La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/01/2005 | LUXEMBOURG | N°18482C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 04 janvier 2005, 18482C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 18482 C Inscrit le 29 juillet 2004

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

Audience publique du 4 janvier 2005 Recours formé par … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 28 juin 2004, n° 17584 du rôle)

------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 184

82C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 29 juillet 2004 par Maître Fra...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 18482 C Inscrit le 29 juillet 2004

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

Audience publique du 4 janvier 2005 Recours formé par … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 28 juin 2004, n° 17584 du rôle)

------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 18482C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 29 juillet 2004 par Maître Frank Wies, avocat à la Cour, au nom de …, né le …à…. (Gambie), de nationalité gambienne, demeurant actuellement à L-…, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif en date du 28 juin 2004, par lequel il a déclaré non fondé le recours en réformation introduit contre une décision du ministre de la Justice du 24 octobre 2003, portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que contre une décision confirmative du même ministre du 12 janvier 2004, prise sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 24 septembre 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 22 octobre 2004 en nom et pour compte de … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le conseiller en son rapport, Maître Frank Wies et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc Mathekowitsch s’étant rapportés à leurs mémoires écrits.

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

Par requête, inscrite sous le numéro 17584 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 16 février 2004, … a fait introduire un recours tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 24 octobre 2003, portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 12 janvier 2004, prise sur recours gracieux.

Par jugement rendu le 28 juin 2004, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, a reçu le recours en réformation en la forme et, au fond, l’a déclaré non justifié et en a débouté ….

Les premiers juges ont basé leur décision sur le constat que les déclarations de l’actuel appelant, en sa qualité de ressortissant de la Gambie, prétendant risquer d’être arrêté par la police pour avoir participé à des manifestations estudiantines au cours desquelles il aurait été blessé et son frère tué, sont peu crédibles dans leur ensemble et que même à admettre leur véracité, les faits invoqués par lui ne revêtent pas un caractère de gravité suffisant pour valoir comme motif de persécutions au sens de la Convention de Genève. Le tribunal a relevé dans ce contexte que l’actuel appelant a déclaré avoir participé à une manifestation estudiantine ayant eu lieu en avril 2000 et que les blessures subies par l’appelant ont pour origine non pas un acte commis par les forces de l’ordre, mais le fait qu’il est tombé et que les autres manifestants lui ont marché dessus au moment des affrontements entre manifestants et forces de l’ordre. Enfin, les premiers juges ont retenu que l’actuel appelant n’a pas établi qu’il serait à l’heure actuelle recherché par les autorités gambiennes du fait de son implication dans lesdites manifestations.

En date du 29 juillet 2004, Maître Frank Wies, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel en nom et pour compte de …, inscrite sous le numéro 18482C du rôle, par laquelle la partie appelante sollicite la réformation du premier jugement.

Il reproche plus particulièrement aux juges de première instance de ne pas avoir correctement interprété les faits dont ils étaient saisis, qui auraient dû les amener à lui reconnaître le statut de réfugié. Il expose qu’en sa qualité d’« assistant head boy » d’une organisation estudiantine appelée « Union des Etudiants de Gambie (GAMSU) », connue par les forces de l’ordre, et également en sa qualité de frère de Pa Omar Barrow, travaillant comme journaliste à la station de radio SUD FM et membre de la Croix Rouge gambienne, il risquerait de faire l’objet d’une arrestation par les forces de l’ordre à la suite de sa participation aux manifestations estudiantines et d’être considéré comme l’un des organisateurs desdites manifestations. Il fait encore état de la situation politique générale existant actuellement en Gambie, qui resterait préoccupante et qui ferait l’objet d’une attention particulière de la part d’organisations internationales, qui auraient notamment relevé des atteintes à la liberté d’expression. Il conteste encore avoir présenté un récit incohérent, en soutenant qu’au contraire son récit serait dénué de contradictions sur les points les plus importants, en ce qu’il aurait donné de nombreuses indications très précises sur des faits qui se seraient réellement produits en Gambie. Enfin, il conteste que la Gambie puisse être considérée comme étant un pays sûr au sens de l’article 5-1) du règlement grand-ducal du 22 avril 1996.

