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15/07/2003 | LUXEMBOURG | N°16306C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 15 juillet 2003, 16306C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 16306C Inscrit le 18 avril 2003

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Audience publique du 15 juillet 2003 Recours formé par le ministre de la Justice contre les époux … et consort en matière d’autorisation de séjour Appel (jugement entrepris du 19 mars 2003, no 15288 du rôle)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 18 avril 2003, sui...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 16306C Inscrit le 18 avril 2003

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Audience publique du 15 juillet 2003 Recours formé par le ministre de la Justice contre les époux … et consort en matière d’autorisation de séjour Appel (jugement entrepris du 19 mars 2003, no 15288 du rôle)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 18 avril 2003, suite à un mandat écrit du 10 avril 2003, par la déléguée du Gouvernement Claudine Konsbrück au nom du ministre de la Justice, contre un jugement rendu par le tribunal administratif à la date du 19 mars 2003, sous le numéro du rôle 15288, en matière d’autorisation de séjour, à la requête des actuels intimés contre trois décisions du ministre de la Justice.

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative à la date du 19 mai 2003 par Maître Laurent Niedner au nom des époux …, ouvrier, et …, plongeuse, demeurant à L-… , agissant tant en leur nom personnel qu’au nom et pour compte de … , né le …, demeurant ensemble avec eux à l’adresse précitée.

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative à la date du 19 juin 2003 par la déléguée du Gouvernement Claudine Konsbrück.

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris.

Ouï la vice-présidente en son rapport à l’audience publique du 1er juillet 2003 et le délégué du Gouvernement Marc Mathékowitsch ainsi que Maître Laurent Niedner en leurs observations orales.

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Par jugement rendu à la date du 19 mars 2003 sous le numéro du rôle 15288, le tribunal administratif s’est déclaré incompétent pour connaître du recours en réformation introduit par les époux …, ouvrier, et …. , plongeuse, demeurant à L-…, agissant tant en leur nom personnel qu’au nom et pour compte de … , né le … , demeurant ensemble avec eux à l’adresse précitée, a reçu le recours en annulation, l’a déclaré fondé et annulé les décisions du ministre de la Justice des 28 septembre 2001, 1er mars 2002 et 14 mai 2002 par lesquelles la délivrance d’une autorisation de séjour a été refusée à … et condamné l’Etat au paiement des frais d’instance ainsi que d’une indemnité de procédure de l’ordre de 1000 Euros au profit des requérants.

Les premiers juges ont motivé leur décision notamment comme suit : « L’état des personnes constitue une question de fait dont la preuve incombe à celui qui s’en prévaut…..En l’espèce, il ressort d’un extrait de l’acte de naissance no 3115/2000 établi par la République fédérale de Yougoslavie en date du … , que l’enfant …, né le … à Nis est un enfant de sexe masculin des époux …. Comme l’authenticité dudit extrait de l’acte de naissance n’a pas fait l’objet d’une quelconque contestation, le fait que cette attestation entend certifier est établi à suffisance de droit ».

Suite à un mandat du ministre de la Justice du 10 avril 2003, la déléguée du Gouvernement Claudine Konsbrück a relevé appel du prédit jugement au nom du ministre de la Justice par requête déposée au greffe de la Cour administrative à la date du 18 avril 2003.

Le ministre soulève en premier lieu l’incompétence des juridictions administratives pour trancher une question de reconnaissance et d’exécution d’un acte d’adoption étranger, question qui relève de la compétence des juridictions civiles.

A titre subsidiaire, le ministre fait valoir qu’il ne s’agit pas seulement de « reconnaître un fait documenté par l’acte de naissance », mais d’accomplir un acte d’exécution d’une décision étrangère d’adoption par l’octroi d’une autorisation de séjour. Il cite les nombreuses conventions bi- ou multinationales internationales qui fixent les modalités de reconnaissance et d’exécution des décisions et actes étrangers pour conclure que tous les actes étrangers doivent être soumis à la formalité de l’exequatur pour pouvoir produire des effets juridiques au Grand-Duché. Il soulève à fortiori que le dispositif de la décision d’adoption serbe portant sur l’enfant … devra en tout état de cause être transcrit sur les registres de l’état civil, transcription nécessitant la procédure d’exequatur notamment dans l’hypothèse où l’on demande une autorisation de séjour ou un autre acte d’exécution au Luxembourg. Il souligne que ce n’est pas l’authenticité quant à la forme de l’acte de naissance qui est en cause dans le présent cas, mais l’opposabilité aux autorités luxembourgeoises d’un changement d’état des personnes à la suite d’une adoption à l’étranger et soulève que l’acte de naissance reflète une filiation biologique légitime. Le ministre insiste encore sur le fait qu’un acte d’adoption étranger fait par des Luxembourgeois à l’égard d’un enfant qui pourra acquérir la nationalité luxembourgeoise par la reconnaissance de cette adoption, doit soit faire l’objet d’une procédure d’exequatur au Luxembourg, soit faire l’objet d’une nouvelle demande d’adoption au Grand-Duché en vue d’obtenir un jugement exécutoire au Grand-Duché constatant la nouvelle filiation à transcrire sur les registres de l’état civil, de sorte que le jugement entrepris crée une discrimination par rapport aux adoptions faites par les Luxembourgeois à l’étranger.

