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10/05/2001 | LUXEMBOURG | N°12967C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 10 mai 2001, 12967C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE N° 12967C du rôle Inscrit le 23 février 2001 Audience publique du 10 mai 2001 Recours formé par la société à responsabilité limitée Gigi Design contre une décision du ministre de l’Intérieur en matière de marchés publics (jugement entrepris n° du rôle 12054 du 17 janvier 2001)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 23 février 2001 par Maître René Weber, av

ocat à la Cour, au nom de la société à responsabilité limitée Gigi Design, établie et ayant...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE N° 12967C du rôle Inscrit le 23 février 2001 Audience publique du 10 mai 2001 Recours formé par la société à responsabilité limitée Gigi Design contre une décision du ministre de l’Intérieur en matière de marchés publics (jugement entrepris n° du rôle 12054 du 17 janvier 2001)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 23 février 2001 par Maître René Weber, avocat à la Cour, au nom de la société à responsabilité limitée Gigi Design, établie et ayant son siège social à L-…, contre un jugement rendu en matière de marchés publics par le tribunal administratif à la date du 17 janvier 2001 à la requête de la société Gigi Design contre une décision du ministre de l’Intérieur.

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 23 mars 2001 par le délégué du Gouvernement au nom du ministre de l’Intérieur.

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris du 17 janvier 2001.

Ouï le conseiller rapporteur en son rapport et Maître René Weber, ainsi que la déléguée du Gouvernement Claudine Konsbrück en leurs observations orales.

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Par requête inscrite sous le numéro 12054 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 juin 2000 par Maître René Weber, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, la société à responsabilité limitée Gigi Design, établie et ayant son siège social à L-…, a demandé l’annulation d’un arrêté du ministre de l’Intérieur du 11 mai 2000, portant annulation d’un arrêté du même ministre du 19 novembre 1999, par lequel elle avait été déclarée adjudicataire de la fourniture de 13.000 chemises pour compte de la police grand-ducale.

Par jugement rendu contradictoirement en date du 17 janvier 2001, le tribunal administratif a déclaré le recours en annulation non justifié et en a débouté la requérante avec condamnation aux frais.

Par requête déposée le 23 février 2001 au greffe de la Cour administrative, Maître René Weber, au nom de Gigi Design, a relevé appel du jugement précité.

La partie appelante rappelle d’abord la chronologie des faits et affirme n’avoir été informée oralement que vers la fin du mois de mars que la procédure de la résiliation serait entamée.

Quant au fond, elle reproche au jugement attaqué d’avoir rejeté le moyen tiré de la violation des articles 4 et 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 sur la procédure administrative non contentieuse au motif qu'aucune disposition de cette procédure n'imposerait à l'administration de communiquer ses avis « en toute hypothèse » aux administrés concernés et que l'administration ne serait pas tenue d'une communication spontanée, mais que cette obligation présupposerait l'initiative de l'administré.

L’appelante est d’avis que le maintien du juste équilibre entre l'administration et l'administré et les relations équitables entre les deux qui doivent en découler devraient justifier la communication spontanée d'un dossier administratif dès lors qu'un litige est né.

Toute contestation de la part d'un administré comporterait implicitement mais nécessairement la demande de connaître tous les supports sur lesquels est basée la procédure qui peut atteindre ses droits.

L'appelante affirme qu'elle ignorait l'existence de l'avis de la commission du 29 mars 2000, pris sans avoir entendu le soumissionnaire en ses explications.

Ce ne serait qu'à la suite de sa demande, basée sur l'article 45 du règlement grand-ducal du 2 janvier 1989 portant 1) institution d’un cahier général des charges applicable aux marchés publics de travaux et de fournitures pour compte de l’Etat, 2) fixation des attributions et du mode de fonctionnement de la Commission des Soumissions (ci-après appelé « le règlement de 1989 »), qu'elle aurait été entendue.

Cependant aucun nouvel avis n'aurait été émis par la commission après l'audition de l'appelante de sorte que la note interne du président de la commission datée du 25 avril 2000 ne saurait suppléer à cette carence, comme injustement décidé par les premiers juges.

L’appelante soutient que tout soumissionnaire aurait le droit d'être entendu et l'avis de la commission devrait tenir compte de cette audition comme cela résulterait à l'exclusion de tout doute des articles 43(4) et 45(3) du prédit règlement de 1989.

