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04/11/2003 | LUXEMBOURG | N°16173C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 04 novembre 2003, 16173C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 16173C Inscrit le 24 mars 2003

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Audience publique du 4 novembre 2003 Recours formé par l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg contre …, Luxembourg en matière de changement d’affectation Appel (jugement entrepris du 12 février 2003, no 15238 du rôle)

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Vu l’acte d’appel d

éposé au greffe de la Cour administrative le 24 mars 2003 par Maître André Lutgen, avoca...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 16173C Inscrit le 24 mars 2003

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Audience publique du 4 novembre 2003 Recours formé par l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg contre …, Luxembourg en matière de changement d’affectation Appel (jugement entrepris du 12 février 2003, no 15238 du rôle)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 24 mars 2003 par Maître André Lutgen, avocat à la Cour, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, représenté par son ministre d’Etat, établi à L-1352 Luxembourg, 4, rue de la Congrégation, sinon par son ministre des Finances, établi à L-1352 Luxembourg, 3, rue de la Congrégation, contre …, conseiller de direction adjoint auprès de l’administration de l’Enregistrement, demeurant à L-…, suite au jugement rendu par le tribunal administratif à la date du 12 février 2003, en matière de changement d’affectation, à la requête de ….

Vu la signification de ladite requête d’appel par acte d’huissier Guy Engel à la date du 24 mars 2003.

Vu le mémoire en réponse, intitulé mémoire en réplique, déposé au greffe de la Cour administrative le 23 avril 2003 par Maître Jean-Marie Bauler, avocat à la Cour, au nom de ….

Vu le mémoire en réplique déposé par Maître André Lutgen au greffe de la Cour administrative à la date du 22 mai 2003, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg.

Vu la signification dudit mémoire en réplique par acte d’huissier Yves Tapella à la date du 23 mai 2003.

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative à la date du 20 juin 2003 par Maître Jean-Marie Bauler au nom de ….

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris.

Ouï la vice-présidente en son rapport à l’audience publique du 14 octobre 2003 et Maître André Lutgen ainsi que Maître Jean Lutgen, en remplacement de Maître Jean-Marie Bauler, en leurs observations orales.

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Par décision du directeur de l’administration de l’Enregistrement et des Domaines, … avait été changé d’affectation à travers sa mutation à partir de la direction de l’Enregistrement « au service du contrôle extérieur de l’administration », le service ainsi désigné étant suivant son intitulé exact le « service d’imposition et de contrôle de l’impôt sur la valeur ajoutée et de l’impôt sur les assurances, section du contrôle des redevables des mêmes impôts ».

Le recours contentieux introduit par … à l’encontre de ladite décision s’est soldé par un jugement du tribunal administratif du 21 janvier 2002, aux termes duquel la décision litigieuse du directeur fut annulée pour violation de la loi et, appel n’ayant pas été relevé par l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, … sollicita sa réintégration dans son ancien bureau et dans ses fonctions antérieurement exercées.

Par courrier du 6 février 2002, le directeur refusa de faire droit à cette demande dans les termes suivants :

« Etant donné que vous n’étiez pas d’accord avec ma décision de travailler au sein du Service Anti-Fraude, j’ai le regret de vous informer que vous ne déménagerez provisoirement pas dans le nouveau bâtiment « Omega » dans lequel seront regroupés une partie des services de l’administration. Vous resterez dans votre bureau actuel.

Mis à part les attributions de « contractual manager » qui resteront dans le Service Anti-

Fraude c’est-à-dire aux mains de Monsieur Schalbar, vous êtes réhabilité dans toutes les attributions que j’ai dû déléguer à d’autres fonctionnaires en cours de votre maladie ».

Une réclamation contre la prédite décision du directeur du 6 février 2002 auprès du ministre des Finances est restée sans réponse pendant trois mois.

N’ayant pas été réintégré dans la fonction de « contractuel manager » et ayant été maintenu dans le bureau rue Plébiscite bien que le tribunal avait annulé la décision d’affecter … au « service du contrôle extérieur », établi 7, rue du Plébiscite à Luxembourg, dans son intégralité, ce dernier saisit de nouveau le tribunal administratif.

Par jugement rendu à la date du 12 février 2003, le tribunal administratif s’est déclaré incompétent pour connaître du recours en réformation introduit par … contre l’Etat du Grand-

Duché de Luxembourg en matière de changement d’affectation, a déclaré le recours en annulation justifié, annulé la décision du directeur de l’Enregistrement et des Domaines du 6 février 2002 en ses deux volets, renvoyé le dossier devant lui aux fins d’exécution et annulé la décision ministérielle implicite de refus suite à une réclamation de … contre la prédite décision directoriale du 6 février 2002.

