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10/02/2004 | LUXEMBOURG | N°16931C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 10 février 2004, 16931C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 16931C Inscrit le 25 août 2003

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AUDIENCE PUBLIQUE DU 10 FEVRIER 2004 Recours formé par l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg contre …, Luxembourg en matière de discipline Appel (jugement entrepris du 16 juillet 2003, no 16053 du rôle)

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Vu l’acte d’appel déposé au gref

fe de la Cour administrative le 25 août 2003 par Maître André Lutgen, avocat à la Cour, ...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 16931C Inscrit le 25 août 2003

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AUDIENCE PUBLIQUE DU 10 FEVRIER 2004 Recours formé par l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg contre …, Luxembourg en matière de discipline Appel (jugement entrepris du 16 juillet 2003, no 16053 du rôle)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 25 août 2003 par Maître André Lutgen, avocat à la Cour, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, représenté par son ministre d’Etat, établi à L-1352 Luxembourg, 4, rue de la Congrégation, sinon par son ministre des Finances, établi à L-1352 Luxembourg, 3, rue de la Congrégation, contre …, conseiller de direction adjoint auprès de l’administration de l’Enregistrement, demeurant à L-…, suite au jugement rendu par le tribunal administratif en matière de discipline à la date du 16 juillet 2003, à la requête de … contre 1. une décision du directeur de l’administration de l’Enregistrement et des Domaines et 2. une décision du ministre des Finances.

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative par Maître Jean-Marie Bauler, avocat à la Cour, à la date du 13 octobre 2003, au nom de ….

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative par Maître André Lutgen à la date du 13 novembre 2003, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg.

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative à la date du 12 décembre 2003 par Maître Jean-Marie Bauler, au nom de ….

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris.

Ouï la présidente en son rapport à l’audience publique du 27 janvier 2004 et Maîtres André Lutgen et Jean-Marie Bauler en leurs observations orales

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Par décision du 14 août 2002, le directeur de l’administration de l’Enregistrement et des Domaines a infligé à … la sanction disciplinaire de l’amende fixée à 700 euros en motivant comme suit : « Vu le dossier disciplinaire constitué à charge de Monsieur … ; Attendu qu’il résulte de ce dossier et de l’instruction disciplinaire que Monsieur … a enfreint les dispositions des articles 9 (1) et 10.1 du Statut des Fonctionnaires de l’Etat ; Attendu qu’il n’est pas contesté que Monsieur …, conseiller de direction adjoint, a déménagé sans autorisation en dates des 12 et 13 mai 2001 une partie du mobilier qui a équipé son ancien bureau au 1-3, avenue Guillaume en son nouveau bureau au 5e étage de l’immeuble Bourbon, 7, rue du Plébiscite ; qu’il a démonté respectivement fait démonter sans autorisation le mobilier dont son nouveau bureau était équipé et qu’il a transporté- respectivement fait transporter ledit mobilier dans la cave dudit immeuble ; que la plaque formant le coin du bureau démonté a été fortement endommagée lors de ce démontage ; que le mobilier appartient à l’administration et qu’il ne pouvait pas en disposer librement ; que Monsieur …, malgré sommation du 15 mai 2001 n’a pas procédé au rétablissement des lieux dans leur pristin état ; qu’à l’instar de ce qu’il avait entrepris sans autorisation en son bureau au 1-3, avenue Guillaume, Monsieur … a monté respectivement fait monter, également sans autorisation, une nouvelle serrure à la porte de son nouveau bureau et que le bureau n’est plus librement accessible ; que l’immeuble appartient à l’administration et qu’il ne pouvait procéder ou faire procéder à l’installation d’équipements interdisant le libre accès du bureau. Attendu que les explications fournies par Monsieur … ne sauraient justifier les voies de fait et les refus d’ordre utilisées par celui-ci ; Vu les articles 44 et 47 de la loi du 16 août 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat ; » Le recours contentieux introduit par … à l’encontre de ladite décision s’est soldé par un jugement du tribunal administratif du 16 juillet 2003 aux termes duquel le tribunal s’est déclaré incompétent pour connaître du recours en réformation ; a reçu le recours en annulation ; l’a dit fondé et justifié et par conséquent annulé « les décisions directoriale et ministérielle implicite de refus déférées », avec condamnation de l’Etat aux frais.

