GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 13115 C Inscrit le 23 mars 2001 ———————————————————————————————————— AUDIENCE PUBLIQUE DU JEUDI 8 NOVEMBRE 2001 Requête d’appel des époux Jean et Beby WESTER-MANS contre le ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural en matière de quotas laitiers (jugement entrepris du 14 février 2001) Vu la requête déposée le 23 mars 2001 au greffe de la Cour administrative par laquelle Jean WESTER, agriculteur, et son épouse, Beby MANS, agricultrice, demeurant ensemble à L-7416 Brouch/Mersch, 21, rue du Village, ont relevé appel contre le ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural d’un jugement rendu le 14 février 2001 par le tribunal administratif;
vu les pièces régulièrement versées en cause et notamment la décision attaquée du 17 mai 2000 ainsi que le jugement entrepris du 14 février 2001;
ouï le président en son rapport fait à l’audience du 27 septembre 2001 et Maître René STEICHEN en sa plaidoirie.
Par requête déposée le 23 mars 2001 Jean WESTER et son épouse Beby MANS ont relevé appel contre le ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural d’un jugement rendu le 14 février 2001 par le tribunal administratif dans la cause inscrite sous le numéro 12048 du rôle.
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Le jugement dont appel a reçu en la forme le recours en annulation dirigé contre une décision du ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural du 17 mai 2000 ayant disposé que la quantité de référence de 60.509 kg de lait de l’exploitation WESTER, devenue disponible à l’expiration du contrat de location du 21 mars 1994 s’y rapportant, serait transférée à raison de 27.229 kg au producteur FISCH et à raison de 33.280 kg à la réserve nationale avec effet au 1er avril 2000. Au fond le tribunal a déclaré le recours non justifié et en a débouté les requérants avec charge des dépens.
L’examen des éléments de fait et de droit incontestés qui sont à la base du litige actuel amène à noter que le contrat de location ci-dessus cité avait pour objet la mise en location d’une quantité de référence de 60.509 kg provenant de l’exploitation des appelants pendant la période du 1er avril 1994 au 31 mars 2000 sans que cette mise en location ne s’accompagne d’un transfert de surfaces d’exploitation correspondant à cette quantité de référence.
Au moment de sa conclusion le contrat en question était conforme à l’article 13 (9) du règlement grand-ducal du 30 mars 1993 concernant l’application, au Grand-Duché de Luxembourg, du régime de prélèvement supplémentaire sur le lait, qui admettait cette possibilité à titre dérogatoire au principe du rattachement des quantités de référence à la surface d’exploitation tout en la soumettant à certaines conditions.
Le règlement grand-ducal du 1er mars 2000 concernant l’application, au Grand-
Duché de Luxembourg, du régime de prélèvement supplémentaire sur le lait, sous l’empire duquel la décision critiquée a été prise, ne prévoit plus cette possibilité de location de quantités de référence sans transfert correspondant de surfaces d’exploitation. Pour l’hypothèse où le bailleur des quantités de référence n’entend pas reprendre personnellement la production laitière à la fin du contrat et où le locataire se prévaut de son droit à une allocation prioritaire, l’article 13 dudit règlement grand-ducal fixe des limites au prix de cession des quantités de référence en cas de vente au locataire et réduit d’autre part la quantité de référence disponible à 50% en cas de vente à un autre producteur.
Les appelants reprochent en premier lieu aux juges de première instance de n’avoir pas fait droit à leur argumentation basée sur l’article 11(6) de la Constitution qui dispose que « la loi garantit la liberté du commerce et de l’industrie, l’exercice de la profession libérale et du travail agricole, sauf les restrictions à établir par le pouvoir législatif ».
Ils estiment que la liberté de commerce ainsi garantie comporterait nécessairement la liberté de négocier les prix des transactions sauf les restrictions à établir par le pouvoir législatif. Ils argumentent qu’en l’espèce ni le règlement CEE 1256/1999 du Conseil du 17 mai 1999, ni aucune autre disposition légale n’autoriserait le pouvoir exécutif à édicter les limites ci-dessus mentionnées au prix de cession des quantités de référence et les restrictions citées de la quantité de référence disponible en cas de vente à un autre producteur.
