GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 13319C Inscrit le 20 avril 2001 Audience publique du 23 octobre 2001 Recours formé par Arthur FLIES et consorts contre l’administration communale de Bettembourg et le ministre de l’Intérieur en matière d’aménagement des agglomérations Appel (Jugement entrepris du 7 mars 2001, n° du rôle 12282)
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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 20 avril 2001 par Maître Marc Thewes, avocat à la Cour, au nom de 1. Arthur Flies, docteur en médecine, demeurant à L-2519 Luxembourg, 9, rue Schiller ;
2. Paul Knaff, retraité, demeurant à B-3090 Overijse, 89, Ste Annastraat ;
3. Ernest Knaff, retraité, demeurant à Ch-8905 Arni, 1, Obernatt ;
4. Mariette Knaff, épouse Ferry, sans état, demeurant à L-4031 Esch-sur-Alzette, 5, rue Bessemer, contre un jugement rendu en matière d’aménagement des agglomérations par le tribunal administratif à la date du 7 mars 2001, à la requête d’Arthur Flies et consorts contre l’administration communale de Bettembourg et le ministre de l’Intérieur ;
Vu la signification de ladite requête d’appel par acte d’huissier Jean-Lou Thill à la date du 27 avril 2001 à l’administration communale de Bettembourg ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 18 mai 2001 par le délégué du Gouvernement Guy Schleder au nom du ministre de l’Intérieur ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 21 mai 2001 par Maître Albert Rodesch, avocat à la Cour, au nom de l’administration communale de Bettembourg ;
Vu la signification dudit mémoire en réponse aux appelants par acte d’huissier Pierre Kremmer du 21 mai 2001 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 20 juin 2001 par Maître Marc Thewes au nom d’Arthur Flies et consorts ;
Vu la signification dudit mémoire en réplique à la commune de Bettembourg par acte d’huissier Jean-Lou Thill du 21 juin 2001 ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 4 juillet 2001 par Maître Albert Rodesch au nom de l’administration communale de Bettembourg ;
Vu la signification dudit mémoire en duplique aux appelants par exploit d’huissier Pierre Kremmer du 5 juillet 2001 ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 9 juillet 2001 par le délégué du Gouvernement Guy Schleder au nom du ministre de l’Intérieur ;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;
Ouï le conseiller en son rapport, Maître Marc Thewes et Maître Pascale Petoud, en remplacement de Maître Albert Rodesch, ainsi que le délégué du Gouvernement Jean-Paul Reiter en leurs observations orales.
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Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 29 août 2000, Maître Marc Thewes, avocat à la Cour, au nom de 1. Arthur Flies, docteur en médecine, demeurant à L-2519 Luxembourg, 9, rue Schiller ;
2. Paul Knaff, retraité, demeurant à B-3090 Overijse, 89, Ste Annastraat ;
3. Ernest Knaff, retraité, demeurant à Ch-8905 Arni, 1, Obernatt ;
4. Mariette Knaff, épouse Ferry, sans état, demeurant à L-4031 Esch-sur-Alzette, 5, rue Bessemer, a demandé sur base de l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif l’annulation de la délibération du conseil communal de Bettembourg du 10 juillet 1998 portant adoption définitive du nouveau projet d’aménagement général, parties graphique et écrite, avec rejet de leurs objections, ainsi que de l’ensemble des actes préparatoires y afférents, dont notamment la délibération du même conseil du 15 mai 1998 portant approbation provisoire dudit projet d’aménagement général, ainsi que de la décision du ministre de l’Intérieur du 12 mai 2000 portant approbation définitive de la délibération prévisée du 10 juillet 1998 avec rejet corrélatif de la réclamation introduite pour leur compte en date du 18 août 1998, en ce que ce serait à tort que des terrains leur appartenant, situés le long de la route d’Abweiler, entre Bettembourg et Abweiler, n’auraient pas été inclus dans le périmètre d’agglomération.
