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15/07/2004 | LUXEMBOURG | N°17915C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 15 juillet 2004, 17915C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 17915 C Inscrit le 15 avril 2004

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Audience publique du 15 juillet 2004 Recours formé par Madame … … contre un arrêté du ministre de la Justice en matière de carte d’identité d’étranger - Appel -

(jugement entrepris du 8 mars 2004, n° 17052 du rôle)

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Vu la requête d’appel, insc

rite sous le numéro 17915C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 15 avril 2004...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 17915 C Inscrit le 15 avril 2004

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Audience publique du 15 juillet 2004 Recours formé par Madame … … contre un arrêté du ministre de la Justice en matière de carte d’identité d’étranger - Appel -

(jugement entrepris du 8 mars 2004, n° 17052 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 17915C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 15 avril 2004 par Maître Gaston Stein, avocat à la Cour, assisté de Maître Laurent Lucas, avocat, au nom de Madame … …, ayant demeuré à L-…, demeurant actuellement à B-…, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 8 mars 2004, par lequel il s’est déclaré incompétent pour connaître du recours principal en réformation et a déclaré non fondé le recours en annulation dirigé contre un arrêté du ministre de la Justice du 27 avril 2001 portant refus d’une carte d’identité d’étranger en faveur de Madame… ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 13 mai 2004 ;

Vu la lettre du mandataire de Madame… du 11 juin 2004 déposée au greffe de la Cour en date du même jour, par laquelle celle-ci est informée de ce que Madame… bénéficie de l’assistance judiciaire ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 11 juin 2004 au nom de Madame… ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le conseiller en son rapport et Maître Laurent Lucas en ses plaidoiries.

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Par requête, inscrite sous le numéro 17052 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 octobre 2003, Madame … …, employée privée, ayant demeuré à L-…, demeurant actuellement à B-…, a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’un arrêté du ministre de la Justice du 27 avril 2001 portant refus d’une carte d’identité d’étranger en sa faveur.

Par jugement rendu le 8 mars 2004, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, après s’être déclaré incompétent pour connaître du recours principal en réformation, a reçu le recours subsidiaire en annulation en la forme, tout en le déclarant non justifié et en en déboutant Madame… . A l’appui de son jugement, le tribunal administratif a estimé qu’au vu des condamnations prononcées à l’égard de l’actuelle appelante par le tribunal correctionnel de Bruxelles et des procès-verbaux dressés à son encontre pour différentes infractions à la législation luxembourgeoise, le ministre de la Justice pouvait valablement estimer, sans commettre une erreur manifeste d’appréciation des faits, que le comportement personnel de l’appelante, tel que se dégageant des faits analysés par le tribunal, a justifié le refus du droit de séjourner dans son chef pour des raisons d’ordre public.

En date du 15 avril 2004, Maître Gaston Stein, avocat à la Cour, assisté de Maître Laurent Lucas, avocat, a déposé une requête d’appel en nom et pour compte de Madame… , inscrite sous le numéro 17915C du rôle, par laquelle la partie appelante sollicite la réformation du premier jugement.

A l’appui de sa requête d’appel, l’appelante estime qu’elle ne constituerait plus aucune menace pour l’ordre public luxembourgeois, en ce qu’elle aurait purgé ses peines tant en France qu’en Belgique et qu’au Luxembourg, elle aurait exclusivement fait l’objet de différents procès-verbaux dressés à son encontre sans que ceux-ci n’aient été suivis de condamnations pénales, de sorte que les premiers juges auraient fait une mauvaise appréciation des faits de l’espèce en estimant qu’elle constituerait toujours un risque d’atteinte à l’ordre public luxembourgeois.

Elle ajoute que depuis plus de 5 ans, elle n’exercerait plus aucune activité en relation avec des sociétés, en insistant plus particulièrement sur le fait qu’au mois de décembre 2001, elle aurait obtenu une libération conditionnelle après avoir trouvé un emploi ayant débuté le 15 avril 2002. Elle explique encore que depuis le 1er mars 2004, elle exercerait le métier de garde d’enfants au Luxembourg, qu’elle aurait effectué un stage auprès du CESD et qu’elle assurerait, pendant ses heures libres, un bénévolat auprès de l’association « … » en contribuant notamment activement à la rédaction du magazine de cette association de soutien aux démunis, afin d’établir que l’ensemble de ses attaches sociales et professionnelles se trouverait au Luxembourg où elle se trouverait domiciliée depuis 1989. En conclusion, elle estime que le refus de se voir délivrer une carte de séjour au Luxembourg constituerait une mesure disproportionnée par rapport aux faits dûment établis.

