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06/01/2005 | LUXEMBOURG | N°18625C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 06 janvier 2005, 18625C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 18625 C Inscrit le 2 septembre 2004

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Audience publique du 6 janvier 2005 Recours formé par Monsieur … … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 25 août 2004, n° 17803 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous l

e numéro 18625C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 2 septembre 2004 par...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 18625 C Inscrit le 2 septembre 2004

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Audience publique du 6 janvier 2005 Recours formé par Monsieur … … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 25 août 2004, n° 17803 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 18625C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 2 septembre 2004 par Maître Valérie Dupong, avocat à la Cour, assistée de Maître Georges Weiland, avocat, au nom de Monsieur … …, né le 10 mars 1971 à … (Kosovo/Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-

monténégrine, demeurant actuellement à L-…, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif en date du 25 août 2004, par lequel a été déclaré non fondé le recours en réformation introduit contre une décision du ministre de la Justice du 8 mars 2004 confirmant, sur recours gracieux, sa décision du 29 janvier 2004 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, tout en déclarant irrecevable le recours subsidiaire en annulation ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 28 septembre 2004 ;

Vu un deuxième mémoire en réponse déposé par le délégué du Gouvernement au greffe de la Cour administrative le 7 octobre 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le conseiller en son rapport, ainsi que Maître Georges Weiland et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy Schleder en leurs plaidoiries respectives.

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Par requête, inscrite sous le numéro 17803 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 24 mars 2004, Monsieur … … a fait introduire un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 8 mars 2004 confirmant, sur recours gracieux, sa décision du 29 janvier 2004 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée.

Par jugement rendu le 25 août 2004, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, a reçu le recours principal en réformation en la forme, au fond, l’a déclaré non justifié et en a débouté Monsieur … et a déclaré irrecevable le recours subsidiaire en annulation.

Les premiers juges ont justifié leur décision de ne pas faire droit à la demande de Monsieur … tendant à se voir reconnaître le statut de réfugié en relevant que le seul fait concret dont il a fait état, à savoir son arrestation en 2002 par des personnes masquées qui lui auraient dérobé son argent, constituerait un acte de criminalité de droit commun qui ne rentrerait pas dans le champ d’application de la Convention de Genève, en estimant que pour le surplus les craintes mises en avant par lui auraient trait à un sentiment général de peur face à une situation alléguée d’insécurité dans son pays d’origine, à savoir le Kosovo, sans qu’il n’ait établi individuellement et concrètement avoir subi des persécutions ou pouvoir à bon droit craindre de telles persécutions. Enfin, le tribunal a retenu que l’actuel appelant n’a pas établi que les autorités actuellement en place au Kosovo ne seraient pas en mesure de lui assurer une protection efficace contre de prétendues persécutions provenant de membres d’un groupe de la population.

En date du 2 septembre 2004, Maître Valérie Dupong, avocat à la Cour, assistée de Maître Georges Weiland, avocat, a déposé une requête d’appel en nom et pour compte de Monsieur … …, inscrite sous le numéro 18625C du rôle, par laquelle la partie appelante sollicite la réformation du premier jugement.

A l’appui de sa requête d’appel, l’appelant reproche aux premiers juges de ne pas avoir fait droit à son argumentation développée en première instance et tendant à établir qu’il remplit les critères en vue de se voir reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention de Genève. Il insiste, d’un côté, sur la situation régnant actuellement au Kosovo et plus particulièrement sur les défaillances et faiblesses du système judiciaire tel qu’il y fonctionne actuellement et, d’un autre côté, sur sa situation personnelle et plus particulièrement sur les persécutions humiliantes dont il aurait fait l’objet, ainsi que sur les menaces et arrestation qu’il aurait subies de la part de personnes masquées. Ainsi, il craint notamment être victime d’un crime interethnique et ne pas pouvoir profiter d’une protection efficace de la part des autorités actuellement en place au Kosovo. Enfin, tout en admettant que les personnes fuyant une région en guerre ne tombent pas en tant que telles sous le champ d’application de la Convention de Genève, il estime néanmoins devoir être reconnu comme réfugié au sens de ladite convention, sur base des recommandations émises par le Haut Commissariat aux Réfugiés.

Dans son mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 28 septembre 2004, le délégué du Gouvernement conclut à la confirmation du premier jugement.

