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24/02/2005 | LUXEMBOURG | N°17817C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 24 février 2005, 17817C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 17817 C Inscrit le 30 mars 2004

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Audience publique du 24 février 2005 Recours formé par la société à responsabilité limitée XXX contre une décision du collège des bourgmestre et échevins de la commune de Luxembourg en présence de la société anonyme XXX en matière de permis de construire - Appel -

(jugement entrepris du 19 février 2004, n° 16516 du rôle)

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Vu la requête d’ap...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 17817 C Inscrit le 30 mars 2004

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Audience publique du 24 février 2005 Recours formé par la société à responsabilité limitée XXX contre une décision du collège des bourgmestre et échevins de la commune de Luxembourg en présence de la société anonyme XXX en matière de permis de construire - Appel -

(jugement entrepris du 19 février 2004, n° 16516 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 17817C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 30 mars 2004 par Maître Nicolas Bannasch, avocat à la Cour, au nom de la société à responsabilité limitée XXX, établie et ayant son siège social à L-XXX, représentée par son gérant actuellement en fonction, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif en date du 19 février 2004, par lequel il s’est déclaré incompétent pour connaître du recours principal en réformation et a déclaré irrecevable le recours subsidiaire en annulation introduit contre 1) un permis de construire délivré le 7 mars 2003 par le collège des bourgmestre et échevins de la Ville de Luxembourg à la société anonyme XXX pour la construction d’un immeuble d’habitation et de bureaux avec un laboratoire sur la parcelle sise xxx à Luxembourg ;

2) un accord de principe du 3 août 2001 du collège des bourgmestre et échevins de la Ville de Luxembourg concernant le même projet ;

3) une modification de l’accord de principe du 3 août 2001 émise le 20 mars 2002 par le collège des bourgmestre et échevins ;

Vu la signification de ladite requête d’appel par acte d’huissier Jean-Lou Thill à la date du 31 mars 2004 ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 23 avril 2004 par Maître Jean Medernach, avocat à la Cour, en nom et pour compte de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu la notification dudit mémoire en réponse par télécopieur à la date du 23 avril 2004 ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 6 mai 2004 par Maître Gaston Stein, avocat à la Cour, en nom et pour compte de la société anonyme XXX, établie et ayant son siège social à L-XXX, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonction ;

Vu la notification dudit mémoire en réponse par télécopieur à la date du 3 mai 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 21 mai 2004 par Maître Nicolas Bannasch, avocat à la Cour, en nom et pour compte de la société à responsabilité limitée XXX, préqualifiée ;

Vu la signification dudit mémoire en réplique par acte d’huissier Carlos Calvo à la date du 24 mai 2004 ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 21 juin 2004 par Maître Jean Medernach en nom et pour compte de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu la notification dudit mémoire en duplique par télécopieur à la date du 21 juin 2004 ;

Vu l’autorisation donnée par la Cour administrative en date du 21 septembre 2004 afin de permettre à la partie appelante à déposer de nouvelles pièces au greffe de la Cour, et à toutes les parties à l’instance à prendre position par rapport à ces pièces par des mémoires supplémentaires ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé le 6 octobre 2004 par Maître Gaston Stein, en nom et pour compte de la société anonyme XXX ;

Vu la notification dudit mémoire supplémentaire par télécopieur à la date du 4 octobre 2004 ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé le 20 octobre 2004 par Maître Nicolas Bannasch, en nom et pour compte de l’appelante ;

Vu la signification dudit mémoire supplémentaire par acte d’huissier Jean-Lou Thill à la date du 29 octobre 2004 ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé le 29 octobre 2004 par Maître Jean Medernach en nom et pour compte de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu la notification dudit mémoire supplémentaire par télécopieur à la date du 29 octobre 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le conseiller en son rapport, ainsi que Maître Eyal Grumberg, en remplacement de Maître Nicolas Bannasch, Maître Christian Point, en remplacement de Maître Jean Medernach, et Maître Astrid Bugatto, en remplacement de Maître Gaston Stein, en leurs plaidoiries respectives.