Par rapport à la non-réintégration dans la fonction de « contractuel manager », le tribunal a constaté qu’ «il se dégage du libellé de la décision déférée du 6 février 2002, ainsi que des précisions apportées en cours d’instance contentieuse que la décision du directeur de ne pas réintégrer le demandeur dans la fonction de « contractual manager » du système ESKORT, est motivée par la considération qu’il n’aurait pas été d’accord avec la décision du directeur de le faire travailler dans le futur service anti-fraude à travers sa contestation relative à son affectation au service du contrôle extérieur, appelé à devenir à l’avenir, selon la partie défenderesse, ledit service anti-fraude, de sorte qu’il aurait été décidé de ne pas le faire intégrer dans les nouveaux locaux du bâtiment OMEGA, lesquels seraient occupés notamment par les personnes qui intégreraient le futur service anti-fraude. » Le tribunal a ensuite décidé que « le motif de refus basé sur une prétendue volonté affichée du demandeur de ne pas intégrer à l’avenir ledit service b’est pas établie à suffisance en cause » et annulé la décision déférée dans ce volet pour cause de motivation insuffisante valant absence de motivation.

Par rapport au volet de la décision litigieuse ayant trait au maintien du demandeur dans son bureau rue du Plébiscite, le tribunal a rappelé qu’il « a annulé la décision d’affecter le demandeur au «service du contrôle extérieur», établi 7, rue du Plébiscite à Luxembourg, dans son intégralité, de manière à couvrir également le volet directement lié à cette affectation tenant à l’attribution d’un bureau dans les locaux du service ainsi concerné au demandeur », décidé que « la simple référence faite par la partie défenderesse au caractère discrétionnaire du pouvoir dont dispose le directeur en la matière est insuffisante à dégager in concreto les raisons ayant pu motiver utilement et de façon légale la décision de continuer à attribuer à Monsieur … le bureau litigieux » et annulé également ce deuxième volet de la décision déférée pour défaut de motivation valable, valant absence de motivation.

Maître André Lutgen, avocat à la Cour, a déposé au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg à la date du 24 mars 2003 au greffe de la Cour administrative une requête d’appel à l’encontre du jugement du 12 février 2003.

L’appelant estime en premier lieu que le tribunal a outrepassé son pouvoir de contrôle et violé le principe de pouvoir d’appréciation du chef d’administration échappant à toute censure. Il souligne dans ce contexte que l‘administration a complété la motivation de sa décision de maintenir Sch. en tant que « contractual manager » au détriment de l’intimé dans son mémoire en duplique par l’acquittement de Sch. de sa tâche d’une manière particulièrement satisfaisante et entend compléter la motivation de l’administration par le comportement de l’intimé par rapport au fonctionnement du projet « Eskort », instrument de contrôle de la TVA, soit par son désintérêt durant l’année ayant précédé son congé-maladie, ses absences aux réunions après son congé de maladie et le fait qu’il refusa la décision du directeur de l’administration de l’Enregistrement et des Domaines du 28 février 2000 de placer le projet Eskort sous la surveillance du service informatique.

L’appelant dénie encore aux juridictions administratives tout pouvoir de contrôle par rapport à la question de la situation du bureau de l’intimé et que la décision de maintenir l’intimé dans son bureau rue Plébiscite ne se trouve nullement en porte à faux de la motivation du jugement du 21 janvier 2002, cette décision étant motivée par l’attitude de l’intimée ayant consisté à attaquer son affectation au service du Contrôle extérieur, futur service Anti-fraude, dont l’installation était prévue dans le bâtiment Omega et par le fait que le bureau de l’intimé dans le bâtiment sis avenue Guillaume a été réoccupé et qu’il pouvait parfaitement accomplir toutes ses tâches dans le bureau rue Plébiscite.

Il ajoute dans ce contexte que l’administration pourrait à tout moment prendre une décision de refus d’intégrer l’intimé dans son ancien bureau sis rue Guillaume suite au harcèlement procédurier mis en œuvre par ce dernier contre le directeur de l’administration de l’Enregistrement et des Domaines.

L’appelant demande partant, par réformation du jugement du 12 février 2003, la confirmation de la validité de la décision du directeur de l’administration de l’Enregistrement et des Domaines du 6 février 2002 et de la décision implicite de refus du ministre des Finances du 19 mai 2002 ainsi que la condamnation de l’intimé aux frais des deux instances.

Maître Jean-Marie Bauler, avocat à la Cour, a déposé le 23 avril 2003 au greffe de la Cour administrative un mémoire en réponse, intitulé mémoire en réplique, pour ….

L’intimé retrace exhaustivement des antécédents sur l’instruction disciplinaire qu’il était chargé de mener contre H et le harcèlement professionnel et moral du directeur de l’administration de l’Enregistrement et des Domaines à son encontre.

Il maintient son argumentation tendant à dire que les décisions attaquées constituent une sanction disciplinaire cachée et sont contraires aux articles 51, 52 et 56 de la loi du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, telle que modifiée. Il réfute les arguments de la partie appelante pour conclure à la confirmation du jugement entrepris.

