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09/11/2004 | LUXEMBOURG | N°18048C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 09 novembre 2004, 18048C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 18048 C Inscrit le 12 mai 2004

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Audience publique du 9 novembre 2004 Recours formé par … contre une décision du ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural en matière d’agriculture et de viticulture - Appel -

(jugement entrepris du 29 avril 2004, n° 17248 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 18048C du rôle et déposée au greffe...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 18048 C Inscrit le 12 mai 2004

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Audience publique du 9 novembre 2004 Recours formé par … contre une décision du ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural en matière d’agriculture et de viticulture - Appel -

(jugement entrepris du 29 avril 2004, n° 17248 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 18048C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 12 mai 2004 par Maître Fernand Entringer, avocat à la Cour, au nom de …, cultivateur, demeurant à L-…, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif en date du 29 avril 2004, par lequel il s’est déclaré incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation et il a déclaré non fondé le recours principal en annulation introduit contre une décision du ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural du 13 octobre 2003 constatant dans son chef un trop-payé au titre de la prime aux producteurs de certaines cultures arables pour l’année culturale 2000 à hauteur de 67.910,52 € et sollicitant de sa part le remboursement de cette somme majorée des intérêts ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 9 juin 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 22 juin 2004 en nom et pour compte de … ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 9 septembre 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le conseiller en son rapport, Maître Steve Helminger, en remplacement de Maître Fernand Entringer, et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy Schleder en leurs plaidoiries respectives.

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Par requête, inscrite sous le numéro 17248 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 8 décembre 2003, …, cultivateur, a fait introduire un recours tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision du ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural du 13 octobre 2003 constatant dans son chef un trop-payé au titre de la prime aux producteurs de certaines cultures arables pour l’année culturale 2000 à hauteur de 67.910, 52 € et sollicitant de sa part le remboursement de cette somme majorée des intérêts.

Par jugement rendu le 29 avril 2004, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, s’est déclaré incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation, a reçu le recours principal en annulation en la forme et, au fond, l’a déclaré non justifié et en a débouté ….

Les premiers juges ont justifié leur décision en se basant tout d’abord sur le règlement (CEE) n° 3887/92 de la Commission du 23 décembre 1992 portant modalités d’application du système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d’aides communautaires, ci-après désigné par le « règlement 3887/92 », qu’ils ont déclaré comme étant applicable au cas d’espèce et en constatant que le ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural avait à bon droit pu exiger le remboursement d’aides indûment perçues par …, au sujet de terres représentant une surface de 24,1411 hectares, en l’occurrence les parcelles cadastrales n°s 482/1285 (commune de Bettembourg, section E de Noertzange) et 1157/7611 (commune de Dudelange, section A de Budersberg), qui n’avaient reçu aucune affectation agricole, ni en 1990, ni 1994, tel que cela ressortait d’un contrôle sur place et d’un examen de photos aériennes des 7 décembre 1990 et 31 mai 1994, de sorte qu’elles n’étaient pas éligibles en vue de l’obtention des primes pour cultures arables, pour ne pas avoir été exploitées comme terres agricoles au 31 décembre 1991, étant donné qu’une erreur de l’autorité compétente n’a pas pu être retenue en l’espèce, puisque seuls des contrôles ex post ont permis de déceler l’irrégularité litigieuse dans le chef des surfaces en question qui ont été déclarées par … comme étant éligibles au titre de la prime pour cultures arables, tout en ne respectant pas l’exigence quant à l’affectation telle que posée par l’article 7, alinéa 1er du règlement CE n° 1251/1999 du Conseil du 17 mai 1999 instituant un régime de soutien aux producteurs de certaines cultures arables. Les premiers juges ont encore retenu qu’il ne saurait être reproché à l’administration compétente d’avoir accepté la déclaration erronée de l’actuel appelant, introduite le 28 avril 2000, puisque seuls les contrôles auxquels il a été procédé postérieurement à ladite demande ont pu déceler que la déclaration de surface ne répondait pas aux critères précités. En effet, d’après le tribunal, il aurait incombé à … de s’assurer que les surfaces par lui déclarées répondaient à toutes les conditions posées par la réglementation communautaire applicable. En conclusion, les premiers juges ont décidé que le cas d’espèce sous analyse ne rentrait pas dans la disposition inscrite à l’article 14 du règlement 3887/92, suivant laquelle, il peut être fait exception à l’obligation de remboursement si le paiement de la prime s’est effectué de manière indue suite à une erreur de l’autorité compétente.

