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01/04/2004 | LUXEMBOURG | N°17089C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 01 avril 2004, 17089C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 17089 C Inscrit le 27 octobre 2003

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Audience publique du 1er avril 2004 Recours formé par la société en nom collectif … contre une décision du ministre de l’Environnement et une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière d’établissements classés - Appel -

(jugement entrepris du 24 septembre 2003, n°s 15778 et 15909 du rôle)

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Vu la requête d’app...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 17089 C Inscrit le 27 octobre 2003

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Audience publique du 1er avril 2004 Recours formé par la société en nom collectif … contre une décision du ministre de l’Environnement et une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière d’établissements classés - Appel -

(jugement entrepris du 24 septembre 2003, n°s 15778 et 15909 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 17089C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 27 octobre 2003 par Monsieur le délégué du Gouvernement …, dûment mandaté à cet effet par les ministres du Travail et de l’Emploi et de l’Environnement, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif en date du 24 septembre 2003, inscrit sous les numéros 15778 et 15909 du rôle, par lequel ont été joints les recours inscrits sous les numéros du rôle précités et les recours en réformation ont été déclarés recevables et justifiés, en ce que l’article 17.2 de la loi du 10 juin 1999 relative aux établissements classés a été déclaré inapplicable au cas d’espèce et en ce que, par réformation, le tribunal a omis l’article 2 de l’arrêté du ministre de l’Environnement du 15 novembre 2002 portant refus de l’autorisation sollicitée pour le traitement professionnel de déchets inertes non contaminés sur un fonds inscrit au cadastre de la commune de …, section … de …, y plus amplement désigné, et enjoignant l’enlèvement des déchets inertes non contaminés y entreposés dans les meilleurs délais, mais au plus tard dans un délai de 6 mois à compter de sa notification, en renvoyant les dossiers en prosécution de cause devant les ministres de l’Environnement ainsi que du Travail et de l’Emploi, chacun en ce qui le concerne ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 17 décembre 2003 par Maître Gaston Vogel, avocat à la Cour, au nom de la société en nom collectif …, 1 établie et ayant son siège social à L-…, …, …, représentée par ses gérants et associés actuellement en fonction ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le conseiller en son rapport, Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul Reiter, ainsi que Maître Gaston Vogel en leurs plaidoiries respectives.

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Par requête, inscrite sous le numéro 15778 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 20 décembre 2002 par Maître Gaston VOGEL, avocat à la Cour, la société en nom collectif …, établie et ayant son siège social à L-…, …, représentée par ses gérants et associés actuellement en fonction, Messieurs …, entrepreneur de constructions, et …, technicien en bâtiments, demeurant tous les deux à l’adresse précitée, a introduit un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de l’Environnement du 15 novembre 2002 portant refus de l’autorisation sollicitée pour le traitement professionnel de déchets inertes non contaminés sur un fonds inscrit au cadastre de la commune de …, section … de …, et enjoignant l’enlèvement des déchets inertes non contaminés y entreposés dans les meilleurs délais, mais au plus tard dans un délai de six mois à compter de sa notification.

Par requête séparée, inscrite sous le numéro 15909 du rôle et déposée le 24 janvier 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Gaston Vogel, avocat à la Cour, la société en nom collectif …, préqualifiée, a introduit un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision du ministre du Travail et de l’Emploi du 18 décembre 2002 portant refus de l’autorisation sollicitée pour une installation de traitement des déchets inertes non contaminés sur les terrains prévisés.

Par jugement rendu le 24 septembre 2003, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, après avoir joint les recours inscrits sous les numéros du rôle respectifs 15778 et 15909, a déclaré les recours en réformation justifiés, en décidant que l’article 17.2 de la loi du 10 juin 1999 relative aux établissements classés était inapplicable en l’espèce et a décidé d’omettre l’article 2 de l’arrêté litigieux du ministre de l’Environnement, en renvoyant le dossier en prosécution de cause devant les ministres de l’Environnement et du Travail et de l’Emploi, chacun en ce qui le concerne. Le tribunal administratif a en effet décidé que contrairement à ce qui avait été retenu par le ministre de l’Environnement dans son autorisation litigieuse, l’article 17.2 de la loi précitée du 10 juin 1999 ne saurait être invoqué en l’espèce pour refuser l’autorisation sollicitée, en ce que l’installation de traitement des déchets inertes non contaminés n’était pas exercée dans une construction immobilière, mais au moyen de structures mobiles et que, pour le surplus, les déchets inertes à traiter ne se trouvent en aucune façon fixés définitivement au sol. Le tribunal a encore justifié son raisonnement par le fait que les deux conteneurs comportant des bureaux, salle de repos, vestiaires, cuisines et installations d’hygiène n’ont qu’un caractère accessoire par rapport à l’activité industrielle de stockage et de traitement des déchets inertes dont il s’agit, de sorte que ces conteneurs ne sont pas de nature à faire revêtir l’ensemble de l’établissement du 2 qualificatif d’activités déployées à l’intérieur d’un immeuble. Au vu du fait que les décisions litigieuses sont basées sur une motivation illégale, le tribunal a préféré renvoyer le dossier devant les ministres compétents afin que ceux-ci puissent faire procéder à une nouvelle instruction de celui-ci et au vu de la solution ainsi retenue, le tribunal a décidé d’omettre également l’article 2 de l’arrêté ministériel du 15 novembre 2002 contenant l’injonction faite à l’intimée d’enlever le stockage intermédiaire dont il s’agit.

