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08/03/2005 | LUXEMBOURG | N°18809C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 08 mars 2005, 18809C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 18809 C Inscrit le 4 novembre 2004

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Audience publique du 8 mars 2005 Recours formé par …, … contre un arrêté grand-ducal en matière de promotion - Appel -

(jugement entrepris du 27 septembre 2004, n° 17932 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 18909C du

rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 4 novembre 2004 par Maître Jean Kauff...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 18809 C Inscrit le 4 novembre 2004

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Audience publique du 8 mars 2005 Recours formé par …, … contre un arrêté grand-ducal en matière de promotion - Appel -

(jugement entrepris du 27 septembre 2004, n° 17932 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 18909C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 4 novembre 2004 par Maître Jean Kauffman, avocat à la Cour, au nom de …, premier commissaire principal affecté au service de police judiciaire, demeurant à L-…, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif en date du 27 septembre 2004, par lequel il s’est déclaré incompétent pour connaître du recours en réformation et à déclaré non justifié le recours tendant à l’annulation d’un arrêté grand-ducal du 6 février 2004 portant refus de sa demande de nomination au grade P10 de commissaire divisionnaire adjoint de la police avec effet à partir du 1er novembre 2002 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement Marc Mathékowitsch déposé au greffe de la Cour administrative le 23 novembre 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le vice-président en son rapport, Maître Jean Kauffman et le délégué du Gouvernement Gilles Roth en leurs observations orales.

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Par requête déposée au greffe de la Cour le 4 novembre 2004, …, premier commissaire principal affecté au service de police de judiciaire, demeurant à L-…, a déclaré relever appel d’un jugement du tribunal administratif du 27 septembre 2004 par lequel le tribunal administratif s’est déclaré incompétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre un arrêté grand-ducal du 6 février 2004 refusant à … l’avancement au grade P10 de commissaire divisionnaire adjoint et a déclaré non fondé le recours en ce qu’il tendait à l’annulation de la même décision.

Le jugement dont appel a retenu en substance que c’était à bon droit que la demande de promotion a été refusée sur base de la disposition transitoire introduite par la loi du 22 décembre 2000 à l’article 98 de la loi du 31 mai 1999 sur la Police et l’Inspection générale de la Police, disposition qu’il y aurait lieu d’appliquer en l’espèce à l’exclusion des dispositions générales d’avancement dans les grades du cadre ouvert portées par la législation de droit commun.

Le jugement a encore retenu, par référence à la jurisprudence de la Cour Constitutionnelle, que l’application du texte visé ne se heurterait pas au principe constitutionnel d’égalité tel que défini à l’article 10bis de la Constitution.

L’appelant conclut à la réformation du jugement et à l’annulation de l’arrêté grand-ducal déféré avec renvoi à l’autorité compétente.

L’appelant soutient qu’il y aurait lieu à application de l’article 83A4 de la loi précitée du 31 mai 1999 qui prévoit un avancement aux grades A9 et P10 après 3 et 6 années de grade à partir de la première nomination, le tribunal ayant à tort appliqué en cause l’article 98 dont l’objet ne serait pas celui de la décision en cause.

Il est conclu à titre subsidiaire, sans que des motifs spéciaux ne seraient indiqués, à la réformation de l’arrêté grand-ducal du 6 février 2004.

A titre plus subsidiaire, il est conclu à voir saisir la Cour Constitutionnelle d’une question préjudicielle sur la conformité des alinéas 1 et 5 de la loi précitée du 31 mai 1999 avec l’article 10bis de la Constitution.

En son mémoire du 23 novembre 2004, le délégué du Gouvernement conclut à la confirmation du jugement pour les motifs y retenus et par référence à son mémoire de première instance.

Considérant que l’appel est recevable pour être intervenu dans les formes et délai de la loi ;

Considérant que le jugement dont appel a déclaré non fondé le recours en annulation dirigé par l’appelant contre l’arrêté grand-ducal qui lui a refusé la promotion au grade P 10 qu’il avait sollicitée sur base de l’article 12 de la loi modifiée du 28 mars 1986 sur les conditions d’harmonisation des modalités d’avancement dans les différentes carrières des administrations et services de l’Etat et à laquelle il soutenait avoir droit comme ayant eu 3 ans d’ancienneté dans le grade P 9 et 6 ans de service depuis sa nomination définitive ;

