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16/03/2004 | LUXEMBOURG | N°17280C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 16 mars 2004, 17280C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 17280 C Inscrit le 11 décembre 2003

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Audience publique du 16 mars 2004 Recours formé par Monsieur … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 10 novembre 2003, n° 16930 du rôle)

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Vu la requête d’app

el, inscrite sous le numéro 17280C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 17280 C Inscrit le 11 décembre 2003

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Audience publique du 16 mars 2004 Recours formé par Monsieur … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 10 novembre 2003, n° 16930 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 17280C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 11 décembre 2003 par Maître François Moyse, avocat à la Cour, au nom de Monsieur …, né le …(Albanie), de nationalité albanaise, demeurant actuellement à L-…, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 10 novembre 2003, par lequel il a déclaré non fondé le recours en réformation dirigé contre une décision du ministre de la Justice du 26 mai 2003, portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée et contre celle confirmative, intervenue sur recours gracieux, du 4 août 2003, tout en déclarant irrecevable le recours en annulation ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 9 janvier 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le conseiller en son rapport et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles Roth en ses plaidoiries.

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Par requête, inscrite sous le numéro 16930 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 août 2003, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 26 mai 2003 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée et de celle confirmative, intervenue sur recours gracieux, du 4 août 2003.

Par jugement rendu le 10 novembre 2003, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, après avoir reçu le recours en réformation en la forme, l’a déclaré non justifié et en a débouté Monsieur … et a déclaré irrecevable le recours en annulation. Le tribunal a refusé de faire droit au recours présenté par Monsieur …, en décidant que sa simple appartenance à un mouvement ou à un parti politique, à savoir, en l’espèce, le parti démocratique de l’Albanie, sans qu’il n’y ait exercé une fonction particulière, ne saurait justifier une persécution vécue ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève. En ce qui concerne les craintes de persécution mises en avant par Monsieur … en raison d’actes de violences qu’il craint subir de la part d’une autre famille albanaise en raison de l’application de la coutume de la revanche de sang, le tribunal a retenu que comme il s’agit d’actes de persécution émanant non pas des autorités publiques, mais de personnes privées, Monsieur … n’a pas établi, voire allégué une démarche concrète de sa part en vue d’obtenir la protection de la part des autorités en place en Albanie, de sorte qu’il n’a pas non plus établi que lesdites autorités seraient susceptibles de lui refuser une protection appropriée pour l’un des motifs prévus par la Convention de Genève.

En date du 11 décembre 2003, Maître François Moyse, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel en nom et pour compte de Monsieur …, inscrite sous le numéro 17280C du rôle, par laquelle la partie appelante sollicite la réformation du premier jugement.

A l’appui de sa requête d’appel, l’appelant reproche aux premiers juges de ne pas avoir retenu sa qualité de membre du parti démocratique albanais, pour lequel il aurait participé à des « manifestations », ainsi que le risque de se faire tuer par un membre d’une famille voisine dont son oncle aurait tué une personne « à cause des terres que les familles possédaient », en application de la loi coutumière dite du « Canoun », pour lui reconnaître le statut de réfugié. Dans ce contexte, il conteste que la pratique de la « revanche de sang » constituerait un simple problème de criminalité de droit commun, mais qu’il s’agirait en l’espèce d’un « phénomène majeur » qui concernerait l’entièreté de la société albanaise. Quant au défaut par Monsieur … d’établir un défaut de protection adéquate de la part des autorités en place en Albanie, il fait exposer que les autorités ne seraient non seulement pas capables d’agir contre les actes qui se fondent sur la loi du « Canoun », mais qu’elles seraient elles-mêmes liées par ce droit « oral », de sorte qu’elles n’auraient pas la volonté ni même un intérêt à agir afin de protéger de possibles victimes contre de telles menaces.

Dans son mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour le 9 janvier 2004, le délégué du Gouvernement conclut à la confirmation du jugement entrepris.

