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05/02/2004 | LUXEMBOURG | N°17534C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 05 février 2004, 17534C


Page 1 sur 6 GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 17534C Inscrit le 29 janvier 2004

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AUDIENCE PUBLIQUE DU 5 FEVRIER 2004 Recours formé par l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, représenté par son ministre de la Justice contre … … en matière de rétention administrative Appel et appel incident (jugement entrepris du 26 janvier 2004, no 17475 du rôle)

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Vu l’acte d’appel d...

Page 1 sur 6 GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 17534C Inscrit le 29 janvier 2004

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AUDIENCE PUBLIQUE DU 5 FEVRIER 2004 Recours formé par l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, représenté par son ministre de la Justice contre … … en matière de rétention administrative Appel et appel incident (jugement entrepris du 26 janvier 2004, no 17475 du rôle)

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Vu l’acte d’appel déposé à la date du 29 janvier 2004 au greffe de la Cour administrative par le délégué du Gouvernement Jean-Paul Reiter au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, représenté par son ministre de la Justice, contre un jugement rendu par le tribunal administratif à la date du 26 janvier 2004 en matière de rétention administrative, à la requête de … …, de nationalité bosniaque, contre une décision du Procureur d’Etat l’ayant placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée n’excédant pas 48 heures et pour autant que de besoin d’une décision du ministre de la Justice censée être prise dans la journée du 15 janvier 2004.

Vu les mandats écrits pour interjeter appel délivrés le 29 janvier 2004 par le ministre de la Justice et le Procureur d’Etat de Luxembourg.

Vu le mémoire en réponse, intitulé mémoire en réplique, déposé au greffe de la Cour administrative par Maître Ardavan Fatholahzadeh à la date du 2 février 2004 au nom de … …, préqualifié.

Vu le mémoire en réplique déposé par la déléguée du Gouvernement Claudine Konsbrück par télécopie à la date du 4 février 2004.

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise.

Page 2 sur 6 Ouï la présidente en son rapport à l’audience publique du 5 février 2004 et Maître Ardavan Fatholahzadeh ainsi que le délégué du Gouvernement Guy Schleder en leurs observations orales.

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… …, de nationalité bosniaque, avait introduit devant le tribunal administratif un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du Procureur d’Etat l’ayant placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée n’excédant pas 48 heures et pour autant que de besoin d’une décision du ministre de la Justice censée être prise dans la journée du 15 janvier 2004.

Par jugement rendu à la date du 26 janvier 2004, le tribunal a reconnu au demandeur un intérêt à agir dans la mesure où il n’appartient pas au tribunal d’anticiper sur l’issue d’une éventuelle affaire en responsabilité civile de l’Etat, a reçu le recours en réformation en la forme, l’a déclaré sans objet, a reçu également en la forme le recours en annulation, l’a déclaré justifié et a annulé la décision déférée avec condamnation de l’Etat aux frais.

Pour arriver à cette conclusion, le tribunal a décidé que le Procureur d’Etat dispose en cette matière, par le biais de l’alinéa 2 de l’article 15, paragraphe 1er, de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1.l’entrée et le séjour des étrangers ; 2.le contrôle médical des étrangers ;

3.l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, d’une compétence d’exception exigeant le respect des deux conditions légales prévues à l’article 15, paragraphe 1er, alinéa 1er, - soit l’existence d’une mesure d’expulsion ou de refoulement et l’impossibilité de l’éloignement de l’étranger en raison de circonstances de fait- ensemble avec la circonstance que le ministre n’a pas pu être utilement saisi.

Le tribunal a ensuite retenu que … … remplissait bien les conditions légales pour être refoulé en application de l’article 12 de la loi précitée du 28 mars 1972, mais qu’il ne résulte pas du dossier que l’intéressé ait fait l’objet d’une mesure d’éloignement sur le point d’être exécutée et impossible à exécuter en raison de circonstances de fait.

Il a partant annulé la décision litigieuse.

Fort de deux mandats écrits délivrés à la date du 29 janvier 2004 respectivement par le ministre de la Justice et le Procureur d’Etat de Luxembourg, le délégué du Gouvernement a relevé appel dudit jugement par requête déposée le 29 janvier 2004.

