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01/04/2004 | LUXEMBOURG | N°17221C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 01 avril 2004, 17221C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 17221 C inscrit le 1er décembre 2003

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Audience publique du 1er avril 2004 Recours formé par … contre une décision de l’administration communale de Colmar-Berg en matière de reclassement de terrain Appel (jugement entrepris du 23 octobre 2003, no 16087 du rôle)

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Vu l’acte d’a

ppel déposé au greffe de la Cour administrative le 1er décembre 2003 par Maître Georges Pier...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 17221 C inscrit le 1er décembre 2003

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Audience publique du 1er avril 2004 Recours formé par … contre une décision de l’administration communale de Colmar-Berg en matière de reclassement de terrain Appel (jugement entrepris du 23 octobre 2003, no 16087 du rôle)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 1er décembre 2003 par Maître Georges Pierret, avocat à la Cour, au nom de …contre un jugement rendu en matière de reclassement de terrain par le tribunal administratif à la date du 23 octobre 2003, à la requête de l’actuel appelant contre une décision du bourgmestre de l’administration communale de Colmar-Berg tendant à l’annulation d’une décision implicite de rejet du collège échevinal de la commune de Colmar-Berg, sinon de l’administration communale de Colmar-Berg, suite à sa demande du 19 août 2002 tendant au reclassement en zone construisible de deux terrains, sis à Colmar-Berg au lieu-dit «in der Obertsen Gewann» et inscrits sous les numéros cadastraux 164/537 et 164/538;

Vu la signification dudit acte d’appel par exploit d’huissier Pierre Kremmer à l’administration communale de Colmar-Berg en date du 3 décembre 2003.

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 30 décembre 2003 par Maître Roger Nothar, au nom de l’administration communal de Colmar-Berg.

Vu la signification dudit mémoire en réponse par exploit d’huissier Pierre Biel à l’administration communale de Colmar-Berg en date du 31 décembre 2003.

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 30 janvier 2004 par Maître Georges Pierret, au nom de l’appelant, ainsi que sa notification par télécopie en date du 29 janvier 2004.

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 19 février 2004 par Maître Roger Nothar, au nom de l’administration de Colmar-Berg ainsi que sa notification par télécopie en date du 19 février 2004.

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris.

Ouï le vice-président en son rapport, Maître Jamila Khelili, en remplacement de Maître Georges Pierret, Maître Steve Helminger, en remplacement de Maître Roger Nothar en leurs observations orales.

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Par requête déposée au greffe de la Cour le 1er décembre 2003, … a déclaré relever appel contre un jugement du tribunal administratif du 23 octobre 2003 par lequel son recours en annulation contre une décision implicite de rejet du collège échevinal de la commune de Colmar-Berg, sinon de l’administration communale de cette commune d’une demande en reclassement des terrains appartenant à l’appelant a été déclaré irrecevable.

Le jugement dont appel, tout en écartant un moyen tiré de l’application de l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme a déclaré le recours irrecevable au motif que, s’agissant d’une matière de caractère réglementaire, l’article 4 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif qui prévoit la possibilité d’un recours dans l’hypothèse d’un silence de l’administration gardé pendant plus de trois mois ne serait pas applicable.

L’appelant conclut à la réformation du jugement. Il est soutenu que, n’étant sollicitée que dans le seul intérêt de l’appelant, la décision revêtirait le caractère de décision individuelle et que dès lors le recours serait recevable. L’appelant conclut encore à l’applicabilité de l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et de l’article 1er de son premier protocole additionnel.

L’administration communale a déposé un mémoire en réponse le 30 décembre 2003.

Appel incident est relevé en ce que le jugement dont appel n’aurait pas fait droit à un moyen de forclusion présenté en première instance.

Quant à l’appel principal, la commune conclut à son débouté et à la confirmation du jugement.

Un mémoire en réplique a été déposé le 30 janvier 2004. Il est conclu au débouté de l’appel incident. L’appelant développe ses moyens d’appel en réaffirmant le caractère individuel de la décision litigieuse et en se référant aux articles 6 et 13 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.

L’intimée a déposé un mémoire en duplique le 19 février 2004. Il est conclu à voir statuer conformément au mémoire en réponse.

Considérant que l’appel est recevable pour être intervenu dans les formes et délai de la loi.

Considérant que l’intimée reproduit en premier lieu le moyen de forclusion écarté par les premiers juges tiré de ce que l’appelant n’aurait pas produit d’objection contre la délibération du conseil communal de la commune de Colmar-Berg du 11 février 1993 par laquelle le nouveau plan d’aménagement général a été provisoirement adopté, comme l’exigerait l’article 9 de la loi du 12 juin 1937 sur l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes ;

2 Considérant que ce moyen est à écarter alors que le présent recours ne se situe pas dans le contexte de la procédure d’adoption du plan d’aménagement général dans laquelle est intervenue la dite délibération du 11 février 1993, mais dans celui d’une demande de reclassement de terrains, soit de modification à apporter audit plan d’aménagement général, cette procédure étant indépendante de celle visée par l’intimée ;

Considérant que le jugement dont appel a déclaré irrecevable le recours en annulation dirigé contre une prétendue décision de refus implicite résultant du silence gardé pendant plus de trois mois par l’autorité communale à l’égard de la lettre du mandataire de l’appelant du 19 août 2002 par laquelle a été demandé le reclassement des deux parcelles de terrains appartenant à l’appelant et figurant au PAG comme situées en « zone publique » en zone construisible ;

Considérant que la décision d’irrecevabilité repose en premier lieu sur le motif que l’ouverture d’un recours en cas de silence de l’administration tel que défini à l’article 4 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif ne viserait que les décisions individuelles à l’exception de celles à caractère réglementaire ;

Considérant que l’appelant conteste la qualification de sa demande en procédure à caractère réglementaire alors que le but de la démarche ne viserait que ses intérêts particuliers et sa situation individuelle.