Dans son mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour le 13 mai 2004, le délégué du Gouvernement conclut à la confirmation du jugement entrepris. Il rappelle à cet effet que tant la législation nationale que le droit communautaire autoriseraient le ministre de la Justice à prendre une mesure de refus de délivrance d’une carte d’identité d’étranger à partir du moment où l’étranger, ressortissant communautaire, a encouru une condamnation pénale d’une gravité certaine, ce qui serait le cas en l’espèce. Il estime que nonobstant le fait que depuis 1998, l’actuelle appelante n’a plus eu de problèmes avec la justice, il n’en resterait pas moins que la condamnation à laquelle s’est référé le tribunal administratif datant du 2 octobre 1996 a sanctionné des faits extrêmement graves justifiant l’attitude du ministre qui pourrait légitimement considérer que le comportement passé de l’appelante établirait à suffisance de droit un risque sérieux qu’elle porte à nouveau atteinte à l’ordre public, ce qui serait d’ailleurs prouvé par l’établissement d’un procès-verbal à son encontre pendant l’année 1998.

En date du 11 juin 2004, Maître Gaston Stein a déposé un mémoire en réplique en nom et pour compte de Madame… . Il critique essentiellement le fait que par le refus de se voir délivrer une carte d’identité d’étranger, l’appelante se verrait sanctionner doublement, à la suite des sanctions pénales encourues tant en France qu’en Belgique. Au vu des efforts tant sociaux que professionnels effectués par l’appelante à la suite desdites condamnations pénales et des peines purgées tant en France qu’en Belgique, il conclut au caractère disproportionné de la mesure litigieuse qui aurait pour conséquence de condamner l’appelante à un « futur incertain » en lui refusant ainsi toute nouvelle chance pour son avenir. Il critique en outre le fait que les procès-verbaux auxquels s’est référé le délégué du Gouvernement aient été pris en compte afin de motiver la décision litigieuse, puisque aucune suite pénale n’y aurait été réservée. A titre subsidiaire, il fait valoir que le procès-verbal mentionné par le délégué du Gouvernement dans son mémoire en réponse ne concernerait pas des faits nouveaux, mais se référerait au contraire à la condamnation pénale subie par l’appelante en France. Il conteste partant que l’appelante constitue un risque de récidive ou d’une nouvelle atteinte à l’ordre public.

La requête d’appel est recevable pour avoir été introduite dans les formes et délai prévus par la loi.

Le seul moyen invoqué par l’appelante à l’appui de sa requête d’appel tend à voir réformer le jugement entrepris, en ce qu’il aurait à tort retenu dans son chef qu’elle risquerait toujours de constituer un risque d’atteinte à l’ordre public luxembourgeois, de sorte à pouvoir lui refuser la délivrance d’une carte d’identité d’étranger au Luxembourg. Elle estime plus particulièrement que la décision du ministre de la Justice du 27 avril 2001 portant refus dans son chef de la délivrance d’une carte d’identité d’étranger constituerait une mesure disproportionnée par rapport aux faits de l’espèce, tels que relevés ci-avant.

Conformément aux dispositions de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main d’œuvre étrangère « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger : (…) qui est susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité, l’ordre ou la santé publics ».

Cette faculté est cependant tempérée, en ce qui concerne les ressortissants communautaires, par l’article 9 du règlement grand-ducal du 28 mars 1972 relatif aux conditions d’entrée et de séjour de certaines catégories d’étrangers faisant l’objet de conventions internationales qui précise que « La carte de séjour ne peut être refusée ou retirée aux ressortissants énumérés à l’article 1er et une mesure d’éloignement du pays ne peut être prise à leur encontre que pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique, sans préjudice de la disposition de l’article 4, alinéa 3. La seule existence de condamnations pénales ne peut automatiquement motiver ces mesures. (…) Les mesures d’ordre public ou de sécurité publique doivent être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’individu qui en fait l’objet ».

