GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 13350C Inscrit le 27 avril 2001 Audience publique du 13 novembre 2001 Recours formé par la société anonyme de droit belge Hoover S.A.
contre l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu Appel (jugement entrepris n° du rôle 8990 du 19 mars 2001)
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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 27 avril 2001 par Maître Jacques Loesch, avocat à la Cour, au nom de la société anonyme de droit belge Hoover s.a., ayant son siège social Chaussée de Haecht 1650, B-1130 Bruxelles, RC Bruxelles 45 595 contre un jugement rendu en matière d’impôt sur le revenu par le tribunal administratif à la date du 19 mars 2001, à la requête de l’actuelle appelante contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 5 juillet 1993.
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le lundi, 28 mai 2001 par le délégué du Gouvernement Jean-Marie Klein.
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris.
Ouï la vice-présidente en son rapport et Maître Jacques Loesch ainsi que le délégué du Gouvernement Jean-Marie Klein en leurs observations orales.
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La société de droit belge Hoover s.a., qui entretient au Grand-Duché un établissement stable pour exercer l’activité de commerce d’appareils électroménagers, avait introduit un recours devant le tribunal administratif suite au refus du bureau d’imposition d’admettre, sur le bénéfice de l’année d’exploitation 1987, le report des pertes retenues du chef de l’établissement stable au cours des exercices 1979 à 1985 à travers des bulletins d’impôt antérieurement émis.
Par jugement rendu à la date du 19 mars 2001, le tribunal administratif, vidant l’arrêt du Comité du contentieux du Conseil d’Etat du 29 mars 1996 a, par réformation de la décision directoriale déférée, dit que le défaut de comptabilité régulière tenue et conservée au pays ne constitue pas un motif valable pour refuser le report de pertes antérieures subies par l’établissement stable luxembourgeois de la société demanderesse;
dit que la société demanderesse est tenue de soumettre au directeur de l’administration des Contributions directes des données claires et précises sur la réalité et le montant de ses pertes subies du chef dudit établissement stable, lesquelles doivent reposer sur des comptes tenus au siège et redressés de manière à correspondre aux règles luxembourgeoises de détermination des bases de l’impôt sur le revenu et renvoyé l’affaire devant ledit directeur de l’administration des Contributions.
Maître Jacques Loesch, avocat à la Cour, a déposé le 27 avril 2001 une requête d’appel contre le jugement précité au nom de la société anonyme de droit belge Hoover s.a., ayant son siège social Chaussée de Haecht 1650, B-1130 Bruxelles, RC Bruxelles 45 595.
L’appelante déclare accepter la décision des juges de première instance disant que le défaut de comptabilité régulière tenue et conservée au Luxembourg ne constitue pas un motif valable pour refuser le report de pertes antérieures subies par son établissement stable luxembourgeois.
Le jugement est entrepris dans la mesure où les premiers juges ont décidé que l’actuelle appelante est tenue de soumettre au directeur de l’administration des Contributions directes des données claires et précises sur la réalité et le montant de ces pertes subies du chef de son établissement stable luxembourgeois, lesquelles doivent reposer sur des comptes tenus au siège et redressés de manière à correspondre aux règles luxembourgeoises de détermination des bases de l’impôt sur le revenu et renvoyé l’affaire devant ledit directeur en faisant masse des frais et en imposant la moitié à l’actuelle appelante.
Le délégué du Gouvernement Jean-Marie Klein sollicite la confirmation du jugement entrepris dans un mémoire en réponse déposé le 28 mai 2001. Il est d’avis que, devant une instance luxembourgeoise, seules les règles de preuve prévues par le droit national entrent en ligne de compte. Il réfute le moyen de l’appelante que les pertes déclarées pour les exercices antérieures à 1987 se trouveraient acquises par l’émission des bulletins d’impôt en arguant que, sauf en cas d’établissement séparé, le montant de la perte n’est qu’une base d’imposition qui, aux termes exprès du §213 alinéa 2 AO, ne bénéficie pas de l’autorité de la chose décidée (Olinger, Procédure contentieuse, éd. 1964, n° 165), que les inexactitudes qu’implique la ventilation des pertes selon le chiffre d’affaires, aux dires de la Cour de Justice des Communautés Européennes elle-même, ne sont pas faites pour créer une présomption favorable aux déclarations faites selon cette méthode et que le bureau d’imposition a pu admettre le principe de la perte sans être lié plus tard quant au montant reportable.
Le moyen de l’appelante sur l’impossibilité de fournir des preuves après plus de 10 ans tombe à faux selon le délégué, alors que par arrêt du 29 mars 1996 déjà, le Conseil d’Etat l’avait invitée à fournir les preuves concernées.