Il fait valoir que l’actuel intimé n’a aucun intérêt à agir compte tenu de l’article 2 de la loi du 30 décembre 1981 portant indemnisation en cas de détention préventive inopérante qui restreint le droit à réparation aux privations de liberté supérieures à trois jours, - l’intimé ayant été retenu moins de deux jours- et des dispositions de l’article 1er de la même loi qui ouvre un droit à réparation « à toute personne qui a été privée de sa liberté dans des conditions incompatibles avec les dispositions de l’article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, approuvée par la loi du 29 août 1953 », soit au-delà de la détention préventive.

Quant au fond, il souligne qu’il résulte du dossier que l’intimé remplit les conditions légales pour être refoulé au sens de l’article 12 de la loi modifiée du 28 mars 1972, précitée, pour avoir fait l’objet d’une décision juridictionnelle de refus en matière de bénéfice du statut de Page 3 sur 6 réfugié politique du 26 août 1997 et d’un arrêté de refus d’entrée et de séjour du ministre de la Justice du 31 janvier 2003, soit d’une mesure d’éloignement.

Le délégué relève finalement qu’il résulte du dossier administratif que l’éloignement immédiat n’était pas possible faute de documents de voyage valables et que les diligences nécessaires à cet effet avaient été entamées par le ministre de la Justice à la date du 8 janvier 2004, soit une semaine avant le placement par le Procureur d’Etat, par la sollicitation d’un laissez-passer auprès du Consulat Général de Bosnie-Herzégovine.

Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, a déposé le 2 février 2004 au greffe de la Cour administrative un mémoire en réponse avec trois pièces, au nom de … ….

L’intimé soulève en premier lieu l’irrecevabilité de l’acte d’appel pour défaut de mandat régulier à l’adresse du délégué du Gouvernement, le Procureur d’Etat n’ayant pas la qualité de membre du Gouvernement et la décision déférée n’émanant pas du ministre de la Justice et il développe ensuite son intérêt à agir.

Quant au fond, l’intimé conclut à l’illégalité de sa rétention à partir du jeudi 15 janvier 2004, 8.00 heures, le ministère de la Justice ayant pu être utilement saisi et un arrêté ministériel ayant pu être pris à partir de ce moment.

Dans le cadre d’un appel incident, il demande partant à voir constater le caractère illégal et abusif de sa rétention à défaut d’arrêté ministériel.

L’intimé insiste ensuite sur le fait que plusieurs mesures de placement avaient déjà été prises à son encontre avec demandes de laissez-passer infructueuses, de sorte que les autorités luxembourgeoises étaient conscientes du fait qu’elles n’arriveraient pas à obtenir de laissez-

passer et, par conséquent, à procéder à un éloignement dans les brefs délais.

Il maintient ses arguments développés en première instance concernant sa rétention dans un local non approprié à cet effet et demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris et à voir dire que sa rétention était démunie de base légale à partir du 15 janvier 2004, 8.00 heures.

La déléguée Claudine Konsbrück a déposé un mémoire en réplique à la date du 4 février 2004.

Elle insiste sur le droit du ministre de pouvoir interjeter appel et déclare réitérer ses moyens sur le défaut d’intérêt à agir dans le chef de la partie intimée.

Elle estime que toutes les conditions légales pour un refoulement de l’intimé étaient remplies et fait valoir que les diligences nécessaires en vue d’obtenir les documents de voyages avaient été faites.

Elle fait finalement valoir que l’interprétation de la partie intimée de l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 ne correspond pas à l’esprit du texte et risque de le vider de tout effet.

L’article 15 de la loi précitée du 28 mars 1972 dispose que « lorsque le Ministre de la Justice ne peut pas être utilement saisi, l’étranger peut être retenu, avec l’autorisation du procureur d’Etat, pour un délai n’excédant pas 48 heures ».

Page 4 sur 6 Le procureur d’Etat étant investi dans une circonstance bien déterminée, -« lorsque le Ministre de la Justice ne peut pas être utilement saisi »,- d’un pouvoir d’exception, la décision du procureur d’Etat est censée être prise « pour un délai n’excédant pas 48 heures » aux lieu et place du ministre de la Justice, de sorte que la qualité pour ce dernier d’interjeter appel dans un litige subséquent est également réservée.