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En deuxième lieu les appelants demandent la réformation du jugement entrepris en ce qu’il n’a pas admis leur thèse suivant laquelle le règlement critiqué du 1er mars 2000 serait contraire à l’article 10 bis (1) de la Constitution disposant que « les Luxembourgeois sont égaux devant la loi ».
Dans le contexte de cette disposition les parties WESTER et MANS ne mettent pas en cause la faculté pour l’autorité réglementaire d’interdire la cession de quotas laitiers sans transfert correspondant de surfaces d’exploitation. Par contre elles estiment que le règlement grand-ducal du 1er mars 2000, en fixant des modalités différentes pour le cas de vente au locataire arrivé en fin de bail d’une part, et pour la vente à un autre producteur d’autre part, aurait instauré un traitement discriminatoire injustifié entre différents groupes de producteur de lait ayant arrêté leur production.
La requête d’appel du 23 mars 2001 est recevable comme ayant été introduite dans les forme et délai de la loi.
La partie intimée n’a pas comparu ce qui, en vertu de l’article 47 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, n’empêche pas la Cour de statuer à son égard.
Quant au fond du recours originaire les appelants ont réitéré devant la Cour les arguments exposés devant les premiers juges et auxquels ces derniers ont répondu de façon exhaustive dans la motivation du jugement entrepris.
Le tribunal a relevé à juste titre d’une part que les règlements grand-ducaux concernant l’application au Grand-Duché du régime de prélèvement supplémen-
taire sur le lait constituent des mesures d’application des règlements communau-
taires directement applicables en droit luxembourgeois dont la mise en place est confiée au Grand-Duc par l’article 37 alinéa 4 de la Constitution et d’autre part que les quantités de référence individuelles sont un instrument pour endiguer la surproduction laitière et ne constituent à la base pas des droits personnels patrimoniaux à la libre disposition des titulaires.
Le jugement a encore justement retenu que, loin d’empêcher le travail agricole du bailleur de quantités de référence à l’expiration du contrat de location, le règlement grand-ducal du 1er mars 2000 lui laissait au contraire intacte l’option de se voir réallouer l’intégralité de la quantité de référence antérieurement donnée en location et lui garantissait ainsi le travail agricole dans les limites des restrictions générales imposées par le régime de plafonnement de la production laitière. Il en a correctement tiré la conclusion que la situation créée par la réglementation critiquée n’entrait pas en conflit avec l’article 11 (6) de la Constitution et que le moyen principal des demandeurs originaires laissait partant d’être fondé.
La Cour fait siens les développements cohérents et complets des premiers juges quant à ce moyen tout comme elle approuve l’analyse faite par les mêmes juges à propos du moyen tiré par les actuels appelants de l’article 10bis (1) de la Constitution disposant que « les Luxembourgeois sont égaux devant la loi ».
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C’est en effet à juste titre que le tribunal a tiré de l’examen de la situation des appelants à la lumière de trois arrêts de la Cour Constitutionnelle (arrêt n° 2/98 du 13 novembre 1998, arrêt n° 7/99 du 26 mars 1999 et arrêt n° 9/2000 du 5 mai 2000) la conviction que les consorts WESTER-MANS ne se trouvaient pas, au regard de la mesure critiquée, dans une situation comparable à celle des personnes avec lesquelles une discrimination est alléguée et que le reproche d’inconstitution-
nalité pour le motif invoqué n’était partant pas justifié.
Il en suit que le jugement entrepris est à confirmer dans toute sa teneur, les appelants devant supporter les frais de l’instance d’appel.
par ces motifs la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties, sur le rapport de son président, reçoit l’appel en la forme;
le dit non fondé, partant confirme le jugement entrepris dans toute sa teneur;
condamne les appelants aux frais de l’instance d’appel.
Ainsi jugé par Messieurs Georges KILL, président, rapporteur, Jean-Mathias GOERENS, premier conseiller, Marc FEYEREISEN, conseiller, et lu par le président en audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier en chef de la Cour.
Le greffier en chef Le président - 4 -