Par jugement rendu à la date du 7 mars 2001, le tribunal administratif a reçu le recours en la forme, dans la mesure où il vise les délibérations communales des 15 mai et 10 juillet 1998, ainsi que l’arrêté ministériel du 12 mai 2000 déférés, l’a déclaré irrecevable pour le surplus, au fond l’a dit non justifié, partant en a débouté les demandeurs en écartant les demandes en allocation d’une indemnité de procédure et en les condamnant aux frais.
Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 20 avril 2001, Maître Marc Thewes, au nom d’Arthur Flies et consorts, a relevé appel du prédit jugement.
2 Il reproche en premier lieu au tribunal administratif d’avoir rejeté le moyen basé sur l’absence de motivation des actes déférés, et d’avoir écarté l’argument du caractère erroné soulevé à l’encontre de la motivation fournie à la base des actes déférés.
D’autre part, les appelants font valoir que la commune aurait dû limiter la construction aux mêmes proportions et dimensions que celles autorisées du côté droit de la chaussée en direction d’Abweiler, et qu’en rejetant l’erreur d’appréciation manifeste, le jugement entrepris est à réformer, et ils maintiennent leur argument de caractère discriminatoire de la décision entreprise.
Ils concluent en demandant l’annulation de la décision prise par le conseil communal de Bettembourg dans les délibérations du 10 juillet 1998 et du 15 mai 1998, ainsi que la décision du ministre de l’Intérieur du 12 mai 2000, et la condamnation de la commune de Bettembourg à leur verser une indemnité de procédure de 50.000.- francs.
Dans un mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour le 18 mai 2001, le délégué du Gouvernement Guy Schleder, pour compte du ministre de l’Intérieur, fait valoir qu’en matière de décision d’approbation ou de refus ministériel relatif à une délibération du conseil communal, les dispositions du règlement du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes ne trouvent pas application au vu du caractère réglementaire de la décision ministérielle.
D’autre part, concernant la question de la motivation critiquée par les appelants, l’arrêté ministériel a été pris par le ministre de l’Intérieur, en sa qualité d’autorité de tutelle, qui ne l’autorise pas à s’immiscer dans la gestion du service décentralisé.
Cependant les considérations urbanistiques retenues par la commune de Bettembourg s’inscrivent dans le cadre des objectifs d’intérêt général tels que retenus par le Gouvernement et la solution préconisée par les requérants s’inscrirait en contre-courant des principes actuels d’urbanisation.
Le délégué du Gouvernement demande la confirmation du jugement entrepris.
Dans un mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour le 21 mai 2001, Maître Albert Rodesch, pour compte de la commune de Bettembourg, rétorque que la décision prise est amplement motivée, que la motivation est nullement erronée, que les appelants ne précisent pas en quoi la décision prise ne serait pas proportionnée au résultat recherché et que cette dernière ne créerait pas une discrimination anormale qui ne répondrait pas aux nécessités de l’urbanisme.
Il demande la confirmation du jugement entrepris et l’octroi d’une indemnité de procédure de 50.000.- francs.
Dans un mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 20 juin 2001, Maître Marc Thewes, au nom des appelants, rétorque qu’une décision fondée sur une appréciation erronée des faits du dossier est suceptible d’annulation et pour autant que de besoin, propose à la Cour de procéder à une descente sur les lieux.
Il réexpose que la décision prise par la commune ne peut pas atteindre l’objectif énoncé, qui est de toute manière impossible à atteindre d’un point de vue urbanistique, et qu’il y a violation du principe d’égalité.
3 Dans un mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 4 juillet 2001, Maître Albert Rodesch, pour la commune de Bettembourg, précise que la rue d’Abweiler n’est pas un hameau, mais une rangée de maisons longeant d’un côté une rue, et que le PAG n’inclut aucune parcelle non encore urbanisée dans la zone constructible.
Dans un mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 9 juillet 2001, le délégué du Gouvernement Guy Schleder précise que l’extension dispersée en mitage et plus particulièrement l’urbanisation linéaire le long des routes a pour conséquence un gaspillage foncier et un coût important tant pour les collectivités que pour les particuliers, ce qui n’est plus acceptable.
