La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/05/2001 | LUXEMBOURG | N°12533C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 00 juin 2001, 12533C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 12533 C Inscrit le 4 décembre 2000 ————————————————————————————————————— AUDIENCE PUBLIQUE DU JEUDI 28 JUIN 2001 Appel du ministre du Travail et de l’Emploi contre le jugement rendu le 24 octobre 2000 entre l’appelant d’une part, l’Association Luxembourgeoise des Employés de Banque et d’Assurances, (ALEBA) et consorts, ainsi que l’association des Banques et Banquiers (ABBL) d’autre part, en présence de la Confédération Luxembourgeoise des

Syndicats Chrétiens (LCGB) et consorts ainsi que de la Confédération Syndicale Indépendante du Luxembourg (OGBL) et consorts, en matière de c...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 12533 C Inscrit le 4 décembre 2000 ————————————————————————————————————— AUDIENCE PUBLIQUE DU JEUDI 28 JUIN 2001 Appel du ministre du Travail et de l’Emploi contre le jugement rendu le 24 octobre 2000 entre l’appelant d’une part, l’Association Luxembourgeoise des Employés de Banque et d’Assurances, (ALEBA) et consorts, ainsi que l’association des Banques et Banquiers (ABBL) d’autre part, en présence de la Confédération Luxembourgeoise des Syndicats Chrétiens (LCGB) et consorts ainsi que de la Confédération Syndicale Indépendante du Luxembourg (OGBL) et consorts, en matière de convention collective du travail  Vu la requête déposée au greffe de la Cour administrative le 4 décembre 2000 en vertu d’un mandat lui donné le 23 novembre 2000 par le Ministre du Travail et de l’Emploi par laquelle le délégué du Gouvernement a relevé appel contre un jugement rendu sous les numéros 11734 et 11741 du rôle par le Tribunal administratif en date du 24 octobre 2000 entre d’une part :

1) l’Association Luxembourgeoise des Employés de Banque et d’Assurances, en abrégé « ALEBA », association sans but lucratif, établie à L-2163 Luxembourg, 29, avenue Monterey, agissant par son conseil d’administration, respectivement son comité exécutif en fonctions, 2) le syndicat professionnel ALEBA, agissant par Messieurs …, président, demeurant à L-…, …, 1er vice-président, demeurant à L-…, …, vice-président, demeurant à L-…, - 1 -

…, vice-président, demeurant à L-…, …, secrétaire général, demeurant à L-…, et …, trésorier, demeurant à L-…, 3) Messieurs …, …, …, …, …et…, tous ci-dessus qualifiés, agissant en leur nom personnel, 4) la fédération syndicale ALEBA-UEP, agissant par son comité directeur, sinon son bureau exécutif en fonctions, 5) l’Association des Banques et Banquiers, en abrégé « ABBL », association sans but lucratif, établie à L-2010 Luxembourg, 20, rue de la Poste, et d’autre part le Ministre du Travail et de l’Emploi, en présence de 1) la Confédération Luxembourgeoise des Syndicats Chrétiens (LCGB), établie à L-1351 Luxembourg, 11, rue du Commerce, représentée par son comité directeur actuellement en fonctions, 2) Monsieur…, pris en sa qualité de président du LCGB, demeurant à L-…, 3) Monsieur…, pris en sa qualité de secrétaire général du LCGB, demeurant à L-…, 4) Monsieur…, employé de banque, demeurant à L-…, 5) la Confédération Syndicale Indépendante du Luxembourg (OGB-L) établie à L-4002 Esch/Alzette, 60, bd J.F. Kennedy, représentée par son bureau exécutif, sinon son comité exécutif actuellement en fonctions, 6) Monsieur…, pris en sa qualité de président de l’OGB-L, demeurant à L-…, - 2 -

