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11/01/2005 | LUXEMBOURG | N°18040C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 11 janvier 2005, 18040C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 18040 C Inscrit le 10 mai 2004

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Audience publique du 11 janvier 2005 Recours formé par les époux …, … (Belgique) contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de Travail - Appel -

(jugement entrepris du 29 mars 2004, n° 17048 du rôle)

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Vu la requête d’a

ppel, inscrite sous le numéro 18040C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 18040 C Inscrit le 10 mai 2004

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Audience publique du 11 janvier 2005 Recours formé par les époux …, … (Belgique) contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de Travail - Appel -

(jugement entrepris du 29 mars 2004, n° 17048 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 18040C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 10 mai 2004 par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, au nom des époux …, de nationalité luxembourgeoise, et …, de nationalité yougoslave, demeurant ensemble à B-…, …, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif en date du 29 mars 2004, par lequel il a dit qu’il n’y a pas lieu de saisir la Cour de Justice des Communautés Européennes de la question préjudicielle proposée et a déclaré non justifié le recours en annulation introduit contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi du 14 juillet 2003, portant refus de délivrance d’un permis de travail en faveur d’… pour un poste d’ouvrier auprès de l’…, établie à L-…;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 10 juin 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 5 juillet 2004 en nom et pour compte des époux … - …;

Vu le mémoire en duplique du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 2 septembre 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le vice-président en son rapport, Maître Ardavan Fatholahzdeh et le délégué du Gouvernement Guy Schleder en leurs observations orales.

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Par jugement du 29 mars 2004, le tribunal administratif a rejeté le recours en annulation dirigé par les époux … contre une décision du ministre de la Justice du 14 juillet 2003 par laquelle un permis de travail a été refusé à ….

Le tribunal, après avoir rejeté des moyens tenant à la régularité formelle de la décision entreprise, a dit le recours non fondé. Il a été retenu que le demandeur est tenu d’obtenir un permis de travail et que la référence de la décision litigieuse à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi et à la priorité d’accès aux emplois disponibles de ressortissants de l’Espace Economique Européen se justifie en principe.

Quant à l’application du droit communautaire demandée par les requérants, le tribunal administratif a retenu que, l’épouse ne se trouvant pas dans une hypothèse de circulation entre pays membres, la réglementation communautaire ne trouverait pas application, d’où il résulterait que le mari ne saurait invoquer les dispositions afférentes et, dès lors, ne serait pas dispensé d’un permis de travail. Le jugement a encore retenu que le ministre aurait suffisamment motivé sa décision au vu de la législation interne et que le défaut de déclaration formelle et préalable de la vacance de poste aurait suffisamment justifié la décision du ministre, cette considération dispensant le tribunal de l’examen des autres moyens produits en cause.

Appel a été relevé par requête déposée au greffe de la Cour le 10 mai 2004. Il est conclu à la réformation du jugement, à voir dire que l’appelant … est dispensé d’un permis de travail, que la décision entreprise viole le principe communautaire de la libre circulation des travailleurs, sinon voir annuler la décision pour violation de la loi et du droit communautaire. Les appelants concluent à titre subsidiaire à voir poser à la Cour de Justice des Communautés Européenne une question préjudicielle sur l’applicabilité en cause du droit communautaire. Il est conclu à l’allocation d’une indemnité de procédure de 1000 €.

Le délégué du Gouvernement a déposé un mémoire en réponse le 10 juin 2004.

Il se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité de l’appel en ce qui concerne le délai. Il conclut à voir dire irrecevable les conclusions des appelants tendant à voir dire que … est dispensé d’un permis de travail, ces conclusions allant au-delà de la compétence du juge dans un recours en annulation.

Il est par ailleurs conclu à la confirmation du jugement par référence au mémoire du délégué du Gouvernement déposé en première instance et au rejet de la demande en allocation d’une indemnité de procédure.

Les appelants ont déposé un mémoire en réplique le 5 juillet 2004. Il est conclu à voir dire l’appel recevable.

Au fond les appelants soutiennent que la décision entreprise serait incompatible avec l’article 48 (actuellement 39) du Traité CEE.

En ce qui concerne l’obligation de déclaration de vacance de poste, les appelants opposent l’illégalité formelle du règlement grand-ducal gisant à la base de la décision du ministre alors que le pouvoir réglementaire se serait abusivement dispensé de l’avis du Conseil d’Etat.

Les appelants font enfin plaider que la décision déférée et la législation la soutenant seraient contraires au principe constitutionnel de la garantie des droits naturels de la personne humaine et de la famille et concluent à voir poser une question préjudicielle afférente à la Cour constitutionnelle.

Le délégué du Gouvernement a déposé un mémoire en duplique le 2 septembre 2004.