En date du 27 octobre 2003, le délégué du gouvernement, dûment mandaté à cet effet par les ministres de l’Environnement et du Travail et de l’Emploi, a déposé une requête d’appel en nom et pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, inscrite sous le numéro 17089C du rôle, par laquelle la partie appelante sollicite la réformation du premier jugement.

L’appelant reproche aux juges de première instances d’avoir à tort écarté l’article 17.2 de la loi précitée du 10 juin 1999, alors que contrairement à l’argumentation retenue par les premiers juges, l’établissement litigieux s’exercerait dans des immeubles par destination, qui seraient également visés par le champ d’application de la disposition légale en question, dans la mesure où celle-ci ne ferait pas de distinction entre les immeubles par nature et les immeubles par destination. L’appelant conclut encore à l’applicabilité de l’article 17.2 précité, en ce que le talus, ayant comme fonction de créer un écran anti-bruit et un écran visuel, serait à qualifier comme étant un immeuble en raison de sa fixité, de son implantation sur le sol et de son caractère continu. L’appelant reproche encore aux premiers juges d’avoir retenu que le bureau, le vestiaire, la salle de repos, la cuisine et les installations d’hygiène ne sont que des « effets mobiliers », alors qu’ils feraient partie intégrante de l’établissement classé litigieux, de sorte qu’ils ne sauraient être qualifiés d’« essentiellement mobiles ».

Au vu de ce que l’établissement litigieux comprendrait notamment des immeubles par destination, il y aurait lieu de le considérer dans sa globalité, entraînant l’application de l’article 17.2 précité.

Enfin, l’appelant fait état de ce que la solution retenue par le tribunal serait illogique, en ce que les activités exercées dans un immeuble seraient traitées d’une manière plus stricte du point de vue de la loi précitée du 10 juin 1999 par rapport à celles exercées à l’extérieur d’immeubles, alors que le contraire devrait être le cas, dans la mesure où forcément les activités exercées en plein air engendreraient davantage de bruits et de nuisances olfactives et du point de vue de l’émission des poussières.

Dans son mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour le 17 décembre 2003 par Maître Gaston Vogel, avocat à la Cour, l’intimée conclut à la confirmation du jugement entrepris.

La requête d’appel est à déclarer recevable pour avoir été introduite dans les formes et délai prévus par la loi.

3 Aux termes de l’article 17, paragraphes premier et second de la loi précitée du 10 juin 1999 « 1. La construction d’établissements classés ne peut être entamée qu’après la délivrance des autorisations requises par celle-ci.

2. Dans le cas où l’établissement est projeté dans des immeubles existants et dont la construction a été dûment autorisée, les autorisations requises en vertu de la présente loi ne pourront être délivrées que lorsque l’établissement projeté se situe dans une zone prévue à ces fins en conformité avec la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes ou avec un plan d’aménagement établi en exécution de la loi du 20 mars 1974 concernant l’aménagement général du territoire ou avec la loi modifiée du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles. Il en est de même lorsque l’établissement est projeté dans un immeuble à construire ».

La seule question analysée tant par les décisions ministérielles litigieuses qu’au cours du litige qui s’est déroulé devant les juges de première instance concerne celle de savoir si l’établissement classé litigieux, d’ores et déjà installé sur des fonds inscrits au cadastre de la commune de …, section … de … et comprenant plus particulièrement les éléments suivants :

- un stockage intermédiaire du type professionnel de déchets inertes non contaminés d’un volume d’environ … m3, - une installation mobile de concassage de marque …, type …, - deux conteneurs comportant des bureaux, salle de repos, vestiaires, cuisines et installations d’hygiène, - une chargeuse sur pneus, une pelle hydraulique sur chenilles, un tapis roulant hydraulique tombe sous le champ d’application de l’article 17, paragraphe 2 de la loi précitée du 10 juin 1999.