7) Monsieur…, pris en sa qualité de secrétaire général de l’OGB-L, demeurant à L-…, 8) Monsieur…, pris en sa qualité de président du syndicat Banques, Assurances et Fiduciaires de l’OGB-L, demeurant à L-… Vu les mémoires en réponse versés le 12 janvier 2001 par ALEBA a.s.b.l., ALEBA syndicat professionnel et fédération syndicale ALEBA-UEP et le 24 janvier 2001 par la Confédération Luxembourgeoise des Syndicats Chrétiens (LCGB), par l’Association des Banques et Banquiers (ABBL) ainsi que par la Confédération Syndicale Indépendante du Luxembourg (OGBL) ;

vu le mémoire en réplique versé par le délégué du Gouvernement en date du 23 février 2001;

vu les mémoires en duplique déposés le 15 mars 2001 par les consorts ALEBA et le 27 mars 2001 par l’ABBL;

vu les pièces régulièrement versées en cause et notamment la décision attaquée, ainsi que le jugement entrepris;

ouï le président en son rapport fait à l’audience du 31 mai 2001, Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER ainsi que Maître Patrick KINSCH, Maître Fernand ENTRINGER, Maître André ELVINGER, Maître Georges PIERRET et Maître Guy CASTEGNARO en leurs plaidoiries.

————————————————————————————————— Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 4 décembre 2000 et en vertu d’un mandat lui donné le 23 novembre 2000 par le Ministre du Travail et de l’Emploi le délégué du Gouvernement a relevé appel contre le jugement rendu par le Tribunal administratif en date du 24 octobre 2000 sur le recours formé par l’Association Luxembourgeoise des Employés de Banque et d’Assurances (ALEBA) et consorts, ainsi que par l’Association des Banques et Banquiers (ABBL) contre une décision du Ministre du Travail et de l’Emploi en matière de convention collective de travail.

A l’appui de son appel, limité aux dispositions par lesquelles les recours introduits sous les numéros 11734 et 11741 ont été déclarés justifiés au fond, le Ministre du Travail fait valoir que le Tribunal administratif aurait fait une fausse interprétation de l’article 2 de la loi du 12 juin 1965 et aurait pour le surplus appliqué à tort ce texte à la situation de la recourante ALEBA. La partie appelante insiste particulièrement sur le fait qu’à ses yeux la notion de représentativité nationale impliquerait une activité syndicale dans plusieurs secteurs économiques. La même - 3 -

partie conteste par ailleurs que le syndicat ALEBA jouirait de l’indépendance nécessaire aux termes de l’alinéa 3 de l’article précité pour pouvoir être compté parmi les organisations syndicales les plus représentatives.

Le 12 janvier 2001 ALEBA a.s.b.l., ALEBA syndicat professionnel et fédération syndicale ALEBA-UEP ont versé un mémoire en réponse dans lequel ces parties contestent la recevabilité de l’appel au motif que toutes les parties ayant comparu en première instance n’auraient pas été intimées. Ce moyen est basé d’une part sur l’article 39 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives et d’autre part sur des « règles générales de la procédure ».

Après avoir présenté le résumé de leur lecture du jugement entrepris les parties répondantes argumentent que ledit jugement ferait une juste application du texte de la loi du 12 juin 1965 et que l’appelant critiquerait à tort le revirement de jurisprudence opéré en première instance. La notion de représentativité nationale, à leurs yeux abusivement mise en équation par le Ministre du Travail et de l’Emploi avec celle de représentativité plurisectorielle, serait correctement interprétée au jugement dont appel. Par ailleurs l’indépendance de l’ALEBA serait à l’abri de toute critique et ne souffrirait ni du fait que le syndicat n’est actif que dans un secteur d’activité, ni du fait que ses représentants sont tous des salariés de ce même secteur.

Pour le cas où l’appel serait déclaré recevable les parties ALEBA relèvent encore appel incident contre un considérant du jugement entrepris, respectivement contre la formulation de ce considérant.

Dans un mémoire du 24 janvier 2001 la Confédération Luxembourgeoise des Syndicats Chrétiens (LCGB) s’oppose au moyen d’irrecevabilité de l’appel en renvoyant à l’organisation de cette voie de recours par la loi du 21 juin 1999.

Quant au fond la partie LCGB se rallie aux arguments de la requête d’appel. Elle souligne que le juge ne saurait à son avis faire abstraction des avis et commentaires fournis au cours de la procédure d’élaboration législative. En l’espèce la prise en considération de ces documents devrait amener la Cour à une autre solution que celle adoptée par le Tribunal administratif. Quant au critère légal de l’indépendance la partie concluante rejoint l’opinion de l’appelant.

Le même 24 janvier 2001 l’Association des Banques et Banquiers (ABBL) a déposé son mémoire en réponse tendant principalement à voir dire l’appel non fondé et voir confirmer le jugement de première instance tout en critiquant ledit jugement pour n’avoir pas admis que le « non-refus » prolongé constituait une décision implicite dont le retrait ne pouvait plus intervenir après l’expiration du délai de recours.