L’acte d’appel est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Les consorts Flies sont propriétaires indivis de terrains de large étendue longeant la route du côté gauche de la montée de Bettembourg à Abweiler, communément désignée par « Obelerbierg », inscrits au cadastre de la commune de Bettembourg, section A du chef-lieu sous les numéros 670/4701, 680/4702, 691/4703, 695/4704, 699/3708 et 706/3877.
Le nouveau plan d’aménagement général tel qu’adopté provisoirement par le conseil communal de Bettembourg en date du 15 mai 1998 n’a rien changé à cette situation de base, laissant les terrains prévisés des consorts Flies en dehors du périmètre d’agglomération.
En date du 17 juin 1998, les consorts Flies ont fait parvenir à l’administration communale de Bettembourg leur objection tendant à voir inclure leurs terrains en question dans le périmètre d’habitation par eux ainsi désigné.
Suivant délibération du 10 juillet 1998, le conseil communal de Bettembourg, statuant individuellement pour chacune des objections présentées, a rejeté à l’unanimité des voix celle présentée pour compte des consorts Flies, tout en portant adoption définitive de l’ensemble du plan d’aménagement général, tel que modifié notamment du fait des objections déclarées fondées.
Par courrier recommandé de leur mandataire du 18 août 1998, les consorts Flies ont fait introduire auprès du Gouvernement, aux mains du ministre de l’Intérieur, une réclamation dirigée contre la délibération précitée du conseil communal de Bettembourg du 10 juillet 1998, en suggérant, d’après plan joint, l’inclusion de leurs dits terrains dans une zone de faible densité suivant une profondeur approximative de 30 mètres à partir de la voie publique, à l’instar du classement valant de l’autre côté de la chaussée.
Par arrêté du 12 mai 2000, le ministre de l’Intérieur, à travers son article second a déclaré toutes les réclamations adressées au Gouvernement recevables en la forme, mais quant au fond non motivées à suffisance de droit, tout en approuvant à travers son article 1er la délibération prévisée du 10 juillet 1998 portant adoption définitive du projet d’aménagement général, parties graphique et écrite, de la commune de Bettembourg, la réclamation des consorts Flies a été rejetée aux motifs indiqués que les arguments invoqués par les réclamants ne justifient pas l’inclusion des terrains concernés dans le périmètre d’agglomération, et qu’il y a lieu de veiller à ce que la séparation claire et nette entre deux villages soit garantie.
4 En ce qui concerne le moyen relatif à une absence de motivation de la décision ministérielle du 12 mai 2000, les actes déférés, en tant qu’actes administratifs à caractère réglementaire, ne sont pas soumis aux dispositions du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, dont notamment ses articles 6 et 7 relatifs à l’obligation de motiver.
Il est de jurisprudence que la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse ne s’applique pas en matière de tutelle administrative comme ne constituant pas une décision individuelle à l’égard d’un administré et que les relations entre l’Etat et les communes qui sont régies par la loi communale du 13 décembre 1988 échappent au règlement grand-ducal susvisé.
Cependant c’est à juste titre que les premiers juges ont estimé que les dispositions d’un plan d’aménagement général communal doivent reposer sur « des considérations légales d’ordre urbanistique ayant trait à l’aménagement des agglomérations et d’ordre politique tirées de l’organisation de la vie en commun sur le territoire donné, tendant les unes et les autres à une finalité d’intérêt général ».
Or, des considérations susceptibles de tendre à une finalité d’intérêt général résultent à suffisance de droit des éléments du dossier, en tant qu’invoqués tant par la commune que par le ministre de l’Intérieur, et les requérants admettent dans leur recours introductif d’instance l’existence de motifs urbanistiques dans la décision ministérielle critiquée, de sorte que le moyen tenant au défaut de motivation à la base des actes déférés est non fondé et doit être écarté.
En deuxième lieu, la motivation avancée par le ministre de l’Intérieur est critiquée par les appelants comme étant erronée, arbitraire et discriminatoire, et en ce qu’elle violerait le principe de proportionnalité .