Le texte de loi ne limitant pas cette compétence d’exception du Procureur d’Etat aux jours non ouvrables et le ministre pouvant ne pas être joint en raison d’autres circonstances au courant de la semaine, le moyen d’illégalité de la mesure prise par le Procureur d’Etat tiré du défaut de décision ministérielle à partir du 15 janvier, 8 heures, est à écarter.

Le délégué du Gouvernement ne déniant pas à l’intimé la faculté de demander le cas échéant une réparation civile à l’encontre de l’Etat sur l’une ou l’autre base légale, l’intimé a un intérêt évident à faire examiner auparavant la régularité de la décision litigieuse pour le déterminer dans son choix de saisir ou non l’autorité compétente en matière d’indemnité civile et cela malgré la circonstance d’une libération antérieure à la date du prononcé du jugement.

L’article 103 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif prévoit à l’encontre des décisions prises en matière d’entrée et de séjour des étrangers un recours au fond devant les juridictions administratives, de sorte que seul le recours en réformation est recevable, le recours en annulation étant à écarter dans le respect de la détermination expresse de la nature du recours par législateur.

Saisie d’un recours en réformation la juridiction est appelée à statuer sur base des éléments de fait et de droit tels qu’ils se présentent au jour où elle statue.

Il est établi et il ressort du dossier administratif que l’intimé s’est vu refuser le bénéfice du statut de réfugié politique et qu’un arrêté de refus d’entrée et de séjour avait été pris à son encontre à la date du 31 janvier 2003.

L’intimé remplissait en l’occurrence les conditions légales pour être refoulé en application de l’article 12(3) de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée.

Par ailleurs, le consulat de Bosnie-Herzégovine avait été saisi par le ministre d’une demande de délivrance d’un titre d’identité ou d’un laissez-passer à la date des 27 août 2002, 4 septembre 2002 et 8 janvier 2004, de sorte que les conditions légales de l’article 15(1) de la même loi se trouvaient également remplies.

Le fait que le consulat de Bosnie-Herzégovine n’a pas répondu à des demandes antérieures ne rendent pas inapplicables à l’intimé les dispositions légales précitées.

L’intimé ayant obtenu gain de cause en première instance n’a pas qualité pour interjeter appel incident. Il lui est pourtant loisible de soumettre au réexamen des juges de la deuxième instance les moyens sur lesquels il n’a pas eu satisfaction, démarche qu’il a improprement qualifiée d’appel incident.

Page 5 sur 6 Le Procureur d’Etat ayant compétence pour prendre un arrêté de rétention pour une durée de 48 heures et la rétention de l’intimé ayant pris fin avant l’écoulement de 48 heures, le défaut d’un arrêté ministériel subséquent ne rend la décision du procureur ni abusive ni illégale.

Le moyen tiré de la disproportionnalité de la mesure prise et du placement de l’intimé dans un établissement non approprié est à écarter, la mesure de rétention étant due au fait que l’intimé ne dispose pas de papiers de légitimation et le « Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière », crée par le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002, est à considérer en tant que tel comme établissement approprié, étant donné que l’intimé ne dispose pas de papiers de légitimation et est en séjour irrégulier au Luxembourg.

L’acte d’appel est partant justifié et le recours initial en réformation de la décision du Procureur d’Etat de Luxembourg du 15 janvier 2004 ensemble avec la décision censée être prise par le ministre est partant à déclarer non fondé.

Par ces motifs la Cour, statuant contradictoirement, sur le rapport de la présidente, reçoit l’acte d’appel du 29 janvier 2004, dit qu’il n’y a pas lieu à appel incident, dit l’appel principal fondé et justifié, partant, par réformation du jugement du 26 janvier 2004, déclare le recours initial en annulation introduit par … … devant le tribunal administratif irrecevable, dit recevable le recours initial en réformation, le déclare pourtant non fondé et en déboute, pour autant que de besoin déclare maintenue la décision du Procureur d’Etat de Luxembourg déférée du 15 janvier 2004, condamne l’intimé aux dépens des deux instances.

Ainsi délibéré et jugé par Marion Lanners, présidente, rapporteur Christiane Diederich-Tournay, premier-conseiller Carlo Schockweiler, conseiller Page 6 sur 6 et lu par la présidente Marion Lanners en l’audience publique au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête en présence du greffier en chef de la Cour Erny May.

le greffier en chef la présidente


Synthèse
Numéro d'arrêt : 17534C
Date de la décision : 05/02/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2004-02-05;17534c ?

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