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03/03/2005 | LUXEMBOURG | N°19244C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 03 mars 2005, 19244C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19244 C Inscrit le 3 février 2005

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Audience publique du 3 mars 2005 Recours formé par Madame Xxx xxx contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 12 janvier 2005, n° 18980 du rôle)

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Vu la

requête d’appel, inscrite sous le numéro 19244C du rôle et déposée au greffe de la Cour adm...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19244 C Inscrit le 3 février 2005

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Audience publique du 3 mars 2005 Recours formé par Madame Xxx xxx contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 12 janvier 2005, n° 18980 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 19244C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 3 février 2005 par Maître Yvette Ngono Yah, avocat à la Cour, au nom de Madame Xxx xxx, née le 4 décembre 1982 à Kegebi (Ghana), de nationalité ghanéenne, demeurant actuellement à L-XXX, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif en date du 12 janvier 2005, par lequel le tribunal s’est déclaré incompétent pour connaître du recours en réformation introduit contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 7 octobre 2004, par laquelle sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié a été déclarée manifestement infondée et a déclaré non fondé le recours en annulation dirigé contre la même décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 21 février 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le conseiller en son rapport, Maître Yvette Ngono Yah et Madame le délégué du Gouvernement Jacqueline Jacques en leurs observations orales.

Par requête, inscrite sous le numéro 18980 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 13 décembre 2004, Madame Xxx xxx a fait introduire un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 7 octobre 2004, par laquelle sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié a été déclarée manifestement infondée.

Par jugement rendu le 12 janvier 2005, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, s’est déclaré incompétent pour connaître du recours en réformation, a reçu le recours en annulation en la forme et, au fond, l’a déclaré non justifié et en a débouté Madame XXX.

Le tribunal a justifié sa décision en estimant qu’une demande d’asile basée exclusivement sur des motifs d’ordre personnel et familial ou sur un sentiment général d’insécurité sans faire état d’un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève est à considérer comme manifestement infondée. Il a retenu qu’en l’espèce, sur base des éléments se trouvant à sa disposition, l’actuelle appelante n’a manifestement pas établi, ni même allégué, des raisons personnelles suffisamment précises de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance, à savoir le Ghana. Il a en effet constaté que l’actuelle appelante n’a exprimé que des problèmes d’ordre familial, ainsi que des problèmes liés à une criminalité de droit commun, de sorte à ne pas avoir invoqué un motif susceptible de rentrer dans le champ d’application de la Convention de Genève.

En date du 3 février 2005, Maître Yvette Ngono Yah, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel en nom et pour compte de Madame Xxx xxx, inscrite sous le numéro 19244C du rôle, par laquelle la partie appelante sollicite la réformation du premier jugement.

A l’appui de sa requête d’appel, l’appelante reproche aux premiers juges de ne pas avoir fait droit à ses conclusions telles qu’exposées en première instance, en soutenant qu’en tant que personne originaire du Ghana, elle pourrait à bon droit craindre y faire l’objet de persécutions au sens de la Convention de Genève, en raison des nombreux viols et persécutions qu’elle y aurait subis dans le passé, en insistant plus particulièrement sur le fait que les autorités de police seraient restées totalement indifférentes à la suite de ses tentatives de porter plainte contre les auteurs de ces actes. Elle estime partant risquer des persécutions en sa qualité de femme, partant de membre d’un groupe social, de sorte qu’elle pourrait valablement solliciter la reconnaissance du statut de réfugié. Elle ajoute encore que l’Etat du Ghana ne serait pas en mesure d’assurer la survie des femmes se trouvant sans ressources et livrées à elles-mêmes. Elle conteste enfin que sa demande d’asile soit basée sur des motifs d’ordre personnel et familial, alors qu’elle serait fondée sur le défaut de protection de la part des autorités de son pays d’origine pour y assurer sa sécurité.