Compte tenu du fait que le dossier disciplinaire n’avait pas été versé, le tribunal a estimé ne disposer d’aucun élément permettant de dégager le caractère régulier et légal de l’acte lui déféré.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 25 août 2003, Maître André Lutgen a déclaré relever appel du prédit jugement au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, représenté par son ministre d’Etat, établi à L-1352 Luxembourg, 4, rue de la Congrégation, sinon par son ministre des Finances, établi à L-1352 Luxembourg, 3, rue de la Congrégation.

La partie appelante réexpose les faits ayant mené à la peine disciplinaire, expose que François Bisdorff, conseiller de direction adjoint, a été chargé suite à ces faits d’une enquête disciplinaire, que l’intimé n’a pas pris inspection du dossier ni présenté des observations ni demandé un complément d’instruction, que le dossier a été transmis au ministre des Finances qui l’a retourné sans saisir le conseil de discipline et finalement que le directeur de l’administration de l’Enregistrement et des Domaines a, par décision du 14 août 2002, infligé une sanction disciplinaire de l’amende ne dépassant pas le cinquième d’une mensualité brute du traitement de base de l’intimé, décision transmise au ministre des Finances.

Elle estime que les faits sont établis à suffisance de droit par le dossier disciplinaire versé en cause et le contenu du courrier du mandataire de l’intimé.

Elle fait encore valoir que la violation de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par l’administration relevant de l’Etat et des communes par le défaut d’indication des motifs ayant conduit à la décision en cause entraîne tout au plus le fait que les délais de recours ne commencent pas à courir ; que les droits de la défense de l’intimé ont été respectés et que l’article 110 de la Constitution n’a pas été violé.

Maître Jean-Marie Bauler a déposé le 13 octobre 2003 au nom de … un mémoire en réponse.

Il y met en doute le mandat donné par l’Etat à Maître André Lutgen, l’Etat ne s’étant pas présenté en première instance et Maître Lutgen ayant déclaré à l’occasion d’une instance civile sur la même affaire que « l’Etat n’entend pas prendre position ni pour l’un ni pour l’autre des deux parties.» Il estime ensuite que l’Etat n’a pas qualité pour interjeter appel du fait de sa qualité « d’organe juridictionnel » dans la présente affaire.

Après avoir longuement retracé les faits et rétroactes de l’affaire et commenté les pièces versées en cause par la partie appelante, Maître Bauler fait valoir pour son mandant les moyens en droit suivants par rapport à la décision disciplinaire déférée :

Violation du principe de l’effet dévolutif de l’appel de l’article 89 de la Constitution et de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, la motivation de la décision disciplinaire ayant été pour la première fois exposée en instance d’appel.

Violation de l’article 6 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales du 4 novembre 1950 par la modification de la qualification juridique des faits en cours de procédure et la partialité du directeur de l’administration de l’Enregistrement et des Domaines.

Violation de l’article 110 de la Constitution pour défaut d’impartialité.

Violation des articles 51 premier alinéa et 56 & 2, alinéas 2 et 3 du Statut Général des Fonctionnaires, le directeur de l’administration ayant délégué son pouvoir disciplinaire au ministre compétent qui a classé l’affaire par son silence de plus de 3 mois.

Il conclut donc à l’irrecevabilité de l’acte d’appel sinon à le voir déclarer non fondé.

Maître André Lutgen a déposé le 13 novembre 2003 pour l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg un mémoire en réplique accompagné d’un mandat écrit du ministre des Finances signé le 7 novembre 2003 pour défendre les intérêts de l’Etat dans la présente affaire.

