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31/05/2003 | LUXEMBOURG | N°16154C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 00 juin 2003, 16154C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 16154 C Inscrit le 20 mars 2003 ———————————————————————————————————— AUDIENCE PUBLIQUE DU JEUDI 19 JUIN 2003 Recours formé par le ministre de la Justice contre … en matière d’autorisation de séjour (jugement entrepris du 10 février 2003)  Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 20 mars 2003, en vertu d’un mandat exprès du minis

tre de la Justice du 20 mars 2003, par le délégué du Gouvernement Jean-Paul Reiter, au nom du ministre de la Justice, contre un jugement rendu par le tribunal administratif à la date du 10 février 200...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 16154 C Inscrit le 20 mars 2003 ———————————————————————————————————— AUDIENCE PUBLIQUE DU JEUDI 19 JUIN 2003 Recours formé par le ministre de la Justice contre … en matière d’autorisation de séjour (jugement entrepris du 10 février 2003)  Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 20 mars 2003, en vertu d’un mandat exprès du ministre de la Justice du 20 mars 2003, par le délégué du Gouvernement Jean-Paul Reiter, au nom du ministre de la Justice, contre un jugement rendu par le tribunal administratif à la date du 10 février 2003 en matière d’autorisation de séjour, à la requête du sieur …, né le … à Berane (Monténégro/Yougoslavie), de nationalité yougoslave, demeurant à L-

…, contre une décision du ministre de la Justice ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 24 avril 2003 par Maître Edmond Dauphin, avocat à la Cour, pour l’intimé … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le premier conseiller en son rapport et Madame la déléguée du Gouvernement Claudine Konsbruck en ses observations orales.

 Par requête déposée au greffe de la Cour le 20 mars 2003 l’Etat du Grand-

Duché a déclaré relever appel d’un jugement du tribunal administratif du 10 février 2003 par lequel une décision du 21 novembre 2001 signée par les ministres de la Justice et du Travail et de l’Emploi en matière d’autorisation de séjour a été annulée sur requête de l’intimé ….

Le jugement dont appel a annulé la décision de refus de l’autorisation de séjour par le ministre de la Justice au motif que, la demande déposée dans le cadre de la campagne dite de régularisation aurait tendu à l’obtention tant du permis de travail que de l’autorisation de séjour et que le ministre de la Justice, avant de prendre sa décision sur base de l’article 2 de la loi du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers aurait dû attendre celle du ministre du Travail et de l’Emploi sur la demande de permis de travail.

L’Etat critique le jugement en ce qu’il a déclaré la décision du ministre de la Justice prématurée. Il fait plaider qu’aucun texte ne fixerait l’ordre chronologique des décisions des ministres de la Justice et du Travail et de l’Emploi ni n’obligerait le ministre de la Justice à attendre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi. Il fait plaider par ailleurs qu’aucun contrat de travail n’aurait été versé au dossier administratif au moment où la décision a été prise.

A titre subsidiaire, l’Etat soutient qu’à considérer une promesse d’embauche versée au dossier comme demande de permis de travail, ce fait n’empêcherait pas que le demandeur n’a pas rempli les critères A ou B de la brochure « Régularisation ».

En ordre plus subsidiaire, le ministre de la Justice soutient que, la décision étant intervenue plus de trois mois après le dépôt de la demande, le ministre de la Justice aurait pu considérer la demande de délivrance du permis de travail comme implicitement rejetée par le silence gardé par le ministre du Travail et de l’Emploi. L’Etat se réfère encore à ses conclusions de première instance.

L’intimé … a fait déposer un mémoire en réponse le 24 avril 2003.

Il est conclu à la confirmation du jugement dont appel.

L’intimé soutient avoir formellement demandé la délivrance d’un permis de travail pendant la phase non contentieuse. Il soutient bénéficier de la sécurité sociale.

L’intimé soutient par ailleurs que le silence du ministre du Travail et de l’Emploi gardé sur sa demande en obtention d’un permis de travail ne saurait lui être opposé, la décision implicite de refus n’ayant par nature pas été motivée.