Quant au fond l’ABBL conteste les différents arguments présentés par le Ministre du Travail et de l’Emploi à l’appui de sa requête d’appel. Par une analyse des jurisprudences citées l’intimée ABBL entend démontrer que la solution adoptée en première instance serait loin d’être aussi « radicalement nouvelle » que ne le soutient la partie appelante. Ce serait par ailleurs à bon droit que le Tribunal - 4 -

administratif aurait préféré l’application du texte même de la loi par rapport à l’application d’une interprétation de ce texte par référence aux travaux préparatoires. La solution retenue par le tribunal serait de toute évidence strictement conforme à la loi. Examinant les éléments de fait, et notamment les données statistiques sur lesquelles le tribunal s’est appuyé, la partie ABBL vient à la conclusion que la représentativité de l’ALEBA serait donnée dans la profession aussi bien que sur le plan national. Cette représentativité sur le plan national se confirmerait encore par l’application de tous les autres critères susceptibles d’être pris en considération. Les arguments avancés par l’appelant pour soutenir que l’ALEBA manquerait de l’indépendance requise sont formellement contestés. Pour le cas où la Cour entendrait valider la décision ministérielle l’ABBL invoque dans un ordre subsidiaire la violation de la Constitution et de Conventions internationales par la loi sur les conventions collectives.

Dans un mémoire en réponse également déposé le 24 janvier 2001 la Confédération Syndicale Indépendante du Luxembourg (OGBL) se rallie aux moyens contenus dans l’acte d’appel et maintient les conclusions de sa requête en intervention volontaire présentée en première instance le 25 avril 2000.

Le 23 février 2001 le délégué du Gouvernement a versé un mémoire en réplique dans lequel la partie publique présente en premier lieu ses arguments à l’encontre du moyen d’irrecevabilité de l’appel soulevé par les parties ALEBA. La requête d’appel contiendrait toutes les indications prévues à l’article 41 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives tandis que l’information des parties ayant figuré en première instance aurait été faite par les soins du Greffe conformément aux articles 39 et 50 de la même loi.

Quant au fond le délégué du Gouvernement réitère son argumentation en réaffirmant que la décision entreprise ne tiendrait pas compte des travaux préparatoires et serait contraire à la jurisprudence consolidée suivie jusque-là. Les chiffres statistiques utilisés par les intimés, particulièrement par l’ABBL, sont contestés et leur valeur probante minimisée.

Pour les moyens non expressément rencontrés par le mémoire en réplique la partie appelante se rapporte aux développements consignés dans ses mémoires versés en première instance.

En duplique au mémoire du délégué du Gouvernement la partie ALEBA dépose le 15 mars 2001 un mémoire dans lequel elle tend à rectifier la valeur et l’interprétation donnée par l’adversaire aux éléments statistiques débattus dans les écrits antérieurs. Quant aux développements relatifs à la représentativité nationale et pluri-sectorielle, ainsi qu’à la conformité de l’interprétation de la loi de 1965 aux normes de droit supérieures ALEBA renvoie à ses requête et mémoires versés en première instance.

La partie ABBL de son côté explicite, dans une duplique versée en cause le 27 mars, sa position notamment par rapport à la prise en compte des travaux préparatoires, à la jurisprudence invoquée par les parties appelante et intervenantes et à la pertinence des données statistiques.

- 5 -

Quant à la recevabilité de l’appel:

Dès l’ingrès les consorts ALEBA critiquent la recevabilité de l’appel en soutenant que toutes les parties ayant comparu en première instance n’auraient pas été intimées. Ils invoquent à l’appui de leur moyen l’article 39 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

Il est vrai qu’aux termes de l’article invoqué l’appel est interjeté par une requête déposée au greffe de la Cour administrative en original et quatre copies et signifiée aux parties ayant figuré en première instance ou y ayant été dûment appelées. Le même article dispose que faute par le requérant de signifier son recours dans le mois du dépôt du recours, celui-ci est caduc.

Par dérogation à l’article 39 ainsi cité, l’article 50 prévoit qu’en cas d’appel interjeté de la part de l’Etat, le greffier communique, selon les formalités prévues à l’article 34, aux parties en cause en première instance copies de la requête d’appel, des mémoires et pièces fournis.