En tant qu’autorité de tutelle, le ministre de l’Intérieur n’est pas autorisé à se substituer à un autre pouvoir mais doit le maintenir dans les limites de la légalité et assurer la conformité de son action avec les exigences de l’intérêt général.
En ce qui concerne l’argument de motivation erronée, il existe encore actuellement une séparation claire entre le village d’Abweiler et la localité de Bettembourg, et les considérations urbanistiques avancées par la commune de Bettembourg visant « à ne pas pousser plus loin les avancées unilignes d’urbanisation le long des voies publiques » relevant non seulement d’une politique urbanistique rationnelle, mais répondent encore des objectifs d’intérêt général, retenues tant par le Gouvernement en Conseil qui a décidé que « le développement concentrique des localités autour de leur noyau doit être favorisé. Les terrains libres à l’intérieur des localités doivent être urbanisés en priorité, avant tout extension du périmètre bâti » , que par le projet de programme directeur de l’aménagement du territoire élaboré en 1999 par le ministère de l’Aménagement du Territoire qui vise à éviter le « mitage » de l’espace disponible par la création d’îlots urbanisés isolés pour mettre un frein au développement de l’urbanisation désordonnée.
Les appelants font valoir une violation du principe de proportionnalité se recouvrant avec une erreur d’appréciation manifeste, en ce que l’administration aurait pu, dans un but de proportionnalité, englober leurs terrains suivant une certaine profondeur dans le périmètre d’agglomération, à l’instar de ceux situés de l’autre côté de la voie publique, et ceci afin 5 d’urbaniser de façon harmonieuse le côté opposé au côté d’ores et déjà construit desservi par la même chaussée en évitant une urbanisation uniligne le long de la voie publique.
Ils soulignent encore le caractère discriminatoire des actes déférés aboutissant à une situation anormale ne répondant pas aux nécessités de l’urbanisme.
Dans le cadre d’un recours en annulation, le contrôle de légalité à effectuer par la Cour ne saurait porter sur les considérations de pure opportunité, notamment d’ordre politique, telle l’option prise par les autorités compétentes en faveur de la limitation du périmètre d’agglomération retenue à l’endroit de la rue d’Abweiler en question plutôt que par une autre variante d’urbanisation des terrains concernés, telle celle suggérée par les appelants tendant à voir constituer le long de la route d’Abweiler un hameau à part.
Dans cet ordre d’idée, la descente sur les lieux demandée par les parties appelantes dans leur mémoire en réplique est à écarter comme superfétatoire.
Les considérations urbanistiques retenues par la commune de Bettembourg, visant à éviter le développement d’une urbanisation tentaculaire le long des principes voies de circulation au détriment dérivant d’une évolution concentrique des localités relèvent d’une politique d’urbanisation rationnelle et répondent à une finalité d’intérêt général, tout en s’inscrivant dans le cadre des objectifs tels que retenus par le Gouvernement en Conseil et le ministère de l’Aménagement du Territoire.
Le jugement entrepris est partant à confirmer.
Les deux demandes en octroi d’une indemnité de procédure sont à abjuger, la Cour ne constatant aucune iniquité à faire supporter à chacune des parties des frais non compris dans les dépens.
Par ces motifs, la Cour administrative, statuant contradictoirement ;
reçoit l’acte d’appel ;
écarte l’offre de preuve par visite des lieux comme superfétatoire ;
dit l’appel non fondé et en déboute ;
partant confirme le jugement du 7 mars 2001 dans toute sa teneur ;
rejette les demandes en octroi d’une indemnité de procédure présentées de part et d’autre ;
condamne les appelants aux frais de l’instance.
Ainsi jugé par :
Marion Lanners, vice-présidente Christiane Diederich-Tournay, conseiller, rapporteur 6 Marc Feyereisen, conseiller et lu par la vice-présidente Marion Lanners en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie Wiltzius.
le greffier la vice-présidente 7