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Par requête, inscrite sous le numéro 16516 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 6 juin 2003, la société à responsabilité limitée XXX a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation 1) d’un permis de construire délivré le 7 mars 2003 par le collège des bourgmestre et échevins de la commune de Luxembourg à la société anonyme XXX pour la construction d’un immeuble d’habitation et de bureaux avec un laboratoire sur la parcelle sise XXX à Luxembourg ; 2) d’un accord de principe du 3 août 2001 du collège des bourgmestre et échevins de la commune de Luxembourg concernant le même projet ; 3) d’une modification de l’accord de principe du 3 août 2001 émise le 20 mars 2002 par le collège des bourgmestre et échevins.

Par jugement rendu le 19 février 2004, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, s’est déclaré incompétent pour connaître du recours principal en réformation et a déclaré le recours subsidiaire en annulation irrecevable.

Les premiers juges ont tout d’abord écarté le moyen d’incompétence des juridictions administratives pour trancher le présent litige, tel qu’invoqué par la Ville de Luxembourg, en décidant qu’au delà des contestations ayant été soulevées quant à l’identité du titulaire du droit de propriété des terrains visés par le permis de construire litigieux, celles-ci relevant des juridictions de l’ordre judiciaire, les juridictions administratives sont compétentes pour analyser la légalité d’un permis de construire qui constitue un acte administratif préalable afin de pouvoir ériger légalement une construction sur un terrain donné, sans que celui-ci n’emporte d’effet quant à la question du droit de propriété.

Quant à la recevabilité du recours en annulation, le tribunal a retenu un défaut d’intérêt à agir dans le chef de l’actuelle appelante, en ce que celle-ci est restée en défaut de soumettre au tribunal des éléments de nature à prouver sa qualité de propriétaire d’au moins un lot attenant directement à celui sur lequel la société XXX entend ériger le projet immobilier litigieux. En ce qui concerne un compromis d’échange versé par l’actuelle appelante, daté du 18 septembre 2003, en vertu duquel elle devient propriétaire du lot sur lequel le projet de construction de la société XXX est appelé à être construit, ainsi que de plusieurs lots situés dans le voisinage de ce dernier, les premiers juges ont constaté que ce compromis est postérieur à l’introduction du recours contentieux, de sorte qu’il n’a pas été pris en considération pour apprécier l’existence d’un intérêt à agir dans le chef de l’actuelle appelante. Les premiers juges ont encore constaté dans ce contexte que ce compromis comporte sous son point 7 une clause suspensive, en ce sens qu’il n’entre en vigueur qu’après que certaines conditions se trouvent réunies, ainsi qu’une clause résolutoire, suivant laquelle il devient caduc s’il n’est pas entré en vigueur dans les trois mois de l’approbation par les ministres compétents. Il se dégage encore du jugement que sur question afférente du tribunal, les parties à l’instance n’ont pas pu l’informer si le compromis en question est effectivement entré en vigueur.

En date du 30 mars 2004, Maître Nicolas Bannasch, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel en nom et pour compte de la société à responsabilité limitée XXX, inscrite sous le numéro 17817C du rôle, par laquelle la partie appelante sollicite la réformation du premier jugement.

A l’appui de sa requête d’appel, l’appelante réitère sa qualité de propriétaire d’un immeuble sis à XXX et fait état d’autres droits de propriété dont elle disposerait en vertu d’une offre du 1er octobre 1998 formulée par l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg et d’une acceptation du 2 décembre 1998, ayant eu pour conséquence que le groupe XXX, et plus particulièrement elle-même, seraient devenus propriétaires d’un certain nombre de terrains situés dans le périmètre du plan d’aménagement particulier de XXX, dont ferait notamment partie le terrain sur lequel la société anonyme XXX projetterait de réaliser des constructions telles qu’autorisées par la décision litigieuse. Elle estime encore être devenue propriétaire de terrains voisins et attenants au terrain devant accueillir la construction litigieuse envisagée par la société anonyme XXX. Elle fait encore valoir que l’offre précitée du 1er octobre 1998 aurait été concrétisée par la signature d’un compromis d’échange en date du 18 septembre 2003, qui porterait sur des terrains adjacents aux terrains concernés par l’autorisation de construire litigieuse, ledit compromis n’ayant toutefois pas pu produire les effets souhaités pour des raisons qui ne lui seraient pas imputables. La conséquence en serait qu’elle se retrouverait actuellement sous le régime de l’offre du premier octobre 1998 et de son acceptation en date du 2 décembre 1998, qui feraient actuellement l’objet de différentes procédures judiciaires qui n’auraient pas encore abouti. Elle estime partant qu’elle serait susceptible de devenir propriétaire du terrain visé par l’autorisation de construire, de sorte qu’elle devrait se voir reconnaître un intérêt à agir dans le cadre des procédures contentieuses initiées devant les juridictions administratives.

