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18/11/2004 | LUXEMBOURG | N°18491C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 18 novembre 2004, 18491C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 18491 C Inscrit le 2 août 2004

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Audience publique du 18 novembre 2004 Recours formé par Monsieur … … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 28 juin 2004, n° 17663 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le n

uméro 18491C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 2 août 2004 par Maître ...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 18491 C Inscrit le 2 août 2004

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Audience publique du 18 novembre 2004 Recours formé par Monsieur … … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 28 juin 2004, n° 17663 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 18491C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 2 août 2004 par Maître Claude Wassenich, avocat à la Cour, au nom de Monsieur … …, sans état particulier, né le 14 septembre 1986 à … (Sénégal), de nationalité sénégalaise, demeurant actuellement à L-…, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 28 juin 2004, par lequel il a déclaré non fondé le recours en annulation introduit contre une décision du ministre de la Justice du 1er décembre 2003 déclarant sa demande en obtention du statut de réfugié non fondée, ainsi que contre une décision confirmative du même ministre du 20 janvier 2004 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 9 septembre 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le conseiller en son rapport et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul Reiter en ses plaidoiries.

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Par requête, inscrite sous le numéro 17663 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 25 février 2004, Monsieur … … a fait introduire un recours tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 1er décembre 2003, déclarant sa demande en obtention du statut de réfugié non fondée, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 20 janvier 2004, rendue suite à un recours gracieux.

Par jugement rendu le 28 juin 2004, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, a reçu le recours en annulation en la forme et, au fond, l’a déclaré non justifié et en a débouté Monsieur … ….

Les premiers juges ont tout d’abord déclaré le seul recours en annulation introduit par l’actuel appelant comme étant recevable dans la limite des moyens de légalité invoqués, alors même qu’un recours en réformation aurait pu être introduit contre la décision litigieuse ayant déclaré non fondée la demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de l’article 11 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire. Quant au fond, ils ont estimé que le ministre de la Justice n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation des faits lui soumis par l’actuel appelant dans le cadre de sa demande d’asile, en retenant que le simple fait d’avoir été victime d’une attaque de rebelles dans son pays d’origine, à savoir le Sénégal, sans avoir pu établir que ces actes de banditisme le visaient personnellement et qu’ils pouvaient être considérés comme des actes de persécution au sens de la Convention de Genève, ne tombe pas sous le champ d’application de la convention en question, d’autant plus que l’appelant n’a pas démontré que les autorités chargées du maintien de la sécurité et de l’ordre publics dans son pays d’origine ne soient pas capables de lui assurer un niveau de protection suffisant, étant relevé qu’il ressort de son rapport d’audition par un agent du ministère de la Justice qu’il n’avait entrepris aucune démarche auprès de ces autorités pour tenter d’obtenir leur protection face aux rebelles. Le tribunal administratif a encore relevé que l’actuel appelant n’a pas fait état d’une quelconque raison qui l’aurait mis dans l’impossibilité de s’installer dans une autre partie du Sénégal, en profitant ainsi d’une possibilité de fuite interne.

En date du 2 août 2004, Maître Claude Wassenich, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel en nom et pour compte de Monsieur … …, inscrite sous le numéro 18491C du rôle, par laquelle la partie appelante sollicite la réformation du premier jugement.

A l’appui de sa requête d’appel, l’appelant soulève tout d’abord la question de la légalité de la loi précitée du 3 avril 1996, en ce que les dispositions y incluses ne seraient pas claires.

L’appelant conclut encore à la nullité de la décision attaquée, en ce que la procédure administrative préalable serait viciée du fait que le ministre de la Justice ne l’aurait pas informé, conformément à l’article 5 de la loi précitée du 3 avril 1996, de son droit de se faire assister à titre gratuit d’un interprète et de son droit de choisir un avocat ou de se faire désigner un avocat par le bâtonnier de l’Ordre des avocats.

