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07/12/2004 | LUXEMBOURG | N°18142C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 07 décembre 2004, 18142C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 18142C Inscrit le 1er juin 2004

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Audience publique du 7 décembre 2004 Recours formé par la société anonyme … contre une délibération du conseil communal de la commune de … en matière de plan d’aménagement général - Appel -

(jugement entrepris du 26 avril 2004, no 17153 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 18142C du rôle et déposé...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 18142C Inscrit le 1er juin 2004

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Audience publique du 7 décembre 2004 Recours formé par la société anonyme … contre une délibération du conseil communal de la commune de … en matière de plan d’aménagement général - Appel -

(jugement entrepris du 26 avril 2004, no 17153 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 18142C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 1er juin 2004 par Maître Georges Pierret, avocat à la Cour, au nom de l’administration communale de …, ayant sa maison communale à L-…, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif en date du 26 avril 2004, par lequel il a annulé une délibération du conseil communal de la commune de … du 28 juillet 2003 rejetant la modification du plan d’aménagement général sollicitée et renvoyé l’affaire devant ledit conseil en prosécution de cause ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre Kremmer, demeurant à Luxembourg, du 2 juin 2004, par lequel la requête d’appel a été signifiée à la société anonyme …, établie et ayant son siège social à L-…;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 14 juin 2004 par Maître Victor Elvinger, avocat à la Cour, en nom et pour compte de la société anonyme … s.a. et notifié à la même date par télécopie à Maître Georges Pierret;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le vice-président en son rapport, Maître Vivian Walry, en remplacement de Maître Georges Pierret et Maître Serge Marx, en remplacement de Maître Victor Elvinger, en leurs plaidoiries respectives.

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Par requête déposée au greffe de la Cour le 1er juin 2004, la commune de … a déclaré relever appel d’un jugement du tribunal administratif du 26 avril 2004 qui a annulé une délibération du conseil communal de la commune de … rejetant un projet de modification du plan d’aménagement général de ladite commune.

Le jugement dont appel, après avoir écarté un moyen d’irrecevabilité tiré d’un prétendu défaut d’intérêt à agir dans le chef de la demanderesse société anonyme … a déclaré le recours en annulation justifié et annulé la délibération du corps communal pour défaut de motivation dans la procédure d’élaboration de la décision litigieuse et dans la procédure contentieuse, défaut de motivation qui mettrait le juge dans l’impossibilité de contrôler la légalité de la décision déférée.

La commune appelante conclut à la réformation du jugement et à voir déclarer le recours initial irrecevable sinon, au fond, déclarer le recours non fondé.

Il est conclu à l’irrecevabilité du recours alors que la décision attaquée ne revêtirait pas la qualité d’acte administratif.

Le moyen d’irrecevabilité est par ailleurs motivé par le défaut dans le chef de la demanderesse d’un intérêt personnel direct, actuel et certain à l’encontre de la délibération litigieuse du conseil communal.

Au fond, il est soutenu que ce serait à tort que le jugement dont appel a annulé la délibération, aucun texte n’imposant la motivation des actes de nature réglementaire et que, l’appréciation de l’opportunité d’une décision d’essence politique échappant au juge de la légalité, le contrôle des motifs du vote des conseillers ne serait pas admis, un tel contrôle se heurtant aux principes de la séparation des pouvoirs et impliquerait l’examen de considérations de l’opportunité voire de l’orientation politique à la base de la délibération.

Un mémoire en réponse a été déposé par la société anonyme … le 14 juin 2004.

Il est conclu à voir dire l’appel irrecevable sinon mal fondé et à la confirmation du jugement dont appel.

L’intimée n’apporte pas de motivation à ses conclusions en ce qui concerne l’irrecevabilité de l’appel.

Au fond, elle soutient que la décision déférée constitue une décision administrative.

En ce qui concerne l’intérêt à agir, l’intimée conclut à l’existence de cet intérêt dans son chef comme étant à l’origine de l’introduction de la procédure de modification du Plan d’Aménagement Général.

Quant au fond, il est conclu à l’entérinement des motifs du jugement dont appel alors que la mission du juge, même dans un recours en annulation impliquerait l’examen de l’existence des motifs qui sont à la base d’une décision administrative.

Considérant que l’appel est recevable pour être intervenu dans les formes et délai de la loi ;

Quant à la recevabilité du recours originaire 2 Considérant que l’appelante conclut à voir déclarer le recours irrecevable alors que la décision attaquée, comme émanant du conseil communal, soit d’un organe politique directement élu, ne revêtirait pas la qualité de l’acte administratif au sens de l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif ;