Elle estime encore que dans la mesure où elle serait directement concernée par la réalisation du plan d’aménagement particulier de XXX, elle aurait intérêt à faire vérifier que l’exécution dudit plan d’aménagement particulier se fait conformément à la loi et à la réglementation applicable. Elle invoque dans ce contexte non seulement les investissements auxquels elle a procédé en vue de la réalisation de ses projets situés à l’intérieur du plan d’aménagement particulier, mais également les nombreuses décisions de refus de délivrance de permis de construire au sujet des terrains dont elle déclare être propriétaire au sein dudit plan d’aménagement particulier.

Elle estime en outre avoir un intérêt à voir assurer que la Ville de Luxembourg observe de manière rigoureuse, et dans un souci de sécurité juridique, la procédure administrative mise en place par elle dans le cadre de la réalisation dudit plan d’aménagement particulier, en traitant de manière égalitaire tous les intéressés, en observant plus particulièrement les critères d’octroi respectivement de refus d’autorisations de construire d’une manière identique pour l’ensemble des propriétaires des terrains visés. Dans ce contexte, elle estime que l’administration communale de la Ville de Luxembourg n’aurait pas été en position de délivrer le permis de construire litigieux, étant donné que ce faisant, elle aurait violé ses propres procédures tendant à voir réaliser d’abord des opérations de remembrement puis de morcellement avant de délivrer les permis de construire individuels. Comme à la date de la requête d’appel, les opérations de remembrement et de morcellement n’auraient pas encore eu lieu, la Ville de Luxembourg n’aurait pas pu délivrer notamment le permis de construire litigieux et elle aurait violé sa pratique administrative antérieurement initiée et sur laquelle elle se serait basée antérieurement pour justifier des refus de délivrance de permis de construire.

L’appelante soutient enfin que le comportement de l’administration communale de la Ville de Luxembourg violerait le principe de sécurité juridique en traitant différemment des administrés se trouvant dans la même situation de fait. Elle aurait en effet favorisé un constructeur individuel au détriment des autres, en ne prenant pas en considération les contraintes qui résulteraient de l’opération immobilière de grande envergure concernée par la réalisation du plan d’aménagement particulier litigieux.

Quant au fond, l’appelante soutient dans ce contexte qu’en ce qui la concerne directement, elle se serait vue opposer, au cours des années 1991 à 2000, différents refus d’autorisations de bâtir préalables concernant des terrains dont elle serait propriétaire à l’intérieur du plan d’aménagement particulier XXX, de sorte qu’elle souhaite voir traiter de la même manière la société anonyme XXX, en estimant que l’administration communale de la Ville de Luxembourg aurait dû lui refuser le permis de construire sollicité par elle pour les mêmes motifs que ceux qui auraient été à la base des différents refus dont elle aurait fait l’objet au cours des années précitées.

Elle fait encore état de ce que la situation foncière aurait été très incertaine à la date de la délivrance de l’autorisation litigieuse et qu’elle resterait d’ailleurs incertaine jusqu’à l’exécution du remembrement.

Elle estime en outre qu’il serait à l’heure actuelle difficile de prévoir si les conditions attachées au permis de construire litigieux seraient susceptibles d’être réalisées à l’avenir en considération des problèmes qui resteraient encore à résoudre au niveau de l’exécution du plan d’aménagement particulier et des opérations de remembrement qui resteraient à être effectuées. Elle fait encore valoir que dans le passé, le bourgmestre de la Ville de Luxembourg aurait exigé comme condition à la base de la délivrance d’un permis de construire au sujet de l’un des terrains visés par le plan d’aménagement particulier XXX, que les plans de construction produits à l’appui d’une demande en autorisation de construire soient contresignés par tous les propriétaires « concernés », conformément à l’article 58.3 du règlement sur les bâtisses de la Ville de Luxembourg, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

Elle estime que la manière de procéder de la part des autorités communales aurait pour conséquence que la société anonyme XXX pourrait par la suite se soustraire aux obligations qui devraient normalement lui incomber en exécution du plan d’aménagement particulier, notamment dans le cadre des cessions de terrains pour la création des espaces verts et des espaces publics.