Il reproche par ailleurs au ministre de la Justice de ne pas lui avoir nommé un administrateur ad hoc, puisqu’au moment de la présentation de sa demande d’asile, il n’aurait été âgé que de 16 ans, de sorte qu’il n’aurait pas pu s’occuper lui-même de ses problèmes juridiques. Dans ce contexte, et en cas de contestation de la part du ministre de la Justice quant à sa minorité au moment de l’introduction de la demande d’asile, il sollicite l’institution d’une expertise médicale afin de déterminer son âge actuel.

Quant au bien-fondé de sa demande d’asile, il soutient que les premiers juges auraient fait une mauvaise interprétation des faits par lui soumis au cours de sa demande d’asile, en ce qu’ils auraient à tort refusé de faire droit à sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié. A cet effet, il fait état non seulement des conditions dans lesquelles il aurait dû prendre la fuite de son pays d’origine, à savoir le Sénégal, mais également de la situation politique générale régnant dans ce pays. Il conteste plus particulièrement qu’il aurait pu profiter d’une possibilité de fuite interne, en s’installant dans une autre région de son pays d’origine, en soutenant qu’en tant que ressortissant de la région de Casamance, il n’aurait bénéficié d’aucune protection du gouvernement et qu’en plus, les déplacements à l’intérieur de son pays d’origine seraient difficiles. Il estime encore que le simple fait d’avoir quitté son pays d’origine le ferait considérer par les autorités gouvernementales de celui-ci comme un déserteur et qu’il risquerait d’être emprisonné de ce fait.

Il soutient enfin qu’il lui aurait été impossible de préparer un dossier complet quant aux persécutions qu’il aurait subies dans son pays d’origine, de sorte qu’un tel état de fait ne devrait lui être préjudiciable au niveau de l’appréciation du bien-fondé de sa demande d’asile.

Dans son mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 9 septembre 2004, le délégué du Gouvernement conclut à la confirmation du jugement entrepris.

La requête d’appel est recevable pour avoir été introduite dans les formes et délai prévus par la loi.

Quant au premier moyen soulevé par l’appelant, il échet de constater que sur base d’une argumentation confuse, témoignant manifestement d’une lecture rapide des dispositions afférentes de la loi précitée du 3 avril 1996, et plus particulièrement des articles 9 à 12 de celle-ci, qui ont été mal comprises par son mandataire, ce dernier « soulève la question de la légalité de cette loi », au motif que « le texte de loi [n’est] pas clair », sans indiquer la teneur exacte du moyen que l’appelant entend ainsi faire valoir, ainsi que les conséquences légales à tirer d’un éventuel bien-fondé du moyen en question. L’appelant ne fait par ailleurs pas indiquer quelle disposition légale ou même constitutionnelle aurait été violée en l’espèce, de sorte que la Cour administrative se trouve dans l’impossibilité de saisir le sens exact de ce moyen et il y a partant lieu de le rejeter pour libellé obscur.

Quant au moyen tiré de la violation de l’article 5 de la loi précitée du 3 avril 1996, en ce qu’au cours de la phase d’instruction de sa demande d’asile, l’appelant n’aurait pas été informé de son droit de se faire assister d’un interprète et de son droit de choisir un avocat, il échet de constater que suivant une pièce versée sur demande de la Cour au greffe de celle-ci en date du 26 octobre 2004, l’appelant a signé en date du 13 mars 2003 un document rédigé en anglais, à savoir dans une langue qu’il a lui-même déclaré maîtriser, tel que cela ressort des rapports de ses auditions effectuées par un agent du ministère de la Justice en date des 5 et 26 mai 2003, par lequel il a attesté qu’il a été informé de son droit de choisir un avocat ou de s’en faire nommer un par le bâtonnier de l’Ordre des avocats, de sorte qu’à cet égard, les prescriptions de l’article 5 précité ont été respectées. En ce qui concerne pour le surplus la question de savoir si un interprète aurait dû être mis à sa disposition, il échet de constater à la lecture des procès-verbaux précités ayant trait aux auditions qui se sont tenues en date des 5 et 26 mai 2003, qu’il a déclaré maîtriser la langue anglaise et que lesdites auditions se sont intégralement tenues en anglais, les procès-verbaux eux-mêmes ayant été rédigés en anglais et signés par l’appelant qui a mentionné, d’une manière manuscrite, avoir lu et accepté la teneur des procès-verbaux en question. Il s’ensuit qu’à cet égard également les prescriptions de l’article 5 de la loi précitée du 3 avril 1996 ont été respectées, dans la mesure où un interprète n’a pas été nécessaire afin d’assurer que les auditions en question soient tenues dans des conditions de nature à sauvegarder tous les droits, et plus particulièrement les droits de la défense, de l’appelant.

