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16/12/2004 | LUXEMBOURG | N°18462C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 16 décembre 2004, 18462C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 18462 C Inscrit le 27 juillet 2004

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Audience publique du 16 décembre 2004 Recours formé par Madame … … et consort, et sa fille, Mademoiselle … … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 30 juin 2004, n° 17590 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 18462C du rôle et déposée au greffe de la ...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 18462 C Inscrit le 27 juillet 2004

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Audience publique du 16 décembre 2004 Recours formé par Madame … … et consort, et sa fille, Mademoiselle … … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 30 juin 2004, n° 17590 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 18462C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 27 juillet 2004 par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, au nom de Madame … …, née le … à … (Bosnie-Herzégovine), agissant tant en son nom personnel qu’en celui de son fils mineur … …, et de sa fille, Mademoiselle … …, née le … à …, tous de nationalité bosniaque, demeurant actuellement ensemble à L-…, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif en date du 30 juin 2004, par lequel il a déclaré non fondé le recours en réformation introduit contre une décision du ministre de la Justice du 12 novembre 2003, rejetant leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme étant non fondée, ainsi que contre une décision confirmative prise par ledit ministre le 20 janvier 2004 suite à un recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 24 septembre 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le conseiller en son rapport, Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul Reiter s’étant référé à son mémoire.

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Par requête, inscrite sous le numéro 17590 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 17 février 2004, Madame … …, agissant tant en son nom personnel qu’en celui de son fils mineur … …, et sa fille, Mademoiselle … … ont fait introduire un recours tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 12 novembre 2003, rejetant leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme étant non fondée, ainsi que d’une décision confirmative prise par ledit ministre le 20 janvier 2004 suite à un recours gracieux.

Par jugement rendu le 30 juin 2004, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, a reçu le recours en réformation en la forme et, au fond, l’a déclaré non justifié et en a débouté les actuels appelants.

Les premiers juges ont justifié leur décision en ce sens que les actuels appelants, en leur qualité de bosniaques originaires de la République Srpska ne seraient pas exposés en cette seule qualité à des persécutions au sens de la Convention de Genève et que les faits personnels allégués par eux au sujet des menaces et insultes proférées à leur encontre ne dénotent pas une gravité telle qu’ils établissent à l’heure actuelle un risque de persécution dans leur chef au point que leur vie leur serait intolérable dans leur pays d’origine. Les premiers juges ont relevé dans ce contexte que dans la mesure où les actes de persécution proviendraient non pas de la part d’autorités étatiques, mais de personnes privées, les actuels appelants sont restés en défaut de démontrer concrètement que les autorités chargées du maintien de la sécurité et de l’ordre publics en place ne soient pas capables de leur assurer une protection adéquate. Enfin, le tribunal a encore constaté que les actuels appelants n’ont pas démontré de raison suffisante pour laquelle ils ne seraient pas en mesure de trouver refuge à l’heure actuelle dans une autre région de leur pays d’origine.

En date du 27 juillet 2004, Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel en nom et pour compte de Madame … …-…, agissant tant en son nom personnel qu’en celui de son fils mineur … … et de Mademoiselle … …, inscrite sous le numéro 18462C du rôle, par laquelle les parties appelantes sollicitent la réformation du premier jugement.

A l’appui de leur requête d’appel, les appelants estiment que les premiers juges auraient procédé à une mauvaise appréciation des faits par eux soumis, en ce qu’ils n’auraient pas retenu dans leur chef qu’ils remplissent les conditions afin de se voir reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention de Genève. Ils estiment plus particulièrement qu’en leur qualité de membres de la communauté ethnique minoritaire des bosniaques résidant en République Srpska, ils n’auraient eu d’autre choix que de quitter leur pays d’origine afin d’échapper aux persécutions et aux violences dont ils auraient été victimes de la part d’éléments extrémistes serbes. En ce qui concerne la possibilité d’obtenir une protection appropriée de la part des autorités en place dans leur pays d’origine, ils font valoir que lesdites autorités seraient indifférentes aux problèmes ethniques dont ils auraient été les victimes, ladite attitude de ces autorités s’expliquant par le fait que la République Srpska est occupée presqu’exclusivement par une population d’origine serbe et que seuls des membres de cette communauté ethnique seraient au pouvoir.

Dans son mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 24 septembre 2004, le délégué du Gouvernement conclut à la confirmation du jugement entrepris.