Considérant que le jugement est critiqué et que les parties sont en désaccord sur la question de savoir s’il y a lieu à application de l’article 83A4 de la loi du 31 mai 1999 sur la Police et l’Inspection Générale de la Police ou alors de la disposition transitoire contenu à l’article 98 de la même loi, l’article 83A4 qui dispose, en amendant l’article 12 de la loi précitée du 28 mars 1986 que « la promotion aux grades P9 et P10 se fait respectivement après 3 et 6 ans de grade après la première nomination » et l’article 98, dans la teneur lui donnée par l’amendement contenu à l’article 55 de la loi budgétaire du 22 décembre 2000, qui porte que « …les fonctionnaires de l’ancienne carrière du commissaire-enquêteur (à laquelle appartenait l’appelant) si, après six ans de bons et loyaux services depuis leur nomination définitive, ils n’ont pas atteint le grade P10, bénéficient d’un avancement en traitement correspondant à ce grade » ;

Considérant que l’appelant conclut à se voir appliquer les dispositions de l’article 83 de la loi desquelles il conclut à son droit de bénéficier d’un avancement en grade alors que le tribunal a fait application de l’art 98 en vertu duquel les fonctionnaires ayant la fonction de commissaire-enquêteur du moment de l’entrée en vigueur de la loi sont placés hors cadre et bénéficient, à défaut d’avancement en grade conditionné par un avancement de l’agent auquel ils se trouvent rattachés, d’un avancement en traitement correspondant à l’avancement en grade prévu à l’article 83 ;

Considérant que la combinaison des textes respectivement contenus aux article 83 et 98, il s’impose de conclure que l’article 83 dispose pour l’avenir et a vocation à s’appliquer à la généralité des promotions, alors que l’article 98, en tant que disposition transitoire, a vocation à s’appliquer, par dérogation au régime général des avancements, aux agents qu’il vise particulièrement et expressément, spécialement aux commissaires-enquêteurs desquels a fait partie l’appelant, et à l’égard desquels a été prise la disposition transitoire en son ensemble et l’amendement à travers la loi budgétaire pour l’année 2001 en particulier ;

que c’est dès lors à juste titre que le jugement dont appel a déclaré que la situation de … relève de la disposition transitoire et spécialement l’article 98, paragraphe 5 alinéa 2 y apporté par l’amendement susvisé ;

Considérant que l’appelant reprend à titre subsidiaire ses contestations concernant le caractère constitutionnel des dispositions de l’article 98 paragraphe 5 de la loi eu égard au principe d’égalité consacré par l’article 10 bis de la Constitution ;

que le moyen vise plus particulièrement la différence de traitement entre les anciens commissaires-enquêteurs et ceux nommés sous l’empire de la nouvelle loi alors que les premiers nommés bénéficieraient des avancements automatiques en grade dans le cadre ouvert alors que les autres ne bénéficieraient, à défaut d’avancement en grade corrélatif à l’avancement de leur agent de rattachement, que d’un avancement en traitement ;

Considérant que l’appelant conclut à voir saisir la Cour Constitutionnelle d’une question préjudicielle au sujet de la constitutionnalité des dispositions de l’article 98 paragraphe 5 de la la loi ;

Considérant que le tribunal, devant lequel la même question de la constitutionnalité était soulevée a dit n’y avoir lieu à saisine de la Cour Constitutionnelle en retenant que, par référence à l’arrêt 9/2000 du 5 mai 2000 de la Cour Constitutionnelle « le législateur peut, sans violer le principe constitutionnel de l’égalité, soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux différents à condition que la différence instituée procède de disparités objectives, qu’elle soit rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée à son but (Cour Constitutionnelle, arrêt 9/00 du 5 mai 2000, Mémorial A 40 du 30 mai 2000, page 948) » ;

qu’à l’appui de sa décision de ne pas saisir la Cour Constitutionnelle, le tribunal a retenu que « la loi modifiée du 31 mai 1999 ayant porté fusion des corps de la police et de la gendarmerie, en ce qu’elle suit en l’occurrence un objectif d’étalement raisonnable des carrières, sans engorgement inadéquat de celles-ci, tout en prévoyant à titre de correctif plus spécifiquement pour l’ensemble des anciens commissaires-enquêteurs des avancements en traitement dans l’hypothèse précise d’un avancement en grade postposé en raison de la mise hors cadre, par rapport à celui qui aurait pu avoir lieu suivant le droit commun, répond in globo aux conditions précitées justifiant une inégalité de traitement d’une catégorie de personnes sur base des critères précités dégagés par la Cour Constitutionnelle, sans qu’il n’y ait lieu pour le tribunal de saisir d’office la juridiction d’une question préjudicielle afférente ; » Considérant que cette façon de voir est critiquée par l’appelant qui soutient que le tribunal administratif aurait fait abstraction de ce que la règle constitutionnelle d’égalité supposerait que les personnes entre lesquelles une discrimination est alléguée se trouvent dans une situation comparable au regard de la mesure critiquée et que ce serait à tort que le tribunal administratif aurait justifié la rupture de l’égalité par des critères pratiques tenant exclusivement à la « commodité administrative » ;

