg de leur séjour irrégulier. En l’espèce, l’appelant ne pouvait d’ailleurs ignorer depuis l’expiration de sa carte d’identité d’étranger en date du 6 mai 2002, qu’il se trouvait depuis cette date et jusqu’à la date de ce jour, en situation irrégulière au Luxembourg, ce qui n’est pas contesté en cause.

En outre, la notification prétendument tardive, au jour de la libération de l’appelant du Centre pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig, où il se trouvait en détention préventive dans le cadre de poursuites dirigées contre lui du chef d’infractions de droit commun, ne saurait porter à conséquence quant à la légalité et au bien-fondé de la mesure de rétention administrative décidée à son encontre par le ministre compétent.

Enfin, s’il est vrai que contrairement à l’argumentation du délégué du Gouvernement, la mesure de rétention administrative litigieuse rentre dans le champ d’application de l’article 9 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979, en ce qu’il s’agit d’une décision prise par le ministre compétent en dehors d’une initiative de la partie concernée, il n’en demeure pas moins que comme par définition il y a « péril en la demeure », conformément à l’article 9, alinéa 1er, précité, en ce qu’en matière de rétention administrative, le ministre ne saurait avoir l’obligation d’informer, avant la prise de la décision afférente, la partie concernée de son intention, puisque celle-ci risquerait de s’y soustraire en rendant ainsi l’exécution d’une telle mesure impossible, une violation dudit article 9 ne saurait être retenue en l’espèce.

En l’absence de toute argumentation de la part de l’appelant tendant à établir une quelconque violation de l’article 10 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979, la Cour se trouve dans l’impossibilité de prendre position par rapport à ce moyen non autrement explicité.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que la requête d’appel du 28 février 2005 est à déclarer non fondée et que le jugement entrepris du 24 février 2005 est à confirmer.

Par ces motifs, La Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit la requête d’appel du 28 février 2005 en la forme ;

au fond la dit non justifiée et en déboute ;

partant confirme le jugement entrepris du 24 février 2005 dans toute sa teneur;

condamne l’appelant aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par :

Christiane Diederich-Tournay, premier conseiller, Marc Feyereisen, conseiller Carlo Schockweiler, conseiller, rapporteur, et lu par le premier conseiller en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie Wiltzius.

le greffier le premier conseiller 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 19402C
Date de la décision : 10/03/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2005-03-10;19402c ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award