Il souligne qu’un avocat n’a pas à justifier son mandat et que l’Etat, partie en première instance, a bien qualité pour interjeter appel, procédure non exclue par la loi en matière disciplinaire.

Il redéveloppe les faits déjà exposés et formule une offre de preuve dans ce contexte par 7 témoins.

Il explique que le double degré de juridiction n’a pas été violé, le ministre ayant pris une simple décision administrative pré-contentieuse, de sorte que l’article 89 du chapitre 4 de la Constitution ne s’applique pas.

Il estime que l’article 6 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales n’est pas applicable, la sanction prononcée n’ayant pas de caractère répressif.

En ordre subsidiaire, il est d’avis que le directeur de l’administration n’a pas contrevenu aux principes y énoncés ni à ceux de l’article 110 de la Constitution.

Il affirme que le principe du contradictoire a été respecté, l’intimé ayant eu la possibilité d’inspecter son dossier et d’y prendre position et la faculté de soumettre ses observations, ce que, de son propre aveu, il n’a pas fait.

Il réclame finalement une indemnité de procédure de l’ordre de 3000 euros.

Maître Jean-Marie Bauler a déposé le 12 décembre 2003 pour … un mémoire en duplique dans lequel il redéveloppe ses moyens de procédure de même que ses moyens de fait et de droit.

Un avocat à la Cour n’a pas à justifier du mandat qui lui a été confié.

L’Etat a la qualité de partie intimée au litige de première instance nonobstant le fait de ne pas avoir déposé de mémoire. Le jugement de première instance ayant été rendu « à l’égard de toutes les parties » et compte tenu de l’issue du litige, l’Etat a un intérêt à agir en instance d’appel.

En présence d’un recours en annulation, le rôle des juridictions administratives se limite à la vérification de la légalité et de la régularité formelle de l’acte attaqué ainsi qu’au contrôle de l’exactitude matérielle des faits pris en considération par la décision, en tenant compte de la situation de droit et de fait au jour où la décision a été prise.

L’appréciation de ces faits échappe à la juridiction du contrôle de la légalité, qui n’a qu’à vérifier, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, si les faits sur lesquels l’administration s’est fondée sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute.

Il est reproché au ministre, en renvoyant le dossier disciplinaire au directeur de l’Enregistrement et des Domaines, de ne pas avoir vidé le litige par une décision motivée et d’avoir enlevé à l’intimé le premier degré de juridiction en n’y comparaissant pas et en faisant valoir ses moyens pour la première fois en instance d’appel.

L’Etat figure à l’instance comme mandataire du ministre d’Etat, sinon du ministre des Finances, de sorte qu’il est mandataire aussi bien du ministre des Finances, dont dépend l’administration de l’Enregistrement et des Domaines, que de l’administration, le jugement de première instance ayant tranché une affaire contre « 1. une décision du directeur de l’administration de l’Enregistrement et des Domaines et 2. une décision du ministre des Finances en matière de discipline. » La décision du directeur était amplement motivée et le ministre, en ne prenant pas de décision à l’encontre de l’intimé, n’avait pas à motiver son refus de décision.

Il est de jurisprudence constante qu’au-delà de la motivation expressément fournie par l’administration à la base des décisions déférées, il lui est loisible de la compléter en cours d’instance, tout comme la juridiction administrative dispose de la possibilité de procéder par substitution de motifs légaux à partir des éléments du dossier régulièrement produits en cause, entraînant d’un autre côté que la partie demanderesse (en première instance) est admise à amplifier ses moyens en cours d’instance au-delà des développements déployés dans le cadre de la requête introductive d’instance.

Le reproche de la perte d’un degré de juridiction n’est pas justifié compte tenu de la motivation de la décision directoriale.

