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30/06/2003 | LUXEMBOURG | N°16207C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 00 juillet 2003, 16207C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 16207 C Inscrit le 31 mars 2003 —————————————————————————————————————— AUDIENCE PUBLIQUE DU JEUDI 10 JUILLET 2003 Requête d’appel du ministre de la Justice contre … en matière d’autorisation de séjour (jugement entrepris du 10 mars 2003)  Vu la requête déposée le 31 mars 2003 par laquelle le délégué du Gouvernement, agissant en vertu d’un ma

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GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 16207 C Inscrit le 31 mars 2003 —————————————————————————————————————— AUDIENCE PUBLIQUE DU JEUDI 10 JUILLET 2003 Requête d’appel du ministre de la Justice contre … en matière d’autorisation de séjour (jugement entrepris du 10 mars 2003)  Vu la requête déposée le 31 mars 2003 par laquelle le délégué du Gouvernement, agissant en vertu d’un mandat lui conféré le même jour par le ministre de la Justice, a relevé appel contre …, né le … à Berane (Montenégro), de nationalité yougoslave, demeurant à L-…, d’un jugement rendu le 10 mars 2003 par le tribunal administratif dans la cause inscrite sous le numéro 15203 du rôle;

vu le mémoire en réponse déposé le 2 mai 2003 par Maître Guy Thomas pour le compte de …;

vu les pièces régulièrement versées et notamment la décision critiquée, ainsi que le jugement entrepris;

ouï le président en son rapport ainsi que Madame la déléguée du Gouvernement Claudine Konsbruck et Maître Guy Thomas en leurs plaidoiries.

 Par requête déposée le 31 mars 2003 le délégué du Gouvernement, agissant en vertu d’un mandat lui conféré le même jour par le ministre de la Justice, a relevé appel contre … d’un jugement rendu le 10 mars 2003 par le tribunal administratif dans la cause inscrite sous le numéro 15203 du rôle.

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Ledit jugement a reçu en la forme et déclaré non fondé le recours en annulation dirigé par … contre une décision du ministre de la Justice du 7 novembre 2001 portant refus d’accorder l’autorisation de séjour sollicitée le 25 octobre 2001 et contre la décision confirmative intervenue le 22 avril 2002 sur recours gracieux du 6 février 2002.

Le ministre avait motivé sa décision de refus en relevant qu’une des conditions à remplir par le demandeur d’autorisation consistait à présenter une copie intégrale certifiée conforme de son titre de voyage, afin que la légalité de son entrée sur le territoire du Grand-Duché puisse être vérifiée, et en constatant que … n’était pas à même de remplir cette condition alors qu’il était entré sur le territoire luxembourgeois en qualité de réfugié.

En se basant sur des éléments de jurisprudence le Tribunal administratif a retenu que ce motif n’était pas de nature à justifier légalement la décision attaquée alors que le demandeur, entré sur le territoire du Grand-Duché en tant que demandeur d’asile, aurait été dispensé de l’exigence d’un visa d’entrée et que le séjour du demandeur se serait encore trouvé légitimé à la date de la prise de la décision attaquée par le fait que sa demande d’asile était toujours en cours de procédure d’examen au sens de l’article 13 (2) de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire.

L’argumentation fournie en cours d’instance suivant laquelle les ressources indiquées par … seraient illégales à défaut d’une autorisation de travail a été rejetée par le tribunal qui a estimé qu’il ressortait du dossier que l’intéressé n’était pas salarié mais exerçait une activité indépendante.

Dans son acte d’appel le Ministre de la Justice argumente que le tribunal aurait versé dans une certaine confusion en tirant de la législation spéciale en matière d’asile politique des conclusions quant à l’application de la loi générale du 28 mars 1972. Les dispositions de l’article 33 de la Convention de Genève et des articles 11 et 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 ne viseraient qu’à accorder au demandeur d’asile une protection contre des mesures d’éloignement.