Dans son mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 21 février 2005, le délégué du Gouvernement conclut à la confirmation du jugement entrepris, en ajoutant que s’il est vrai que dans certaines hypothèses le seul fait d’être de sexe féminin et d’être ressortissante de certains pays d’origines, peut être considéré comme étant suffisant pour justifier une crainte légitime de persécution au sens de la Convention de Genève, en raison du traitement réservé aux femmes dans ces pays, tel ne saurait être le cas en l’espèce, puisque l’actuelle appelante a seulement basé sa demande d’asile sur des considérations d’ordre personnel et n’a pas fait valoir en quoi elle serait persécutée dans son pays d’origine par le seul fait d’être une femme. Il précise encore que les viols dont a fait état l’appelante sont à considérer comme des crimes de droit commun qui ne sauraient, en tant que tels, constituer l’expression d’une volonté délibérée de persécution de la part des autorités de son pays d’origine.

La requête d’appel est recevable pour avoir été introduite dans les formes et délai prévus par la loi.

Aux termes de l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de craintes de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

Une demande d’asile basée exclusivement sur des motifs d’ordre personnel et familial, sur un sentiment général d’insécurité ou sur des faits ayant trait à une criminalité de droit commun sans faire état d’un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécutions au sens de la Convention de Genève est à considérer comme manifestement infondée.

C’est à bon droit que les juges de première instance ont décidé qu’au regard des faits et motifs invoqués par l’appelante à l’appui de sa demande d’asile, tels qu’ils se dégagent du rapport d’audition de l’appelante par un agent du ministère de la Justice en date du 5 octobre 2004, ainsi que de sa requête d’appel, force est de constater que l’appelante n’a manifestement pas établi, ni même allégué, des raisons personnelles suffisamment précises de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance. – En effet, il appert des explications fournies par l’appelante au cours de son audition précitée qu’elle déclare avoir quitté son pays d’origine exclusivement pour des motifs économiques, des motifs de convenance personnelle ainsi que pour échapper à des faits liés à la criminalité de droit commun. A ce sujet, il échet de relever que l’appelante a indiqué audit agent qu’elle aurait eu des problèmes avec sa mère adoptive qui l’aurait battue et maltraitée, que par la suite elle aurait vécu dans la rue sans domicile fixe et qu’elle aurait été obligée de mendier pour avoir de l’argent afin d’être en mesure de s’acheter de la nourriture, qu’elle aurait été attaquée dans la rue par trois garçons qui l’auraient violée et enfin, qu’elle aurait été séquestrée par un homme qui l’aurait violée à de nombreuses reprises. Interrogée sur la question de savoir pour quelles raisons elle avait quitté son pays d’origine, elle a indiqué qu’elle ne s’y serait pas sentie en sécurité, qu’elle aurait été violée et qu’elle n’aurait eu aucun endroit pour dormir, de sorte qu’elle aurait été obligée de dormir dans la rue, de se lever le matin et de « vendre » en vue d’être en mesure d’acheter de la nourriture. Enfin, interrogée sur la question de savoir si elle avait fait l’objet de persécutions personnelles, elle a répondu par la négative.

Il s’ensuit que dans ces circonstances, la Cour est amenée à constater que l’appelante a exclusivement fait état de motifs d’ordre économique et personnel, ainsi que de motifs ayant trait à des faits liés à une criminalité de droit commun, qui ne sauraient, à eux seuls, suffire pour faire tomber une demande d’asile dans le champ d’application de la Convention de Genève.

Il suit des éléments qui précèdent que la demande d’asile sous examen ne repose sur aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, de sorte que c’est à bon droit que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a rejeté la demande d’asile de l’appelante comme étant manifestement infondée et que la requête d’appel sous analyse est à rejeter comme n’étant pas fondée.

Il suit encore des considérations qui précèdent que le jugement entrepris du 12 janvier 2005 est à confirmer.

Par ces motifs, La Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme la requête d’appel du 3 février 2005 ;

la dit cependant non fondée et en déboute ;

partant confirme le jugement entrepris du 12 janvier 2005 dans toute sa teneur;

condamne l’appelante aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par :

Marion Lanners, présidente Christiane Diederich-Tournay, premier conseiller, Carlo Schockweiler, conseiller, rapporteur, et lu par la présidente en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier en chef de la Cour Erny May.

le greffier en chef la présidente 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 19244C
Date de la décision : 03/03/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2005-03-03;19244c ?

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