Considérant que s’il est bien vrai que la jurisprudence constitutionnelle à laquelle s’est référé le jugement dont appel est bien établie, la Cour n’en estime pas moins, la décision sur la question qui conditionne l’applicabilité en cause de l’article 98 de la loi du 31 mai 1999 étant nécessaire pour rendre l’arrêt sur le fond et la question telle que formulée n’étant pas dénuée de tout fondement, que l’appréciation si la situation de différentes catégories de personnes est comparable, si les différences établies par un texte de loi créant des différences de traitement reposent sur une disparité objective, est rationnellement justifiée, adéquate et proportionnelle à son but ne relève pas de la juridiction ordinaire, mais bien de la juridiction constitutionnelle;

que le fait que la Cour Constitutionnelle ait, à plusieurs reprises, affirmé les critères généraux de l’application correcte du principe d’égalité se dégageant de l’article 10bis de la Constitution, n’est pas de nature à mettre la juridiction appelée à appliquer un texte de loi en situation de décider si les critères constitutionnels permettant un traitement différencié dans des situations comparables sont remplis, ni si les situations litigieuses créées par le législateur sont comparables au sens de la jurisprudence constitutionnelle ;

Considérant qu’il y a dès lors lieu de surseoir sur le recours en annulation et de poser à la Cour Constitutionnelle la question préjudicielle telle que formulée par l’appelant et reprise au dispositif du présent arrêt ;

Considérant que pour les raisons énoncées au jugement dont appel que la Cour adopte, le juge administratif est incompétent pour connaître du recours en ce qu’il tend à la réformation de la décision du 6 février 2004 ;

Par ces motifs la Cour, statuant contradictoirement, sur le rapport de son vice-président, reçoit l’appel en la forme , confirme le jugement en ce qu’il a retenu l’incompétence de la juridiction administrative pour connaître du recours en réformation ;

vu l’article 6 de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle, avant de statuer sur le recours en ce qu’il tend à l’annulation de la décision déférée, surseoit à statuer et soumet à la Cour Constitutionnelle la question préjudicielle suivante :

En tant que l’article 98, paragraphes 1 et 5 de la loi du 31 mai 1999 portant création d’un corps de Police Grande-Ducale et d’une Inspection Générale de la Police, loi complétée par l’article 55 de la loi du 22 décembre 2000 concernant le budget des recettes et des dépenses de l’Etat, en ce que ces textes placent hors cadre les commissaires-enquêteurs en exercice lors de l’entrée en vigueur de la prédite loi, en ce que les fonctionnaires de l’ancienne carrière du commissaire-enquêteur n’ont pas atteint le grade P10 au bout de six années de bons et loyaux services et ne bénéficient alors que d’un avancement en traitement correspondant au grade P10, ledit article en ce qu’il introduit une discrimination au niveau de la carrière du commissaire-enquêteur entre les anciens commissaires-enquêteurs et ceux qui sont nouvellement recrutés sous le nouveau régime, tout comme pour ce qui concerne les anciens commissaires-enquêteurs par rapport aux autres professions visées par la loi du 31 mai 1999 qui bénéficient de l’avancement dans le cadre ouvert conformément à l’article 12, paragraphe 4, al.2 de la loi modifiée du 28 mars 1986 portant harmonisation des conditions et modalités d’avancement, est-il conforme à l’article 10bis, al.1 de la Constitution qui dispose que les Luxembourgeois sont égaux devant la loi ?;

fixe l’affaire au rôle général, réserve les frais.

Ainsi délibéré et jugé par Jean Mathias Goerens, vice-président, rapporteur Marc Feyereisen, conseiller, Carlo Schockweiler, conseiller et lu par le conseiller Marc Feyereisen, délégué à cette fin, en l’audience publique au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête en présence du greffier de la Cour Anne-Marie Wiltzius.

le greffier le vice-président 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 18809C
Date de la décision : 08/03/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2005-03-08;18809c ?

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