En l’espèce l’État a déposé le 4 décembre 2000 une requête d’appel contre le jugement du 24 octobre 2000 et le greffier de la Cour a communiqué la requête d’appel par pli fermé et recommandé à la poste, accompagné d’un avis de réception, partant dans les formes fixées par l’article 34, à toutes les parties en cause en première instance. La requête en question contient par ailleurs les indications prévues à l’article 41, à savoir les qualités de l’appelant, l’indication du jugement contre lequel appel est interjeté, un exposé des faits et des moyens invoqués, les prétentions de l’appelant et le relevé des pièces dont il entend se servir.

L’appel de l’Etat a donc été interjeté dans les formes de la loi. Etant intervenu dans le délai légal et ne heurtant par ailleurs aucun principe général de procédure, ni aucun droit de la défense il est recevable.

Quant à la compétence et la recevabilité en première instance:

Le Ministre du Travail et de l’Emploi a limité son appel aux dispositions par lesquelles les recours introduits sous les numéros 11734 et 11741 ont été déclarés justifiés au fond. Les appels incidents relevés d’une part par les consorts ALEBA, et d’autre part par l’ABBL ne critiquent pas les décisions des premiers juges en matière de recevabilité, ni celles relatives à la demande en extension des effets de l’ordonnance présidentielle du 14 janvier 2000 et à la demande en effet suspensif.

Sont étayées par une motivation exhaustive et partant à maintenir pour les motifs du premier juge:

 la décision positive quant à la recevabilité des recours introduits par l’ALEBA, par la fédération ALEBA-U.E.P., ainsi que par l’ABBL;

 la décision positive quant à la recevabilité des interventions volontaires des parties LCGB et OGBL;

- 6 -

 la décision qu’il n’y a pas lieu de statuer sur la recevabilité des demandes formées par le syndical professionnel ALEBA, et par les consorts GLESENER agissant en nom personnel.

La décision d’incompétence quant à la demande en extension des effets de l’ordonnance présidentielle du 14 janvier 2000 et la décision quant à la demande en effet suspensif ne font pas l’objet d’un appel, aucun recours n’étant d’ailleurs admissible contre la dernière décision.

Tout en demandant la confirmation du jugement entrepris au fond la partie intimée ABBL critique les premiers juges pour n’avoir pas admis son moyen basé sur le « non refus prolongé » de la convention collective déposée.

L’article 4 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 ouvre à l’administré une voie de recours contre le silence de l’Administration en lui permettant, lorsqu’un délai de trois mois s’est écoulé sans qu’il ne soit intervenu aucune décision, de considérer sa demande comme rejetée et, grâce à cette fiction, de se pourvoir devant le tribunal administratif.

La mise en œuvre de la fiction en question ne se conçoit que dans l’hypothèse où une demande susceptible d’une décision positive a été adressée par l’administré à l’Administration, dont le silence ne peut, suivant les termes précis de l’article 4(1) précité, être interprété que comme décision de rejet de la demande en question.

En l’absence de toute demande susceptible de faire l’objet d’une décision positive l’argumentation relative à une décision implicite de refus résultant du silence gardé par le ministre pendant plus de trois mois suite à la communication de la convention collective à l’Inspection du Travail et des Mines est sans support ni en fait, ni en droit, et doit donc être rejetée.

L’ABBL soutient qu’en l’espèce une situation de non-refus aurait perduré pendant plus de trois mois suivant le dépôt de la convention collective et aurait généré une décision implicite de non-refus définitif sur laquelle il n’aurait pas été légalement possible de revenir après l’écoulement des délais de recours. Ce moyen, reposant quant à son principe sur l’article 8 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 sur la procédure administrative non-contentieuse, ne saurait être pris en considération alors que sa prémisse, à savoir que la situation de « non refus prolongé » aurait constitué une décision administrative ayant créé ou reconnu des droits, ne repose sur aucune disposition légale ou réglementaire et a été écartée à bon droit par le premier juge dont les motifs sur ce point peuvent être adoptés par la Cour.

Quant au fond du litige :

Au fond les parties de part et d’autre de la barre se trouvent en profond désaccord quant à l’interprétation à donner au texte de l’article 2 de la loi du 12 juin 1965 concernant les conventions collectives de travail.

Les parties appelante et intervenantes volontaires critiquent la décision des premiers juges ayant admis que l’intimée ALEBA était à compter parmi les - 7 -

organisations syndicales les plus représentatives sur le plan national et, comme telle, habile à être partie à une convention collective.