Dans son mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 24 septembre 2004, le délégué du Gouvernement conclut à la confirmation du jugement entrepris.

Un mémoire en réplique a été déposé au greffe de la Cour administrative le 22 octobre 2004 par …. Il y fait référence à des pièces nouvelles déposées à l’appui de son recours, ayant trait aux manifestations estudiantines des 10 et 11 avril 2000, au cours de laquelle son frère …aurait été tué.

La requête d’appel est recevable pour avoir été introduite dans les formes et délai prévus par la loi.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Il y a lieu de constater que l’appelant n’a fourni aucun élément de nature à établir qu’il a fait l’objet de persécutions ou qu’il peut légitimement craindre faire l’objet de persécutions au sens de la Convention de Genève. En effet, les seuls faits mis en avant par lui concernent sa participation à une manifestation estudiantine ayant eu lieu en avril 2000, partant il y a plus de 4 ans, ainsi que des blessures qui lui auraient été occasionnées à cette occasion par d’autres participants à ladite manifestation au moment où il serait tombé, du fait que ces derniers auraient marché sur lui, de tels faits n’étant manifestement pas de nature à justifier à eux seuls une persécution au sens de la Convention de Genève. Il y a encore lieu de relever que son récit est très vague et non circonstancié et qu’il contient des craintes hypothétiques, peu crédibles, d’être poursuivi par le Gouvernement de son pays d’origine, le président de celui-ci ou un quelconque autre membre du gouvernement, sans qu’il n’ait établi ou même allégué avoir eu un rôle ou une fonction dans le cadre de l’organisation des manifestations estudiantines ayant eu lieu en avril 2000 de manière à être connu personnellement par les autorités étatiques, justifiant que celles-ci auraient encore à l’heure actuelle un intérêt à l’arrêter et à le punir le cas échéant en raison de sa participation active aux dites manifestations.

L’appelant n’a pas non plus établi pour quelle raison il risquerait de faire l’objet de persécutions de la part des autorités étatiques du fait d’avoir été le frère de …qui, d’après les explications fournies par l’appelant lui-même lors de ses auditions par un agent du ministère de la Justice, est en réalité son cousin germain, tué au cours des manifestations estudiantines du mois d’avril 2000, à un moment où il agissait en sa qualité de volontaire dans la Croix Rouge gambienne.

Enfin, le fait que la Gambie puisse, à tort ou à raison, être considérée comme un pays tiers sûr au sens de l’article 5-1) du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996, est indifférent dans le cadre de l’analyse au fond d’une demande d’asile, puisque le simple fait, à le supposer établi, que la Gambie ne constitue pas un tel pays d’origine sûr n’est pas de nature à justifier dans le chef de l’appelant la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève.

Il suit partant du constat qui précède que même à supposer que son récit soit véridique, il n’a établi en aucune manière pouvoir raisonnablement craindre de faire l’objet de persécutions de la part des autorités gouvernementales de son pays d’origine en raison de sa participation, parmi des milliers d’autres manifestants, à des manifestations estudiantines, de sorte que le tribunal administratif est à confirmer dans son analyse et que la requête d’appel du 29 juillet 2004 est à déclarer non fondée.

Par ces motifs, La Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

donne acte à l’appelant qu’il déclare bénéficier de l’assistance judiciaire ;

reçoit la requête d’appel du 29 juillet 2004 en la forme ;

la dit cependant non fondée et en déboute ;

partant confirme le jugement entrepris du 28 juin 2004 dans toute sa teneur;

condamne l’appelant aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par :

Jean-Mathias Goerens, vice-président, Marc Feyereisen, conseiller, Carlo Schockweiler, conseiller, rapporteur, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie Wiltzius.

le greffier le vice-président 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 18482C
Date de la décision : 04/01/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2005-01-04;18482c ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award