Considérant que l’appel est régulier quant à la forme et au délai ;

Qu’il est partant recevable ;

Considérant qu’il résulte des éléments du dossier que l’intimé …, de nationalité yougoslave, arrivé au Luxembourg le 28 juin 1999, a présenté le 16 juillet 2001 une demande de régularisation de sa situation dans le cadre de la campagne gouvernementale afférente en utilisant la formule de demande officielle ;

Qu’il a coché la case B du dossier de renseignements tout en en corrigeant le texte de manière à le faire coïncider avec celui de la case A, indiquant par ailleurs un numéro de matricule ;

Que la demande était accompagnée d’une pièce intitulée « certificat » par laquelle la société Carrosserie … S.A. a certifié sa disposition d’engager l’intéressé comme débosseleur ;

Considérant que par la décision litigieuse du 21 novembre 2001, l’autorisation de séjour a été refusée à … sur base de l’article 2 de la loi du 28 mars 1972 concernant 1° l’entrée et le séjour des étrangers ; 2° le contrôle médical des étrangers ; 3° l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, au motif qu’il ne justifierait pas de moyens d’existence personnels suffisants légalement acquis, la décision s’étant par ailleurs référée à l’ensemble du dossier soumis ;

Considérant qu’en date du 10 février 2003 le jugement dont appel a annulé la décision au motif qu’elle serait prématurée alors que le ministre de la Justice, seul compétent pour l’autorisation de séjour aurait dû, dans le contexte de la procédure de régularisation, surseoir à statuer jusqu’au moment où le ministre du Travail et de l’Emploi aurait statué sur la demande en tant qu’elle tendait également à l’octroi d’un permis de travail ;

Considérant que le jugement dont appel a retenu que la demande présentée par …, par le fait notamment qu’elle était accompagnée d’une promesse d’engagement et qu’une lettre manuscrite l’accompagnant contenait une demande d’octroi d’un permis de travail, tendait à voir délivrer une autorisation de séjour et une autorisation de travail, se situant ainsi dans l’hypothèse d’une « régularisation par le travail », l’objectif de la campagne telle qu’il résulterait de la brochure d’information ;

Considérant que, se référant à l’article 3 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes qui porte que l’administration est tenue d’appliquer d’office le droit applicable et au devoir de collaboration de l’administration tel qu’il résulte de l’article 1er de la loi du 1er décembre 1978 sur la procédure administrative non contentieuse, le tribunal a retenu que l’administration, soit le ministre de la Justice et le ministre du Travail et de l’Emploi, « étaient tenus d’analyser la demande sous ses deux volets et d’inviter le cas échéant le demandeur à préciser ou à compléter sa demande en vue de leur permettre, chacun dans sa sphère de compétence, d'y statuer utilement »;

Que le jugement en a conclu que le ministre de la Justice dont la décision sur base de l’article 2 de la loi précitée du 18 mars 1972, en ce qui concerne l’existence de moyens d’existence propres légalement acquis, pouvait être tributaire de la décision du ministre du Travail et de l’Emploi sur la demande de permis de travail, aurait dû attendre cette décision et que, ne l’ayant pas fait, il aurait statué de manière prématurée ;

Considérant que dans son acte d’appel, sans contester l’analyse du tribunal suivant laquelle la demande tendait à la fois à l’obtention d’un permis de séjour et d’un permis de travail, l’Etat tend à faire retenir que, au moment où le ministre de la Justice a statué sur le permis de séjour, … n’était pas en possession d’un permis de travail et d’un emploi régulier, de manière à ce que la décision aurait pu refuser l’autorisation de séjour pour défaut de moyens d’existence légalement perçus ;

