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30/11/2001 | LUXEMBOURG | N°13407C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 00 décembre 2001, 13407C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 13407 C Inscrit le 7 mai 2001 ———————————————————————————————————— AUDIENCE PUBLIQUE DU JEUDI 13 DECEMBRE 2001 Appel du ministre de l’Intérieur contre l’Administration communale de Bettborn en matière de délibération communale (jugement entrepris du 26 mars 2001)  Vu la requête déposée le 7 mai 2001 au greffe de la Cour administrative par laquelle Le

délégué du Gouvernement, agissant en vertu d’un mandat lui donné le 4 avril 2001 par le ministre de l’Intérieur, a relevé appel contre l’administration communale de Bettborn, domiciliée à L-8606 Bet...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 13407 C Inscrit le 7 mai 2001 ———————————————————————————————————— AUDIENCE PUBLIQUE DU JEUDI 13 DECEMBRE 2001 Appel du ministre de l’Intérieur contre l’Administration communale de Bettborn en matière de délibération communale (jugement entrepris du 26 mars 2001)  Vu la requête déposée le 7 mai 2001 au greffe de la Cour administrative par laquelle Le délégué du Gouvernement, agissant en vertu d’un mandat lui donné le 4 avril 2001 par le ministre de l’Intérieur, a relevé appel contre l’administration communale de Bettborn, domiciliée à L-8606 Bettborn, 3, Kiirchewee, d’un jugement rendu par le Tribunal administratif sous le numéro 12335 du rôle en date du 26 mars 2001 en matière d’approbation d’une décision du Conseil communal;

vu le mémoire en réponse versé en cause le 7 juin 2001 par Maître Marc Elvinger, le mémoire en réplique versé le 3 juillet 2001 par le délégué du Gouvernement, ainsi que le mémoire en duplique déposé le 3 octobre 2001 par Maître Elvinger;

vu les pièces régulièrement versées en cause et notamment la décision attaquée, ainsi que le jugement entrepris;

ouï Monsieur le président en son rapport d’audience, Monsieur le délégué du - 1 -

Gouvernement Jean-Paul REITER et Maître Marc ELVINGER en leurs plaidoiries.

————————————————————————————————— Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 7 mai 2001 et en vertu d’un mandat lui donné le 4 avril 2001 par le ministre de l’Intérieur le délégué du Gouvernement a relevé appel contre le jugement rendu par le Tribunal administratif en date du 26 mars 2001 sur le recours formé par l’Administration communale de Bettborn en matière d’approbation d’une décision du Conseil communal (No. 12335 du rôle du Tribunal administratif).

Le jugement en question a reçu en la forme et déclaré justifié le recours en annulation dirigé contre la décision du ministre de l’Intérieur du 14 juin 2000 refusant d’approuver la délibération du conseil communal de Bettborn du 24 février 1999 approuvant les plans et devis relatifs au projet de construction d’une éolienne à Reimberg.

Le ministre de l’Intérieur avait motivé sa décision de refuser son approbation au projet de construction d’une éolienne électrogène en argumentant que la construction d’une installation de production d’électricité dans la forme envisagée constituait à ses yeux un projet commercial dont l’intérêt communal justifiant une participation de la commune n’était pas démontré.

Il existerait d’une part dans le domaine des énergies renouvelables une initiative privée et d’autre part l’alimentation de la population de la commune de Bettborn serait assurée sans qu’il faille avoir recours à la construction de nouvelles unités de production. La nécessité d’une intervention de promoteurs publics en raison d’une éventuelle carence de l’initiative privée ne serait pas donnée en l’espèce.

Dans l’acte d’appel le délégué du Gouvernement reproche essentiellement aux premiers juges d’avoir fait une interprétation erronée de la notion de l’intérêt communal. Il estime que différents aspects importants n’auraient pas été suffisamment pris en considération, telles la rentabilité effective qui serait tributaire notamment du coût des crédits, du régime fiscal, de la politique des subsides aux organismes publics et privés et des conditions imposées à la principale compagnie distributrice d’électricité pour l’achat du produit de l’installation. A ses yeux les premiers juges se seraient mépris par ailleurs sur l’objectif et la portée du Programme d’actions d’Economies d’Energie dans les communes (P.E.E.C.) tel que défini par le règlement grand-ducal du 11 août 1996.