Le ministre conteste par ailleurs l’appréciation du tribunal quant à la légalité des revenus que … invoque pour justifier de ses moyens de subsistance. Il estime que la participation légèrement majoritaire dans le capital de la société TEDMA-Bau s.à r.l. ne serait pas de nature à lui assurer un statut d’indépendant dès lors, notamment, que l’autorisation d’établissement de la société reposerait sur la personne de son frère qui disposerait aussi du pouvoir de signature.

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Dans son mémoire en réponse du 2 mai 2003 … se rapporte en ordre principal aux développements exposés par le Tribunal administratif dans le jugement entrepris.

L’exigence d’un visa ne serait pas applicable au demandeur d’asile dont la procédure est pendante et le ministre n’aurait pu se baser sur le caractère prétendument illégal de son entrée. Par ailleurs sa présence sur le territoire serait couverte par un visa Schengen délivré par les autorités allemandes. … fait remarquer que le traitement de son dossier de la façon proposée par le ministre aurait un effet discriminatoire.

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L’intimé conteste la recevabilité des éléments complémentaires de motivation qui ont été fournis par la partie publique au cours de la première instance. Pour le surplus il en conteste le fondement en fait.

L’appel, non autrement critiqué sous ce rapport, est recevable comme ayant été introduit dans les formes et délai de la loi.

Par le jugement entrepris le Tribunal administratif a statué sur la légalité d’une décision de refus du ministre de la Justice du 7 novembre 2001 opposée à la demande en obtention d’une autorisation de séjour présentée par … par courrier recommandé du 25 octobre 2001.

Le refus ministériel était motivé par le fait que le demandeur n’aurait pas été en mesure de produire les documents nécessaires pour documenter le caractère légal de son séjour au Luxembourg. En cours d’instance le délégué du Gouvernement a introduit une motivation complémentaire en faisant valoir que l’intéressé ne disposerait pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour.

La partie appelante reproche au premier juge d’avoir mal interprété la combi-

naison des termes de l’article 2 de la du 28 mars 1972 avec ceux des articles de l’article 13 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire. Quant aux moyen complémentaire présenté en cours d’instance l’appelant estime que le Tribunal administratif a concédé à tort à … la qualité d’artisan-indépendant en le faisant ainsi échapper à l’obligation de disposer d’une autorisation de travail.

…, entré sur le territoire du Grand-Duché en date du 4 novembre 1998 en qualité de réfugié, a vu sa demande en obtention du statut de réfugié refusée par décisions du ministre de la Justice des 15 mai et 23 août 2001. Le recours contentieux contre ces décisions de refus fut rejeté par jugement du tribunal administratif du 10 avril 2002, confirmé par arrêt de la Cour administrative du 17 octobre 2002. Si … se trouve actuellement dans la situation régie par l’article 14 de la modifiée du 3 avril 1996 (éloignement en conformité des dispositions de la loi du 28 mars 1972) il est cependant établi qu’au moment où la décision litigieuse était prise la procédure d’examen de sa demande d’asyle était pendante. Aux termes de la même loi modifiée du 3 avril 1996 le demandeur se trouvait donc sous la protection du statut de réfugié.

Par contre il est tout autant établi qu’au moment où la décision ministérielle attaquée fut prise … ne remplissait pas les conditions pour faire fruit de la procédure de régularisation de certaines catégories d’étrangers aménagée à la suite du débat parlementaire du 14 mars 2001 sur les « sans papiers ».

De la première de ces constatations le Tribunal administratif a tiré la conclusion que …, se trouvant sur le territoire du Grand-Duché en tant que demandeur d’asile, s’y voyait dispensé de la condition du port d’un visa à l’entrée et il en a tiré la - 3 -

conséquence que le motif indiqué par le ministre dans la décision litigieuse du 7 novembre 2001 n’était pas de nature à la justifier légalement.

Cette interprétation implique que le demandeur d’asile auquel l’entrée sur le territoire est provisoirement permise en application des conventions successives sur le statut des réfugiés, particulièrement de la Convention relative au statut des réfugiés signée à Genève le 28 juillet 1951 et du Protocole relatif au statut des réfugiés fait à New York le 31 janvier 1967, se serait vu accorder pendant l’instruction de sa demande tous les droits d’un résident régulièrement entré au Luxembourg après l’accomplissement de toutes les formalités requises.