Considérant que la Cour, sur le vu des détails retenus par le tribunal, partage l’analyse au jugement dont appel de laquelle il résulte que la demande de … tendait à la fois à l’obtention d’un permis de séjour et d’un permis de travail et que, au vu de la première décision, notamment en ce qu’elle est motivée sur base de l’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972, la décision du ministre du Travail et de l’Emploi pouvait avoir une influence déterminante sur celle du ministre de la Justice ;

Considérant qu’il y a encore lieu de suivre l’argumentaire du jugement dont appel en ce qu’il s’est référé à l’article 3 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 et à l’article 1er de la loi du 1er décembre 1978 en ce qui concerne le devoir de collaboration de l’administration et le devoir pour l’administré de voir appliquer d’office le droit applicable dans son sens le plus favorable ;

Que dans ce contexte l’argument contenu au dossier que la demande en ce qui concerne le permis de travail n’aurait pas été conforme au règlement grand-

ducal du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers est à écarter alors que, s’il avait considéré la demande comme incomplète, le ministre du Travail et de l’Emploi, en application de la réglementation précitée sur la procédure administrative non contentieuse, aurait dû demander au requérant de la compléter, en l’occurrence par une demande conjointe de l’employeur, avant d’y statuer ;

Considérant que, qu’elle qu’en été la décision au fond du ministre du Travail et de l’Emploi sur la demande d’obtention du permis de travail, le bien-fondé de laquelle n’étant pas soumis à l’examen de la Cour, alors que le recours ne tend qu’à l’annulation de la décision du ministre de la Justice, cette décision du ministre du Travail et de l’Emploi, en accordant le permis de travail aurait constitué le demandeur en situation de pouvoir bénéficier d’une autorisation de séjour et en le refusant, aurait permis la motivation d’une décision négative sur l’autorisation de séjour sur base de l’article 2 de la loi précitée de 1972 ;

Qu’il en résulte que c’est à bon droit que le jugement dont appel a déclaré prématurée la décision du ministre de la Justice en ce qu’il n’a pas attendu une décision du ministre du Travail et de l’Emploi susceptible de pouvoir contenir les éléments de décision favorables au demandeur ;

Que ceci étant, la Cour n’a pas à examiner le bien-fondé du moyen opposé par l’Etat suivant lequel … ne remplirait pas les critères A ou B des mesures de régularisation, alors que la décision du ministre du Travail et de l’Emploi aurait permis selon son contenu une solution du problème de l’existence des moyen de subsistance de l’intéressé et donc de l’octroi ou de refus du permis de séjour sans référence aux critères de régularisation visés ;

Considérant que le ministre de la Justice soutient par ailleurs avoir été en présence d’une décision de refus implicite du ministre du Travail et de l’Emploi, plus de trois mois s’étant écoulés depuis la demande et le ministre du Travail et de l’Emploi ayant gardé le silence sur celle-ci ;

Considérant qu’il y a lieu de rejeter ce moyen, la possibilité de considérer le silence de plus de trois mois dans le chef de l’administration comme refus implicite donnant ouverture à l’exercice d’un recours en Justice, tel que prévu à l’article 4 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif étant institué dans le seul intérêt de l’administré afin de lui permettre de vaincre une inaction prolongée de l’administration qui, elle, n’est pas recevable à se prévaloir de cette disposition et de tirer ainsi avantage de son propre tort ;

Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments que le jugement dont appel a fait une saine appréciation des circonstances de la cause et qu’il échet de le confirmer.

Par ces motifs la Cour, statuant contradictoirement ;

reçoit l’acte d’appel du 20 mars 2003;

le dit non fondé et en déboute ;

partant confirme le jugement entrepris du 10 février 2003 dans toute sa teneur ;

condamne l’Etat aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé par Georges Kill, président Jean-Mathias Goerens, premier conseiller, rapporteur Marc Feyereisen, conseiller et lu par le premier conseiller Jean-Mathias Goerens, délégué à cette fin, en audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier en chef de la Cour.

le greffier en chef le président 6


Synthèse
Numéro d'arrêt : 16154C
Date de la décision : 31/05/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2003-06-00;16154c ?

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