Enfin, le tribunal a décidé qu’en tout état de cause, même à supposer que le règlement 2419/2001 puisse trouver application au cas d’espèce, l’article 49, alinéa 4 ne vise pas le cas d’espèce, en ce que le ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural n’a pas commis d’erreur en acceptant la déclaration de … déposée le 28 avril 2000, en réglant à celui-ci dans une première phase les aides à la surface sur base de ses déclarations et en réduisant ex post des montants desdites aides suite au résultat des contrôles effectués après le paiement. Il a encore constaté qu’une erreur ne peut pas non plus être constatée dans le chef de l’administration des Ponts et Chaussées, en sa qualité d’« autre autorité », puisqu’il ne ressort d’aucun élément du dossier que cette dernière ait, au-delà de la simple mise à disposition des surfaces étatiques, fourni à l’actuel appelant des informations ou garanties concernant l’utilisation antérieure desdits terrains voire leur éligibilité aux aides à la surface en cause.

En date du 12 mai 2004, Maître Fernand Entringer, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel en nom et pour compte de …, inscrite sous le numéro 18048C du rôle, par laquelle la partie appelante sollicite la réformation du premier jugement.

A l’appui de sa requête d’appel, l’appelant reproche tout d’abord aux premiers juges d’avoir fait application à son cas d’espèce du règlement CEE 3887/92, précité, en soutenant que conformément au règlement CE 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, ils auraient dû faire application du règlement CE 2419/2001 du 11 décembre 2001 portant modalités d’application du système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d’aides communautaires établis par le règlement CEE n° 3508/92, et plus particulièrement de l’article 49 de celui-ci. Il estime encore dans ce contexte que le tribunal aurait de sa propre initiative fait application du règlement CE n° 3887/92, en dehors de tout débat contradictoire, de sorte à avoir violé l’article 61, alinéa 3 du nouveau code de procédure civile.

L’appelant estime en effet que dans la mesure où l’article 49 du règlement 2419/2001 constituerait une disposition moins sévère que celle contenue à l’article 14 du règlement CE 3887/92, il y aurait lieu d’en faire application rétroactive, en ce qu’il prévoit une prescription plus courte. Il soulève également la question de savoir si l’article 2 du règlement 2988/95, précité, en raison de sa postériorité par rapport au règlement également précité n° 3887/92, n’a pas abrogé l’article 14 de ce dernier règlement. Sans toutefois fournir de réponse à la question ainsi soulevée, l’appelant propose à la Cour de soumettre une question préjudicielle à la Cour de Justice des Communautés européennes afin de savoir si en application du règlement 2988/95, le règlement 3887/92 est écarté au profit du règlement 2419/2001.

Quant au fond de l’affaire, et en ce qui concerne plus particulièrement la présentation des faits, … insiste sur la bonne foi qui a été la sienne lors de la déclaration des terres éligibles afin d’obtenir des aides communautaires de gel de surfaces arables, puisqu’au moment d’introduire les déclarations afférentes au sujet des années 2000 et 2001, il n’aurait pas connu l’affectation des terres actuellement litigieuses qui ont été mises à sa disposition par l’administration des Ponts et Chaussées en compensation de terres qu’il a dû céder dans le cadre d’un remembrement pour l’aménagement de jardins d’agrément. Il admet toutefois, après avoir été confronté au résultat des contrôles effectués par l’administration, que les parcelles litigieuses n’avaient été déclarées, dans le passé, par aucun agriculteur comme terres exploitées et qu’elles constituaient en réalité des terrains en attente d’une destination autre qu’une destination agricole.

En droit, il conteste que les premiers juges aient fait une application correcte de l’article 49 du règlement 2419/2001, en soutenant que dans la mesure où il y aurait eu une erreur de fait de la part des services du ministère, rendant applicable l’une des branches de l’alinéa 4 de l’article 49 précité, il y aurait lieu de procéder à une réduction du délai de prescription à 12 mois dans le cas spécifique, puisque l’erreur commise par l’autorité compétente a trait à des éléments de fait pertinents pour le calcul du paiement de la prime. Afin de connaître l’interprétation correcte qu’il y aurait lieu de donner au sujet de l’article 49 du règlement 2419/2001 précité, l’appelant propose à la Cour de poser une question préjudicielle à la Cour de Justice des Communautés européennes afin de savoir si l’article 49 dudit règlement rend ou non l’Etat forclos à agir contre l’appelant dans la présente cause.