Finalement, il souligne qu’une modification de l’état des personnes requiert une reconnaissance et des mesures d’exécution, reconnaissance qui n’est pas automatique selon le droit national et international luxembourgeois et renvoie à la doctrine publiée en cette matière.

Maître Laurent Niedner, avocat à la Cour, a répondu le 19 mai 2003 au nom des époux …. Il conclut à la compétence des juridictions administratives pour connaître des recours en annulation contre des décisions administratives, soutient que la délivrance d’une autorisation de séjour ne constitue pas un acte d’exécution d’une décision d’adoption et souligne que les conventions internationales citées par la partie appelante ne s’appliquent pas au présent cas. Il demande partant la confirmation du jugement entrepris et une indemnité de procédure de l’ordre de mille- Euros.

La déléguée du Gouvernement a déposé un mémoire en réplique à la date du 19 juin 2003 dans lequel elle renvoie par rapport au principe de la nécessité d’un exequatur au Grand-

Duché aux articles 49 de la Constitution et 678 du nouveau code de procédure civile ainsi qu’à la jurisprudence afférente versée en cause. Elle demande encore à voir rejeter la demande en allocation d’une indemnité de procédure au motif que le droit de faire appel contre un jugement est un droit fondamental qui appartient à chaque partie engagée dans la procédure de première instance.

La juridiction administrative est compétente pour connaître de la régularité d’une décision ministérielle de refus en matière d’autorisation de séjour.

Dans le cas d’espèce, le juge administratif n’est pas appelé à examiner la régularité d’une décision d’adoption étrangère mais, en présence d’un recours en annulation, son rôle se limite à la vérification de la légalité et de la régularité formelle de l’acte déféré, soit du refus ministériel en matière d’autorisation de séjour, ainsi qu’à la vérification de la matérialité des faits invoqués, à l’exclusion des considérations d’opportunité à la base de l’acte attaqué.

Les décisions ministérielles attaquées indiquent comme motif de refus de l’autorisation de séjour sollicitée le défaut de la production d’une décision d’exequatur de la décision d’adoption étrangère.

Les premiers juges ont décidé à bon droit que la présente affaire s’inscrit dans le cadre d’un regroupement familial au Luxembourg en application de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Ils ont estimé que les intimés ont rapporté la preuve de la réalité des faits, soit de l’adoption plénière de l’enfant …, preuve qui incombe incontestablement aux intimés.

Dans le cas d’espèce, la Cour estime que des questions se posent par rapport à la réalité des faits allégués compte tenu du fait que « l’adoption complète » visée est documentée non pas par un jugement rendu par une instance judiciaire, mais par un « protocole » d’un centre de service social de la République de Serbie et que l’acte de naissance versée reflète une filiation légitime à l’égard des époux intimés.

S’il est vrai que l’état d’une personne est une question de fait dont la preuve incombe à celui qui s’en prévaut, il n’en demeure pas moins que l’octroi d’une autorisation de séjour constitue un acte d’exécution d’une décision d’adoption étrangère et qu’il incombe en l’occurrence au juge luxembourgeois d’en vérifier la régularité légale et procédurale, soit notamment la compétence du juge étranger qui a rendu la décision, la conformité à l’ordre public international, l’absence de toute fraude à la loi et son caractère exécutoire dans le pays d’origine.

C’est donc à bon droit que le ministre de la Justice a exigé l’exequatur de la décision d’adoption alléguée.

L’acte d’appel est en l’occurrence fondé et le jugement entrepris est à réformer dans ce sens.

Les intimés sont également à débouter de leurs demandes en allocation d’une indemnité de procédure, compte tenu de l’issue du litige.

Par ces motifs la Cour, statuant contradictoirement, sur le rapport de la vice-présidente, reçoit l’acte d’appel du 18 avril 2003, le dit fondé, partant, par réformation du jugement entrepris du 19 mars 2003, dit que les décisions ministérielles de refus des 28 septembre 2001, 1er mars 2002 et 14 mai 2002 sont légalement motivées par l’exigence d’une décision d’exequatur par les juridictions luxembourgeoises, déboute les intimés de leurs demandes en allocation d’une indemnité de procédure, les condamne aux dépens des deux instances.

Ainsi délibéré et jugé par Marion Lanners, vice-présidente, rapporteur Christiane Diederich-Tournay, conseiller Marc Feyereisen, conseiller et lu par la vice-présidente Marion Lanners en l’audience publique au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête en présence du greffier de la Cour Anne-Marie Wiltzius.

le greffier la vice-présidente


Synthèse
Numéro d'arrêt : 16306C
Date de la décision : 15/07/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2003-07-15;16306c ?

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