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12/02/2004 | LUXEMBOURG | N°17476C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 12 février 2004, 17476C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 17476 C Inscrit le 16 janvier 2004

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Audience publique du 12 février 2004 Recours formé par la société anonyme … contre une décision du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines en présence de … et de la Confédération Luxembourgeoise des Syndicats Chrétiens en matière de :

contentieux électoral pour la désignation des délégués du personne

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GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 17476 C Inscrit le 16 janvier 2004

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Audience publique du 12 février 2004 Recours formé par la société anonyme … contre une décision du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines en présence de … et de la Confédération Luxembourgeoise des Syndicats Chrétiens en matière de :

contentieux électoral pour la désignation des délégués du personnel

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Vu le recours en réformation déposé au greffe de la Cour administrative le 16 janvier 2004 par Maître Guy Castegnaro, avocat à la Cour, au nom de la société anonyme …, établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonction, contre une décision du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines du 31 décembre 2003 ayant porté annulation des élections sociales pour la désignation de la délégation du personnel du 12 novembre 2003 dans la société préqualifiée et ordonné de nouvelles élections, en présence de …, chauffeur de camion, demeurant à D-…. et de la Confédération Luxembourgeoise des Syndicats Chrétiens, établie à L-1351 Luxembourg, 11, rue du Commerce, représentée par son comité directeur actuellement en fonctions;

Vu l’acte de signification de ladite requête par exploit d’huissier Pierre Biel en date du 19 janvier 2004 à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, au ministre du Travail et de l’Emploi, au directeur de l’Inspection du Travail et des Mines, à … ainsi qu’à la Confédération Luxembourgeoise des Syndicats Chrétiens;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 3 février 2004 par Maître Marco Fritsch, avocat à la Cour, au nom de …, préqualifié ;

Vu l’acte de signification dudit mémoire en réponse par exploit d’huissier Jean-Lou Thill en date du 3 février 2004 à la société anonyme …, préqualifiée;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 3 février 2004 par le délégué du Gouvernement Guy Schleder ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 4 février 2004 par Maître Guy Castegnaro, au nom de la société anonyme …;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise;

Ouï le conseiller en son rapport, Maître Guy Castegnaro et Maître Marco Fritsch ainsi que le délégué du Gouvernement Guy Schleder en leurs observations respectives.

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Maître Guy Castegnaro, avocat à la Cour, au nom de la société anonyme …, établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonction, a déposé un recours en réformation au greffe de la Cour administrative le 16 janvier 2004 contre une décision du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines du 31 décembre 2003 ayant porté annulation des élections sociales pour la désignation de la délégation du personnel du 12 novembre 2003 dans la société préqualifiée et ordonné de nouvelles élections, ceci en présence de …, chauffeur de camion, demeurant à D-… et de la Confédération Luxembourgeoise des Syndicats Chrétiens, établie à L-1351 Luxembourg, 11, rue du Commerce, représentée par son comité directeur actuellement en fonctions.

La partie requérante demande, par réformation de la décision du 31 décembre 2003, à voir valider les élections pour la désignation de la délégation du personnel du 12 novembre 2003, partant se voir relever de l’obligation d’organiser de nouvelles élections dans un délai de 2 mois.

Maître Marco Fritsch, avocat à la Cour, au nom de …, a déposé un mémoire en réponse le 3 février 2004 dans lequel il soulève à titre principal la nullité de l’acte introductif d’instance pour conclure ensuite à l’incompétence de la Cour administrative.

La simple référence faite par l'article 40 (1) au « Conseil d'État comité du contentieux, statuant en dernière instance et comme juge du fond » ne suffirait pas pour établir que le directeur de l’Inspection du Travail et des Mines, en tant qu'organe rendant des décisions administratives susceptibles d'un recours en réformation, devrait de ce seul fait être considéré comme juridiction administrative du premier degré.

Par ailleurs, il y aurait lieu de constater que ce directeur ne remplirait pas les critères et exigences d'indépendance et d'impartialité que doit réunir une juridiction, tels que fixés par l'article 6 §1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales signée le 4 novembre 1950.

Le délégué du Gouvernement a déposé un mémoire en réponse en date du 3 février 2004 dans lequel il conclut à la recevabilité du recours et à la compétence de la Cour administrative tout en demandant à voir déclarer la demande en réformation non fondée.