Dans son mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 9 juin 2004, le délégué du Gouvernement conclut à la confirmation du jugement entrepris.

Il précise toutefois quant à la base légale que les premiers juges se sont à tort référés à la version originaire de l’article 14 du règlement CEE n° 3887/92, alors qu’ils auraient dû faire application du texte qui s’applique au cas d’espèce, en application du règlement CEE n° 1678/1998 ayant procédé à une modification de l’article 14 précité, applicable à partir du 6 août 1998, et qui présente, dans sa version actualisée, de larges similitudes avec l’article 49 du règlement précité 2419/2001. Il estime toutefois que la base légale ainsi précisée ne porterait pas à conséquence, dans la mesure où les premiers juges auraient fait une analyse correcte de l’article 49 du règlement CE 2419/2001. Il soutient par ailleurs que conformément au règlement n° 2988/95 du Conseil du 18 septembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers des communautés européennes et en considération de ce que les dispositions de l’article 49, paragraphe 3 du règlement précité 2419/2001 sont à considérer comme moins sévères que celles prévues à l’article 14, paragraphe 3 du règlement modifié, précité, 3887/92, ce sont les dispositions moins sévères de l’article 49 en question qui doivent trouver application en l’espèce, dont la décision ministérielle aurait tenu compte.

Quant à l’interprétation de l’article 49 du règlement 2419/2001, le délégué du Gouvernement soutient que pour que l’article 49, alinéa 4 puisse trouver application, il est obligatoire que l’erreur à laquelle il est fait référence, doit avoir existé au moment du paiement, ce qui n’aurait pas été le cas en l’espèce. Il expose encore que l’interprétation que l’appelant souhaite donner à l’article 49 en question irait à l’encontre des intérêts financiers de l’Union européenne, puisque dans la mesure où les autorités compétentes ne seraient pas en mesure de constater des inexactitudes ou des surévaluations des superficies déclarées au cours de l’année même de la présentation des demandes d’aides afférentes, toute vérification ultérieure desdites données de fait serait vouée à l’échec du fait de l’impossibilité de recouvrer les sommes indûment payées.

En date du 22 juin 2004, … a fait déposer un mémoire en réplique au greffe de la Cour administrative et en date du 9 septembre 2004, le délégué du Gouvernement a déposé un mémoire en duplique au greffe de la Cour administrative, ces deux derniers mémoires contenant les argumentations plus ou moins succinctes des deux parties quant à l’interprétation à donner à un arrêt de la Cour de Justice des Communautés européennes du 19 novembre 2002 (affaire C-304/00) quant à la possibilité d’obtenir le remboursement d’aides dans l’hypothèse où le bénéficiaire a commis une erreur dans sa déclaration quant aux surfaces éligibles.

La requête d’appel est recevable pour avoir été introduite dans les formes et délai prévus par la loi.

En ce qui concerne le premier reproche adressé par l’appelant à l’encontre du jugement entrepris, et tiré de ce que les premiers juges auraient à tort fait application du règlement CEE 3887/92, alors qu’ils auraient dû faire application du règlement CE 2419/2001, en application du règlement CE 2988/95, en ce que le règlement CE 2419/2001 contiendrait, en son article 49, une disposition moins sévère que celle contenue à l’article 14 du règlement CE 3887/92, de sorte qu’il y aurait lieu d’en faire application rétroactive, il échet tout d’abord de constater qu’en vertu de l’article 54, paragraphe 2 du règlement CE 2419/2001, il « s’applique aux demandes d’aides introduites au titre des campagnes de commercialisation ou des périodes de référence des primes commençant à compter du 1er janvier 2002 » et qu’en vertu de son article 53, paragraphe 1er « le règlement CE 3887/92 est abrogé, mais qu’il reste toutefois d’application « pour les demandes d’aides relatives aux campagnes de commercialisation ou aux périodes de référence des primes commençant avant le 1er janvier 2002 ».