Ni les Convention et Protocole prémentionnés, ni la loi 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers; 2) le contrôle médical des étrangers; 3) l’emploi de la main-d’oeuvre étrangère, ni la loi modifiée du 3 avril 1966 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2) d’un régime de protection temporaire, n’instituent un pareil régime en faveur des réfugiés admis sur le territoire.

Le loi précitée du 3 avril 1966 organise des procédures d’identification et d’attestation destinées à pallier à l’absence des pièces officielles normalement requises pour toute entrée sur le territoire (article 4 du texte coordonné de la loi du 3 avril 1966). Les attestations ainsi créées sont soumises à un régime restrictif par ce même article et perdent tout effet après la période de l’instruction de la demande. En cas de refus du statut de réfugié l’article 13 de la même loi (nomenclature du texte coordonné) prescrit l’éloignement du territoire du demandeur d’asile, ne laissant ainsi aucun doute sur le caractère précaire de la protection juridique organisée en sa faveur pendant l’examen de sa demande.

En fait le séjour pendant l’examen de sa demande et pendant les délais d’introduction des recours est permis à l’intéressé sur la seule base de l’article 13 (2) qui protège le demandeur contre toute mesure d’éloignement pendant ces périodes, comme l’exigent les articles 31 à 33 de la Convention de Genève.

Cette construction juridique protectrice ne confère pas implicitement à la situation du demandeur d’asile un statut de légalité qui le dispenserait, notamment en matière d’autorisation de séjour, de formalités auxquelles les étrangers entrés légalement doivent se soumettre. La Cour tient dans ce contexte à relever que l’article 31 de la Convention de Genève porte l’intitulé « réfugiés en situation irrégulière dans le pays d’accueil », formulation qui ne laisse aucun doute sur le fait que l’admission sur le territoire en tant que réfugié ne confère pas de plein droit un statut légal de droit commun à la personne concernée.

La Cour estime dès lors qu’au moment où sa décision fut prise le ministre était en droit de subordonner une décision positive à la présentation des pièces visées par l’article 4 du règlement grand-ducal du 28 mars 1972 relatif aux formalités à remplir par les étrangers séjournant au pays. Le jugement entrepris est à réformer en ce sens.

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Devant la Cour, comme en première instance, … fait valoir qu’en fait la régularité de son séjour serait établie par la circonstance que son entrée au Grand-Duché aurait été couverte par un Visa Schengen délivré par les autorités allemandes.

… est cependant malvenu de reprocher au ministre d’avoir ignoré l’existence de cet élément alors qu’il lui eût appartenu de verser au dossier cette information, au risque, il est vrai, de miner la compétence des autorités luxembourgeoises saisies de l’examen de sa demande d’asile.

Dans le cadre du recours en annulation la Cour ne peut que constater que la décision attaquée prise sur base du dossier constitué par le demandeur est à l’abri des critiques pour incompétence, excès de pouvoir ou détournement de pouvoir ou pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés. Un examen relatif à la recevabilité et à la valeur du motif complémentaire versé en cours d’instance est dès lors sans pertinence et partant superfétatoire.

Par réformation du jugement dont appel le recours originaire dirigé contre la décision prise le 7 novembre 2001 est partant à rejeter comme non-fondé.

Compte tenu de la décision à intervenir au fond les frais des deux instances sont à supporter par la partie intimée ….

par ces motifs la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties sur le rapport de son président, reçoit l’appel introduit le 31 mars 2003 par le ministre de la Justice en la forme;

le déclare fondé, en conséquence, par réformation du jugement du 10 mars 2003, rejette comme non fondé le recours en annulation dirigé par … contre la décision du ministre de la Justice du 7 novembre 2001 ;

condamne l’intimé … aux frais des deux instances.

Ainsi jugé par Messieurs Georges KILL, président, rapporteur, Jean-Mathias GOERENS, premier conseiller, Marc FEYEREISEN, conseiller, et lu par le président en audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier en chef de la Cour.

Le greffier en chef Le président .

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Synthèse
Numéro d'arrêt : 16207C
Date de la décision : 30/06/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2003-07-00;16207c ?

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