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23/09/2004 | LUXEMBOURG | N°17721C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 23 septembre 2004, 17721C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 17721 C Inscrit le 10 mars 2004

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Audience publique du 23 septembre 2004 Recours formé par la société anonyme … contre une décision du bureau d’imposition Luxembourg Sociétés VI en matière d’impôts sur le revenu des collectivités - Appel -

(jugement entrepris du 4 février 2004, n° 16808 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 17721C du rôle et déposée au gr...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 17721 C Inscrit le 10 mars 2004

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Audience publique du 23 septembre 2004 Recours formé par la société anonyme … contre une décision du bureau d’imposition Luxembourg Sociétés VI en matière d’impôts sur le revenu des collectivités - Appel -

(jugement entrepris du 4 février 2004, n° 16808 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 17721C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 10 mars 2004 par Maître Jean-Pierre Winandy, avocat à la Cour, au nom de la société anonyme …, établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son comité de direction, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 4 février 2004, par lequel il a déclaré le recours en réformation irrecevable omisso medio dans la mesure des moyens non exposés dans la réclamation adressée au directeur de l’administration des Contributions directes, tout en le déclarant recevable pour le surplus et en le déclarant, dans cette mesure, non justifié, en en déboutant la société anonyme … ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 13 avril 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le conseiller en son rapport, Maître Jean-Pierre Winandy et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Marie Klein en leurs plaidoiries respectives.

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Par requête, inscrite sous le numéro 16808 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 1er août 2003, la société anonyme … a fait introduire un recours tendant à la réformation d’un bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités au titre de l’année d’imposition 1997.

Par jugement rendu le 4 février 2004, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, a déclaré le recours irrecevable omisso medio dans la mesure des moyens non exposés dans la réclamation adressée au directeur de l’administration des Contributions directes, l’a reçu en la forme pour le surplus et dans cette mesure, l’a déclaré non justifié et en a débouté l’actuelle appelante.

Après avoir constaté que par sa réclamation adressée au directeur de l’administration des Contributions directes par lettre du 25 septembre 2002, dirigée contre le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités pour l’année 1997, la société anonyme …, dénommée ci-après « … », a reproché au bureau d’imposition une mauvaise application de la Convention contre les doubles impositions conclue le 3 juin 1986 entre le Luxembourg et l’Espagne, ci-après désignée par « la Convention », en ce qui concerne la question de l’application de la technique dite du « grossing-up » et a sollicité la rectification en conséquence du bulletin d’impôt litigieux, concernant plus précisément le montant du crédit d’impôt espagnol à déduire du montant d’impôt sur le revenu des collectivités, elle n’avait pas revendiqué l’imputation sur l’impôt commercial communal, fait d’ailleurs admis dans son recours en réformation, de sorte que du fait que ces dernières contestations n’avaient pas été soumises préalablement pour examen et décision au directeur, les premiers juges ont décidé que le recours contentieux était à déclarer irrecevable omisso medio dans la mesure des moyens exposés par elle dans le cadre du recours en réformation et concernant l’imputation sur l’impôt commercial communal.

Quant au reproche invoqué par l’actuelle appelante portant sur le fait que l’administration aurait refusé le « grossing-up » du revenu, technique consistant à recalculer à la hausse un revenu fictif, en raison de la retenue à la source correspondant au montant des impôts espagnols supposés prélevés sur les revenus de source espagnole, à savoir les intérêts, le tribunal administratif a constaté, après avoir analysé les articles 24, paragraphe 1, sous-paragraphes b), e) et f) et 11, paragraphe 3, point b) de la Convention, que les dispositions en question ne prévoient pas expressément de « grossing-up » des revenus de source espagnole, c’est-à-dire que ces dispositions, et en particulier l’article 24, paragraphe 1, sous-