Il s’ensuit qu’en principe le règlement CE 3887/92, tel que modifié par la suite, est à appliquer dans le cadre du litige dont la Cour se trouve saisie, puisque la prime litigieuse aux producteurs de certaines cultures arables a trait à l’année culturale 2000.

Il se pose toutefois la question de savoir si, tel que cela a été développé par l’appelant à l’appui de sa requête d’appel, et comme l’a également soutenu l’Etat dans son mémoire en réponse, le règlement CE 2988/95, et plus particulièrement l’article 2, paragraphe 2 de celui-ci, est de nature à avoir une influence quant à la réglementation applicable au sujet de l’année culturale 2000, en rendant applicable non pas le règlement CEE 3887/92, tel que modifié, mais le règlement CE 2419/2001.

L’article 2, paragraphe 2 du règlement CE 2988/95 se lit comme suit : « Aucune sanction administrative ne peut être prononcée tant qu’un acte communautaire antérieur à l’irrégularité ne l’a pas instaurée. En cas de modification ultérieure des dispositions portant sanctions administratives et contenues dans une règlementation communautaire, les dispositions moins sévères s’appliquent rétroactivement ».

Les parties à l’instance, à savoir tant l’appelant que l’Etat semblent en substance vouloir faire considérer la décision ministérielle litigieuse tendant à obtenir le remboursement des aides indûment payées ensemble les intérêts y relatifs comme une sanction administrative au sens de l’article 2, paragraphe 2 précité. Or, la Cour ne saurait partager ce point de vue, étant donné non seulement que la décision afférente tend simplement à obtenir le remboursement de sommes indûment payées à l’appelant, sans qu’une quelconque sanction ne puisse par définition être attachée à une telle demande, mais qu’en outre les articles 4 et 5 du règlement CE 2988/95 font une distinction claire et nette entre, d’un côté, les remboursements de montants indûment perçus et, d’un autre côté, les sanctions administratives qui peuvent en outre être infligées aux auteurs d’irrégularités intentionnelles ou causées par négligence, énumérées sous les points a) à g) de l’article 5, paragraphe 1er précité.

Etant donné que les articles 14 du règlement CE 3887/92, tel que modifié par la suite, et 49 du règlement CE 2419/2001 n’ont pas pour objet de prévoir des sanctions administratives à infliger à celui ayant bénéficié d’un paiement indû, mais de réglementer simplement les conditions et modalités dans lesquelles le bénéficiaire des sommes en question est obligé à les rembourser. Il s’ensuit que l’article 2, paragraphe 2 précité du règlement CE 2988/95 n’est pas de nature à avoir une influence quant aux dispositions réglementaires applicables au présent litige.

Le moyen afférent soulevé par l’appelant est partant à écarter pour ne pas être fondé et il y a partant lieu de faire application de la version actualisée du règlement CE 3887/92.

Quant au reproche suivant lequel le tribunal aurait de sa propre initiative fait application du règlement CE 3887/92, en dehors de tout débat contradictoire, en ayant violé de la sorte l’article 61, alinéa 3 du nouveau code de procédure civile, il échet tout d’abord de rappeler que le juge ne peut faire application que des règles de droit qu’il estime lui-même applicables au litige dont il se trouve saisi et que le simple fait pour les parties à l’instance d’avoir conclu sur base de dispositions légales ou réglementaires que le juge n’a finalement pas retenues à la base de sa décision, n’est pas de nature à le lier ou à l’obliger à rouvrir les débats afin de permettre aux parties à l’instance de prendre position par rapport à la base légale dont le juge estime devoir faire application, puisque le rôle du juge consiste à faire application aux faits qui lui sont soumis des règles de droit applicables. Il échet encore de constater que l’article 61, alinéa 3 du nouveau code de procédure civile ne saurait trouver application, puisque dans le cas d’espèce, les parties à l’instance n’ont pas pu disposer de la liberté de fixer elles-mêmes les réglementations susceptibles de s’appliquer au litige dont elles ont saisi les juridictions administratives. Enfin, et pour être complet, le fait d’appliquer au litige une autre réglementation que celle discutée par les parties dans leurs mémoires écrits, ne constitue pas un moyen soulevé d’office que les juges de première instance auraient dû soumettre aux observations éventuelles de la part des parties à l’instance, conformément à l’article 30 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives. En effet, le simple fait de faire application de la réglementation correcte devant se trouver à la base de la décision litigieuse à la place de celle que les parties à l’instance estiment à tort devoir justifier celle-ci, ne constitue pas un moyen que le juge aurait dû soulever d’office en le soumettant aux commentaires des parties, mais fait partie de la mission du juge.