La requête d’appel est recevable pour avoir été introduite dans les formes et délai prévus par la loi.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Il échet tout d’abord de retenir que c’est à bon droit que les premiers juges ont retenu que la simple appartenance à un mouvement ou parti politique de la part de l’appelant, sans qu’il ait exercé une fonction ou un activisme particulier au sein dudit parti, ne saurait justifier, à elle seule, une persécution vécue ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève.

En ce qui concerne plus particulièrement les persécutions que l’appelant déclare craindre en raison de sa participation à des « manifestations » organisées par le parti démocratique albanais dont il aurait été membre, il convient de constater qu’en l’absence de plus amples précisions quant aux persécutions concrètes dont il craint faire l’objet et au vu des déclarations faites par lui lors de son audition par un agent du ministère de la Justice en date du 14 février 2003, desquelles ne peut être dégagée une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève, dans la mesure où il a déclaré que son adhésion au parti démocratique albanais aurait simplement été susceptible de donner lieu à des « disputes verbales », l’appelant n’a pas établi un état de persécution personnelle vécu ou une crainte qui serait telle que la vie lui serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine ou qu’il fasse l’objet de persécutions en raison de son adhésion au parti démocratique.

Quant à la crainte de l’appelant de voir commettre des actes de violences à son encontre de la part d’une autre famille albanaise en raison de l’application de la coutume de la revanche de sang, basée sur la loi du « Canoun », force est de constater que l’appelant fait état d’actes de persécutions émanant non pas des autorités de son pays d’origine pour un des motifs prévus par la Convention de Genève, mais d’actes rentrant dans le cadre d’une criminalité de droit commun, de sorte que si l’existence d’une persécution protégeable sur base de ladite Convention ne saurait être exclue définitivement, cette protection n’est cependant justifiée que dans l’hypothèse où, pour un des motifs prévus par la Convention de Genève, les autorités spécifiquement compétentes pour la poursuite et la répression des infractions et persécutions commises soit encouragent ou tolèrent ces actes, soit sont incapables d’entreprendre des démarches d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion contre la commission de tels actes de la part des habitants de l’Albanie.

Dans les deux cas de figure, il faut en plus que le demandeur d’asile ait concrètement recherché cette protection, de sorte que ce n’est qu’en cas de défaut de protection, dont l’existence doit être mise suffisamment en exergue par le demandeur d’asile, qu’il y a lieu de prendre en compte une persécution de ce type.

En l’espèce, c’est à bon droit que le tribunal administratif a retenu que les éléments du dossier ne permettent de retenir ni que l’actuel appelant a concrètement recherché la protection des autorités en place dans son pays d’origine, ni a fortiori le refus voire l’incapacité de ces dernières pour lui assurer un niveau de protection suffisant, ni encore le défaut de toute poursuite des actes de persécutions commis à son encontre.

Il suit de ce qui précède qu’il y a lieu de déclarer la requête d’appel non fondée et de confirmer le jugement entrepris du 10 novembre 2003.

La procédure devant les juridictions administratives étant essentiellement écrite, l’arrêt est rendu à l’égard de toutes les parties à l’instance, malgré l’absence du mandataire de l’appelant à l’audition publique fixée pour les plaidoiries.

Par ces motifs, La Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

reçoit la requête d’appel du 11 décembre 2003 en la forme ;

la dit cependant non fondée et en déboute ;

partant confirme le jugement entrepris du 10 novembre 2003 dans toute sa teneur;

condamne l’appelant aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par :

Marion Lanners, présidente, Christiane Diederich-Tournay, premier conseiller, Carlo Schockweiler, conseiller, rapporteur, et lu par la présidente en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier en chef de la Cour Erny May.

le greffier en chef la présidente 4


Synthèse
Numéro d'arrêt : 17280C
Date de la décision : 16/03/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2004-03-16;17280c ?

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