Enfin, elle soutient qu’au jour de la décision litigieuse, ainsi qu’au jour du dépôt de la requête d’appel, la société anonyme XXX n’aurait pas été propriétaire des terrains visés par le permis de construire litigieux, en signalant dans ce contexte que les parcelles en question feraient l’objet de procédures judiciaires afin de déterminer l’identité des propriétaires afférents, dont la Ville de Luxembourg aurait été informée à plusieurs reprises.

En date du 23 avril 2004, Maître Jean Medernach, avocat à la Cour, a déposé un mémoire en réponse en nom et pour compte de l’administration communale de la Ville de Luxembourg.

Après avoir conclu que c’est à bon droit que le tribunal administratif s’est déclaré incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation, elle fait conclure au défaut d’intérêt à agir dans le chef de la partie appelante, à analyser au jour du dépôt de la requête introductive d’instance, en soutenant que même à supposer que la qualité de voisin de l’appelante soit établie en cause, elle n’aurait pas établi une incidence concrète sur sa situation de prétendu voisin du fait de la délivrance du permis de construire litigieux. Pour le surplus, elle conteste que l’appelante soit propriétaire de plusieurs terrains et immeubles à Luxembourg – XXX, situés à l’intérieur du périmètre du plan d’aménagement particulier XXX et notamment de terrains avoisinant directement le terrain litigieux à propos duquel le permis de construire sous analyse a été délivré. Par ailleurs, elle relève à ce sujet que l’appelante a affirmé elle-même une hypothétique possibilité pour elle de devenir propriétaire du terrain appartenant à la société anonyme XXX et visé par le permis de construire litigieux, en soulignant qu’un tel intérêt purement éventuel et futur ne saurait justifier un intérêt suffisant pour agir en justice contre le permis de construire en question. Enfin, elle fait valoir qu’une prétendue attitude antérieure de sa part ne saurait être de nature à fonder un intérêt à agir dans le chef de l’appelante.

D’une manière générale, l’administration communale de la Ville de Luxembourg soutient que dans la mesure où le recours est dirigé « contre toutes autorisations de principe et toutes autres décisions préparatoires », il devrait être déclaré irrecevable, en ce qu’il manquerait de précision notamment en ce qui concerne l’identification des décisions et autorisations attaquées.

Quant au fond, elle relève que l’appelante serait en défaut d’indiquer quelles dispositions du plan d’aménagement particulier XXX auraient été violées en l’espèce, en se bornant à critiquer le fait que dans le passé, elle se serait vue opposer des refus de délivrance d’autorisations de construire au sujet de terrains dont elle serait propriétaire dans les limites du plan d’aménagement particulier litigieux. Elle lui reproche également de ne pas faire état d’une quelconque violation concrète du plan d’aménagement général et du règlement sur les bâtisses de la Ville de Luxembourg.

En ce qui concerne les problèmes ayant trait au morcellement de terrains, l’administration communale de la Ville de Luxembourg se réfère à la condition n° 23 de l’autorisation de bâtir litigieuse suivant laquelle une demande de morcellement devra être introduite, avant le commencement des travaux, afin de confirmer la configuration et les limites de la parcelle. A cet égard, elle relève qu’une telle autorisation de morcellement avait effectivement été délivrée le 9 septembre 2003 sous le numéro E216 et qu’elle a fait l’objet au jour du dépôt du mémoire en réponse d’une procédure contentieuse introduite devant le tribunal administratif.

Elle conteste encore que l’absence d’une opération de remembrement puisse valablement entraîner l’annulation du permis de construire litigieux, puisque le terrain en question serait situé « en limite intérieure du plan d’aménagement particulier de XXX », de sorte qu’il ne serait pas concerné par une éventuelle opération de remembrement.