Il souligne notamment n’avoir jamais réclamé contre une mutation au service anti-fraude, qualifie de purement gratuites les affirmations de l’appelant sur les qualités professionnelles de Sch. et le dénigrement de ses propres qualités et cite la lettre du 28 février 2000 du directeur pour démontrer que, par rapport au programme Eskort, il a objectivement pu croire être démuni de toute délégation de signature et de tout pouvoir de décision, la fonction de « contractual manager » ayant cessé d’exister, du moins temporairement. Il déclare n’avoir jamais fait partie du groupe de maintenance Eskort, de sorte que l’énumération de convocations à des réunions d’un tel groupe manque de pertinence.

Il démontre que le directeur de l’administration, dans sa lettre du 6 février 2002, a répondu aux questions posées par son mandataire et souligne que sa demande d’un emplacement de parking dans le bâtiment Omega visait évidemment le cas où il aurait été transféré dans ce bâtiment comme membre du « service du contrôle extérieur », service qui, à l’heure actuelle, n’a toujours pas déménagé dans ledit bâtiment.

Maître André Lutgen a déposé un mémoire en réplique à la date du 22 mai 2003. Il rappelle les motifs de l’administration de maintenir le remplaçant de l’intimé dans la mission de « contractual manager » et que le maintien de l’intimé dans son bureau rue du Plébiscite repose sur des motifs liés à l’organisation de l’administration, de sorte que l’autorité de chose jugée du jugement du 21 janvier 2002 n’a pas été violée.

Maître Jean-Marie Bauler a déposé le 20 juin 2003 un mémoire en duplique pour … pour réfuter les développements de Maître Lutgen.

Le tribunal n’a ni outrepassé son pouvoir de contrôle ni violé le principe de pouvoir d’appréciation du chef d’administration échappant prétendument à toute censure.

En effet, saisie d’un recours en annulation, la juridiction contentieuse vérifie la légalité et la régularité formelle de l’acte attaqué. Même si le droit de l’administration d’organiser ses services est discrétionnaire, il n’en est pas pour autant soustrait à tout contrôle juridictionnel dans ce sens que, sous peine de consacrer un pouvoir arbitraire, la juridiction administrative, toujours dans le cadre d’un recours en annulation, a le droit et l’obligation d’examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels invoqués à la base de la décision déférée et de vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision en cause.

Le tribunal a correctement analysé en droit par rapport à l’article 6(3) du statut général des fonctionnaires le refus directorial de restituer à l’intimé son attribution de « contractual manager » et souligné à juste titre n’être saisi que de la seule décision litigieuse du 6 février 2002, de sorte que les questions relatives aux attributions autres que celles directement visées par ladite décision échappent au contrôle juridictionnel, la décision déférée ne portant en effet que sur la seule attribution de « contractual manager » du projet Eskort et spécifiant pour le surplus que l’actuel intimé est maintenu dans ses attributions antérieures.

Pour justifier l’annulation de la décision directoriale et de la décision ministérielle implicite par rapport au refus de restituer l’intimé dans ses attributions de « contractual manager », le tribunal a également décidé à bon droit que « les contestations ( de l’actuel intimé) relatives à son affectation au service du contrôle extérieur, toisées par un jugement du tribunal administratif du 21 janvier 2002, ne sauraient être interprétées comme traduisant le refus d’être affecté à l’avenir au futur service anti-fraude ».

Les motifs complémentaires actuellement fournis, comme notamment la compétence particulière du remplaçant de l’intimé, l’attitude de l’intimé par rapport au projet « Eskort » et la nature changeante de ses attributions, reposent en partie sur de simples allégations non établies et ne sont pas de nature à justifier les refus directorial et ministériel ex post.

L’argument de ne pas faire réintégrer l’intimé son bureau habituel tiré d’un prétendu harcèlement procédurier mis en œuvre par ce dernier contre le directeur de l’administration de l’Enregistrement et des Domaines est particulièrement mal choisi, alors que la défense de ses intérêts en justice est un droit élémentaire qui ne tourne que très rarement et très exceptionnellement en abus de droit.

L’occupation du bureau de l’intimé par un autre fonctionnaire et les conséquences d’un déménagement futur de certains services ne sont pas non plus de nature à permettre au directeur de l’administration de ne pas se conformer à une décision de justice impliquant la réintégration de l’intimé dans son ancien bureau.

L’acte d’appel n’est en l’occurrence pas fondé et le jugement entrepris est à confirmer dans toute sa teneur.

Par ces motifs la Cour, statuant contradictoirement, sur le rapport de la vice-présidente, reçoit l’acte d’appel du 24 mars 2003, le dit non fondé et en déboute, partant, confirme le jugement entrepris du 12 février 2003, condamne la partie appelante aux dépens de l’instance.

Ainsi délibéré et jugé par Marion Lanners, vice-présidente, rapporteur, Christiane Diederich-Tournay, conseiller, Marc Feyereisen, conseiller et lu à l’audience publique date qu’en tête au local ordinaire des audiences de la Cour par la vice-présidente Marion Lanners, en présence du greffier Anne-Marie Wiltzius.

le greffier la vice-présidente 6


Synthèse
Numéro d'arrêt : 16173C
Date de la décision : 04/11/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2003-11-04;16173c ?

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