En relevant à titre d’intérêt communal la valeur écologique du projet les juges de première instance auraient confondu l’intérêt général avec l’intérêt communal. Ce serait finalement à tort que le tribunal aurait écarté le motif tiré d’une conséquence illégale faite au secteur privé par le projet dont l’approbation est sollicitée.

Dans son mémoire en réponse du 7 juin 2001 la partie intimée expose très explicitement sa vue de la situation de fait. Quant à l’argumentation en droit elle critique les vues, qu’elle qualifie de surannées, de l’appelant quant à la définition de l’intérêt communal. Pour documenter l’intérêt des collectivités locales à - 2 -

intervenir en la matière la Commune de Bettborn s’appuie sur l’affirmation que la production d’énergie plus écologique ne se concevrait que dans la décentrali-

sation.

L’implication des communes dans la propagation des énergies alternatives serait d’ailleurs formellement reconnue par l’autorité étatique, notamment par le biais de la loi du 5 août 1993 concernant l'utilisation rationnelle de l'énergie. Le projet serait ainsi conforme à l’intérêt national. Pour le surplus la partie intimée contredit dans leur ensemble les arguments de l’appelant et cite des projets qu’elle estime similaires entamés par d’autres communes et auxquels l’approbation de l’autorité de tutelle n’aurait pas été refusée.

Le délégué du Gouvernement a versé en date du 3 juillet 2001 un mémoire en réplique dans lequel les arguments de la partie intimée sont analysés plus en détail et confrontés à ceux invoqués par le ministre de l’Intérieur.

Un mémoire en duplique versé le 3 octobre 2001 par l’Administration communale de Bettborn analyse plus précisément l’admissibilité d’une partie de l’argumentation de l’adversaire, cette argumentation étant basée d’après elle sur un écrit non communiqué et qualifié d’ « interne ».

L’appel, non autrement critiqué sous ce rapport, est recevable comme ayant été introduit dans les formes et délai de la loi.

Par décision du 14 juin 2000 le ministre de l’Intérieur avait refusé d’approuver la délibération du conseil communal de Bettborn du 24 février 1999 en motivant cette décision par l’affirmation que la construction et l’exploitation d’installations de production d’énergie constituaient, sauf exception non établie en l’espèce, des activités commerciales réservées à l’initiative privée et ne rentrant pas dans le domaine des affaires communales de sorte que le projet de construction d’éoliennes à Reimberg serait manifestement inacceptable quant à son principe et ce à tel point qu’une instruction plus poussée du dossier serait sans intérêt.

Le Tribunal administratif a prononcé l’annulation de la décision attaquée du 14 juin 2000, estimant que la décision en question, basée sur la considération que le projet litigieux serait inacceptable quant au principe, aurait été fondée sur des motifs qui n’auraient pas été de nature à la justifier légalement.

Ce faisant le Tribunal, sans contester formellement que le ministre dispose du pouvoir de vérifier si le projet proposé rentre dans la compétence de la commune, a fait sienne l’argumentation de l’Administration communale de Bettborn suivant laquelle le caractère écologiquement favorable qu’elle impute à son projet et qui serait documenté quasi légalement, notamment par le fait que le projet s’inscrirait dans les prévisions du Programme d’actions d’Economies d’Energie dans les communes (P.E.E.C.), en ferait une entreprise qui devrait être admise comme ayant un intérêt général communal.

Dans le cadre de ce raisonnement le principe de l’autonomie communale consacré par l’article 107 de la Constitution et par la Charte européenne de l’autonomie locale a été invoqué pour y asseoir la déduction non critiquable en soi que - 3 -

l’autonomie de la commune serait la règle et la soumission au contrôle de l’autorité supérieure l’exception.

L’interprétation de ces textes tels qu’appliqués au cas d’espèce, et spécialement l’étendue qui doit leur être consentie, doit cependant également tenir compte du fait que l’article 3 de la Charte, définissant l’autonomie en question, n’a pas manqué de la limiter à la capacité de régler et de gérer les affaires publiques, donc les affaires ayant trait à des intérêts de la collectivité. La teneur des articles 4 à 6 confirme cette analyse alors que leur juxtaposition permet de constater que les latitudes qui y sont garanties aux collectivités locales ne sont pas sans rapport avec les préoccupations spécifiques des citoyens de l’entité locale. D’un autre côté l’article 8 dispose expressis verbis qu’un contrôle peut être exercé par l’autorité supérieure dans le respect de la proportionnalité entre l’ampleur de l’intervention de contrôle et l’importance des intérêts qu’elle entend préserver.