Enfin, en ce qui concerne le problème ayant trait au droit de propriété de la société XXX sur le terrain litigieux, la Ville de Luxembourg conteste les affirmations de l’appelante suivant laquelle XXX ne serait pas propriétaire du terrain visé, en soulignant pour le surplus qu’elle ne serait en possession d’aucune pièce de nature à documenter les éventuelles procédures judiciaires intentées pour déterminer l’identité du propriétaire des parcelles en question.

En date du 6 mai 2004, Maître Gaston Stein, avocat à la Cour, agissant en nom et pour compte de la société anonyme XXX S.A., a déposé un mémoire en réponse au greffe de la Cour administrative. Il se rallie aux développements fournis par la Ville de Luxembourg dans son mémoire en réponse en insistant plus particulièrement sur le défaut d’intérêt à agir dans le chef de la partie appelante.

En date du 21 mai 2004, un mémoire en réplique a été déposé au greffe de la Cour administrative. L’appelante y prend à nouveau position quant à son intérêt à agir, en estimant que sa qualité de propriétaire d’un immeuble situé à Luxembourg, XXX, n’aurait pas été mise en doute par les autres parties à l’instance, en soulignant qu’en ce qui concerne des parcelles voisines au terrain devant accueillir la construction telle qu’autorisée par le permis de construire litigieux, elle aurait introduit des actions judiciaires par lesquelles elle tendrait à devenir propriétaire non seulement d’un certain nombre de terrains voisins du terrain litigieux mais également du terrain litigieux lui-même. Elle souligne dans ce contexte qu’un acte d’échange aurait été conclu avec l’Etat en date du 21 mai 2004, par lequel elle deviendrait non seulement propriétaire des parcelles voisines à celle sur laquelle la construction litigieuse a été autorisée, mais qu’elle aurait également qualité pour demander l’expropriation de la parcelle litigieuse.

Pour le surplus, elle conteste que les développements soumis à la Cour par les parties adverses puissent mettre en doute ses raisonnements tels qu’inclus dans la requête d’appel.

Un mémoire en duplique a été déposé en nom et pour compte de l’administration communale de la Ville de Luxembourg au greffe de la Cour administrative le 21 juin 2004. Elle estime que même les informations supplémentaires développées par la partie appelante dans son mémoire en réplique ne seraient pas de nature à établir son intérêt à agir au jour du dépôt de sa requête introductive d’instance, à savoir en date du 6 juin 2003. Pour le surplus, elle conteste avoir été mise au courant des démarches et procédures judiciaires introduites par un prétendu groupe XXX au sujet des droits de propriété relatifs à certains terrains visés par le plan d’aménagement particulier XXX.

A la suite d’une autorisation donnée par la Cour lors de l’audience publique du 21 septembre 2004, la partie appelante a déposé de nouvelles pièces au greffe de la Cour et toutes les parties à l’instance ont pris position par rapport à ces pièces nouvelles, par des mémoires supplémentaires déposés par Maître Gaston Stein en date du 6 octobre 2004, par Maître Nicolas Bannasch en date du 20 octobre 2004 et par Maître Jean Medernach en date du 29 octobre 2004.

La société anonyme XXX estime que ces pièces nouvelles ne seraient pas de nature à établir un soi-disant intérêt dans le chef de l’appelante et elle sollicite pour le surplus le rejet des pièces en question, au motif qu’elles auraient été déposées tardivement.

D’après la société à responsabilité limitée XXX, les pièces nouvellement déposées, et plus particulièrement la copie d’un acte d’échange conclu entre l’Etat du Grand-

Duché de Luxembourg et elle-même en date du 21 mai 2004, seraient de nature à confirmer sa qualité de propriétaire de différentes parcelles situées XXX, XXX et XXX à Luxembourg. Elle serait partant à considérer comme propriétaire de différentes parcelles situées à l’intérieur du plan d’aménagement particulier XXX et cette qualité serait de nature à conforter son intérêt à agir dans le cadre de la présente procédure. Dans son mémoire supplémentaire, elle rappelle encore l’historique de la mise en place du plan d’aménagement particulier de XXX, reconnu d’utilité publique par une loi du 10 décembre 1998. D’autres développements contenus dans ce mémoire ont pour objet d’établir que l’appelante est susceptible, sous certaines conditions, de devenir propriétaire de la parcelle litigieuse appartenant actuellement à XXX, dans le cadre d’opérations de remembrement ou de morcellement à effectuer afin d’assurer une exécution en bonne et due forme du plan d’aménagement particulier.

