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30/09/2003 | LUXEMBOURG | N°16509C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 00 octobre 2003, 16509C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 16509 C Inscrit le 5 juin 2003 ———————————————————————————————————— AUDIENCE PUBLIQUE DU JEUDI 16 OCTOBRE 2003 Recours formé par … et consorts contre le ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour (jugement entrepris du 5 mai 2003)  Vu la requête déposée le 5 juin 2003 par laquelle Maître Louis Tinti, avocat à la Cour, inscrit au tableau de

l’Ordre des avocats à Luxembourg, a relevé appel au nom de …, né le … à Shkoder (Albanie) et son épouse …, née le … à Shkoder agissant tant en leur nom propre qu’en nom et pour compte de leur enf...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 16509 C Inscrit le 5 juin 2003 ———————————————————————————————————— AUDIENCE PUBLIQUE DU JEUDI 16 OCTOBRE 2003 Recours formé par … et consorts contre le ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour (jugement entrepris du 5 mai 2003)  Vu la requête déposée le 5 juin 2003 par laquelle Maître Louis Tinti, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, a relevé appel au nom de …, né le … à Shkoder (Albanie) et son épouse …, née le … à Shkoder agissant tant en leur nom propre qu’en nom et pour compte de leur enfant mineur … …, tous de nationalité albanaise et demeurant à L-…, contre le ministre de la Justice d’un jugement rendu le 5 mai 2003 par le tribunal administratif dans la cause inscrite sous le numéro 15330 du rôle;

vu le mémoire en réponse déposé le 24 juin 2003 par le délégué du Gouvernement;

vu les pièces régulièrement versées et notamment les décisions critiquées, ainsi que le jugement entrepris;

ouï le premier conseiller en son rapport ainsi que Maître Louis Tinti et le délégué du Gouvernement, Monsieur Gilles ROTH, en leurs plaidoiries.

 Par jugement du 5 mai 2003 le tribunal administratif a rejeté comme non fondé le recours en annulation dirigé par … et consorts contre deux décisions du ministre de la Justice des 5 février 2002 et 9 juillet 2002 par lesquelles leur demande en obtention d’une autorisation de séjour a été refusée.

Les décisions du ministre ont motivé le refus sur une absence de moyens d’existence propres au sens de l’article 2 de la loi du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère et qu’ils n’auraient pas justifié l’existence de raisons humanitaires justifiant l’octroi d’un permis de séjour.

En première instance, les demandeurs ont développé leurs contestations sur le défaut de moyens par référence à une possibilité pour le mari de trouver un emploi salarié. Il ont ajouté un moyen tiré de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme qu’ils estiment leur être applicable alors qu’ils se trouveraient en leur pays d’Albanie, sous des menaces d’un membre de leur famille pour des questions de vengeance personnelle.

Appel contre le jugement du 5 mai 2003 a été interjeté par requête déposée au greffe de la Cour le 5 juin 2003. Il est conclu à la réformation du jugement entrepris et à l’annulation des décisions du ministre. Les appelants déclarent maintenir les moyens de nullité produits en première instance.

Le délégué du Gouvernement a déposé un mémoire en réponse le 24 juin 2003. Il est conclu à la confirmation du jugement par référence aux moyens y cités et au mémoire du Gouvernement déposé en première instance.

Considérant que l’appel est recevable pour avoir été interjeté dans les forme et délai de la loi ;

Considérant que le jugement est critiqué en ce qu’il n’a pas accueilli les moyens de nullité opposés en première instance, soit « la violation de la loi, sinon une erreur manifeste de droit, sinon encore une erreur d’appréciation manifeste des faits » ;

Considérant que la décision du ministre du 5 février 2002 retient dans le chef des demandeurs un défaut de moyens d’existence propres suffisants et que les demandeurs ne feraient pas état de raisons humanitaires justifiant une autorisation de séjour au Luxembourg ;

Considérant que dans leur recours devant le tribunal administratif les demandeurs reconnaissent ne pas disposer des moyens d’existence requis par l’article 2 de la loi du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main d’œuvre étrangère, tout en estimant qu’il aurait appartenu au ministre de « considérer les autres éléments objectifs et subjectifs du dossier, constitutifs d’éléments de fait et de droit suffisants pour leur accorder un titre de séjour » ;