En vérifiant si le projet qui lui était soumis par l’Administration communale de Bettborn rentrait dans le champ d’activités normal de la commune le ministre de l’Intérieur n’a donc pas dépassé le cadre de ses compétences.

Dans le cadre du recours en annulation la juridiction administrative a le droit et l’obligation de vérifier si les motifs invoqués, s’ils sont en principe de nature à motiver légalement la décision attaquée, sont dans le cas d’espèce établis à suffisance. C’est dans cette limite seulement que le juge de l’annulation est en droit d’examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée.

Les éléments du dossier amènent la Cour à constater que le projet pour lequel l’approbation est demandée au ministre de l’Intérieur prévoit la construction et l’exploitation d’une centrale électrique dont la production est destinée à être injectée dans le réseau de distribution commercial de la société CEGEDEL.

Il est constant en cause et non contesté que l’approvisionnement en électricité est dores et déjà assuré de façon fiable et satisfaisante dans toute la commune de Bettborn. Il est tout aussi constant que l’exploitant de la centrale projetée n’aura pas les moyens techniques de fournir directement son électricité aux habitants de la commune, cette dernière étant desservie par le réseau d’électricité CEGEDEL et non par un réseau autonome au niveau communal, comme c’est le cas dans quelques rares communes.

Dans le projet litigieux la Cour ne peut de ce fait déceler aucun lien avec les obligations incombant normalement à une administration communale, abstraction faite des rentrées budgétaires découlant éventuellement, si les subsides et tarifs préférentiels escomptés correspondent à la réalité, de la vente d’énergie à l’entre-

prise prénommée.

La Cour ne saurait d’autre part suivre le raisonnement suivant lequel, malgré l’absence de tout lien du projet avec les préoccupations d’ordre communal, le fait que la centrale projetée s’alimente en énergie renouvelable serait de nature à contredire la constatation ci-dessus.

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Tout en admettant que la promotion d’un projet industriel dont le bilan écologique est réputé positif peut être considérée comme entreprise dans l’intérêt général la Cour ne saurait en tirer la conclusion que cet intérêt général pût être considéré comme revêtant d’une façon ou d’une autre un caractère communal. La notion d’intérêt général telle qu’elle est utilisée dans le contexte de cette espèce est par hypothèse sans limites géographiques et l’expression « intérêt général commu-

nal » comporte de ce fait une contradiction flagrante dans ses termes.

Le motif invoqué par le ministre de l’Intérieur à l’appui de sa décision de refus parait dès lors suffisamment établi et n’est pas ébranlé par le fait que des textes légaux et réglementaires ainsi que des circulaires ministérielles encouragent les communes à opter pour des solutions écologiques, y compris l’exploitation de l’énergie éolienne, dans l’élaboration de leurs concepts énergétiques. Le projet de centrale électrique présenté par l’intimée est précisément sans rapport avec un quelconque concept énergétique au niveau communal.

Le motif invoqué par le ministre est dès lors légal en la forme. Il appartient au ministre de peser en définitive la valeur des intérêts publics et privés, ainsi que nationaux et communaux en jeu et de prendre sa décision en conséquence.

L’aspect de la proportionnalité est sans relevance en l’espèce alors que la décision ministérielle est sans impact notable autre que budgétaire pour la collectivité locale.

Le jugement entrepris, ayant annulé la décision ministérielle attaquée sur base de considérations de fait que la Cour ne saurait faire siennes, est partant à réformer.

Les frais des deux instances sont à supporter par la partie intimée.

par ces motifs la Cour administrative, sur le rapport de son président, statuant à l’égard de toutes les parties, reçoit l’appel introduit le 7 mai 2001 par le ministre de l’Intérieur en la forme;

le déclare fondé, partant, réformant, dit non fondé et déboute du recours originaire déposé au greffe du tribunal administratif le 25 septembre 2000 et tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Intérieur du 14 juin 2000 refusant d’approuver une délibération du conseil communal de Bettborn du 24 février 1999;

condamne la partie intimée aux frais des deux instances.

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Ainsi jugé par Messieurs Georges KILL, président, rapporteur, Jean-Mathias GOERENS, premier conseiller, Marc FEYEREISEN, conseiller, et lu par le président en audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier en chef de la Cour.

Le greffier en chef Le président - 6 -


Synthèse
Numéro d'arrêt : 13407C
Date de la décision : 30/11/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2001-12-00;13407c ?

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