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10/03/2005 | LUXEMBOURG | N°18918C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 10 mars 2005, 18918C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 18918 C Inscrit le 29 novembre 2004

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Audience publique du 10 mars 2005 Recours formé par Monsieur XXX XXX contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 27 octobre 2004, n° 18025 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite

sous le numéro 18918C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 29 novem...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 18918 C Inscrit le 29 novembre 2004

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Audience publique du 10 mars 2005 Recours formé par Monsieur XXX XXX contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 27 octobre 2004, n° 18025 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 18918C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 29 novembre 2004 par Maître Louis Tinti, avocat à la Cour, au nom de Monsieur XXX XXX, né le 25 mai 1984 à Pec (Kosovo/Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-XXX, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 27 octobre 2004, par lequel il a déclaré non fondé le recours en réformation introduit contre une décision du ministre de la Justice du 19 janvier 2004 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que contre une décision confirmative du même ministre du 5 avril 2004 prise sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 8 décembre 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le conseiller en son rapport, Maître Louis Tinti et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc Mathekowitsch en leurs plaidoiries respectives.

Par requête, inscrite sous le numéro 18025 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 5 mai 2004, Monsieur XXX XXX a fait introduire un recours tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 19 janvier 2004 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 5 avril 2004, prise sur recours gracieux.

Par jugement rendu le 27 octobre 2004, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, a reçu le recours en réformation en la forme et, au fond, l’a déclaré non justifié et en a débouté Monsieur XXX.

Les premiers juges ont justifié leur décision en retenant que l’actuel appelant, déclarant être originaire du Kosovo, de confession musulmane et appartenir à la minorité des bochniaques, n’a pas établi que les incidents dont il a fait état et concernant des agressions non autrement détaillées dont il aurait été victime de la part d’Albanais en raison du fait que ses frères auraient été à l’armée et une tentative d’enlèvement, non autrement précisée dans le temps, au cours de laquelle deux Albanais se seraient rendus à son domicile pour y rechercher des armes détenues par son père, ont été commis à cause de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, de sorte qu’ils ne sauraient être retenus comme motifs de persécution au sens de la Convention de Genève. Les premiers juges ont encore retenu que l’actuel appelant reste en défaut de soumettre un quelconque élément concret de nature à établir une éventuelle crainte de persécution en raison de son appartenance à la minorité des bochniaques. En conclusion, ils ont retenu dans le chef de l’appelant un sentiment général d’insécurité qui ne saurait, à lui seul, fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève.

En date du 29 novembre 2004, Maître Louis Tinti, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel en nom et pour compte de Monsieur XXX XXX, inscrite sous le numéro 18918C du rôle, par laquelle la partie appelante sollicite la réformation du premier jugement.

A l’appui de sa requête d’appel, l’appelant reproche aux premiers juges d’avoir fait une appréciation erronée des faits leur soumis, en ce que notamment les intimidations répétées par arme à feu, ainsi que la tentative d’enlèvement dont il aurait fait l’objet, constitueraient l’expression d’une menace grave, de sorte à justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef, d’autant plus que les autorités actuellement en place dans son pays d’origine seraient incapables à imposer l’ordre public. Il ajoute que les agressions qui auraient été commises à son encontre seraient justifiées par le fait que ses frères auraient été à l’armée en combattant du côté des Serbes au cours du dernier conflit armé ayant eu lieu au Kosovo.

Dans son mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 8 décembre 2004, le délégué du Gouvernement conclut à la confirmation du jugement entrepris.

La requête d’appel est recevable pour avoir été introduite dans les formes et délai prévus par la loi.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Il échet tout d’abord de constater que, saisies d’un recours en réformation dirigé contre une décision rendue en matière de statut de réfugié, les juridictions administratives sont appelées à examiner le bien-fondé et l’opportunité des décisions querellées à la lumière de la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance du demandeur d’asile. En ce qui concerne cette situation actuelle, il est constant en cause que, suite au départ de l’armée fédérale yougoslave et des forces de police dépendant des autorités serbes du Kosovo, une force armée internationale, agissant sous l’égide des Nations Unies, s’est installée sur ce territoire, de même qu’une administration civile, placée sous l’autorité des Nations Unies, y a été mise en place.

Il échet encore de relever qu’en ce qui concerne la situation des membres des minorités au Kosovo, et notamment de celle des bochniaques, à laquelle l’appelant déclare appartenir, s’il est vrai que leur situation générale est difficile et qu’ils sont particulièrement exposés à subir des insultes, voire d’autres discriminations ou agressions par des groupes de la population, et notamment du groupe majoritaire des Albanais, elle n’est cependant pas telle que tout membre de la minorité ethnique visée serait de ce seul fait exposé à des persécutions au sens de la Convention de Genève, étant entendu qu’une crainte de persécution afférente doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur d’asile risque de subir des traitements discriminatoires.

En ce qui concerne la situation personnelle de l’appelant, il échet de confirmer les premiers juges dans leur analyse suivant laquelle l’appelant est resté en défaut de soumettre aux juridictions administratives un quelconque élément concret de nature à établir dans son chef une éventuelle crainte de persécution résultant de son appartenance à la minorité bochniaque. Pour le surplus, en ce qui concerne ses craintes de faire l’objet de persécutions de la part d’Albanais en raison de la participation de ses frères à « l’armée », sans fournir davantage de précisions à ce sujet, il échet de constater que les craintes afférentes exposées par l’appelant s’analysent tout au plus en un sentiment général d’insécurité lequel ne saurait fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève.

Il s’ensuit que c’est à bon droit que le tribunal administratif a déclaré non fondé le recours en réformation dirigé contre les décisions ministérielles incriminées, de sorte que la requête d’appel n’est pas fondée et que le jugement entrepris du 27 octobre 2004 est à confirmer.

Par ces motifs, La Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

reçoit la requête d’appel du 29 novembre 2004 en la forme ;

la dit cependant non fondée et en déboute ;

partant confirme le jugement entrepris du 27 octobre 2004 dans toute sa teneur ;

condamne l’appelant aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par :

Marion Lanners, présidente, Christiane Diederich-Tournay, premier conseiller, Carlo Schockweiler, conseiller, rapporteur, et lu par la présidente en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier en chef de la Cour Erny May.

le greffier en chef la présidente 4


Synthèse
Numéro d'arrêt : 18918C
Date de la décision : 10/03/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2005-03-10;18918c ?

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