Maître Guy Castegnaro a déposé un mémoire en réplique au greffe de la Cour administrative le 4 février 2004 au nom de la société anonyme … dans lequel il conclut à la validité de son recours et à la compétence de la Cour administrative.

A titre subsidiaire et pour le cas où la Cour devait se déclarer incompétente pour connaître du recours, il demande à voir prononcer le renvoi du recours devant le tribunal administratif.

Le recours de la société anonyme … déposé au greffe de la Cour administrative s’adresse tant dans son entête que dans son dispositif à « Mesdames /Messieurs les président et conseillers 2 composant la Cour administrative » de sorte qu’une mention erronée dans l’acte de signification de l’huissier Pierre Biel ne saurait en entraîner la nullité.

Quant à la compétence de la Cour administrative L'article 40 de la loi du 18 mai 1979 portant réforme des délégations du personnel dispose que « Les contestations relatives à l'électorat et à la régularité des opérations électorales sont de la compétence du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines; cette décision peut faire l'objet d'un recours devant le Conseil d'État comité du contentieux, statuant en dernière instance et comme juge du fond.» L'article 86 de la Constitution stipule que « Nul tribunal, nulle juridiction contentieuse ne peuvent être établis qu'en vertu d'une loi. Il ne peut être créé de commissions, ni de tribunaux extraordinaires, sous quelque dénomination que ce soit. » La loi du 12 juillet 1996 a instauré un article 95bis dans la Constitution qui prévoit que « (1) Le contentieux administratif est du ressort du tribunal administratif et de la Cour administrative » et que « (2) La loi peut créer d’autres juridictions administratives. » Aucune disposition légale n’a attribué au directeur de l'Inspection du Travail et des Mines compétence pour statuer en tant que juge de première instance en matière administrative.

L'indication par l'article 40 de la loi du 18 mai 1979 portant réforme des délégations du personnel selon laquelle le Conseil d'État devait statuer en dernière instance est depuis la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif sans pertinence pour déterminer si la décision du directeur de l'Inspection du Travail et des Mines est à considérer comme juridiction du premier degré alors qu'à l'époque où le Conseil d'État avait encore compétence pour siéger comme juridiction, il statuait toujours en dernier ressort pour autant qu'il était saisi d'un recours en réformation.

L'article 100 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif stipule de manière impérative que « dans tous les textes de loi et règlement, la référence au Comité du contentieux ou au Comité du contentieux du Conseil d'État ou encore au Conseil d'État tout court, si la fonction juridictionnelle du Conseil d'État est visée, s'entend comme référence au tribunal administratif, tel qu'il est organisé par la présente loi. » Il découle des dispositions précitées que la compétence attribuée au Conseil d'État comité du contentieux par l'article 40 (1) de la loi précitée du 18 mai 1979, est dévolue, par l'effet de l'article 100 (1) de la loi précitée du 7 novembre 1996, au tribunal administratif.

Le paragraphe (2) du même article 100, contenant une exception au principe figurant au paragraphe (1) précité, ne fait pas référence à l'article 40 (1) de la loi précitée du 18 mai 1979 en vue d'attribuer compétence à la Cour administrative pour tout recours dirigé contre une décision rendue par le directeur en matière de contentieux électoral, par exception au principe général en vertu duquel le tribunal administratif a une compétence de droit commun pour statuer en première instance sur tout recours dirigé contre une décision administrative.

S'il est vrai que l'article 6 de la loi précitée du 7 novembre 1996 attribue compétence à la Cour administrative pour statuer en appel et comme juge du fond sur les recours dirigés contre les décisions d'autres juridictions administratives, il n'en demeure pas moins qu'il n'existe pas de 3 loi spéciale attribuant des compétences juridictionnelles au directeur de l’Inspection du Travail et des Mines, l'article 40 (1) de la loi précitée du 18 mai 1979 ne constituant pas une telle disposition légale spéciale.

