GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 14947 C Inscrit le 24 mai 2002
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Audience publique du 11 juillet 2002 Recours formé par les époux … …-… … et consorts, contre le ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique Appel (jugement entrepris du 25 avril 2002, no du rôle 14013)
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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 24 mai 2002 par Maître Jean Brucher, avocat à la Cour, assisté de Maître Nicolas Thieltgen, avocat, au nom des époux … …-… …, agissant tant en nom personnel qu’en nom et pour compte de leurs trois enfants mineurs …, … et … …, tous de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, contre un jugement rendu par le tribunal administratif à la date du 25 avril 2002 en matière de statut de réfugié politique, à la requête des actuels appelants contre deux décisions du ministre de la Justice.
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative par le délégué du Gouvernement Jean- Paul Reiter à la date du 20 juin 2002.
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris.
Ouï la vice-présidente en son rapport à l’audience publique du 9 juillet 2002 et Maître Nicolas Thieltgen, ainsi que le délégué du Gouvernement Jean-Paul Reiter en leurs observations orales.
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Par jugement rendu à la date du 25 avril 2002, le tribunal administratif a débouté les époux … …-… …, agissant tant en nom personnel qu’en nom et pour compte de leurs trois enfants mineurs …, … et … …, tous de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, de leur recours en réformation d’une décision du ministre de la Justice du 1er juin 2001 portant refus du bénéfice du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève, décision de refus confirmée sur recours gracieux par décision ministérielle du 16 août 2001.
Maître Jean Brucher, avocat à la Cour, assisté de Maître Nicolas Thieltgen, avocat, a déposé le 24 mai 2002 au greffe de la Cour administrative une requête d’appel à l’encontre du jugement du 25 avril 2002 précité au nom des époux … …-… … et consorts préqualifiés.
Le jugement est entrepris dans la mesure où les premiers juges n’ont pas apprécié à leur juste valeur les faits leur soumis, notamment deux appels à la réserve de … …, suivi probablement d’un troisième appel, l’application imparfaite de la loi d’amnistie, la situation générale instable et économiquement catastrophique dans son pays d’origine, le Sandzak, et par conséquent les craintes de persécution justifiées des appelants à retourner dans leur pays.
Le délégué du Gouvernement Jean-Paul Reiter a déposé à la date du 20 juin 2002 au greffe de la Cour administrative un mémoire en réponse dans lequel il demande la confirmation du jugement entrepris en se référant à son mémoire déposé en première instance.
Sur le vu des faits de la cause qui sont les mêmes que ceux soumis aux juges de première instance, la Cour estime que ceux-ci ont, dans un examen complet et minutieux de tous les éléments recueillis, apprécié ces derniers à leur juste valeur et en ont tiré des conclusions juridiques exactes.
Ils ont notamment souligné à juste titre que l’insoumission de … … ne saurait, à elle seule, fonder une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève. Il ne ressort pas des éléments du dossier que l’appelant risque de devoir participer à des actions militaires contraires à des raisons de conscience valables, que des traitements discriminatoires en raison de son appartenance ethnique et de sa religion risquent de lui être infligés, que la condamnation qu’il risque d’encourir en raison de son insoumission soit disproportionnée par rapport à la gravité de l’infraction ou que la condamnation éventuelle soit prononcée pour une des causes visées par la Convention de Genève.
Une condamnation pour insoumission n’est pas intervenue et, vu l’évolution de la situation actuelle en République Fédérale Yougoslave et plus particulièrement suite à la loi d’amnistie entrée en vigueur le 3 mars 2001 visant les déserteurs et insoumis de l’armée fédérale, il n’est pas établi que des poursuites pénales sont encore susceptibles d’être entamées et, surtout, que des jugements prononcés sont effectivement exécutés.
L’interprétation donnée par les appelants de la loi d’amnistie entrée en vigueur le 3 mars 2001 est inconcevable en présence de son libellé sans équivoque ni restriction et de l’avis du Haut Commissariat aux Réfugiés du 19 juin 20001 d’après lequel « les termes de la loi d’amnistie témoignent de la volonté des autorités yougoslaves de mettre en place une amnistie effective.
A ce jour, il n’a pas eu connaissance de cas d’insoumis ou de déserteurs (n’ayant pas reçu de nouvel appel après le 7 octobre 2000) qui n’auraient pu bénéficier de cette loi. Dès lors le HCR n’a pas de raison de penser que celle-ci ne serait pas appliquée aux personnes encore à l’étranger après le 7 octobre 2000 et n’ayant pas reçu de nouvel appel après cette date ».
Il est incontestable qu’en République Fédérale Yougoslave la situation politique et générale a favorablement évolué avec les élections démocratiques d’un nouveau Président en automne 2000, la formation d’un nouveau Gouvernement, l’incarcération et l’extradition de Milosevic afin qu’il puisse comparaître devant le Tribunal Pénal International pour crimes de guerre et la ratification en date du 11 mai 2001 d’une Convention-cadre pour la protection des minorités nationales entrée en vigueur le 1er septembre 2001 qui prévoit, entre autre, le respect de la liberté d’association, d’expression et de pensée, ainsi que la liberté de conscience et de religion en groupe ou individuellement pour les personnes appartenant à des minorités nationales et le développement en général des minorités nationales quelle qu’elles soient.
2 Finalement, la République Fédérale Yougoslave fait de nouveau partie de certaines organisations internationales à l’instar de l’ONU.
Les photocopies d’articles de presse et autres pièces versées dans ce contexte par les appelants ne sont pas de nature à entraîner la conviction de la Cour, alors qu’elles n’établissent pas le fait d’une condamnation pour insoumission ou désertion après l’entrée en vigueur de la loi d’amnistie.
Les craintes de persécutions des appelants traduisent partant un sentiment général de peur sans qu’une situation de persécution personnelle vécue ou une crainte qui serait telle que la vie leur serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine, ne soient établies.
L’acte d’appel n’est en l’occurrence pas fondé et le jugement entrepris est à confirmer.
Par ces motifs la Cour, statuant contradictoirement, sur le rapport de la vice-présidente, reçoit l’acte d’appel des époux … …-… … du 24 mai 2002, le dit non fondé et en déboute, partant, confirme le jugement du 25 avril 2002, condamne les appelants aux frais de l’instance d’appel.
Ainsi délibéré et jugé par Marion Lanners, vice-présidente, rapporteur Christiane Diederich-Tournay, conseiller Marc Feyereisen, conseiller et lu par la vice-présidente Marion Lanners en l’audience publique au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête en présence du greffier de la Cour Anne-Marie Wiltzius.
le greffier la vice-présidente 3