La directive 64/221/CEE du 25 février 1964 du Conseil pour la coordination des mesures spéciales aux étrangers en matière de déplacement et de séjour justifiées pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique impose aux Etats membres un certain nombre de conditions de fond et de forme en matière de police des étrangers à l’observation desquelles veille la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE).

L’article 3 de la directive 64/221/CEE du Conseil précise en son paragraphe 1 que les mesures d’ordre public ou de sécurité publique doivent être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’individu qui en fait l’objet et dans son paragraphe 2 que la seule existence de condamnations pénales ne peut automatiquement motiver ces mesures. Ces dispositions ont été transposées en droit national par le règlement grand-ducal modifié du 28 mars 1972 relatif aux conditions d’entrée et de séjour de certaines catégories d’étrangers faisant l’objet de conventions internationales et plus précisément par son article 9 cité ci-avant.

La CJCE a été amenée à élaborer en matière d’ordre public une œuvre considérable, dont l’examen ne peut être dissocié de celui de la directive 64/221/CEE du 25 février 1964.

Dans son arrêt Bouchereau du 27 octobre 1977 (Aff. 30/77) elle a précisé, par référence à son arrêt Van Duyn du 4 décembre 1974 (Aff. 41/74), qu’en tant que dérogation au principe fondamental de la libre circulation des travailleurs, la notion d’ordre public doit être entendue strictement, étant acquis qu’elle est susceptible de varier d’un pays à l’autre et d’une époque à l’autre, de sorte qu’il convient de reconnaître aux autorités nationales compétentes une marge d’appréciation dans les limites imposées par le traité et les dispositions prises pour son application.

Ainsi des « restrictions ne sauraient être apportées aux droits des ressortissants des Etats membres d’entrer sur le territoire d’un autre Etat membre, d’y séjourner et de s’y déplacer que si leur présence ou leur comportement personnel constitue une menace réelle et suffisamment grave pour l’ordre public. » (arrêt Rutili, CJCE, 28 octobre 1975, aff. 36/75) A préciser que le pouvoir étatique en matière de police des étrangers à l’égard d’étrangers délinquants est en plus limité par la règle selon laquelle la « seule existence de condamnations pénales ne peut automatiquement motiver » des décisions de refus d’entrée et de séjour et des décisions d’éloignement.

Il en résulte qu’une mesure d’éloignement prise à l’encontre d’un ressortissant communautaire, même si celle-ci se manifeste à travers le refus de délivrance d’une carte d’identité d’étranger à celui-ci, équivalant en fait à une mesure d’éloignement du pays, qui se trouve d’ailleurs ordonnée en droit par l’arrêté litigieux du 27 avril 2001, dans la mesure où celui-ci précise que « l’intéressé (sic) devra quitter le pays dans un mois dès notification du présent arrêté », surtout à partir du moment où ledit ressortissant communautaire y séjourne de fait, basée sur des raisons d’ordre ou de sécurité publics, ne se justifie qu’à partir du moment où le trouble causé par ledit ressortissant communautaire à l’ordre public est suffisamment grave et caractérisé, témoignant d’une dangerosité certaine vis-à-vis des personnes ou de nature à porter gravement atteinte aux biens se trouvant au pays, voire lorsque la présence de l’intéressé sur le territoire national constitue une menace actuelle, réelle et grave affectant un intérêt fondamental de la société.

Il y a donc lieu d’examiner si le comportement personnel de Madame… constitue une telle menace réelle et suffisamment grave pour l’ordre public luxembourgeois.

Dans ce cadre, le ministre de la Justice fait référence aux antécédents judiciaires de l’actuelle appelante, antécédents qui ont été précisés en cours de procédure contentieuse, ainsi qu’à des actes qui n’ont pas fait l’objet de condamnations pénales.