La partie appelante se réfère à un arrêt Singer de la Cour de Justice des Communautés Européennes du 15 mai 1997 pour dire que le jugement entrepris, en invoquant certaines dispositions de la loi concernant l’impôt sur le revenu, et en particulier les articles 157 (2) et en décidant que « la société demanderesse est tenu de soumettre au directeur de l’administration des Contributions directes des données claires et précises sur la réalité et le montant de ses pertes subies du chef dudit établissement stable, lesquelles doivent reposer sur des comptes tenus au siège et redressés de manière à correspondre aux règles luxembourgeoises de détermination des bases de l’impôt sur le revenu » , va au-
delà de ce que prévoit et permet l’arrêt Singer, puisqu’il impose au contribuable des conditions et exigences que l’arrêt Singer n’a pas énoncées, savoir l’exigence de 2 « comptes tenus au siège » ; que les passages précités de l’arrêt Singer n’en parlent pas, se contenant de parler de preuves à fournir « de façon claire et précise » et précisant encore que les moyens de preuve en question ne sont pas limités à ceux prévus par la législation luxembourgeoise.
Il est vrai que la Cour de Justice des Communautés européennes, par rapport au report de pertes subies au cours d’un exercice antérieur, dit dans l’arrêt Singer précité sub 39 « au moment où cette demande intervient, le seul intérêt des autorités luxembourgeoises est de vérifier, de façon claire et précise, que le montant des pertes dont le report a été demandé correspond, selon les règles luxembourgeoises relatives au calcul des revenus et des pertes applicables pendant l’exercice au cours duquel les pertes ont été subies, au montant des pertes effectivement subies au Luxembourg par le contribuable. En conséquence, pourvu que ce contribuable ait démontré, de façon claire et précise, le montant des pertes concernées, ces autorités ne sauraient lui en refuser le report au motif qu’il n’avait pas, au cours de l’exercice concerné, tenu – et conservé au Luxembourg – une comptabilité régulière relative à ses activités dans cet Etat. » Le même arrêt fait pourtant sub 42 une restriction au principe ci-avant avancé en cas de ventilation des revenus, comme en l’espèce, en disant qu’« il convient cependant de préciser que le fait qu’un Etat membre permet à un contribuable non résident d’établir le montant de son revenu imposable sur la base d’une ventilation au prorata de ses revenus globaux ne l’oblige pas à accepter le calcul du montant des pertes susceptibles d’être reportés sur la base d’une ventilation des pertes globales. En effet, étant donné les inexactitudes que la méthode de ventilation implique, un Etat membre n’est en aucun cas contraint de déterminer l’assiette de l’impôt d’un contribuable sur la seule base de celle-
ci ».
Le tribunal en a déduit à juste titre que la Cour de Justice des Communautés Européennes a partant réservé à l’Etat de situation de l’établissement stable le droit d’exiger la preuve claire et précise de la réalité et du montant des pertes et a rejeté la méthode de la ventilation de la perte globale comme preuve suffisante de la réalité de la perte invoquée du chef d’un tel établissement stable.
Compte tenu du régime de déclaration contrôlée existant en matière d’impôts au Grand-
Duché et de la restriction préexposée faite par la Cour de Justice des Communautés Européennes en cas de ventilation des pertes globales, le tribunal a fait une juste application des textes de loi nationales et internationales concernés au cas d’espèce, après une analyse minutieuse desdits textes que la Cour adopte.
La réserve précitée de la Cour de Justice des Communautés Européennes en cas de ventilation des pertes selon le chiffre d’affaires écarte d’emblée la déduction de la partie appelante que le bureau d’imposition serait lié dans le futur quant au montant reportable.
Compte tenu du fait que la décision entreprise du directeur des Contributions date du 5 juillet 1993 avec notification à la date du 8 juillet 1993 et que la décision du Conseil d’Etat exigeant des pièces et des renseignements précis sur les pertes invoquées date du 29 mars 1996, le moyen de la partie appelante tendant à dire qu’elle se verrait actuellement indûment obligée à conserver ses livres au-delà du temps prescrit, est à écarter.
3 Le jugement entrepris est partant à confirmer dans toute sa teneur.
Par ces motifs, la Cour, statuant contradictoirement ;
reçoit l’acte d’appel de la société anonyme de droit belge Hoover s.a. du 27 avril 2001 en la forme ;
le dit non fondé et en déboute ;
partant confirme le jugement entrepris du 19 mars 2001 dans toute sa teneur ;
condamne la partie appelante aux frais de l’instance.
Ainsi jugé par Marion Lanners, vice-présidente, rapporteur Christiane Diederich-Tournay, conseiller Marc Feyereisen, conseiller et lu par la vice-présidente Marion Lanners en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie Wiltzius.
le greffier la vice-présidente 4