L’applicabilité des dispositions de l’article 17, paragraphe 2 en question doit être déterminée individuellement pour chaque établissement, en prenant en considération les éléments qu’il contient, et plus particulièrement le caractère fixe ou non de son implantation dans le sol, l’importance des installations annexes, son envergure, ainsi que son caractère temporaire ou définitif (Cour adm. 1er avril 2003, n° 15498C et 15521C du rôle).

S’il est vrai que l’article 17, paragraphe 2 en question vise clairement l’hypothèse dans laquelle les activités à mettre en œuvre ont lieu dans une construction immobilière, il ne vise par contre pas les activités envisagées n’ayant recours qu’à des engins, installations et outillages mobiles (Cour adm. 20 mars 2003, n° 14809C du rôle).

En l’espèce, c’est à bon droit que le tribunal administratif, ayant par ailleurs procédé à une visite des lieux, a constaté que l’installation de traitement de déchets inertes non contaminés pour laquelle l’autorisation est demandée consiste en des effets 4 exclusivement mobiliers. En effet, les seules installations faisant l’objet de la demande en autorisation soumise aux ministres respectivement compétents comprennent, à part les engins de chantier qui, par définition, ne sauraient être considérés comme constituant des immeubles, deux conteneurs comportant des bureaux, salle de repos, vestiaires, cuisines et installations d’hygiène. Or, c’est encore à bon droit que le tribunal a conclu, en se basant sur ses constatations personnelles effectuées lors de ladite visite des lieux, que les deux conteneurs ne sont pas fixés au sol, mais qu’ils se trouvent entreposés provisoirement sur le site litigieux.

C’est encore à bon droit que le tribunal a décidé que le champ d’application de l’article 17, paragraphe 2 en question ne vise que les immeubles par nature, à l’exclusion d’effets mobiliers considérés comme immeubles par destination, suivant une fiction légale, de sorte que le moyen afférent développé par le délégué du Gouvernement dans sa requête d’appel est à écarter pour ne pas être fondé.

Il en est de même de l’argumentation développée par le délégué du Gouvernement suivant laquelle le talus en forme de « L » se trouvant d’ores et déjà sur le site litigieux, d’une hauteur moyenne de 6 mètres formé de déchets inertes et érigé afin de protéger les habitations voisines contre les éventuelles émissions de bruit et de poussières émanant de l’exploitation sous analyse, étant donné qu’un tel talus ne saurait être considéré comme constituant un immeuble, alors qu’il s’agit d’un simple remblai des terres et dépôts de déchets se trouvant sur place.

Enfin, en ce qui concerne le prétendu illogisme qui se dégagerait de la solution telle que retenue par le tribunal dans son jugement précité du 24 septembre 2003, il échet de relever que si pareil illogisme peut effectivement être constaté, il n’a pas pour autant été créé par le jugement en question qui donne une interprétation conforme de l’article 17, paragraphe 2 de la loi précitée du 10 juin 1999, telle qu’en vigueur, mais il peut être dégagé de la teneur même de la disposition légale en question. Or, il n’appartient pas aux juridictions administratives d’interpréter une disposition légale au-delà des termes y employés, étant entendu qu’il appartient au seul pouvoir législatif de modifier une disposition légale contenant un prétendu illogisme, étant donné qu’il s’agit d’une décision exclusivement politique, échappant au champ de compétence des juridictions.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que la requête d’appel est à déclarer non fondée et que le jugement précité du 24 septembre 2003 est à confirmer dans toute sa teneur.

Par ces motifs, La Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

5 reçoit la requête d’appel du 27 octobre 2003 en la forme ;

la dit cependant non fondée et en déboute ;

partant confirme le jugement entrepris du 24 septembre 2003 dans toute sa teneur;

condamne l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par :

Jean-Mathias Goerens, vice-président, Marc Feyereisen, conseiller, Carlo Schockweiler, conseiller, rapporteur, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier de la Cour ….

s. le greffier s. le vice-président Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 7 septembre 2020 Le greffier de la Cour administrative 6


Synthèse
Numéro d'arrêt : 17089C
Date de la décision : 01/04/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2020
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2004-04-01;17089c ?

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