Il ressort des pièces versées au dossier que Madame… a été condamnée le 6 juillet 1998 par le tribunal correctionnel du Havre (France) à une peine d’emprisonnement de quatre ans, dont deux avec sursis, du chef d’escroquerie et d’escroquerie réalisée en bande organisée, le 29 novembre 1974 par le tribunal correctionnel de Bruxelles à une peine d’emprisonnement de 3 mois pour escroquerie, chèque sans provision et banqueroute simple et le 2 octobre 1996 par le même tribunal à une peine d’emprisonnement de 5 ans et à une amende de 500.000 francs belges du chef de faux en écritures et usage de faux, banqueroute, escroquerie, abus de confiance/détournement, recels, association de malfaiteurs, chèques sans provision, infraction en matière de comptabilité et comptes annuels des entreprises et insolvabilité frauduleuse.

Il y a d’emblée lieu de rappeler à ce sujet qu’aux termes de l’article 9 du règlement grand-ducal du 28 mars 1972 relatif aux conditions d’entrée et de séjour de certaines catégories d’étrangers, faisant l’objet de conventions internationales, la seule existence de condamnations pénales ne peut automatiquement motiver une mesure d’éloignement.

Pour le surplus, il échet de constater à la lecture des pièces et éléments se trouvant au dossier et sur base des renseignements fournis à la Cour, que non seulement la dernière condamnation pénale date de l’année 1998, mais qu’en plus, Madame… a purgé l’intégralité de ses peines, notamment en ayant bénéficié d’une libération conditionnelle en décembre 2001 de la part des autorités judiciaires belges, ladite libération conditionnelle ayant été ordonnée par la commission compétente afin de permettre à Madame… de se domicilier au Luxembourg et d’accroître ses chances de trouver un emploi complémentaire à son emploi de garde des enfants d’une famille à Gostingen, impliquant son logement auprès de cette famille.

Il échet encore de constater que Madame… a subi des condamnations pénales du fait d’avoir exercé des activités illicites en relation avec notamment le métier de domiciliation d’entreprises, de fausses factures et, d’une manière générale, en relation avec des sociétés et qu’elle déclare actuellement ne plus avoir exercé d’activités en relation avec des sociétés depuis 5 ans, affirmation qui n’a pu être contredite par le délégué du Gouvernement.

En ce qui concerne pour le surplus la référence faite par le délégué du Gouvernement à un procès-verbal qui aurait été dressé à l’encontre de Madame… au cours de l’année 1998, il échet de constater que le seul procès-verbal portant la date de l’année 1998 se trouvant au dossier à la disposition de la Cour constitue un procès-verbal du 18 août 1998 dressé par la gendarmerie grand-ducale, service de police judiciaire, à l’attention du service de police des étrangers du ministère de la Justice, suivant lequel un procès-verbal aurait été dressé à l’encontre de Madame… des chefs d’escroquerie, d’abus de confiance et d’infractions aux dispositions des articles 66 et 67 du CP. Il échet de relever que, d’une part, Madame… n’est pas contredite dans son affirmation suivant laquelle ledit procès-verbal aurait été rédigé non pas à propos de faits nouveaux, mais au sujet des faits qui auraient déjà fait l’objet de la condamnation pénale qu’elle aurait subie en France, et que, d’autre part, ledit procès-verbal date de l’année 1998, sans que le Gouvernement n’ait soumis à la Cour la preuve que les faits en question aient fait l’objet d’une condamnation pénale par la suite. En l’absence de plus amples précisions apportées par le Gouvernement au sujet des faits qui auraient fait l’objet dudit procès-verbal, la Cour se trouve être dans l’impossibilité de prendre ledit procès-verbal en considération afin d’évaluer le risque de l’appelante de constituer une atteinte pour l’ordre public luxembourgeois.

Dans le cadre de son évaluation du comportement personnel de Madame… afin de savoir si elle constituait au jour où la décision litigieuse a été prise, une menace réelle et suffisamment grave à l’ordre public luxembourgeois, la Cour doit prendre en considération la situation telle qu’elle se présentait à cette date. A ce sujet, il y a tout d’abord lieu de constater que suivant l’extrait du casier judiciaire versé au dossier, Madame… n’a pas été condamnée pénalement au Luxembourg, que suivant courrier du directeur du CESD-Communautaire, association sans but lucratif, adressé au ministre de la Justice, Madame… a accompli un stage auprès dudit organisme afin de « réactualiser sa formation initiale de documentaliste et archiviste », qu’elle a travaillé comme garde d’enfants et aide-ménagère, à l’entière satisfaction de ses employeurs demeurant à …, tel que cela ressort d’un courrier adressé par ceux-ci au ministre de la Justice, qu’elle est activement engagée dans l’association sans but lucratif « … », dans le cadre de laquelle elle a participé à la réalisation du journal de l’association et a collaboré aux émissions mensuelles de la « … » à la Radio …, en s’occupant par ailleurs bénévolement de la distribution de vêtements en faveur de personnes se trouvant dans le besoin, tout cela de manière bénévole, tel que cela ressort d’un courrier adressé par ladite association au président du tribunal administratif dans le cadre de la procédure de référé ayant eu lieu avant que ne soit rendu le jugement entrepris et que suivant les informations se dégageant d’un certificat d’affiliation auprès du centre commun de la sécurité sociale, Madame… a régulièrement été employée au Grand-Duché de Luxembourg depuis la fin de l’année 1988.