Considérant toutefois que les textes portant adoption de plan d’aménagement généraux ou particuliers sur base de la loi précitée du 12 juin 1937 étant de nature réglementaire, leurs modifications ne sauraient intervenir que par des actes de même nature, ce de quoi découle la nature réglementaire de toutes les procédures menées sur base de la dite loi encore qu’ils ne viseraient que des parcelles déterminées, des modifications de ce genre ne pouvant d’ailleurs intervenir que pour des finalités d’intérêt général tirées de considérations d’ordre urbanistique ;

que c’est dès lors à bon droit que le jugement dont appel a qualifié la procédure que visait à introduire la lettre précitée comme étant de caractère réglementaire ;

Considérant que l’article 4 de la loi précitée du 7 novembre 1996 se situant dans le contexte des recours dirigés contre des actes à caractère individuel, c’est à juste titre que le jugement dont appel a retenu que le texte en question ne saurait donner lieu à ouverture d’un recours en cas de silence gardé par l’autorité dans le contexte d’un acte à caractère réglementaire ;

Considérant que l’appelant se réfère par ailleurs à des violations des articles 6 et 13 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme en ce que la décision des premiers juges l’aurait privé d’un procès équitable au sens de l’article 6 de la Convention et que, quant à l’article 13, ses droits et notamment le droit de propriété ayant été violés, il aurait droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale ;

que le jugement dont appel saisi du seul moyen tiré de l’article 6 de la Convention a écarté ce moyen ;

Considérant que devant la Cour, l’appelant se prévaut pareillement d’une violation de l’article 13 alors que, à supposer le silence de l’administration non susceptible de sanction en matière 3 d’actes à caractère réglementaire, il se verrait dépourvu de tout recours dans une matière où serait impliqué son droit de propriété ;

Considérant que le droit de propriété est protégé par l’article 1er du 1er protocole additionnel à la Convention ;

que si même cette disposition ne fait pas entrave à ce que l’usage de la propriété soit réglementé et limité notamment en matière d’urbanisme, il n’en est pas mois que des entraves à ce droit ne sauraient se faire sans possibilité de faire appel au contrôle du juge ;

que cette considération ne laisse pas de place à une dénégation du droit de mettre en œuvre une jouissance optimale du droit de propriété par une attitude non motivée, purement négative de l’administration consistant en le refus de traiter une telle demande, cette conclusion s’imposant d’autant plus que, s’il est admis que l’administré ne peut contraindre l’autorité à prendre une mesure réglementaire, en la matière, il existe un droit d’initiative de l’administré légalement constitué par l’article 9 de la loi du 12 juin 1937 qui permet aux particuliers d’introduire des projets de plan d’aménagement et, aux termes d’une jurisprudence constante, de demander la modification de plans existants ;

considérant que pour des raisons tenant à la primauté de la loi internationale, il y a lieu de dire qu’un droit de recours au sens de l’article 13 de la Convention doit revenir à l’appelant, ce droit ne pouvant être que celui de saisir la juridiction administrative de l’examen de la justification de l’attitude de l’autorité ;

qu’il s’ensuit que même en l’absence d’un texte légal interne prévoyant le recours, il y a lieu de déclarer celui-ci recevable ;

qu’il y a dès lors lieu à réformation sur ce point du jugement dont appel sans qu’il n’y ait lieu d’examiner le moyen en ce qu’il vise l’article 6 de la Convention ;

Considérant que les parties ayant conclu au fond et l’affaire étant suffisamment instruite, il y a lieu à évocation ;

Considérant qu’aux termes de l’article 9 alinéa 2 de la loi du 12 juin 1937, la compétence pour décider des suites à donner à une demande de modification d’un plan d’aménagement général revient au conseil communal qui, lors du vote provisoire, peut décider de donner ou non une suite à l’initiative d’un particulier ;

Considérant que la demande de modification du plan d’aménagement général contenue dans la lettre précitée du 19 août 2002 ayant été adressée au collège des bourgmestre et échevins, c’est de cette instance qu’est issue le décision implicite de rejet ;

que le collège étant incompétent pour statuer en la matière, il y a lieu, sur base de l’article 7 de la loi précitée du 7 novembre 1996, à l’annulation de la décision attaquée avec renvoi devant le conseil communal compétent en la matière.

Par ces motifs la Cour, statuant contradictoirement, sur le rapport de son vice-président, 4 reçoit les appels tant principal qu’incident en la forme, dit l’appel principal fondé, partant, par réformation du jugement dont appel, annule la décision implicite de refus du collège des bourgmestre et échevins de la commune de Colmar-Berg ;

renvoie le dossier à l’autorité communale pour, après saisine de la commission d’aménagement prévue à l’article 6 de la loi précitée du 12 juin 1937, être soumis pour décision au conseil communal ;

dit l’appel incident non fondé et en déboute ;

met les frais des deux instances à charge de la commune de Colmar-Berg.

Ainsi délibéré et jugé par Jean Mathias Goerens, vice-président, rapporteur Christiane Diederich-Tournay, 1er conseiller Marc Feyereisen, conseiller, et lu par le vice-président Jean Mathias Goerens en l’audience publique au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête en présence du greffier de la Cour Anne-Marie Wiltzius.

le greffier le vice-président 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 17221C
Date de la décision : 01/04/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2004-04-01;17221c ?

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