Il suit des développements qui précèdent que le moyen afférent est également à rejeter pour ne pas être fondé, aucune violation des droits de la défense notamment dans le chef de l’appelant, n’ayant pu être constatée en l’espèce.

Il y a par ailleurs lieu de rejeter la demande tendant à voir poser une question préjudicielle à la Cour de Justice des Communautés européennes, afin de savoir si en application du règlement CE 2988/95, le règlement CE 3887/92 devrait être écarté au profit du règlement CE 2419/2001, étant donné que l’objet du règlement CE 2988/95 diffère des objets des deux autres règlements, de sorte que par définition il ne saurait avoir une incidence quant à l’applicabilité de ceux-ci. La demande en question est donc à rejeter pour ne pas être concluante.

Il suit de l’ensemble des développements qui précèdent que la Cour est amenée à faire application du règlement CE 3887/92, et plus particulièrement de l’article 14 de celui-ci, dans sa version telle que modifiée par le règlement CE 1678/98 de la Commission du 29 juillet 1998 modifiant le règlement CE 3887/92, cette modification réglementaire ayant échappé aux juges de première instance. Comme toutefois les premiers juges se sont basés, à titre subsidiaire, et afin de conforter la décision à laquelle ils ont abouti, sur l’article 49 du règlement CE 2419/2001, ayant, quant aux dispositions devant trouver application au cas d’espèce, un libellé largement identique, leur raisonnement ainsi développé à titre subsidiaire garde sa valeur, alors même qu’ils ont omis de consulter la base réglementaire correcte dont ils auraient dû faire application, à savoir l’article 14 du règlement CE 3887/92 tel que modifié par le règlement CE 1678/98.

D’ailleurs, dans la mesure où les deux dispositions réglementaires, à savoir les articles 49 du règlement CE 2419/2001 et 14 du règlement CE modifié 3887/92 sont quasiment identiques quant aux passages auxquels il y a lieu de se référer dans le cadre du présent litige, les argumentations développées par les parties à l’instance gardent leur pertinence, de sorte qu’il y a lieu de les prendre en considération afin de solutionner ce litige.

Il s’ensuit que la Cour fera en conséquence application de l’article 14, dans sa version qui a été en vigueur au sujet de l’année culturale litigieuse 2000, telle qu’introduite par le règlement CE 1678/98 au règlement CE 3887/92, dont l’alinéa 1er pose comme principe qu’« en cas de paiement indû, l’exploitant concerné a l’obligation de rembourser ces montants, augmentés d’intérêts calculés conformément au paragraphe 3 ».

Il est constant en cause, pour être également admis par …, notamment dans un courrier de son mandataire du 28 mars 2003 adressé au directeur du service d’Economie rurale et dans sa requête d’appel, qu’il avait obtenu, au titre de l’année culturale 2000, un trop-payé au titre de la prime aux producteurs de certaines cultures arables à hauteur de 67.910,52 €, correspondant à une surface de 24,1411 hectares concernant des parcelles cadastrales n’ayant reçu aucune affectation agricole ni en 1990 ni en 1994, lesdits terrains faisant partie d’une « zone industrielle en développement », de sorte à ne pas être éligibles aux primes pour cultures arables pour ne pas avoir été exploitées comme terres agricoles au 31 décembre 1991.

Il s’ensuit qu’en vertu du principe instauré par l’article 14, alinéa 1er précité, … est obligé de rembourser la somme en question, augmentée des intérêts à calculer conformément à l’alinéa 3 dudit article 14.

… entend toutefois échapper à ce remboursement, en faisant état non seulement de sa bonne foi du fait qu’il aurait ignoré que les terres en question n’étaient pas éligibles au titre de la prime perçue indûment, mais également de ce que l’autorité aurait commis une erreur qui aurait eu pour conséquence le paiement indû, de sorte qu’il y aurait lieu de faire application de l’alinéa 4 de l’article 14 précité, qui l’exonérerait du remboursement à effectuer au titre de l’alinéa 1er du même article 14.