Considérant que la décision attaquée a été prise par le conseil communal de la commune de … dans le cadre d’une procédure de modification du plan d’aménagement général de la commune initiée par l’intimée …;

que la décision est dès lors intervenue dans la procédure prévue par la loi du 12 juin 1937 sur l’aménagement des Villes et autres agglomérations importantes, procédure complexe prévoyant plusieurs étapes et au caractère réglementaire de laquelle participe chacune des décisions à prendre au cours de la procédure ;

qu’il en découle que la délibération du conseil communal par laquelle le projet de modification a été refusé au stade de l’approbation provisoire revêt le caractère de l’acte administratif à caractère réglementaire contre lequel un recours en annulation est ouvert dans les conditions de l’article 7 de la loi précitée du 7 novembre 1996 ;

que le moyen d’irrecevabilité est dès lors à écarter ;

considérant que l’appelante conclut encore à l’irrecevabilité du recours originaire pour défaut d’intérêt à agir dans le chef de la demanderesse ;

considérant que par adoption des motifs développés au jugement dont appel ce moyen n’est pas fondé alors que la décision entreprise, en mettant fin à la procédure de modification du Plan d’Aménagement Général initiée par la demanderesse, propriétaire des terrains sur lesquels a porté la demande de reclassement, comme il a été reconnu par les deux parties lors des débats à l’audience, affecte directement et sans qu’il ne soit besoin d’une décision individuelle d’exécution, la situation de la partie demanderesse ;

qu’il en découle qu’il y a lieu à confirmation du jugement dont appel en ce qu’il a déclaré le recours recevable ;

Quant au fond Considérant que le jugement dont appel a prononcé l’annulation de la décision litigieuse du Conseil communal de la commune de … pour défaut de motifs légaux ;

Considérant qu’il résulte du libellé de la décision litigieuse prise par le conseil communal dans sa séance publique du 28 juillet 2003 que le projet du Plan d’Aménagement a été rejeté par 3 voix contre 2 et 2 abstentions ;

que la délibération énonce que la modification du Plan d’Aménagement Général a pour but de permettre à la société … des éoliennes, et qu’elle se réfère à l’avis de la Commission d’aménagement prévu par la loi, qu’elle énonce qu’il a été délibéré sans en retracer le contenu indique le résultat du vote ;

3 Considérant que la délibération est donc muette sur les motifs de la décision, motifs qui n’ont pas non plus été autrement développés dans la procédure contentieuse, l’appelante se bornant à soutenir, comme énoncé ci-dessus, que la délibération, d’essence politique, ne nécessiterait aucune indication de motifs et que, dans le cadre d’un recours en annulation, il n’appartiendrait pas au juge administratif de procéder à un contrôle des motifs, donc de l’opportunité politique d’une décision réglementaire du corps communal ;

Considérant que, comme il en est des décisions administratives individuelles, les décisions à caractère réglementaire doivent reposer sur des motifs légaux ;

que contrairement à ce qui est imposé pour les premières par l’article 6 du règlement grand-

ducal du 8 juin 1979 sur la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, inapplicable en matière réglementaire, aucun texte n’oblige l’administration à formuler de manière expresse et explicite les motifs gisant à la base d’un acte à caractère réglementaire, dont toutefois le motif doit être légal et à cet égard vérifiable par la juridiction administrative ;

Considérant en l’occurrence que l’acte incriminé, soit le vote sur l’approbation provisoire du projet de modification du Plan d’Aménagement Général de la commune de …, a fait l’objet d’une décision de refus alors qu’il n’a recueilli que 2 votes positifs contre trois votes négatifs et 2 abstentions ;

Considérant que le fait que la proposition n’a pas recueilli la majorité des votes exprimés établit nécessairement que la majorité du corps communal élu a refusé son adhésion à la modification proposée du Plan d’Aménagement Général, décision pour laquelle le corps communal est seul compétent et qui relève de l’appréciation politique des élus sur l’opportunité d’admettre, sur le terrain visé, la possibilité d’installation d’éoliennes ;

que l’attitude ainsi exprimée, de ne pas souhaiter l’implantation d’éoliennes à l’endroit proposé vaut à suffisance comme motif politique à raison duquel le juge de la légalité ne saurait demander d’explication supplémentaire, l’opinion exprimée étant de la compétence du conseil communal auquel la loi donne la mission expresse de se prononcer dans un vote préliminaire sur l’opportunité de poursuivre la procédure, vote qui, s’il est négatif, y met définitivement fin ;

que la dite décision, intervenue dans la sphère de compétence exclusive du Conseil communal en l’absence d’un plan directeur sectoriel réglant l’emplacement d’éoliennes sur le territoire national sur base de la législation sur l’aménagement général du territoire, et dans le cadre de la procédure prévue par la loi, doit être réputée et présumée reposer sur des motifs légaux tenant à l’aménagement du territoire communal suivant le vœu politique de ceux qui sont appelés à en décider, aucune motivation contraire aux objectifs de la loi ne résultant du dossier ni étant alléguée en cause;

Considérant qu’il en résulte que le conseil communal a fait un usage conforme à la loi de sa prérogative d’appréciation de l’opportunité de la mesure proposée et qu’il n’y a pas lieu, pour défaut d’énonciation de ses motifs, à annulation de la décision par ailleurs régulière en la forme, de manière à ce qu’il échet de réformer le jugement dont appel ;

Par ces motifs 4 la Cour, statuant contradictoirement, sur le rapport de son vice-président, reçoit l’acte d’appel du 1er juin 2004, le déclare fondé, par réformation du jugement du 26 avril 2004, déclare le recours introduit par requête inscrite sous le numéro du rôle 17153 non justifié en déboute ;

condamne la … aux frais des deux instances.

Ainsi délibéré et jugé par Jean Mathias Goerens, vice-président, rapporteur Marc Feyereisen, conseiller, Carlo Schockweiler, conseiller et lu par le vice-président Jean Mathias Goerens en l’audience publique au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête en présence du greffier de la Cour Anne-Marie Wiltzius.

le greffier le vice-président 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 18142C
Date de la décision : 07/12/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2004-12-07;18142c ?

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