Il reprend son argument antérieur quant à l’application du droit communautaire.

Il conclut par ailleurs à voir écarter le moyen d’illégalité du règlement grand-ducal du 29 avril 1999 tiré de l’article 95 de la Constitution.

Il conclut finalement au défaut de pertinence de la question préjudicielle visant la garantie constitutionnelle des droits naturels de la personne humaine et de la famille.

Considérant que l’appel est recevable pour être intervenu dans les formes et délai de la loi ;

Considérant que le permis de travail ayant été demandé par le seul …, la demande en première instance de son épouse … était irrecevable pour défaut de qualité en son chef ;

qu’il y a dès lors lieu de réformer le jugement en ce qu’il a déclaré recevable le recours dans la mesure où il est formulé par …, les frais des deux instances devant être mises à sa charge dans la mesure où ils concernent son intervention dans l’affaire ;

Considérant que le jugement dont appel est critiqué en premier lieu en ce qu’il aurait fait une mauvaise application du droit communautaire alors que, aux termes des conclusions des appelants, … serait dispensé du permis de travail au Luxembourg en tant que conjoint d’un ressortissant luxembourgeois, en l’occurrence … qui, au moment de la décision ministérielle critiquée aurait suivi une formation professionnelle et un stage professionnel en Belgique ;

Considérant qu’il résulte des pièces versées à la demande de la Cour que … est de nationalité luxembourgeoise et qu’elle a suivi en Belgique une formation d’auxiliaire familiale et sanitaire à l’enseignement secondaire professionnel ;

Considérant que le jugement dont appel a retenu que, l’épouse n’ayant pas exercé d’activité professionnelle en dehors du Grand-Duché et ne se s’étant de ce fait pas située dans un contexte relevant du droit communautaire, les dispositions relatives à la libre circulation des travailleurs, en l’espèce l’article 39 du traité instituant la Communauté Européenne et le règlement 1612/68 du Conseil du 15.10.1968 qui étend le droit de libre circulation aux membres de la famille de travailleurs même s’ils n’ont pas la nationalité d’un Etat membre, ne seraient pas applicables en cause ;

Considérant que la Cour de Justice des Communautés Européennes a dit pour droit que les règles de la libre circulation des personnes ne peuvent être appliquées à des situations n’ayant aucun rattachement au droit communautaire et donc dont les éléments se cantonnent à l’intérieur d’un seul Etat membre (voir notamment arrêts 64/96 et 65/97) ;

que d’un autre côté toutefois la Cour de Justice des Communautés Européennes a décidé que les dispositions communautaires sont applicables au ressortissant d’un pays membre qui a effectué dans un autre pays membre des études destinées à se procurer une carrière professionnelle en son pays (Affaire C19/92) ;

Considérant que dans ces conditions la Cour estime que les conclusions subsidiaires des appelants quant à la saisine de la Cour de Justice des Communautés Européennes sont fondées et que, bien que formulée à titre subsidiaire, cette question est, avec certaines modifications, à poser avant l’examen des autres moyens produits, ceux-ci, tenant à l’application de la législation interne luxembourgeoise devenant, dans cette mesure, caducs au cas où il y aurait lieu à application des règles communautaires desquelles découlerait une dispense du permis de travail dans le chef de … ;

Par ces motifs la Cour, statuant contradictoirement, sur le rapport de son vice-président, reçoit les appels en la forme ;

en ce qui concerne le recours dans la mesure où il a été introduit par …;

réformant, déclare le recours irrecevable et en met les frais des deux instances à charge de …;

en ce qui concerne le recours introduit par …, avant de statuer au fond transmet le dossier à la Cour de Justice des Communautés Européennes pour, sur base de l’article 234 du Traité instituant la Communauté Européenne, être statué à titre préjudiciel sur la question de savoir si les règles communautaires concernant la libre circulation des travailleurs sont applicables à la situation d’un ressortissant d’un Etat tiers conjoint d’un ressortissant communautaire qui, dans un pays membre autre que le sien, a effectué une formation et un stage professionnels et si de ce fait la partie non communautaire peut se trouver dispensée d’un permis de travail sur base des règles garantissant aux ressortissants communautaires et aux membres de leur famille ressortissants de pays tiers le droit à la libre circulation des travailleurs ;

surseoit à statuer sur le fond de l’affaire ;

réserve les frais ;

et fixe l’affaire au rôle général.

Ainsi délibéré et jugé par Jean Mathias Goerens, vice-président, rapporteur Marc Feyereisen, conseiller, Carlo Schockweiler, conseiller et lu par le vice-président Jean Mathias Goerens en l’audience publique au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête en présence du greffier de la Cour Anne-Marie Wiltzius.

le greffier le vice-président 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 18040C
Date de la décision : 11/01/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2005-01-11;18040c ?

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