paragraphes e) et f), ne prévoient pas d’obligation pour l’administration des Contributions directes de procéder à un recalcul à la hausse des revenus de source espagnole afin d’obtenir un revenu fictif brut. Le tribunal a encore justifié sa solution par le fait qu’admettre l’application de la théorie du « grossing-up » conduirait à faire bénéficier le contribuable touchant des intérêts de source espagnole non imposés en Espagne d’un double avantage par rapport au contribuable percevant des revenus effectivement imposés en Espagne : non seulement le premier aura bénéficié en Espagne d’une exonération d’impôts, mais encore, à suivre la théorie de l’actuelle appelante, il devrait pouvoir prendre en considération un revenu grossi artificiellement par un recalcul à la hausse d’un revenu fictif devant correspondre a priori à un montant effectivement payé. D’après les premiers juges, l’application de la théorie du « grossing-up » conduirait de la sorte à allouer au contribuable un avantage non prévu par les textes, de sorte que le tribunal ne saurait la suivre. Ils ont enfin rejeté une interprétation téléologique des dispositions litigieuses, telle qu’elle leur avait été suggérée par l’actuelle appelante, notamment par référence à d’autres conventions de non double imposition, en se référant au caractère d’exception des sous-paragraphes e) et f) de l’article 24, paragraphe 1 de la Convention et au principe d’interprétation restrictive des dispositions d’exception.

En date du 10 mars 2004, Maître Jean-Pierre Winandy, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel en nom et pour compte de la société anonyme …, inscrite sous le numéro 17721C du rôle, par laquelle la partie appelante sollicite la réformation du premier jugement.

A l’appui de sa requête d’appel, l’appelante critique le jugement entrepris dans la mesure où il a refusé l’application de la méthode du « grossing-up », en lui reprochant plus particulièrement d’avoir opté pour une méthode d’interprétation des dispositions afférentes de la Convention qui serait la plus favorable pour l’administration, en rejetant celle qui serait plus favorable au contribuable. Elle reproche encore aux premiers juges de ne pas avoir tenté de rechercher les véritables intentions ayant été à la base de la négociation de la Convention, leur reproche d’avoir préféré une interprétation stricte des dispositions de la Convention par rapport à une interprétation téléologique de celle-ci et les critique du fait d’avoir refusé de se référer à des dispositions similaires comprises dans d’autres conventions de non double imposition conclues par le Luxembourg afin de mieux pouvoir interpréter celles contenues dans la Convention. L’appelante propose donc de faire application de la méthode de calcul dite du « grossing-up » consistant à partir du montant net, ledit montant étant considéré comme ayant supporté l’impôt au taux de 10 %. Cette méthode de calcul aurait pour conséquence de faire le « grossing-up » au taux de 15 % par rapport au montant net correspondant à 85% du montant avant impôt (donc de 100). Pour justifier ses conclusions, l’appelante propose de faire application d’une approche comparative en comparant les dispositions afférentes de la Convention avec celles contenues dans d’autres conventions de non double imposition, notamment celles conclues avec Singapour et le Maroc.

Dans son mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour le 13 avril 2004, le délégué du Gouvernement conclut à la confirmation du jugement entrepris.

La requête d’appel est recevable pour avoir été introduite dans les formes et délai prévus par la loi.

Dans la limite de l’objet du litige dont se trouve actuellement saisie la Cour, tel que tracé par la requête d’appel lui soumise qui comporte comme seule critique à l’égard du jugement entrepris le fait par les premiers juges de ne pas avoir fait droit à la demande initiale tendant à faire application de la théorie du « grossing-up », la Cour est amenée à analyser la demande ainsi formulée par rapport aux dispositions afférentes de la Convention, afin de déterminer la méthode de calcul applicable au crédit d’impôt espagnol déductible de l’impôt luxembourgeois sur le revenu des collectivités.

Ainsi, l’article 24 paragraphe 1 sous-paragraphe b) de la Convention dispose que « lorsqu’un résident du Luxembourg reçoit des éléments de revenu qui, conformément aux dispositions des articles 10, 11 et 12 sont imposables en Espagne, le Luxembourg accorde, sur l’impôt qu’il perçoit sur les revenus de ce résident, une déduction d’un montant égal à l’impôt payé en Espagne ».

Le sous-paragraphe e) du même article précise pour sa part que : « pour l’application du sous-paragraphe b) ci-dessus les intérêts visés au paragraphe 3 de l’article 11 et payés à un résident du Luxembourg sont considérés comme ayant supporté l’impôt espagnol au taux de 10 pour cent ». Le sous-paragraphe f) quant à lui prévoit dans le même cas de figure un taux de 15 pour cent pour la période allant jusqu’au 31 décembre 1999.