Elles reprochent au Tribunal administratif de n’avoir pas tenu compte des travaux préparatoires de la loi du 12 juin 1965 et de s’être écarté d’une jurisprudence qu’elles estiment consolidée.

Les parties intimées voient par contre dans le jugement entrepris une décision rigoureusement conforme au texte de la loi du 12 juin 1965, compatible avec les sources de droit supérieures et conforme aux principes démocratiques.

Il appartient en dernier ressort à la Cour de départager les parties en examinant si l’intimée ALEBA suffit aux critères légaux pour être partie à une convention collective, donc pour la négocier et pour la signer.

Cette faculté est réservée, par l’alinéa 1er de l’article 2 de la loi itérativement citée de 1965, du côté salarié aux organisations syndicales les plus représentatives sur le plan national.

Le syndicat ALEBA est de toute évidence un groupement professionnel pourvu d’une organisation interne et a pour but la défense des intérêts professionnels et la représentation de ses membres ainsi que l’amélioration des conditions d’existence de ces derniers. Il répond donc à la définition que l’alinéa 2 du même article donne de l’organisation syndicale.

S’il est vrai que ce fait n’a pas été mis en doute par les appelants, ceux-ci nient cependant la représentativité (générale) en mettant en doute le nombre exact des affiliés et en soutenant que les structures de l’ALEBA ne lui garantissaient pas l’indépendance visée à l’alinéa 3 de l’article 2 aux termes duquel sont considérées comme organisations syndicales les plus représentatives, celles qui se signalent par le nombre important de leurs affiliés, par leurs activités et par leur indépendance.

Quant à l’importance de l’audience du syndicat intéressé, la Cour s’est vu verser de nombreux renseignements concordants et d’ailleurs non contestés avant la naissance du litige actuel. En présence de ces renseignements largement débattus entre parties le caractère très significatif du nombre des adhérents de l’ALEBA ne peut pas être sérieusement mis en doute, même si ce nombre ne peut pas être établi à l’unité près par l’intimée ALEBA.

D’autre part, lors des élections pour les chambres professionnelles, ce syndicat a recueilli une large majorité des suffrages exprimés dans le groupe « banques et assurances ». Contrairement à l’argumentation de l’appelant, ce dernier résultat est à prendre en considération sans égard à l’incidence d’une participation électorale assez faible, alors que suivant les principes les plus élémentaires du système électoral démocratique les pourcentages et majorités doivent se mesurer par rapport aux votes exprimés. La Cour relève dans le même contexte qu’environ un tiers des sièges dans les délégations du personnel du secteur sont occupés par - 8 -

l’ALEBA, laquelle remplit donc tant le critère du nombre important d’affiliés que celui de l’activité.

Quant au critère de l’indépendance la Cour constate que l’appelant et ses consorts ne peuvent pas faire état d’indices concrets qui pourraient faire douter en l’espèce de l’indépendance économique du syndicat intimé en tant qu’organisation par rapport aux employeurs du secteur. Dans ce contexte la Cour ne se montre pas sensible à l’argument tiré du fait que le syndicat plaide dans la présente instance du même côté de la barre que l’association des employeurs, cet élément n’ayant aucun caractère pertinent ni concluant. La Cour relève encore que la loi sur les délégations du personnel et la loi instituant les comités mixtes d’entreprises, en protégeant dans une large mesure les délégués et les membres des comités mixtes contre des licenciements, met un syndicat aussi solidement implanté que ne l’est l’ALEBA à l’abri des critiques relatives à son indépendance qui pourraient être basées sur la subordination de ses cadres aux employeurs de la branche.

Remplissant ainsi les trois conditions fixées par l’alinéa 3 de l’article 2 de la loi du 12 juin 1965 l’ALEBA doit donc être comptée parmi les organisations syndicales les plus représentatives.

La dernière condition restant à être remplie par l’ALEBA pour pouvoir être partie à une convention collective est la représentativité sur le plan national.

Ces termes font en premier lieu référence à la représentativité sur le plan quantitatif par rapport à l'ensemble des salariés de la catégorie concernée, donc en l’espèce par rapport à l’ensemble des salariés du secteur privé du pays. Compte tenu des taux d’audience de l’ALEBA, mis en rapport avec le nombre total des employés privés du pays, ainsi que des résultats des consultations électorales ci-dessus mentionnées, il doit être retenu que le syndicat intimé remplit ce critère purement quantitatif.