Que les appelants se réfèrent à des dangers qu’il courraient en cas de retour en Albanie du fait de menaces émanant à titre de vengeance privée d’un agent haut placé de la police albanaise contre lesquelles une demande de protection à l’autorité s’avérerait vaine ;

Que de ce fait l’article 13 (3) de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire et l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme auraient dû justifier l’octroi d’une autorisation de séjour ;

Considérant que la référence à l’article 13 (3) de la loi précitée du 3 avril 1996 est étrangère à la matière comme se rapportant à la situation de droit et de fait consécutive au rejet d’une demande d’asile politique alors que le présent recours est dirigé contre le refus d’accorder une autorisation de séjour sur base de la loi du 28 mars 1972 ;

Considérant toutefois que cette dernière loi dispose en son article 14 que l’étranger ne peut être expulsé, ni éloigné à destination d’un pays s’il établit que sa vie ou sa liberté y sont gravement menacées ou qu’il y est exposé à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ou à des traitements au sens des articles 1er et 3 de la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

Considérant en fait qu’il résulte du dossier soumis à la Cour que les décisions ministérielles déférées répondent à une demande des appelants du 22 janvier 2002 qualifiée par le ministre, en sa décision du 5 février 2002 comme demande d’autorisation de séjour ;

Considérant qu’à la lecture de la missive du mandataire des appelants du 22 janvier 2002, la Cour constate qu’il n’y est pas question d’une autorisation de séjour au titre de la loi précitée du 28 mars 1972, sur base de laquelle ladite autorisation a été refusée, mais que le mandataire des parties déclare « soumettre avec une attention particulière la situation des époux …–… » et qu’il y décrit des faits constituant à ses yeux des risques qu’encourrait la famille en cas de retour en Albanie ;

Considérant que ladite lettre doit être considérée logiquement comme étant la suite d’une lettre du 2 août 2001 et d’une autre lettre faussement datée du 8 juillet 2001, mais postérieure à celle du 2 août 2001à laquelle elle se réfère, par lesquelles, suite au rejet définitif de la demande du statut de réfugié politique, la famille … a demandé à pouvoir rester sur le territoire luxembourgeois sur base d’un statut de tolérance pour raisons humanitaires ;

Que bien qu’une base légale n’ait pas été indiquée dans les courriers, la Cour estime devoir situer la demande dans le contexte de l’article 13 (3) de la loi précitée du 3 avril 1996 qui porte en cas de rejet d’une demande d’asile, que, si l’exécution matérielle de l’éloignement s’avère impossible en raison de circonstances de fait, le ministre de la Justice peut décider de tolérer provisoirement l’intéressé sur le territoire jusqu’au moment où ces circonstances de fait auront cessé ;

Considérant que situer la demande litigieuse dans ce cadre légal du statut de tolérance s’impose d’autant plus qu’il résulte du dossier versé que les intéressés ont, à côté de la demande faisant l’objet du recours, déposé une demande d’autorisation de séjour dans le cadre de la campagne gouvernementale dite de régularisation ;

Considérant que dans ces conditions force est de constater que, en se référant à la loi précitée du 28 mars 1972, la décision ministérielle du 5 février 2002 s’est méprise sur la loi applicable à la demande et doit dès lors encourir l’annulation pour violation de la loi ;

Qu’il y a dès lors lieu à réformation du jugement dont appel.

Par ces motifs la Cour, statuant contradictoirement, reçoit l’appel en la forme ;

le déclare fondé ;

réformant, annule la décision déférée du 5 février 2002 ;

renvoie devant le ministre de la Justice pour être statué sur la demande sur base de l’article 13 (3) de la loi précitée du 3 avril 1996 ;

met les frais des deux instances à charge de l’Etat.

Ainsi jugé par Messieurs Georges KILL, président, Jean-Mathias GOERENS, premier conseiller, rapporteur, Marc FEYEREISEN, conseiller, et lu par le président en audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier en chef de la Cour.

Le greffier en chef Le président 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 16509C
Date de la décision : 30/09/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2003-10-00;16509c ?

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