Enfin, l’article 11 paragraphe 3 point b) de la Convention prévoit que « les intérêts de prêts consentis par un résident d’un Etat cocontractant et garantis par un des deux Etats, à un résident de l’autre Etat contractant sont exonérés d’impôt dans l’Etat d’où ils proviennent ».

C’est à bon droit que dans le jugement entrepris le tribunal administratif a retenu que l’article 24 paragraphe 1 instaure, par ses sous-paragraphes e) et f) une fiction, à savoir celle d’une retenue fictive en Espagne, fixée forfaitairement à 10 respectivement 15 pour cent, pour des intérêts qui ont bénéficié d’une exonération d’impôts en Espagne.

Cette disposition constitue par ailleurs une exception au principe retenu par l’article 24 paragraphe 1 sous-paragraphe b) selon lequel le Luxembourg accorde une déduction, sur l’impôt perçu sur les revenus de source espagnole, d’un montant correspondant à l’impôt effectivement payé en Espagne.

Le tribunal administratif a encore retenu à bon droit que conformément au principe selon lequel les exceptions, en ce compris les fictions qui constituent par définition des exceptions, sont d’interprétation stricte, c’est-à-dire que le juge doit les appliquer dans le sens d’une restriction de leur portée par opposition à une interprétation large voire extensive, consistant à aller dans le sens d’un élargissement de leur portée, les termes utilisés par les dispositions précitées de la Convention, dans la mesure où ils ont pour objet de permettre au contribuable luxembourgeois de profiter d’une exonération d’impôt sur base d’une retenue fictive en Espagne, sont à interpréter restrictivement.

Il y a encore lieu de confirmer les premiers juges dans leur analyse suivant laquelle les dispositions afférentes de la Convention ne prévoient pas expressément de « grossing-up » des revenus de source espagnole, c’est-à-dire que ces dispositions, et en particulier l’article 24 paragraphe 1, sous-paragraphes e) et f), ne prévoient pas l’obligation pour l’administration des Contributions directes de procéder à un recalcul à la hausse des revenus de source espagnole afin d’obtenir un revenu fictif brut.

Au vu des conclusions ci-avant retenues, la Cour ne saurait suivre l’argumentation développée par l’appelante tendant à faire analyser les « véritables intentions » qui se seraient trouvées à la base de la Convention, à préférer une interprétation téléologique des dispositions afférentes de la Convention par rapport à une interprétation stricte retenue à bon droit par les premiers juges et à comparer le texte de la Convention avec des dispositions similaires contenues dans d’autres conventions de non double imposition conclues le cas échéant postérieurement à la Convention conclue entre le Luxembourg et l’Espagne, étant donné que, tout d’abord, chaque convention de ce type constitue un corps de règles autonome qui ne saurait faire l’objet d’une interprétation par rapport à des dispositions contenues dans d’autres conventions du même type et, d’autre part, les règles contenues dans la Convention par rapport à la question de droit dont ont été saisies les juridictions administratives, sont claires et précises de sorte à ce qu’il n’y a pas lieu de se référer à d’éventuels travaux préparatoires pour en éclaircir le sens et la portée exacts, d’autant plus que de simples travaux préparatoires ne sauraient avoir une valeur supérieure aux termes figurant d’une manière expresse dans le texte de la Convention. Il y a encore lieu de rappeler dans ce contexte, ensemble avec les premiers juges, que le principe d’interprétation restrictive des dispositions d’exception, telles celles en l’espèce, s’oppose aux méthodes d’interprétation suggérées par l’appelante.

Il suit des développements qui précèdent qu’il y a lieu de déclarer la requête d’appel non fondée et de confirmer le jugement entrepris du 4 février 2004.

Par ces motifs, La Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

reçoit la requête d’appel du 10 mars 2004 en la forme ;

la dit cependant non fondée et en déboute ;

partant confirme le jugement entrepris du 4 février 2004 dans toute sa teneur;

condamne l’appelante aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par :

Christiane Diederich-Tournay, premier conseiller, Marc Feyereisen, conseiller, Carlo Schockweiler, conseiller, rapporteur, et lu par le premier conseiller en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier en chef Erny May.

le greffier en chef le premier conseiller 6


Synthèse
Numéro d'arrêt : 17721C
Date de la décision : 23/09/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2004-09-23;17721c ?

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