Il échet encore de retenir que Madame… , de nationalité belge, née le 25 septembre 1946, a déménagé en Belgique suite au refus de la délivrance d’une carte d’identité par les autorités luxembourgeoises, en comptant revenir en cas de succès de sa demande et que les autorités luxembourgeoises ont refusé son extradition vers la Belgique, où elle s’est néanmoins présentée volontairement, pour y obtenir par la suite de la part des autorités judiciaires une décision la faisant bénéficier du régime de la libération conditionnelle par rapport à la peine à laquelle elle avait été condamnée en Belgique.

Il se dégage de l’ensemble des considérations et éléments qui précèdent que l’appelante ne présentait pas, ni au jour de la décision litigieuse, ni à l’heure actuelle, un degré de dangerosité pour l’ordre public luxembourgeois imposant dans son chef le refus de délivrance d’une carte d’identité d’étranger et son éloignement du territoire luxembourgeois. Il échet à cet égard d’insister sur le fait que non seulement elle a purgé l’intégralité des peines pénales auxquelles elle a été condamnée à l’étranger, mais qu’en plus, elle n’est plus active dans le domaine dans le cadre duquel elle a commis des infractions pénales telles que spécifiées plus en détail ci-avant et qu’elle a d’une manière active et délibérée accompli toute une série d’efforts afin de se réintégrer dans le milieu du travail et du bénévolat au Grand-Duché de Luxembourg, où elle réside depuis fin 1988, sans que le Gouvernement n’ait soumis à la Cour un quelconque élément suivant lequel, au cours des dernières années, elle ait constitué un risque d’atteinte à l’ordre public luxembourgeois.

Il s’ensuit que tant le ministre de la Justice que le tribunal administratif ont porté atteinte au principe de proportionnalité, ancré en droit administratif luxembourgeois (v. Cour adm. 2 juillet 1998, Pas. adm. 2003, V° Recours en annulation, n° 2, p.

581 ; 26 novembre 2002, loc. cit., n° 10). En effet, il échet de constater que la mesure litigieuse prise est disproportionnée par rapport aux faits dûment établis, tels que dégagés ci-avant.

Il y a partant lieu à réformation du jugement entrepris du 8 mars 2004.

La Cour administrative statue à l’égard de toutes les parties à l’instance, malgré l’absence du mandataire de l’Etat à l’audience des plaidoiries, étant donné que la procédure devant la Cour administrative est essentiellement écrite et que l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg a déposé un mémoire en réponse.

Par ces motifs, La Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

donne acte à la partie appelante de ce qu’elle déclare bénéficier de l’assistance judiciaire ;

reçoit la requête d’appel du 15 avril 2004 en la forme ;

au fond, la déclare justifiée, partant, par réformation du jugement du tribunal administratif du 8 mars 2004, déclare le recours en annulation fondé, partant annule l’arrêté du ministre de la Justice du 27 avril 2001 et renvoie le dossier en prosécution de cause devant le ministre de la Justice ;

condamne l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg aux frais et dépens des deux instances.

Ainsi jugé par :

Christiane Diederich-Tournay, premier conseiller, Marc Feyereisen, conseiller, Carlo Schockweiler, conseiller, rapporteur, et lu par le premier conseiller en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier en chef de la Cour Erny May.

le greffier en chef le premier conseiller 9


Synthèse
Numéro d'arrêt : 17915C
Date de la décision : 15/07/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2004-07-15;17915c ?

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