A partir du moment où l'avis de la commission est entaché de nullité, la procédure subséquente des deux mises en demeure prévues à l'article 45(2) serait également viciée, contrairement à ce qui a été admis par les premiers juges.

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L’acte d’appel est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

La société à responsabilité limitée Gigi Design, établie et ayant son siège social à L-…, participa à une procédure de soumission publique, ouverte le 27 octobre 1999, relative à la fourniture de 13.000 chemises pour les besoins de la Police grand-ducale.

Suivant décision du ministre de l’Intérieur du 19 novembre 1999 la société fut déclarée adjudicataire pour les fournitures suivantes :

« - 6.050 chemises manches longues - 6.050 chemises manches courtes - 450 chemisiers manches longues - 450 chemisiers manches courtes - 1000 mètres d’étoffe pour chemises » au prix de son offre s’élevant à … francs hors TVA.

Après avoir été informé par courrier du directeur général de la Police grand-ducale du 2 février 2000 que la fourniture des chemises ainsi prévue accusait un grand retard et que l’étoffe présentée ne 2 correspondait pas à la fiche technique, le ministre de l’Intérieur s’est vu proposer par courrier émanant de la même autorité du 15 mars 2000 de procéder à la résiliation du marché en question.

Sur ce, le ministre s’adressa au président de la Commission des Soumissions aux fins de prendre position quant à la résiliation du contrat avec la société conformément à l’article 43 du règlement grand-ducal modifié de 1989 précité.

Après avoir adressé deux mises en demeure, datant respectivement des 31 mars et 25 avril 2000, à la société, le ministre, sur base notamment d’un avis de la Commission des Soumissions adopté lors de sa séance du 29 mars 2000 et porté à la connaissance du ministre par courrier du président de la commission du 30 avril 2000, procéda à l’annulation de l’arrêté ministériel prévisé du 19 novembre 1999 par arrêté ministériel datant du 11 mai 2000.

A l’encontre de cet arrêté ministériel, la société a fait introduire un recours en annulation par requête déposée en date du 16 juin 2000.

Le juge administratif, saisi d’un recours en annulation, doit vérifier la légalité et la régularité formelle de l’acte administratif attaqué.

L’appréciation des faits échappe au juge de la légalité, qui n’a qu’à vérifier l’exactitude matérielle des faits pris en considération par la décision.

Le jugement attaqué du 17 janvier 2001 a retenu que le ministre a sollicité préalablement à la prise de l’arrêté ministériel litigieux l’avis de la Commission des Soumissions quant à la résiliation du contrat avec la société, ceci conformément aux dispositions réglementaires en vigueur.

Il se dégage des pièces versées au dossier et plus particulièrement du courrier du président de la commission datant du 30 mars 2000, que lors de sa séance du 29 mars 2000 la commission, à l’unanimité des membres présents, a jugé les faits portés à sa connaissance « suffisamment graves pour justifier une résiliation du marché » en retenant plus particulièrement « 1) que l’adjudicataire n’a pas respecté les délais de livraison. Il est à noter que le délai a été l’un des critères d’adjudication de sorte que le non-respect de celui-ci constitue une défaillance très grave ;

2) qu’après maints rappels le responsable de Gigi Design n’est toujours pas à même de présenter un tissu conforme aux dispositions du cahier spécial des charges (composition, poids, couleur). » Il se dégage encore des pièces versées au dossier qu’après s’être vu adresser une première mise en demeure datant du 31 mars 2000, la société Gigi Design, par courrier de son mandataire datant du 12 avril 2000, a demandé à être entendue dans ses explications par la Commission des Soumissions pour amplifier de vive voix ses arguments afférents contenus dans une lettre du 29 mars 2000 adressée à la Police grand-ducale.

Une note écrite émanant du président de la Commission des Soumissions du 25 avril 2000, adressée au ministre, retient que suite à cette demande, la société fut entendue par ledit président lors d’une entrevue ayant eu lieu le 21 avril 2000, lors de laquelle le soumissionnaire a fait valoir une série de considérations.

La partie appelante continue à critiquer l’arrêté ministériel déféré d’abord au niveau de sa légalité externe, à travers le moyen tiré de l’absence de communication des conclusions de la commission, présentée comme constitutive d’une violation des articles 4 et 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité.

