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05/07/2001 | LUXEMBOURG | N°12669C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 05 juillet 2001, 12669C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE N° 12669C du rôle Inscrit le 22 décembre 2000 Audience publique du 5 juillet 2001 Recours formé par l’administration communale de la Ville de Luxembourg et contre la société immobilière Grand Garage Jean Muller s.à r.l.

et le ministre de l’Intérieur en matière d’aménagement des agglomérations - Appel et appel incident – -

(jugement entrepris n° du rôle 10022 du 20 novembre 2000)

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Vu l’acte

d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 22 décembre 2000 par Maître Jean Medernac...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE N° 12669C du rôle Inscrit le 22 décembre 2000 Audience publique du 5 juillet 2001 Recours formé par l’administration communale de la Ville de Luxembourg et contre la société immobilière Grand Garage Jean Muller s.à r.l.

et le ministre de l’Intérieur en matière d’aménagement des agglomérations - Appel et appel incident – -

(jugement entrepris n° du rôle 10022 du 20 novembre 2000)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 22 décembre 2000 par Maître Jean Medernach, avocat à la Cour, au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg, établie à Luxembourg, Hôtel de Ville, représentée par son collège des bourmestre et échevins en fonctions contre un jugement rendu en matière d’aménagement des agglomérations par le tribunal administratif à la date du 20 novembre 2000, à la requête de la société immobilière Grand Garage Jean Muller s.à r.l., établie et ayant son siège social à… , représentée par sa gérante, Madame …, veuve de Monsieur …, demeurant à L-…, contre une décision du conseil communal de la Ville de Luxembourg et une décision du ministre de l’Intérieur.

Vu la signification dudit acte d’appel par acte d’huissier Georges Nickts à la date du 27 décembre 2000.

Vu le mémoire en réponse contenant appel incident déposé au greffe de la Cour administrative le 26 janvier 2001 par Maître Jean Hoss, avocat à la Cour, assisté par Maître Marc Elvinger, avocat à la Cour, au nom de la société immobilière Grand Garage Jean Muller s. à r.l..

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 16 février 2001 par Maître Jean Medernach au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg.

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 15 mars 2001 par Maître Jean Hoss, assisté par Maître Marc Elvinger, au nom de la société immobilière Grand Garage Jean Muller s. à r.l..

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris.

Ouï le premier conseiller en son rapport ainsi que Maître Gilles Dauphin, en remplacement de Maître Jean Medernach, et Maître Marc Elvinger, en remplacement de Maître Jean Hoss, en leurs observations orales.

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Par requête déposée au greffe de la Cour le 22 décembre 2000 l’administration communale de la Ville de Luxembourg a relevé appel d’un jugement du tribunal administratif du 20 novembre 2000 qui a déclaré recevable et fondé le recours dirigé par la Société Immobilière Grand Garage Jean Muller S.à r.l. qui tendait à l’annulation de l’adoption définitive par le conseil communal de la Ville de Luxembourg de la partie graphique du plan d’aménagement général (ci-après le « P.A.G. ») par délibération du 12 juillet 1993 et de la décision du Ministre de l’Intérieur du 6 février 1997 portant approbation du P.A.G. de la Ville de Luxembourg et rejetant la réclamation de la partie demanderesse introduite en date du 24 septembre 1993.

L’appelante, se réclamant de la jurisprudence existant en la matière, conclut en premier lieu a voir déclarer irrecevable le recours originaire alors que la décision de la Ville à laquelle rétroagirait la décision ministérielle serait antérieure à l’introduction du recours dirigé contre des décisions à caractère réglementaire.

Quant au fond, il est soutenu que le fait que les terrains de l’intimée sont classés au P.A.G. de la Ville de Luxembourg comme « terrains à étude » ne contreviendrait pas aux dispositions de la loi du 12 juin 1937 sur l’aménagement des Villes et autres agglomérations importantes ni à la législation sur l’aménagement général du territoire.

Il est conclu dès lors à voir dire le recours originaire irrecevable sinon mal fondé.

En son mémoire en réponse du 26 janvier 2001, l’intimée Société Immobilière Grand Garage Jean Muller S.à r.l. conclut à la confirmation du jugement en ce qu’il a déclaré le recours recevable.

L’intimée déclare relever appel incident contre le jugement intervenu en ce qu’il n’a pas annulé la décision du ministre de l’Intérieur pour violation du principe du contradictoire.

Il est demandé de reformer la décision entreprise en ce sens et de la confirmer en ce qu’elle a déclaré le recours fondé.

En son mémoire en réplique du 16 février 2001 l’appelante prend attitude aux moyens de l’intimée sur la recevabilité du recours.

Quant au fond, l’appelante prend attitude aux moyens du mémoire en réponse notamment en ce qui concerne la violation invoquée du principe du contradictoire, des effets du classement litigieux au PAG et conclut au rejet des moyens tirés de la violation de l’article 16 de la Constitution et de la Convention européenne des droits de l’homme.

En son mémoire en duplique du 15 mars 2001, l’intimée Société Immobilière Grand Garage Jean Muller S.à r.l. reprend et développe ses moyens produits antérieurement tant en ce qui concerne la recevabilité du recours que quant au principe du contradictoire dans la procédure et à la portée de la mesure de classement litigieuse.

