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30/09/2003 | LUXEMBOURG | N°16287C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 00 octobre 2003, 16287C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 16287 C Inscrit le 15 avril 2003 ———————————————————————————————————— AUDIENCE PUBLIQUE DU JEUDI 16 OCTOBRE 2003 Recours formé par … contre deux arrêtés grand-ducaux de nomination ainsi que contre un courrier du ministre de la Santé en présence de … et de … en matière de nominations (jugement entrepris du 5 mars 2003)  Vu la requête déposée le 15 avril

2003 par laquelle Maître Bob Piron, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, a relevé appel au nom de …, médecin spécialiste en anatomie pathologique, demeurant à L-...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 16287 C Inscrit le 15 avril 2003 ———————————————————————————————————— AUDIENCE PUBLIQUE DU JEUDI 16 OCTOBRE 2003 Recours formé par … contre deux arrêtés grand-ducaux de nomination ainsi que contre un courrier du ministre de la Santé en présence de … et de … en matière de nominations (jugement entrepris du 5 mars 2003)  Vu la requête déposée le 15 avril 2003 par laquelle Maître Bob Piron, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, a relevé appel au nom de …, médecin spécialiste en anatomie pathologique, demeurant à L-…, contre un jugement rendu le 5 mars 2003 par le tribunal administratif dans la cause inscrite sous les numéros 15382 à 15384 du rôle;

Vu le mémoire en réponse déposé le 6 juin 2003 par Maître Victor Gillen, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour …, médecin spécialiste en anatomie pathologique, demeurant à L-1233 Luxembourg, 25, rue Jean Bertholet ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 4 juillet 2003 par Maître Bob Piron pour la partie … :

Vu le mémoire en duplique déposé le 8 juillet 2003 par Maître Victor Gillen pour la partie … :

vu les pièces régulièrement versées et notamment le jugement entrepris;

ouï le premier conseiller en son rapport ainsi que Maîtres Bob Piron et Victor Gillen en leurs plaidoiries.

Par requête déposée au greffe de la Cour le 15 avril 2003, … a déclaré relever appel d’un jugement du tribunal administratif du 5 mars 2003 par lequel a été annulé un arrêté grand-ducal du 16 mai 2002 portant nomination de l’appelant aux fonctions de médecin-chef de division au Laboratoire national de Santé et une décision ministérielle prise à la suite dudit arrêté.

Le jugement entrepris, intervenu sur trois requêtes du sieur …, médecin-chef de service au même laboratoire a fait droit à la demande en annulation de la nomination de l’appelant …, a déclaré sans objet le recours en ce qu’il était dirigé contre la nomination d’une dame … et a annulé une décision du ministre de la Santé refusant la réouverture du dossier de promotion de ….

La décision du ministre de la Santé portant refus de rouvrir le dossier de candidature de … a été annulée pour incompétence, la décision du ministre étant analysée comme contenant un refus de nomination, compétence réservée au Grand-Duc en vertu de l’article 35 de la Constitution.

L’annulation de l’arrêté grand-ducal litigieux a été prononcée sur base de l’article 2 de la loi modifiée du 26 novembre 1980 portant statut général des fonctionnaires de l’Etat au motif qu’une nomination à un poste de médecin-

chef de division du Laboratoire national de Santé, poste comportant des compétences de police judiciaire, ne saurait être conféré qu’à un titulaire de nationalité luxembourgeoise, qualité que ne revêtiraient pas l’appelant … ni d’ailleurs la dame …, à l’égard de la nomination de laquelle le recours a toutefois été déclaré sans objet, la candidature de … n’ayant visé que le poste auquel a été nommé ….

L’appelant conclut à la réformation du jugement qui est critiqué en ce qu’il aurait, en ce qui concerne l’exigence de la nationalité luxembourgeoise pour pourvoir le poste en question, retenu des compétences purement théoriques d’exercice de la puissance publique alors qu’en fait l’activité de l’intéressé se déroulerait en dehors de la compétence litigieuse. Il est soutenu que le principe de la libre circulation des travailleurs tel que contenu à l’article 35 (ex 48) du Traité CE ne devrait souffrir d’entrave que dans des cas ou en pratique, un agent serait effectivement appelé à accomplir concrètement des actes relevant de la puissance publique.

Pour autant que de besoin, il est conclu à un renvoi préjudiciel devant la Cour de Justice des Communautés européennes.

L’intimé … a déposé un mémoire en réponse le 6 juin 2003.

Il est conclu au débouté de l’appel sous maintien des moyens présentés en première instance. L’intimé se réfère aux textes conférant la qualité d’officier de police judiciaire aux médecins du laboratoire et soutient qu’il convient de retenir les critères objectifs de la compétence de ces derniers de manière générale, la compétence conférée par la loi ne pouvant être affectée par des considérations de fait correspondant à la pratique sur le terrain.

Un mémoire en réplique a été déposé le 6 juillet 2003. L’appelant développe les moyens suivant lesquels le poste auquel il a été nommé ne comporterait pas des actes relevant de la compétence d’officier de la police judiciaire.

L’intimé conclut à voir retenir le caractère obligatoire du renvoi préjudiciel devant la Cour de Justice des Communautés européennes alors que la décision à intervenir ne serait pas susceptible de recours juridictionnel de droit interne.

L’intimé a fait déposer un mémoire en duplique le 8 juillet 2003.

Il est soutenu que la qualité d’officier de police judiciaire serait indissociable de celle de médecin du LNS. L’intimé soutient par ailleurs qu’il n’y aurait, en présence de textes clairs, pas lieu à saisine de la Cour de Justice des Communautés Européennes.

