La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/01/2005 | LUXEMBOURG | N°18552C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 04 janvier 2005, 18552C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 18552 C Inscrit le 16 août 2004

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

Audience publique du 4 janvier 2005 Recours formé par … et consorts contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 15 juillet 2004, n° 17757 du rôle)

------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu la requête d’appel, inscrite sous l

e numéro 18552C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 16 juin 2004 par M...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 18552 C Inscrit le 16 août 2004

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

Audience publique du 4 janvier 2005 Recours formé par … et consorts contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 15 juillet 2004, n° 17757 du rôle)

------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 18552C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 16 juin 2004 par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, au nom de …, née le …à… (Kazakhstan), agissant tant en son nom personnel qu’en celui de ses enfants mineurs …, tous de nationalité kazakhe, demeurant actuellement à L-…, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif en date du 15 juillet 2004, par lequel il a déclaré non fondé le recours en réformation introduit contre une décision du ministre de la Justice du 23 septembre 2003, par laquelle ledit ministre a déclaré non fondée sa demande en reconnaissance du statut de réfugié, ainsi que contre une décision confirmative du même ministre du 13 mai 2003, rendue sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 6 septembre 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le conseiller en son rapport, ainsi que Maître Ardavan Fatholahzadeh en ses plaidoiries, Madame le délégué du Gouvernement Claudine Konsbruck s’étant rapportée à son mémoire.

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

Par requête, inscrite sous le numéro 17757 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 17 mars 2004, …, agissant tant en son nom personnel qu’en celui de ses enfants mineurs …, a fait introduire un recours tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 23 septembre 2003, par laquelle ledit ministre a déclaré non fondée sa demande en reconnaissance du statut de réfugié, ainsi que de la décision confirmative prise sur recours gracieux par ledit ministre en date du 13 mai 2004.

Par jugement rendu le 15 juillet 2004, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance, a reçu le recours en réformation en la forme et, au fond, l’a déclaré non justifié et en a débouté les actuels appelants.

Les premiers juges ont tout d’abord relevé que l’actuelle appelante a présenté un récit cohérent, corroboré par une attestation testimoniale, suivant lequel elle a fait l’objet d’actes concrets de persécution, en sa qualité de membre de la population russophone du Kazakhstan appartenant à la religion juive, au cours desquels son mari est mort suite à un « passage à tabac » par des policiers lors d’un contrôle d’identité et suivant lequel, elle a été victime de menaces et d’actes d’intimidation ayant eu pour finalité de l’amener à retirer sa plainte déposée contre ces policiers.

Toutefois, le tribunal a relevé qu’elle n’a pas établi que les faits des agents publics auprès de qui elle a déposé plainte contre les policiers, auteurs des actes précités, en ce que les premiers auraient refusé de continuer les poursuites contre les policiers responsables de la mort de son mari, ne constituent pas des actes isolés, mais traduisent une attitude générale de refus de protection des autorités compétentes, de manière qu’elle se verrait empêchée de solliciter une protection adéquate auprès d’agents revêtant une position hiérarchique supérieure au sein des forces publiques.

Pour le surplus, les premiers juges ont constaté que le risque allégué par l’actuelle appelante se limite exclusivement à la ville de Almaty et qu’elle reste en défaut d’établir qu’elle ne peut trouver refuge dans une autre partie de son pays d’origine.

En date du 16 août 2004, Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel en nom et pour compte de …, agissant tant en son nom personnel qu’en celui de ses enfants mineurs …, inscrite sous le numéro 18552C du rôle, par laquelle la partie appelante sollicite la réformation du premier jugement.

Elle reproche aux juges de première instance d’avoir fait une mauvaise interprétation des faits leur soumis, en ce que ceux-ci auraient dû aboutir à la reconnaissance dans son chef, ainsi que dans celui de ses enfants mineurs, du statut de réfugié. Elle fait plus particulièrement valoir que le tribunal se serait trompé quant à la situation politique existant actuellement au Kazakhstan, puisque contrairement aux conclusions auxquelles il a abouti, il y existerait une volonté délibérée de la part des autorités publiques de nuire aux intérêts des citoyens kazakhs ayant la nationalité russe, de sorte qu’en leur qualité de membres de ladite population minoritaire résidant au Kazakhstan, ils ne seraient pas en mesure d’y trouver un endroit pour échapper aux persécutions des autorités officielles et qu’elle n’aurait eu d’autre choix que de quitter son pays d’origine, afin de rechercher une protection adéquate à l’étranger. Elle rappelle dans ce contexte que les auteurs des persécutions auraient été des policiers, qu’ils l’auraient plus particulièrement menacé de retirer la plainte déposée par elle contre les auteurs de l’homicide commis à l’encontre de son mari, qui auraient également été des agents de police.