Quant à la partie de Maître Jean Medernach, elle soutient que les pièces nouvellement déposées ne seraient pas de nature à accorder de manière rétroactive un intérêt à agir dans le chef de l’actuelle appelante, de sorte que cet intérêt resterait toujours d’être établi en cause.

Il y a tout d’abord lieu de rejeter une farde contenant deux pièces, déposée au greffe de la Cour administrative le 7 janvier 2005 après la prise en délibéré de l’affaire et surtout après le rapport du conseiller rapporteur, sans qu’une demande afférente n’ait été adressée à l’appelante par la Cour.

La requête d’appel est recevable pour avoir été introduite dans les formes et délai prévus par la loi.

L’appelante critique le jugement entrepris en ce que celui-ci a déclaré irrecevable son recours contentieux pour défaut d’intérêt à agir, en soumettant à la Cour administrative en substance les mêmes éléments de fait que ceux soumis aux premiers juges afin d’établir son intérêt à agir contre les décisions litigieuses.

Le juge administratif est appelé à examiner si l’intérêt qu’un demandeur met en exergue pour justifier son action en justice lui confère une qualité suffisante pour ce faire. L’intérêt à agir qui conditionne ainsi la recevabilité d’un recours administratif ne doit pas seulement être né et actuel, effectif et légitime, mais encore personnel et direct. Ainsi, le demandeur doit justifier d’un intérêt personnel distinct de l’intérêt général. Par ailleurs, en ce qui concerne la condition relative au caractère né et actuel, c’est-à-dire au caractère suffisamment certain, il échet de relever qu’un intérêt simplement éventuel ne suffit pas pour que le recours contre un acte soit déclaré recevable.

En ce qui concerne la date d’appréciation de l’intérêt à agir d’un demandeur, il échet de retenir que cet intérêt à agir s’analyse au jour du dépôt de la requête introductive d’instance.

Afin d’établir son intérêt à agir, l’appelante fait état de ce qu’elle serait propriétaire d’un immeuble situé au n° XXX. Toutefois, comme l’a relevé à bon droit le tribunal administratif, l’appelante n’a soumis ni au tribunal ni par la suite à la Cour administrative, un quelconque élément de preuve de nature à établir sa qualité de propriétaire de l’immeuble en question, et en outre, elle n’a à aucun stade de la procédure soumis aux juges administratifs un quelconque élément de nature à établir qu’en sa prétendue qualité de propriétaire d’un immeuble situé le long de la route XXX, elle puisse faire état d’un intérêt à agir contre les décisions sous analyse portant sur des lots longeant la rue XXX, de sorte que la Cour n’a pas été mise en mesure d’apprécier quel type de préjudice l’appelante craint subir du fait de l’émission des décisions litigieuses.

En ce qui concerne un compromis d’échange avec clauses suspensives conclu en date du 18 septembre 2003 entre l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg et l’appelante, il échet de constater que d’après les indications de l’appelante elle-

même, déjà soumises aux premiers juges, ledit compromis n’a pas pu entrer en vigueur, étant donné que les conditions y prévues n’ont pas pu être réalisées dans le délai convenu.

L’appelante a encore déclaré dans sa requête d’appel, comme elle l’a déjà fait en première instance, se trouver dans une situation dans laquelle devrait s’appliquer un arrangement trouvé avec l’Etat suivant l’échange d’une offre de l’Etat du 1er octobre 1998 et une acceptation par elle en date du 2 décembre 1998, suivi d’une action judiciaire en passation d’acte diligentée contre l’Etat à défaut d’une exécution volontaire de sa part de l’arrangement ainsi convenu qui devrait lui attribuer la propriété de plusieurs lots faisant partie du plan d’aménagement particulier de XXX.

Il y a encore lieu de constater que cet arrangement intervenu entre parties a donné lieu à des litiges supplémentaires et notamment à des mises en demeure et actions en expropriation forcée, diligentées par l’appelante dans le but de devenir propriétaire d’une ou de plusieurs parcelles faisant partie du plan d’aménagement particulier de XXX.