L’Etat du Grand-Duché et la dame … n’ont pas déposé de mémoire en instance d’appel.

Considérant que l’appel est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi ;

Considérant qu’il résulte de l’acte d’appel que le jugement attaqué est critiqué en ce qu’il a considéré les éléments de la cause de manière abstraite en retenant que le critère de « participation à l’exercice de la puissance souveraine et de la sauvegarde des intérêts généraux de l’Etat » défini à l’article 2 de la loi du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat en vertu de la loi du 17 mai 1999 doit trouver application aux fonctionnaires y désignés sans qu’il y ait lieu de vérifier de manière particulière si un fonctionnaire est appelé en fait et en pratique à poser des actes relevant de la police judiciaire ;

Qu’ainsi il est conclu au dispositif de l’acte d’appel à voir, « par réformation du jugement entrepris, décider que l’actuel appelant n’exerce pas de facto, en tant que médecin-chef de la division de cytologie clinique, les prérogatives confiées à un officier de police judiciaire et ne participe dès lors pas à l’exercice de la puissance publique » ;

Considérant que de ce libellé, la Cour déduit que l’appelant ne conteste pas, ce qui a d’ailleurs été retenu par les premiers juges pour des motifs que la Cour adopte, que la fonction d’officier de police judiciaire participe de l’exercice de la puissance publique comme d’ailleurs de la sauvegarde des intérêts généraux de l’Etat ;

Considérant qu’il est constant en cause que notamment par les lois citées in extenso par le jugement dont appel des 16 juillet 1984 relative aux laboratoires d’analyses médicales (article 12), 15 juin 1994 relative à la classification, l’emballage et l’étiquetage des substances dangereuses (article 29), 10 juillet 1995 relative à la classification, à l’emballage et à l’étiquetage des préparations dangereuses (article 15), la qualité d’officier de police judiciaire avec mission et pouvoir de constater les infractions par des procès-

verbaux est conférée aux médecins du Laboratoire national de santé ;

Considérant que les lois sont formulées de manière générale en ce sens que sont revêtus de la qualité visée tous les titulaires de postes de médecin de l’institution, sans que, par exemple, une assermentation spéciale au delà de celle de tous les fonctionnaires ne permettrait de conférer la qualité de manière sélective ou alors d’en exclure certains titulaires ;

Considérant que c’est dès lors à juste titre et pour les motifs plus amplement développés au jugement dont appel que la Cour adopte que les premiers juges ont retenu que la fonction de médecin du Laboratoire national de santé requiert pour ses titulaires la nationalité luxembourgeoise ;

Considérant que la confirmation du jugement dont appel peut être prononcée sans recours préjudiciel à la Cour de Justice des Communautés européennes ;

Considérant qu’en effet que, si même le texte de l’article 234 du Traité instituant la Communauté européenne dispose que la saisine à titre préjudiciel doit se faire si aucun recours de droit interne n’existe à l’égard d’une décision nationale, il est toutefois admis que cette obligation ne joue pas lorsqu’un texte est clair et ne saurait raisonnablement comporter de discussion ou alors si la question soulevée a fait l’objet déjà de la saisine et d’une décision de la Cour de Justice ;

Considérant que cette dernière hypothèse se vérifie en l’occurrence alors que l’arrêt de la Cour du 2 juillet 1996 (affaire C-473/93 Rec I – 3207, Commission c/ Grand-Duché de Luxembourg) a résolu le problème soulevé quant à l’interprétation des termes d’« emploi dans l’administration publique » figurant au paragraphe 4 de l’article 39 ( ancien article 48) du Traité ;

Qu’en effet, en jugeant que « En ne limitant pas l’exigence de la nationalité luxembourgeoise à l’accès aux emplois de fonctionnaire et d’employé public comportant une participation, directe ou indirecte, à l’exercice de la puissance publique et aux fonctions qui ont pour objet la sauvegarde des intérêts généraux de l’Etat ou des autres collectivités publiques, dans les secteurs publics de la recherche, de l’enseignement, de la santé, des transports terrestres, des postes et télécommunications et dans les services de distribution d’eau, de gaz et d’électricité, le grand-duché de Luxembourg a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 48 du traité CE et de l’article 1er du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté », texte repris à la modification apportée à l’article 2 du statut général précité par la loi du 17 mai 1999, la Cour a nécessairement jugé que doit être considéré comme faisant partie de l’administration publique au sens de l’article 39 (48) le secteur de la Justice, d’ailleurs expressément cité comme tel au n° 124 des conclusions de l’avocat général, secteur duquel relève à l’exclusion de tout doute la qualité et la fonction d’officier de police judiciaire de laquelle sont automatiquement et nécessairement revêtus les médecins du Laboratoire national de santé ;

Considérant qu’il y a dès lors lieu à confirmation pure et simple, dans la mesure où il est attaqué par l’appel, du jugement dont appel ;

Que ni l’Etat du Grand-Duché, ni la dame … n’ayant comparu en instance d’appel, il n’y en a pas moins lieu, par application de l’article 47 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions de l’ordre administratif de statuer à leur égard.

Par ces motifs la Cour, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit l’appel en la forme ;

le déclare non fondé et en déboute ;

partant confirme le jugement déféré du 5 mars 2003 ;

met les frais de l’instance d’appel à charge de l’appelant.

Ainsi jugé par Messieurs Georges KILL, président, Jean-Mathias GOERENS, premier conseiller, rapporteur, Marc FEYEREISEN, conseiller, et lu par le président en audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier en chef de la Cour.

Le greffier en chef Le président 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 16287C
Date de la décision : 30/09/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2003-10-00;16287c ?

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