GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 13923C Inscrit le 27 août 2001 Audience publique du 13 novembre 2001 Recours formé par Calakovic Jakup et consorts contre le ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique Appel (Jugement entrepris du 25 juillet 2001, n° du rôle 13019)
------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 27 août 2001 par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, au nom des époux Jakup Calakovic-Merina Adrovic, agissant en leur nom et au nom et pour compte de leurs enfants mineurs Elma, Sanel et Alma, tous de nationalité yougoslave, demeurant à L-6245 Mullerthal, 1, rue des Rochers contre un jugement rendu en matière de statut de réfugié politique par le tribunal administratif à la date du 25 juillet 2001, à la requête des actuels appelants contre une décision du ministre de la Justice.
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 21 septembre 2001 par le délégué du Gouvernement Jean-Paul Reiter au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, représenté par son ministre de la Justice.
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris.
Ouï la vice-présidente en son rapport et Maître Ardavan Fatholahzadeh ainsi que le délégué du Gouvernement Marc Mathékowitsch en leurs observations orales.
-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Par jugement rendu en date du 25 juillet 2001, le tribunal administratif a débouté les époux Jakup Calakovic-Merina Adrovic, agissant en leur nom et au nom et pour compte de leurs enfants mineurs Elma, Sanel et Alma, tous de nationalité yougoslave, demeurant à L-6245 Mullerthal, 1, rue des Rochers de leur recours en réformation d’une décision du ministre de la Justice du 19 octobre 2000 portant refus suite à une demande en bénéfice du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève.
Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, a déposé le 27 août 2001 une requête d’appel au nom des parties préqualifiés.
Les appelants demandent la réformation du jugement entrepris et reprochent aux juges de première instance de ne pas avoir accueilli leur moyen de nullité de la décision ministérielle tiré de leur impossibilité d’en identifier le signataire et de ne pas avoir apprécié à leur juste valeur les faits leur soumis, notamment l’insoumission de Jakup Calakovic et la non-
applicabilité de la loi d’amnistie à son cas, cette loi ne s’appliquant qu’aux délits commis entre le 27 avril 1992 et le 7 octobre 2000 et l’insoumission étant un délit continu.
En ordre subsidiaire, ils demandent une expertise sur « les traitements réservés relatifs aux Boshniques d’origine musulmans, respectivement les insoumis originaires de Tutin, Serbie ».
Le délégué du Gouvernement a répondu le 21 septembre 2001 pour demander la confirmation du jugement entrepris en réfutant le moyen de nullité des appelants, en contestant l’interprétation des appelants de la loi d’amnistie et en renvoyant à la nouvelle situation politique en République Fédérale Yougoslave.
Quant au moyen de nullité soulevé à l’encontre de la décision ministérielle Il est de jurisprudence constante qu’un administré qui conteste la qualité du signataire d’un acte administratif doit spécifier en quoi les dispositions de l’ordonnance grand-ducale du 31 janvier 1970 concernant la délégation de signature par le Gouvernement n’ont pas été respectées et de s’enquérir, le cas échéant, au ministère d’Etat si la signature apposée sur la décision attaquée est conforme au spécimen de la signature du fonctionnaire délégué, conformément à l’article 3 de l’ordonnance précité.
Aucune spécification ni vérification n’ayant été faites en ce sens, le moyen de nullité est à abjuger.
Quant au fond La Cour estime, sur le vu des faits de la cause qui sont les mêmes que ceux soumis aux premiers juges, que ceux-ci ont, dans un examen complet et minutieux de tous les éléments recueillis, apprécié ces derniers à leur juste valeur et en ont tiré des conclusions juridiques exactes.
Ils ont notamment souligné à juste titre que l’insoumission ne saurait, à elle seule, fonder une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève et relevé que le 3 mars 2001 une loi d’amnistie est entrée en vigueur dont bénéficient les déserteurs et les insoumis.
L’interprétation donnée par les appelants des dispositions de la loi d’amnistie par rapport à la date du 7 octobre 2000 est absolument inconcevable, compte tenu de la publication de ladite loi à la date du 2 mars 2001, soit postérieurement à la date du 7 octobre 2000.
Les pièces versées à ce sujet par la partie appelante sont des traductions libres de prétendus articles de presse qui n’importent pas la conviction de la Cour.
Le Haut Commissariat aux Réfugiés est au contraire « d’avis que les termes de la loi d’amnistie témoignent de la volonté des autorités yougoslaves de mettre en place une amnistie effective. A ce jour, il n’a pas eu connaissance de cas d’insoumis ou de déserteurs (n’ayant pas reçu de nouvel appel après le 7 octobre 2000) qui n’auraient pu bénéficier de cette loi. Dès lors, le HCR n’a pas de raison de penser que celle-ci ne serait pas appliquée 2 aux personnes étant encore à l’étranger après le 7 octobre 2000 et n’ayant pas reçu de nouvel appel après cette date » (avis du 19 juin 2001 à l’attention du ministère de la Justice).
Dans le cadre d’un recours en réformation en matière de statut de réfugié politique, la Cour doit tenir compte de la situation politique actuelle dans le pays d’origine des parties en cause.
Il est incontestable qu’en République Fédérale Yougoslave la situation politique a favorablement évolué avec les élections démocratiques d’un nouveau Président en automne 2000, la formation d’un nouveau Gouvernement, l’incarcération de Milosevic et la ratification en date du 11 mai 2001 d’une Convention cadre pour la protection des minorités nationales entrée en vigueur le 1er septembre 2001 qui prévoit, entre autre, le respect de la liberté d’association, d’expression et de pensée, ainsi que la liberté de conscience et de religion en groupe ou individuellement pour les personnes appartenant à des minorités nationales et le développement en général des minorités nationales quelle qu’elles soient.
Les considérations qui précèdent ne sont pas énervées par les pièces versées en cause.
L’appel n’est partant pas fondé et le jugement entrepris est à confirmer dans toute sa teneur.
L’institution d’une expertise sur les « traitements réservés relatifs aux Boshniques d’origine musulmans, respectivement les insoumis originaires de Tulin/Serbie » est à écarter pour défaut de précision et de pertinence par rapport au cas d’espèce.
Par ces motifs, la Cour, statuant contradictoirement ;
reçoit l’acte d’appel du 27 août 2001, rejette l’offre de preuve par expertise ;
dit l’appel fondé et en déboute ;
partant confirme le jugement entrepris du 25 juillet 2001 dans toute sa teneur ;
condamne l’appelant aux frais d’instance.
Ainsi jugé par Marion Lanners, vice-présidente, rapporteur Christiane Diederich-Tournay, conseiller Marc Feyereisen, conseiller et lu par la vice-présidente Marion Lanners en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie Wiltzius.
le greffier la vice-présidente 3 4