Cet arrangement ne saurait toutefois justifier un intérêt à agir, étant donné qu’un intérêt simplement éventuel et futur ne saurait être pris en considération afin de déterminer l’intérêt à agir au moment de l’introduction d’une requête introductive d’instance.

L’appelante fait encore état de plusieurs actes d’échange signés en date du 21 mai 2004 entre l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg et un groupe « XXX » dont elle ferait partie, afin d’établir sa propriété de différents immeubles situés XXX,XXX et XXX. Il échet toutefois de constater que dans la mesure, où comme il a été retenu ci-avant, l’intérêt à agir d’un demandeur s’apprécie au jour de l’introduction du recours contentieux, à savoir, en l’espèce, le 6 juin 2003, la Cour ne saurait prendre en considération lesdits actes datés postérieurement à la date introductive d’instance.

Par ailleurs, à la lecture d’un plan cadastral établi en date du 19 novembre 2003 versé par l’appelante, la Cour constate que les seules parcelles dont l’appelante semble avoir été propriétaire au moment du recours introductif, pour les avoir acquises par acte notarié du 17 juin 1999, qui n’est toutefois pas versé en cause, sont celles situées le long de XXX sous les numérotations XXX, XXX et XXX dont l’Etat semble avoir acquis les lots XXX et XXX par l’un des actes d’échange signés en date du 21 mai 2004, précités. Toutefois, l’appelante n’a pas fourni le moindre élément ou indice de nature à établir les préjudices qu’elle craint ou qu’elle craignait subir en sa qualité de propriétaire, au jour de l’introduction du recours contentieux, des parcelles en question, partant son intérêt à agir dans le cadre des présentes instances, de sorte qu’en l’absence d’informations plus précises, l’appelante n’a pas non plus, en ce qui concerne ces parcelles, établi son intérêt à agir, étant relevé pour le surplus que ces parcelles se trouvent à une distance assez importante de celles ayant fait l’objet des décisions litigieuses.

Enfin, en ce qui concerne les références fréquemment faites par l’appelante à sa qualité de membre d’un « groupe XXX » dont feraient partie d’autres sociétés qui seraient propriétaires de certaines parcelles faisant l’objet du plan d’aménagement particulier de XXX, il échet tout d’abord de constater que l’existence d’un tel « groupe XXX » n’a pas été établi en cause et que même à supposer que d’autres sociétés appartenant aux mêmes actionnaires que ceux détenant des parts dans le capital de l’appelante, soient propriétaires d’une ou de plusieurs parcelles faisant partie du plan d’aménagement particulier litigieux, ce fait n’est pas de nature à établir dans le chef de l’appelante un intérêt suffisant à agir dans le cadre de la présente instance.

Pour le surplus, dans le cadre de l’analyse de l’intérêt à agir de l’appelante, il n’y a pas lieu d’analyser plus en avant la question de savoir si la société anonyme XXX a été au moment de la délivrance des décisions sous analyse, ou est actuellement, propriétaire du terrain au sujet duquel les décisions ont été délivrées, puisque cette question n’est pas de nature à avoir une quelconque incidence sur la recevabilité du recours.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent, qu’à défaut d’avoir établi un intérêt à agir au jour de l’introduction de la requête introductive d’instance, la requête d’appel est à déclarer non fondée et le jugement entrepris du 19 février 2004 est à confirmer.

Par ces motifs, La Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

rejette la farde de pièces déposée par l’appelante au greffe de la Cour le 7 janvier 2005 ;

déclare recevable la requête d’appel du 30 mars 2004 ;

dit l’appel non fondé et en déboute ;

partant confirme le jugement entrepris du 19 février 2004 dans toute sa teneur ;

condamne l’appelante aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par :

Marion Lanners, présidente, Christiane Diederich-Tournay, premier conseiller, Carlo Schockweiler, conseiller, rapporteur, et lu par la présidente en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier en chef de la Cour Erny May.

le greffier en chef la présidente 12


Synthèse
Numéro d'arrêt : 17817C
Date de la décision : 24/02/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2005-02-24;17817c ?

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