Le Conseil d'État avait par ailleurs retenu dans son avis du 9 mai 1996 sur le projet de loi portant organisation des juridictions de l'ordre administratif et fiscal (doc. parl. 3940) qu'il résultait du projet de l'article 6 précité que l'on ne pourra plus se référer à différentes jurisprudences du Comité du contentieux ayant notamment décidé qu'un tel organe avait un véritable pouvoir décisionnel pour en conclure qu'il s’agit en l’occurrence de juridictions administratives de premier degré. Notre droit positif ne connaît, à part la Chambre des comptes, pas d'autre juridiction administrative. » La confirmation du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines en tant que juridiction administrative n’a résulté que d'une interprétation jurisprudentielle faite a contrario de l'article 40 de la loi du 18 mai 1979 tel que précité, qui ne saurait anéantir les efforts du législateur de 1996 consistant à créer des juridictions administratives indépendantes respectueuses du principe de la séparation des pouvoirs ainsi que des libertés fondamentales et des droits de l'homme dans un Etat de droit.

Il résulte de l'ensemble des considérations et constatations qui précèdent que la simple référence par l'article 40 (1) au Conseil d'État comité du contentieux, statuant en dernière instance et comme juge du fond ne suffit pas pour établir que le directeur, en tant qu'organe rendant des décisions administratives susceptibles d'un recours en réformation devrait de ce seul fait être considéré comme juridiction administrative du premier degré de sorte que sa compétence se limite en vertu du principe de la séparation des pouvoirs dont sont l'expression les articles 84 à 95ter de la Constitution, à un simple pouvoir de décision administrative.

La Cour est partant incompétente pour statuer sur le recours introduit par la société anonyme Wallenborn.

La partie requérante, pour le cas où la Cour devait se déclarer incompétente pour connaître du recours, a demandé à voir prononcer le renvoi du recours devant le tribunal administratif dans un souci d'équité et de bonne administration de la justice.

Il serait en effet tout à fait inéquitable que l'incertitude jurisprudentielle et juridictionnelle existant en la matière porte préjudice à la partie requérante dans l'exercice de ses droits de la défense, ce d'autant plus qu'aucune disposition légale, réglementaire ou jurisprudentielle n'interdirait sous peine de nullité à un administré de faire un choix et de porter le recours prévu contre la décision du directeur de l'Inspection du Travail et des Mines soit devant le tribunal administratif, soit devant la Cour administrative.

Une notice de recours figurant en bas de la décision du directeur de l'inspection du Travail et des Mines qui se contenterait de conseiller aux administrés de porter leur recours simultanément devant le tribunal administratif et la Cour administrative ne saurait porter préjudice à ceux des administrés qui décideraient de porter leur recours uniquement devant l'une de ces deux juridictions.

L'article 14 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 sur la procédure administrative non-

contentieuse fait obligation à l'administration d'informer l'administré des voies de recours et 4 l'omission d’indication de ces voies de recours, respectivement une indication erronée, entraîne que les délais impartis pour les recours ne commencent pas à courir.

Conformément aux exigences d’essence supérieure d’un procès équitable, telles que découlant de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, face à une situation procédurale ambiguë susceptible d’induire en erreur un requérant qui a ainsi pu être empêché d’introduire valablement sa réclamation dans le délai légal devant la juridiction compétente, les indications contenues dans la décision du directeur de l’Inspection du Travail équivalent à une absence d’indication y relative, de sorte que sous cet aspect aucun délai de recours n’a commencé à courir à l’encontre du destinataire de la décision du 31 décembre 2003.

Face à sa décision d’incompétence, il n’appartient néanmoins pas à la Cour de renvoyer le recours devant le tribunal administratif de sorte que la demande subsidiaire de la société anonyme Wallenborn est à rejeter.

Par ces motifs la Cour, statuant contradictoirement, sur le rapport de son conseiller, se déclare incompétente pour statuer sur le recours introduit en date du 16 janvier 2004, constate qu’aucun délai de recours n’a commencé à courir à l’encontre de la société anonyme Wallenborn, destinataire de la décision du 31 décembre 2003 du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines, déclare la demande subsidiaire de renvoi devant le tribunal administratif irrecevable, condamne la requérante aux dépens de la présente instance.

Ainsi délibéré et jugé par Jean Mathias Goerens, vice-président Marc Feyereisen, conseiller, rapporteur Carlo Schockweiler, conseiller et lu par le vice-président Jean Mathias Goerens en l’audience publique au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête en présence du greffier de la Cour Anne-Marie Wiltzius.

le greffier le vice-président 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 17476C
Date de la décision : 12/02/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2004-02-12;17476c ?

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