L’article 52 de la loi du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat dit que « Le droit d’appliquer les sanctions appartient à l’autorité investie du pouvoir de nomination. La suspension visée au paragraphe 1er de l’article 48 est prononcée par le ministre du ressort, sous réserve des pouvoirs accordés aux chefs d’administration par le troisième alinéa du paragraphe 3 de l’article 56. Toutefois, les sanctions de l’avertissement, de la réprimande et de l’amende ne dépassant pas le cinquième d’une mensualité brute du traitement de base peuvent également être appliqués par respectivement le membre du Gouvernement et le chef d’administration compétents ou leurs délégués. » L’article 56 dispose dans son paragraphe 5. que «Le chef hiérarchique transmet le dossier avec ses conclusions à l’autorité visée à l’alinéa 1er de l’article 52. Celle-ci prend une des trois décisions suivantes : a) elle classe l’affaire lorsqu’il résulte de l’instruction que le fonctionnaire n’a pas manqué à ses devoirs ou qu’elle estime que l’application d’une sanction n’est pas indiquée ; b) elle applique la sanction lorsqu’elle est d’avis que les faits établis par l’instruction constituent un manquement à sanctionner de l’avertissement, de la réprimande ou de l’amende ne dépassant pas le cinquième d’une mensualité brute du traitement de base ;

c) elle transmet le dossier au Conseil de discipline lorsqu’elle estime que les faits établis par l’instruction constituent un manquement à réprimer par une sanction plus sévère que celles mentionnées sous b).

Dans la mesure où le chef hiérarchique est investi du pouvoir disciplinaire en vertu du deuxième alinéa de l’article 52, il peut, soit personnellement, soit par son délégué, classer l’affaire ou prononcer les sanctions prévues sub b). Le chef hiérarchique qui n’est pas membre du Gouvernement, porte la décision incessamment à la connaissance du ministre compétent. » Le directeur de l’administration a dans le présent cas appliqué l’article 56 sub 5. et transmis le dossier avec ses conclusions au ministre compétent.

Il résulte des dispositions précitées de l’article 56 sub 5.b) que le ministre était également habilité à prononcer les sanctions que le chef d’administration avait le droit d’appliquer, soit les sanctions de l’avertissement, de la réprimande et de l’amende telle que limitée.

En retournant le dossier au chef d’administration sans faire application d’aucune des sanctions prévues par l’article 56 sub 5. précité et sans saisir le conseil de discipline, le ministre a manifesté implicitement sa volonté de ne pas donner de suites à ce dossier, soit de classer l’affaire.

Le directeur de l’administration était partant dessaisi du dossier et forclos de prononcer dans la suite une sanction rentrant dans son champ de compétence.

Sa décision du 14 août 2002 est partant à annuler, de même que la décision implicite de refus se dégageant du silence observé par le ministre des Finances pendant plus de trois mois par rapport à la réclamation introduite par … à la date du 29 août 2002.

Le jugement du 16 juillet 2003 est partant à confirmer, bien que pour d’autres motifs.

Compte tenu de l’issue du litige, la demande de la partie appelante en allocation d’une indemnité de procédure est à écarter.

Par ces motifs et ceux non contraires des juges de première instance la Cour, statuant contradictoirement, sur le rapport de la présidente, reçoit l’acte d’appel du 25 août 2003, le dit non fondé et en déboute, partant, confirme le jugement entrepris du 16 juillet 2003, rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure, condamne la partie appelante aux dépens de l’instance.

Ainsi délibéré et jugé par Marion Lanners, présidente, rapporteur, Christiane Diederich-Tournay, premier conseiller, Marc Feyereisen, conseiller et lu à l’audience publique date qu’en tête au local ordinaire des audiences de la Cour par la présidente Marion Lanners, en présence du greffier en chef de la Cour Erny May.

le greffier en chef la présidente 6


Synthèse
Numéro d'arrêt : 16931C
Date de la décision : 10/02/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2004-02-10;16931c ?

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