Dans son mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 6 septembre 2004, le délégué du Gouvernement conclut à la confirmation du jugement entrepris.

La requête d’appel est recevable pour avoir été introduite dans les formes et délai prévus par la loi.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Il s’agit tout d’abord de constater que le récit de l’appelante est crédible et cohérent et que les éléments apportés par le Gouvernement ne sont pas de nature à faire douter de la véracité des informations soumises par l’appelante aux juridictions administratives.

Sur base des événements vécus par l’appelante au Kazakhstan, son pays d’origine, à savoir le meurtre de son mari par des policiers lors d’un contrôle d’identité en raison de sa qualité de juif et les menaces et actes d’intimidation subis par elle de la part d’autres policiers afin qu’elle retire sa plainte déposée contre les auteurs de l’homicide perpétré sur la personne de son mari, et au vu du sentiment général d’insécurité qu’elle pouvait légitimement éprouver au Kazakhstan en raison de son appartenance aux minorités russe et juive du fait de l’appartenance de son mari et de son père à la communauté juive, minorités dont les membres ne sont pas tolérés sur le territoire kazakhe, elle a valablement pu estimer qu’elle n’y serait pas en sécurité, quelque soit l’endroit au Kazakhstan où elle pourrait le cas échéant s’installer, du fait de ne pas pouvoir compter sur une protection appropriée de la part des autorités de son pays d’origine. En effet, s’il est vrai qu’elle n’a pas établi que le comportement adopté par les policiers auxquels elle s’est adressée afin de déposer plainte contre les auteurs de l’homicide en question soit susceptible d’être adopté par tous les policiers sur l’ensemble du territoire du Kazakhstan, le refus de lui fournir une assistance appropriée et surtout les menaces et actes d’intimidation exprimés à son encontre par lesdits policiers sont de nature à établir de manière suffisante le refus de la part des autorités étatiques de son pays d’origine de lui assurer une protection appropriée, d’autant plus qu’une plainte déposée par elle auprès du parquet est également restée sans suite, ainsi que les persécutions dont elle a fait l’objet de la part desdites autorités.

Il échet encore de relever que la présentation des faits par l’appelante se trouve en concordance avec les informations sur la situation générale des membres des minorités russe et juive au Kazakhstan, telles qu’elles ressortent d’un rapport établi par le département de la Justice des Etats Unis, dont la pertinence n’a pas été mise en doute par l’Etat, qui parle de tensions, discriminations et manipulations politiques commises à l’égard des russes vivant au Kazakhstan, entraînant des déplacements de ces personnes vers d’autres endroits de leur pays ou même leur fuite vers l’étranger, ainsi que d’actes de violence ponctuels commis contre des juifs d’expression russe sans qu’une intervention des autorités publiques contre les auteurs de ces actes n’ait pu être établie.

Il se dégage de l’ensemble des renseignements fournis et des pièces versées à la Cour que l’appelante peut craindre avec raison d’être persécutée pour un des motifs prévus par la Convention de Genève, de sorte qu’elle remplit les conditions posées par l’article 1er, A, 2 de la Convention de Genève pour bénéficier du statut de réfugié.

Il s’ensuit que le jugement entrepris du 15 juillet 2004 est à réformer pour avoir été basé sur une appréciation inexacte de la situation de l’appelante.

Par ces motifs, La Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

reçoit la requête d’appel du 16 août 2004 en la forme ;

au fond, la déclare justifiée, partant, par réformation du jugement entrepris du 15 juillet 2004, accorde le statut de réfugié au sens de la Convention de Genève à … ainsi qu’à ses enfants mineurs … ;

renvoie le dossier en prosécution de cause au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration ;

condamne l’Etat aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par :

Jean-Mathias Goerens, vice-président, Marc Feyereisen, conseiller, Carlo Schockweiler, conseiller, rapporteur, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie Wiltzius.

le greffier le vice-président 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 18552C
Date de la décision : 04/01/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2005-01-04;18552c ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award