Tant la partie appelante que les parties intervenantes volontaires soutiennent que le critère de la représentativité sur le plan national impliquerait en plus que la représentativité devrait être plurisectorielle. Les travaux préparatoires, desquels il résulterait, du moins implicitement, qu’une représentativité sur le plan national ne se concevrait que dans le chef d’une organisation présente dans plusieurs secteurs de l’activité économique, justifieraient cette interprétation et la jurisprudence qualifiée de consolidée en ferait application.

A cet endroit la Cour doit relever que le texte même de l’article 2 de la loi du 12 juin 1965 ne se réfère à aucun moment à la notion de secteur et que les travaux préparatoires sont nettement moins explicites à ce sujet que l’appelant ne veut le faire paraître et ne sont en tout cas pas de nature à imposer une interprétation plutôt qu’une autre.

L’interprétation du texte à appliquer ne peut être que celle qui respecte à la fois rigoureusement le texte de la loi, ne heurte pas la Constitution et est compatible avec les conventions internationales que le Grand-Duché a signées et ratifiées dans le domaine concerné. Dans le cas d’espèce l’interprétation de la loi ne saurait être - 9 -

telle qu’elle aurait pour effet d’empêcher un syndicat qui représente la majorité des travailleurs d’une certaine catégorie de s’occuper de la sauvegarde des intérêts de ses membres.

Les décisions citées à titre de jurisprudence par l’appelant et les parties intervenantes volontaires laissent entendre que pour être représentative au niveau national une organisation devrait prouver tant une représentation nationale qu’une représentation plurisectorielle pour l’un ou l’autre des groupes sociaux reconnus par la loi, c’est-à-dire les employés privés ou les ouvriers. Si le premier de ces critères se retrouve clairement fixé par la loi, tel n’est cependant pas le cas du deuxième.

S’il est vrai que la plurisectorialité peut, dans un cas d’espèce examiné au cas par cas, être un élément de nature à établir en fait le caractère national de la représentativité d’une organisation syndicale, il n’en reste pas moins que le texte de la loi n’érige pas la plurisectorialité en une condition autonome qui devrait être remplie cumulativement avec celle de la représentativité numérique de niveau national.

En l’espèce cependant la constatation que la partie ALEBA doit être comptée parmi les organisations syndicales les plus représentatives sur le plan national est justifiée à suffisance par l’importance numérique de l’organisation dans la catégorie des employés privés et spécialement dans le groupe III « banques et assurances » ainsi que par l’importance de ses activités, comme par exemple celle de faire fonction de chef de file dans les négociations du secteur « banques et assurances », sans que l’appréciation ne doive, pour être positive, s’appuyer pour le surplus sur l’existence d’activités dans un ou plusieurs autres secteurs de l’économie.

Il en suit que l’intimée ALEBA remplit les conditions pour être partie à une convention collective telles que ces conditions se trouvent définies par l’article 2 al.1 de la loi du 12 juin 1965.

Le dispositif du jugement entrepris est partant à confirmer quant au fond, quoique pour des motifs émendés, la Cour omettant toute référence à d’autres dispositions de la loi du 12 juin 1965 que son article 2.

Le dispositif est également à confirmer pour les motifs produits en première instance pour autant qu’il n’a pas renvoyé le dossier devant le ministre.

Eu égard à la décision à intervenir les frais de l’instance d’appel doivent rester à charge de la partie appelante, la décision du Tribunal administratif quant aux frais exposés en première instance étant à confirmer.

Par ces motifs, - 10 -

la Cour administrative, statuant contradictoirement à l’égard de toutes les parties, sur le rapport du président;

reçoit en la forme l’appel relevé le 4 décembre 2000 par le Ministre du Travail et de l’Emploi;

le dit non fondé et en déboute;

partant confirme dans la mesure où il a été entrepris le dispositif du jugement du 24 octobre 2000;

condamne la partie appelante aux frais de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par Georges KILL, président, rapporteur, Marion LANNERS, vice-présidente, Jean-Mathias GOERENS, premier conseiller, et lu par le président en audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier en chef de la Cour.

Le greffier en chef Le président - 11 -


Synthèse
Numéro d'arrêt : 12533C
Date de la décision : 31/05/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2001-06-00;12533c ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award