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20/01/2005 | LUXEMBOURG | N°18828C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 20 janvier 2005, 18828C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 18828 C Inscrit le 8 novembre 2004

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Audience publique du 20 janvier 2005 Recours formé par Monsieur XXX XXX contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 6 octobre 2004, n° 17863 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sou

s le numéro 18828C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 8 novembre 2...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 18828 C Inscrit le 8 novembre 2004

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Audience publique du 20 janvier 2005 Recours formé par Monsieur XXX XXX contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 6 octobre 2004, n° 17863 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 18828C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 8 novembre 2004 par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, au nom de Monsieur XXX XXX, né le 7 mai 1976 à … (Kosovo/Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 6 octobre 2004, par lequel il a déclaré non fondé le recours en réformation introduit contre une décision du ministre de la Justice du 19 janvier 2004 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que contre une décision confirmative du même ministre du 8 mars 2004 prise sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 24 novembre 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le conseiller en son rapport et Maître Ardavan Fatholahzadeh en ses plaidoiries, Madame le délégué du Gouvernement Claudine Konsbrück en ses observations orales.

Par requête, inscrite sous le numéro 17863 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 7 avril 2004, Monsieur XXX XXX a fait introduire un recours tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 19 janvier 2004 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 8 mars 2004 rendue sur recours gracieux.

Par jugement rendu le 6 octobre 2004, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, a reçu le recours en réformation en la forme et, au fond, l’a déclaré non justifié et en a débouté Monsieur XXX.

Les premiers juges ont décidé que l’actuel appelant, en sa qualité de membre de la minorité ethnique des Goranais vivant au Kosovo et exposant avoir fait l’objet d’agressions de la part d’Albanais contre lesquelles les autorités actuellement en place au Kosovo seraient dans l’incapacité de lui assurer une protection efficace, n’a pas fait état de craintes justifiées de persécution au sens de la Convention de Genève, étant entendu que sa seule appartenance à la minorité goranaise ne saurait justifier la reconnaissance du statut de réfugié et qu’il provient d’un village où la majorité ethnique est constituée par des Goranais. D’une manière générale, le tribunal administratif a retenu sur base des plus récents rapports de l’UNHCR que la situation de la minorité goranaise faisait l’objet d’une évolution positive, malgré le fait que suite aux événements ayant eu lieu en mars 2004, des membres de la minorité ethnique en question pouvaient éprouver un sentiment général d’insécurité.

Enfin, le tribunal a retenu que l’actuel appelant n’a pas rapporté un défaut de protection de la part des autorités actuellement en place au Kosovo.

En date du 8 novembre 2004, Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel en nom et pour compte de Monsieur XXX XXX, inscrite sous le numéro 18828C du rôle, par laquelle la partie appelante sollicite la réformation du premier jugement.

A l’appui de sa requête d’appel, l’appelant reproche aux premiers juges d’avoir fait une appréciation erronée de sa situation de fait, puisque celle-ci aurait dû les amener à lui reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention de Genève. Il fait plus particulièrement rappeler sa position suivant laquelle les autorités actuellement en place au Kosovo seraient manifestement dans l’incapacité de lui assurer une protection appropriée au vu notamment des menaces réelles et sérieuses dont il aurait fait l’objet de la part de ressortissants albanais.

Dans son mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 24 novembre 2004, le délégué du Gouvernement conclut à la confirmation du jugement entrepris.

La requête d’appel est recevable pour avoir été introduite dans les formes et délai prévus par la loi.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Concernant la crainte exprimée par l’appelant d’actes de persécution de la part d’Albanais du Kosovo à son encontre en raison de son appartenance à la minorité goranaise, c’est à bon droit et pour de justes motifs, après avoir procédé à un examen complet et minutieux de tous les éléments recueillis, que les juges de première instance ont décidé que force est de constater que s’il est vrai que la situation générale des membres de minorités ethniques au Kosovo, en l’espèce celle des Goranais, est difficile et qu’ils sont particulièrement exposés à des discriminations, elle n’est cependant pas telle que tout membre d’une minorité ethnique serait de ce seul fait exposé à des persécutions au sens de la Convention de Genève. Une crainte de persécution afférente doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur d’asile risque de subir des persécutions.

A cet égard, il y a lieu de constater en plus que suivant la version actualisée du rapport de l’UNHCR datant de juin 2004 sur la situation des minorités au Kosovo, la situation de sécurité générale des Goranais est restée stable pendant la période observée de janvier 2003 au 15 mars 2004 et n’a été marquée que par un seul incident isolé. Ainsi, il est relaté que “The overall security situation of Kosovo Gorani, who are predominantly concentrated in the isolated and underdeveloped southernmost municipality of Dragash/Dragas, remained stable. With the exception of one stoning incident against a Gorani-operated bus in May 2003, no ethnically motivated incidents involving Gorani were reported”.

En ce qui concerne leur situation après les récents incidents ayant eu lieu entre le 15 et le 19 mars 2004, force est de constater que les Goranais n’étaient pas la cible directe des affrontements. En effet, il est relaté dans la troisième partie du rapport intitulé : “ Situation of minority groups by region in light of the turmoil in march 2004” que “Kosovo Serbs were the primary target of inter-ethnic violence…Finally, whereas Bosniaks and Gorani did not become a direct target of the violence, in some locations they felt sufficiently at risk that they opted for precautionary movements, or where evacuated by police, to safer places” et encore “The few Bosniaks and Gorani who were displaced during the mid-March unrest have returned to their home communities. Returnees and remainees have resumed the same levels of freedoms they enjoyed prior to the events. Nevertheless and for reasons stated in other parts of this update, it is important to underline the continued and accrued vulnerability of these communities in the event of new violence. Likewise all other ethnic minorities in Kosovo, the Bosniaks and Gorani have now an increased level of fear and their confidence in existing security systems has been subject to the same erosion as other groups”.

Face à l’évolution somme toute positive ainsi tracée de la situation de la minorité goranaise, malgré l’installation d’un sentiment général d’insécurité suite aux événements ayant eu lieu en mars 2004, les éléments invoqués par l’appelant ne peuvent être considérés comme fondant une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève. A cela s’ajoute que les persécutions mises en avant par l’appelant émanent de personnes privées et non pas de l’Etat, de sorte qu’il lui appartient de mettre suffisamment en évidence un défaut de protection de la part des autorités, preuve qu’il n’a pas rapportée en l’espèce, étant entendu qu’il n’a pas fait état d’un quelconque fait concret qui serait de nature à établir un défaut caractérisé de protection dans son chef de la part des autorités en place.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de déclarer la requête d’appel non fondée et de confirmer le jugement entrepris du 6 octobre 2004.

Par ces motifs, La Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

reçoit la requête d’appel du 8 novembre 2004 en la forme ;

la dit cependant non fondée et en déboute ;

partant confirme le jugement entrepris du 6 octobre 2004 dans toute sa teneur;

condamne l’appelant aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par :

Marion Lanners, présidente, Christiane Diederich-Tournay, premier conseiller, Carlo Schockweiler, conseiller, rapporteur, et lu par la présidente en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier en chef de la Cour Erny May.

le greffier en chef la présidente 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 18828C
Date de la décision : 20/01/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2005-01-20;18828c ?

Source

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