La requête d’appel est recevable pour avoir été introduite dans les formes et délai prévus par la loi.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Concernant les craintes exprimées par les appelantes de subir de la part de Serbes des agressions, des provocations ou de faire l’objet de menaces dans leur pays d’origine en raison de leur appartenance à la communauté des Bosniaques et de la participation de respectivement leur père et mari, en sa qualité de soldat de l’armée régulière, à des opérations armées dirigées contre les Serbes, il y a lieu de constater que s’il est vrai que la situation générale des membres de la minorité bosniaque résidant dans la République Srpska est difficile et qu’ils sont particulièrement exposés à des discriminations, elle n’est cependant pas telle que tout membre de la minorité ethnique en question serait de ce seul fait exposé à des persécutions au sens de la Convention de Genève. Une crainte de persécution afférente doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considérés individuellement et concrètement, les demandeurs d’asile risquent de subir des persécutions.

A cet égard, il y a lieu de constater que le récit des appelantes quant à leurs craintes reste vague et non circonstancié et il en ressort que les problèmes rencontrés par elles dans leur pays d’origine ne dénotent pas une gravité suffisante pour constituer une persécution ou comme justifiant une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève dans leur chef, mais font ressortir plutôt un sentiment général d’insécurité.

Il convient pour le surplus de constater que les actes et craintes mis en avant par les appelantes ne s’analysent pas en une persécution émanant de l’Etat, mais d’un groupe de la population ou plutôt de certains membres d’un tel groupe.

Un risque de persécution au titre de l’une des cinq causes visées à l’article 1er de la Convention de Genève émanant de groupes de la population, ne peut être reconnu comme motif d’octroi du statut de réfugié que si la personne en cause ne bénéficie pas de la protection des autorités de son pays. Or, la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion.

Une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel, mais seulement dans l’hypothèse où les agressions commises par un groupe de la population seraient encouragées ou tolérées par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d’offrir une protection appropriée. Il faut en plus que le demandeur d’asile ait concrètement recherché cette protection, de sorte que ce n’est qu’en cas de défaut de protection, dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile, qu’il y a lieu de prendre en compte une persécution commise par des tiers (cf. Jean-Yves Carlier : Qu’est-ce qu’un réfugié ?, p. 113, nos 73-s).

Or, le simple fait de prétendre que les autorités actuellement en place dans la République Srpska ne seraient pas en mesure de leur assurer une protection efficace, sans apporter d’autres précisions à ce sujet, n’est pas de nature à établir un défaut caractérisé de protection de la part desdites autorités. Les appelantes tendent en l’espèce certes à décrire une situation d’insécurité dans leur pays d’origine, mais elles n’ont soumis aucun indice concret relativement à l’incapacité actuelle des autorités compétentes de leur fournir une protection adéquate, voire allégué une démarche concrète en vue d’obtenir la protection de la part des autorités en place.

Enfin, les appelantes ne soumettent aucun élément permettant d’établir les raisons pour lesquelles elles ne seraient pas en mesure de trouver refuge à l’heure actuelle dans une autre partie de leur pays d’origine, étant entendu que la Convention de Genève vise le pays d’origine ou de nationalité d’un demandeur d’asile sans restriction territoriale et que le défaut d’établir les raisons suffisantes pour lesquelles un demandeur d’asile ne serait pas en mesure de s’installer dans une autre région de son pays d’origine et de profiter ainsi d’une possibilité de fuite interne doit être pris en compte pour refuser la reconnaissance du statut de réfugié.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de déclarer la requête d’appel non fondée et de confirmer le jugement entrepris du 30 juin 2004.

La procédure devant les juridictions administratives étant essentiellement écrite, l’arrêt est rendu à l’égard de toutes les parties à l’instance, malgré l’absence du mandataire des appelantes à l’audience fixée pour les plaidoiries.

Par ces motifs, La Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

reçoit la requête d’appel du 27 juillet 2004 en la forme ;

la dit cependant non fondée et en déboute ;

partant confirme le jugement entrepris du 30 juin 2004 dans toute sa teneur;

condamne les appelantes aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par :

Marion Lanners, présidente, Christiane Diederich-Tournay, premier conseiller, Carlo Schockweiler, conseiller, rapporteur, et lu par la présidente en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier en chef de la Cour Erny May.

le greffier en chef la présidente 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 18462C
Date de la décision : 16/12/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2004-12-16;18462c ?

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