C’est à bon droit et par une motivation que la Cour adopte que les premiers juges ont décidé que la procédure prévue par le règlement grand-ducal du 2 janvier 1989 précité pour procéder à la 3 résiliation d’un marché public par le commettant ne réglemente pas spécifiquement l’accès de l’administré concerné à son dossier, ni encore la communication de l’avis émis par la commission au soumissionnaire de sorte que les dispositions protectrices de l’article 4 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 sur la procédure administrative non contentieuse trouvent application.

Cet article dispose que « les avis des organismes consultatifs pris préalablement à une décision doivent être motivés et énoncer les éléments de fait et de droit sur lesquels ils se basent.

Lorsqu’il s’agit d’un organisme collégial, l’avis doit indiquer la composition de l’organisme, les noms des membres ayant assisté à la délibération et le nombre de voix exprimées en faveur de l’avis exprimé. Les avis séparés éventuels doivent être annexés, sans qu’ils puissent indiquer les noms de leur auteur ».

C’est à juste titre que les premiers juges sont parvenus à la conclusion qu’aucune disposition de la procédure administrative non contentieuse n’impose à l’administration de communiquer ses avis en toute hypothèse aux administrés concernés, en l’absence de dispositions plus contraignantes prévues dans certaines matières spécifiques.

C’est encore à juste titre que les premiers juges ont décidé que l’article 11 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979 n’oblige pas l’administration de communiquer de manière spontanée à l’administré les éléments d’information sur lesquels elle s’est basée ou entend se baser, mais que cette obligation présuppose l’initiative de l’administré.

Il s’ensuit que le premier moyen tenant à l’absence de communication des conclusions de la commission du 29 avril 2000 à la société n’est pas fondé.

Il convient encore d’adopter la solution dégagée par les premiers juges ayant décidé que l’article 43 (4), en disposant que « la décision doit être motivée et prise après consultation de la Commission des Soumissions », ne pose pas l’exigence d’une audition préalable du soumissionnaire par la commission, de sorte que, sous peine de rajouter à la loi, cette exigence ne saurait être retenue en l’espèce sur base du règlement grand-ducal du 2 janvier 1989 précité.

La partie appelante insiste encore sur le caractère secret de la procédure intentée à son encontre en vue de la résiliation du marché et de l’annulation de l’arrêté ministériel du 19 novembre 1999, en faisant valoir qu’elle aurait été tenue à l’écart de cette procédure, ceci en violation flagrante des dispositions de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité, alors qu’il s’agirait de retirer une décision ayant créé ou reconnu des droits au sens de cette disposition.

En vertu des dispositions de l’article 9 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979, l’autorité qui se propose de prendre une décision en dehors de l’initiative de la partie concernée, hypothèse vérifiée en l’espèce, est tenue d’informer cette dernière de son intention, cette communication se faisant par lettre recommandée ouvrant un délai d’au moins huit jours pour permettre à la partie en cause de présenter ses observations ou d’être entendue en personne.

Il se dégage des pièces versées au dossier que le ministre, auteur de la décision déférée, disposait en fait des explications écrites de la société demanderesse contenues dans sa lettre du 29 mars 2000 adressée à la Police grand-ducale, à laquelle elle s’est expressément référée dans son courrier du 12 avril 2000, consécutif à la première mise en demeure lui adressée par le ministre en date du 31 mars 2000, et dont elle avait adressé une copie, outre au président de la Commission des Soumissions, également et préalablement au ministre par courrier du 29 mars 2000.

4 Il est par ailleurs constant que l’appelante fut entendue en personne et qu’un rapport relatant les explications orales recueillies lors de l’entrevue ayant eu lieu en date du 21 avril 2000 fut adressé par le président de la Commission des Soumissions au ministre avant la prise de la décision litigieuse.

C’est partant à bon droit et par une motivation exhaustive et correcte qu’il convient d’adopter que les premiers juges ont déclaré la demande non justifiée.

Par ces motifs la Cour administrative, statuant contradictoirement, reçoit l’appel en la forme, au fond le dit non justifié et en déboute;

partant confirme le jugement entrepris du 17 janvier 2001 dans toute sa teneur;

condamne l’appelante aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par :

Jean Mathias GOERENS, premier conseiller, Christiane DIEDERICH-TOURNAY, conseiller, Marc FEYEREISEN, conseiller, rapporteur et lu par le premier conseiller Jean Mathias GOERENS en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie WILTZIUS.

Le greffier Le premier conseiller 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 12967C
Date de la décision : 10/05/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2001-05-10;12967c ?

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