2 L’Etat du Grand-Duché, intimé, n’a pas présenté de mémoire.

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L’appel de la Ville de Luxembourg régulier et d’ailleurs non autrement contesté en la forme est recevable.

Il y a lieu d’examiner en premier lieu le moyen de l’appelante tiré de ce que la ville de Luxembourg oppose l’irrecevabilité du recours originaire, notamment au motif que la décision du ministre de l’Intérieur du 6 février 1997 serait à considérer comme acte de tutelle administrative qui rétroagirait à la date de l’acte approuvé, soit à la délibération du conseil communal du 12 juillet 1993, donc à une date où le recours direct contre les actes à caractère réglementaire créé par l’article 7 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif n’existait pas.

Les décisions portant adoption des plans d’aménagement dans le cadre de la procédure définie dans la loi du 12 juin 1937 sur l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes sont de nature réglementaire, la décision d’approbation du ministre de l’Intérieur participant à ce caractère.

Il est de doctrine et de jurisprudence que la tutelle administrative, outre les actes d’approbation, d’improbation et d’annulation, comporte aussi, comme en l’espèce, des actes intervenant dans le cadre de recours à fin de réformation où l’autorité de tutelle n’intervient que sur saisine de la part du réclamant.

Les dernières interventions de l’autorité supérieure sont à considérer, non comme actes autonomes, mais comme simples actes de tutelle administrative.

Il y a donc lieu de qualifier la décision du ministre rendue en l’espèce d’acte de tutelle administrative et de l’examiner suivant le régime général des actes de tutelle.

Les actes de tutelle administrative rétroagissent à la date de la décision approuvée qui, une fois approuvée, est censée être valable dès son origine (Cour adm. Dauphin, n° 10011C ; Stoll, n°10013C ; Scholer, n°10016C, Republic National Bank of New York, n°10023C).

En effet, les approbations données par l’autorité de tutelle « ont le caractère de conditions suspensives posées à l’exécution des décisions prises par l’autorité décentralisée:

l’approbation valide rétroactivement la décision soumise à tutelle » (Odent, Contentieux administratif, fasicule V, p. 1756, et la jurisprudence citée ; P. Delvolvé, Rép. Dalloz, Contentieux administratif, v° Acte administratif, n° 521 : « lorsque l’approbation est donnée, elle rétroagit au jour de l’acte approuvé »).

Il s’agit en fait d’une application aux actes unilatéraux de l’administration du principe général du droit formulé à l’article 1179 du Code civil : « La condition accomplie a un effet rétroactif au jour auquel l’engagement a été contracté. » Ce mécanisme de rétroactivité n’est mis en échec qu’en cas de refus d’approbation ministériel, un tel refus ayant pour conséquence que la condition suspensive dont l’acte à 3 approuver est affecté ne se réalise pas et que cet acte doit être considéré comme non avenu (Cour adm. Kremer, n° 11878C), situation qui n’est pas donnée en l’espèce.

La décision approuvée du 12 juillet 1993 est antérieure à l’entrée en vigueur de la loi du 7 novembre 1996 qui, en son article 7 a créé le recours direct devant la Cour administrative contre les décisions administratives à caractère réglementaire.

L’existence d’une voie de recours est une règle de fond du droit et non une règle de forme, et elle est régie, en l’absence de disposition transitoire, ce qui est le cas en l’espèce, par la loi sous l’empire de laquelle la décision attaquée a été rendue.

Du fait du caractère de simple acte de tutelle approbatif de la décision du ministre de l’Intérieur et de l’effet rétroactif de cette mesure de tutelle à la date de la décision approuvée, celle-ci étant antérieure à l’entrée en vigueur le 1er janvier 1997 de la loi du 7 novembre 1996, le recours en annulation contre la décision du ministre de l’Intérieur, acte de la procédure d’élaboration d’un texte à caractère réglementaire ayant sorti ses effets avant la création du recours direct, et contre les autres délibérations précitées, est irrecevable.

Le jugement entrepris est partant à réformer dans ce sens.

Du fait de l’irrecevabilité du recours originaire, il n’y a pas lieu à statuer sur l’appel incident.

Bien que l’Etat n’ait pas comparu en instance d’appel, il y a lieu, en application de l’article 47 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, de statuer néanmoins à son égard.

Par ces motifs, la Cour, statuant à l’égard de toutes les parties, reçoit l’appel en la forme ;

le déclare fondé ;

réformant, déclare irrecevable le recours originaire introduit par requête déposée au greffe de la Cour le 26 mai 1997 sous le n° 10022C du rôle ;

condamne la société immobilière Grand Garage Jean Muller s.à r.l. aux frais et dépens des deux instances.

Ainsi jugé par Messieurs Georges KILL, président, Jean-Mathias GOERENS, premier conseiller, rapporteur, Marc FEYEREISEN, conseiller 4 et lu par le président en audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier en chef de la Cour.

Le greffier en chef Le président 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 12669C
Date de la décision : 05/07/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2001-07-05;12669c ?

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