Un deuxième mémoire en réponse a été déposé par le délégué du Gouvernement au greffe de la Cour administrative le 7 octobre 2004, comprenant les mêmes conclusions que celles contenues dans le premier mémoire, à l’exception de ce que dans le deuxième mémoire, il est plus particulièrement insisté sur la qualité d’Albanais du Kosovo dans le chef de l’appelant et sur ce que les ressortissants albanais ne risquent pas, en règle générale, d’y subir des persécutions.

Sur question afférente de la Cour au cours de l’audience à laquelle l’affaire a été plaidée, et portant sur la recevabilité du deuxième mémoire en réponse déposé par le délégué du Gouvernement, les mandataires des parties se sont rapportés à prudence de justice.

Conformément à l’article 46, paragraphe (1) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives « la partie intimée (…) [est tenue] de fournir [sa] réponse dans le délai d’un mois à dater de la signification de la requête d’appel ». Suivant la teneur du paragraphe (2) du même article 46, un deuxième mémoire, intitulé mémoire en duplique, ne peut être déposé par la partie intimée qu’à condition qu’un mémoire en réplique a été déposé par la partie appelante.

Il suit de ce qui précède qu’à défaut par la partie appelante d’avoir déposé un mémoire en réplique, seul un mémoire en réponse peut être déposé par la partie intimée. En conséquence, le deuxième mémoire en réponse déposé en nom et pour compte de l’Etat est à écarter des débats et ne saurait partant être pris en considération.

La requête d’appel est recevable pour avoir été introduite dans les formes et délai prévus par la loi.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Il échet tout d’abord de constater que saisies d’un recours en réformation dirigé contre une décision rendue en matière de statut de réfugié, les juridictions administratives sont appelées à examiner le bien-fondé et l’opportunité de la décision querellée à la lumière de la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance du demandeur d’asile. En ce qui concerne cette situation actuelle, il est constant en cause que, suite au départ de l’armée fédérale yougoslave et des forces de police dépendant des autorités serbes du Kosovo, une force armée internationale, agissant sous l’égide des Nations Unies, s’est installée sur ce territoire, de même qu’une administration civile, placée sous l’autorité des Nations Unies, y a été mise en place.

C’est à bon droit que le tribunal administratif a constaté que les prétendus éléments de persécution mis en avant par l’appelant, à savoir le fait d’avoir été arrêté en voiture en l’année 2002 par des gens masqués qui lui auraient dérobé son argent -

seul fait concret mis en avant par l’appelant pour fonder sa demande d’asile - à les supposer établis, relèvent de la criminalité de droit commun sans être fondés sur l’un des motifs visés par la Convention de Genève. Il y a par ailleurs lieu de confirmer les premiers juges dans leur appréciation suivant laquelle l’actuel appelant a tout au plus fait état d’un sentiment général d’insécurité, sans avoir fait état d’une persécution personnelle vécue ou d’une crainte qui serait telle que la vie lui serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine.

A défaut d’avoir établi avoir fait l’objet d’actes de persécution de la part de personnes ne relevant pas des autorités étatiques, il n’y a pas lieu d’analyser plus en avant une prétendue défaillance des autorités actuellement en place dans son pays d’origine de lui assurer une protection efficace et appropriée.

Enfin, le seul fait de provenir d’une prétendue région en guerre, à supposer un tel état de fait établi en l’espèce, n’est pas à lui seul de nature à justifier la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève.

Il suit de tout ce qui précède que c’est à bon droit que le ministre de la Justice a pu refuser la demande d’asile lui soumise par l’appelant et que le tribunal administratif a déclaré non fondé le recours en réformation dirigé contre les décisions ministérielles sous analyse, de sorte que la requête d’appel n’est pas fondée et que le jugement entrepris du 25 août 2004 est à confirmer.

Par ces motifs, La Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

écarte des débats le mémoire en réponse déposé par l’Etat en date du 7 octobre 2004 ;

reçoit la requête d’appel du 2 septembre 2004 en la forme ;

la dit cependant non fondée et en déboute ;

partant confirme le jugement entrepris du 25 août 2004 dans toute sa teneur;

condamne l’appelant aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par :

Marion Lanners, présidente, Christiane Diederich-Tournay, premier conseiller, Carlo Schockweiler, conseiller, rapporteur, et lu par la présidente en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier en chef de la Cour Erny May.

le greffier en chef la présidente 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 18625C
Date de la décision : 06/01/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2005-01-06;18625c ?

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