Il suit de ce qui précède que le moyen afférent est à rejeter pour ne pas être fondé.

Quant à la question de la majorité de l’appelant au moment de l’introduction de sa demande d’asile, il échet de constater qu’il ressort d’un certificat de radiologie et d’imagerie médicale établi en date du 11 avril 2003 par le docteur A.S., que suivant un examen de la « fusion complète des cartilages de croissance », il a pu être constaté que l’appelant avait un âge supérieur ou égal à 18 ans. Ledit certificat médical n’ayant en aucune manière été énervé par un quelconque indice ou élément de preuve contraire, le moyen afférent n’est pas fondé, de sorte qu’il est à écarter, sans qu’il y ait lieu de procéder à l’institution d’une expertise médicale.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Quant au fond, il échet tout d’abord de rappeler que dans le cadre du recours en annulation dont ont été saisies les juridictions administratives dans le cadre du présent litige, qui a à bon droit pu être déclaré recevable par le tribunal dans la mesure où l’actuel appelant se borne à invoquer des moyens de légalité, le juge administratif a pour mission de vérifier les faits formant la base de la décision administrative qui lui est soumise et d’examiner si ces faits sont de nature à justifier la décision. Cet examen amène le juge administratif à vérifier si les faits à la base de la décision sont établis et si la mesure prise est proportionnelle par rapport aux faits établis. Il s’ensuit que le recours en annulation ne saurait être déclaré fondé qu’à partir du moment où il est constaté que le ministre a commis une erreur d’appréciation manifeste des faits dont il a été saisi.

Ceci dit, il échet de relever que les premiers juges ont constaté qu’une erreur d’appréciation manifeste ne saurait être reprochée au ministre de la Justice, en ce que les faits avancés par l’appelant, au-delà de certaines incohérences contenues dans ses différents récits, ne font pas ressortir qu’il a été personnellement visé par les attaques des rebelles. Ainsi, il n’a pas établi ni même expliqué de raison que les attaques en question ne seraient pas à considérer comme relevant d’un simple banditisme de droit commun.

Les premiers juges ont encore pu relever que l’appelant n’a établi ni que les autorités actuellement en place au Sénégal soient dans l’incapacité de lui assurer une protection adéquate ni qu’il n’ait pas été en mesure de s’installer dans une autre partie du Sénégal, afin d’échapper aux attaques de rebelles dont il a fait état, dans la mesure où les mouvements de rébellion sont limités à la région de Casamance.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que la requête d’appel n’est pas fondée et que le jugement entrepris du 28 juin 2004 est à confirmer.

La procédure devant les juridictions administratives étant essentiellement écrite, l’arrêt est rendu à l’égard de toutes les parties à l’instance, malgré l’absence du mandataire de l’appelant à l’audience fixée pour les plaidoiries.

Par ces motifs, La Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

reçoit la requête d’appel du 2 août 2004 en la forme ;

la dit cependant non fondée et en déboute ;

partant confirme le jugement entrepris du 28 juin 2004 dans toute sa teneur;

condamne l’appelant aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par :

Marion Lanners, présidente, Christiane Diederich-Tournay, premier conseiller, Carlo Schockweiler, conseiller, rapporteur, et lu par la présidente en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier en chef de la Cour Erny May.

le greffier en chef la présidente 6


Synthèse
Numéro d'arrêt : 18491C
Date de la décision : 18/11/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2004-11-18;18491c ?

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