C’est toutefois à bon droit que le tribunal administratif a rappelé qu’il appartient au producteur, en sa qualité de demandeur d’aides communautaires portant, comme en l’espèce, sur le gel de terres arables, d’indiquer les surfaces éligibles avec toute la précision requise et de fournir plus particulièrement l’indication exigée, conformément à l’article 7, alinéa 1er du règlement CE 1251/1999 du Conseil du 17 mai 1999 instituant un régime de soutien aux producteurs de certaines cultures arables suivant laquelle les surfaces en cause n’ont pas été consacrées, au 31 décembre 1991, au pâturage permanent, aux cultures permanentes, aux forêts ou à des utilisations non agricoles, en se référant en outre à un arrêt de la Cour de Justice des Communautés européennes du 19 novembre 2002 (CJCE, Regina c/ Ministry of Agriculture, Fisheries and Food, n° C-304/00, Rec. 2002-I-10737) qui a retenu que « s’agissant du SIGC [système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d’aides communautaires octroyées dans le cadre de la politique agricole commune] instauré par les règlements n°s 3508/92 et 3887/92, qu’une procédure efficace de gestion et de contrôle suppose que les informations qui doivent être fournies par un demandeur d’aides soient complètes et exactes dès le départ afin de lui permettre de présenter une demande correcte d’octroi de paiements compensatoires et d’éviter de se voir infliger des sanctions », tout comme « les autorités compétentes ne sont ni obligées ni en mesure de constater les inexactitudes ou des surévaluations des superficies déclarées dans les demandes d’aides l’année même de la présentation de celles-ci et il se peut qu’elles ne se rendent compte desdites irrégularités que plusieurs années après l’introduction de la première demande ».

Il s’ensuit, comme l’a relevé à bon droit le tribunal administratif, que le fait par l’administration compétente d’avoir accepté la déclaration de l’actuel appelant, introduite le 28 avril 2000, comportant comme base de calcul des paiements, des surfaces ne répondant pas, d’après les éléments non autrement énervés en cause, à l’exigence d’affectation posée par l’article 7, alinéa 1er du règlement CE n° 1251/1999, ne peut pas être considéré comme « erreur de l’autorité compétente », à laquelle il est fait référence à l’alinéa 4 de l’article 14 précité, mais que le service compétent a pu accepter et traiter cette demande d’après les procédures usuelles et il incombait plutôt au demandeur de l’aide de s’assurer que les surfaces par lui déclarées répondaient à toutes les conditions posées par la réglementation communautaire applicable. Le fait que des contrôles ex post ont permis de déceler l’irrégularité litigieuse dans le chef des surfaces en question n’est à cet égard que l’application conforme des mécanismes de contrôle instaurés par les règlements 3508/92 et 3887/92.

Etant donné que la seule exception à l’obligation de remboursement inscrite à l’article 14 du règlement CE 3887/92, tel que modifié par le règlement CE 1678/98, ne peut trouver application en l’espèce, c’est à bon droit que le tribunal administratif a confirmé le ministre dans sa décision de ne pas dispenser l’appelant du remboursement de la partie du paiement de l’aide pour l’année 2000 indûment perçue. Dans la mesure où l’application de la réglementation communautaire en vigueur au litige dont se trouve saisie la Cour ne pose pas de problèmes, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de l’appelant de soumettre à la Cour de Justice des Communautés européennes une question préjudicielle, d’ailleurs non formulée par l’appelant, pour savoir si l’Etat serait forclos à agir contre lui.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que la requête d’appel du 12 mai 2004 n’est pas fondée, de sorte qu’il y a lieu de confirmer le jugement entrepris du 29 avril 2004.

Par ces motifs, et ceux non contraires des premiers juges La Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

reçoit la requête d’appel du 12 mai 2004 en la forme ;

au fond, la déclare non justifiée, et en déboute ;

partant confirme le jugement entrepris du 29 avril 2004 dans toute sa teneur;

condamne l’appelant aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par :

Jean-Mathias Goerens, vice-président, Marc Feyereisen, conseiller, Carlo Schockweiler, conseiller, rapporteur, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie Wiltzius.

le greffier le vice-président 10


Synthèse
Numéro d'arrêt : 18048C
Date de la décision : 09/11/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2004-11-09;18048c ?

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