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15/03/2001 | LUXEMBOURG | N°12138C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 15 mars 2001, 12138C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 12138C Inscrit le 21 juil et 2000 ———————————————————————————————————— AUDIENCE PUBLIQUE DU 15 MARS 2001 Requête d’appel du sieur Erwin HENKES contre la commune de Waldbillig en matière de permis de construire (jugement entrepris du 14 juin 2000, n° du rôle 11638)  Vu la requête déposée au greffe de la Cour administrative le 21 juillet 2000 par laquelle Maître

Edith Reiff, avocat à la Cour, au nom du sieur Erwin Henkes, agriculteur, demeurant à L-7680 Waldbillig, 9 rue de Christnach, a relevé appel contre l’administration communale de Walbillig, ét...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 12138C Inscrit le 21 juil et 2000 ———————————————————————————————————— AUDIENCE PUBLIQUE DU 15 MARS 2001 Requête d’appel du sieur Erwin HENKES contre la commune de Waldbillig en matière de permis de construire (jugement entrepris du 14 juin 2000, n° du rôle 11638)  Vu la requête déposée au greffe de la Cour administrative le 21 juillet 2000 par laquelle Maître Edith Reiff, avocat à la Cour, au nom du sieur Erwin Henkes, agriculteur, demeurant à L-7680 Waldbillig, 9 rue de Christnach, a relevé appel contre l’administration communale de Walbillig, établie à L-7681 Waldbillig, 8, rue de la Montagne, d’un jugement rendu le 14 juin 2000 par le tribunal administratif dans la cause inscrite sous le numéro 11638 du rôle ;

vu le mémoire en réponse déposé en date du 16 octobre 2000 au greffe de la Cour administrative par Maître Pol Urbany, avocat à la Cour, pour l’administration communale de Waldbillig ;

vu le mémoire en réplique déposé en date du 24 novembre 2000 au greffe de la Cour administrative par Maître Edith Reiff ;

vu le mémoire en duplique déposé en date du 4 janvier 2001 au greffe de la Cour administrative par Maître Pol Urbany ;

ouï le premier conseiller en son rapport à l’audience du 18 janvier 2001 ainsi que Maîtres Edith Reiff et Pol Urbany en leurs observations orales.

Par requête déposée au greffe de la Cour le 21 juillet 2000 le sieur Erwin HENKES, agriculteur, demeurant à L-7680 Waldbillig, 9, rue de Christnach, a déclaré relever appel contre un jugement du tribunal administratif du 14 juin 2000 qui a déclaré irrecevable le recours en annulation par lui dirigé contre une décision implicite de refus de délivrer un permis de construire résultant du silence du bourgmestre de la commune de Waldbillig pendant plus de trois mois à propos d’une demande afférente.

Le jugement entrepris a déclaré le recours irrecevable au motif que, le sieur Erwin HENKES ayant la qualité de commerçant et n’étant pas inscrit au registre de commerce, il n’aurait pas qualité pour exercer des actions en justice en relation avec son activité de commerçant, ceci aux termes de l’article 2 alinéa 1er de la loi modifiée du 23 décembre 1909 portant création d’un registre de commerce et des sociétés.

Dans sa requête d’appel, le sieur HENKES reproche au jugement entrepris d’avoir retenu l’irrecevabilité du recours sans avoir préalablement examiné la question de la compétence du tribunal. Il est soutenu que sur base des articles 84 et 95bis de la Constitution, la juridiction administrative serait sans attribution pour décider de l’existence de la qualité de commerçant dans le chef d’un administré, ces contestations étant réservées aux juridictions de l’ordre judiciaire.

Il est soutenu encore que l’application de la disposition litigieuse de la loi précitée serait limitée aux instances de nature civile et commerciale et ne conditionnerait pas la recevabilité d’un recours en matière administrative.

A titre subsidiaire, pour le cas où la Cour estimerait devoir suivre l’argumentation des premiers juges, l’appelant demande à la Cour de déférer à la Cour constitutionnelle la question préjudicielle suivante : « L’article 2 § 1er de la loi modifiée du 23 décembre 1909 portant création d’un registre de commerce et des sociétés en ce qu’il déclare irrecevable toute action principale, reconventionnelle ou en intervention qui trouve sa cause dans une activité commerciale pour laquelle le requérant n’était pas immatriculé lors de l’introduction de l’action, est-il compatible avec le principe de l’égalité des Luxembourgeois et des étrangers devant la loi édicté par les articles 10bis et 111 de la Constitution ? ».

Quant au fond, l’appelant fait valoir des arguments tirés de l’excès de pouvoir et d’incompétence par empiètement du bourgmestre sur les attributions du ministre de l’Environnement, subsidiairement conclut à l’annulation de la décision implicite de refus pour violation de la loi, sinon des formes, vu l’absence de motifs.

Il est par ailleurs soutenu que du fait du silence de l’administration jusqu’après l’introduction du recours, la décision implicite de refus doit encourir l’annulation sans que les motifs communiqués tardivement en cours d’instance ne puissent faire l’objet d’un contrôle par la Cour.

L’appelant soulève encore l’inapplicabilité sinon l’inopposabilité du règlement des bâtisses de la commune de Waldbillig pour non-respect de la disposition de l’article 52 de la loi du 12 juin 1937 sur l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes qui soumet le règlement à l’approbation du ministre de l’Intérieur et de la disposition de l’article 82 de la loi communale qui règle les modes de publication des règlements communaux.

A titre plus subsidiaire, l’appelant conteste qu’il y ait eu un quelconque changement d’affectation ou de destination de l’étable existante par les transformations mineures entreprises. Il soulève un moyen d’illégalité des dispositions de plusieurs articles du règlement des bâtisses de la commune de Waldbillig qui iraient au-delà de l’habilitation concédée par la loi précitée du 12 juin 1937.

2 En son mémoire en réponse du 16 octobre 2000, la commune de Waldbillig soulève à titre principal l’irrecevabilité de l’appel sur base de l’article 2 alinéa 1er de la loi précitée du 23 décembre 1909.

A titre subsidiaire elle demande la confirmation du jugement dont appel.

A titre plus subsidiaire la commune déclare maintenir ses moyens produits en première instance.

Elle déclare se rapporter à prudence de justice en ce qui concerne l’observation du délai d’introduction du recours contentieux et déclare maintenir le moyen de l’exceptio obscuri libelli.

Quant au fond la commune conteste en l’attitude du bourgmestre l’existence de tout excès de pouvoir au sens de la loi. Elle s’oppose à voir admettre en cours de procédure d’autres moyens de nullité, l’excès de pouvoir seul ayant été invoqué dans la requête introductive d’instance.

La commune soulève dès lors l’irrecevabilité de tous les griefs nouveaux produits en cours de procédure.

A titre plus subsidiaire, il est soutenu que ces griefs nouveaux ne sont pas fondés.

En ce qui concerne le moyen tiré de l’absence de motifs ou de leur communication tardive, la commune de Waldbillig soulève la nécessité d’une autorisation préalable pour les travaux entrepris et soutient qu’une autorisation ne saurait intervenir ex post. L’intimée s’empare par ailleurs des moyens produits au mémoire en réponse de première instance tendant à établir que le projet de l’appelant ne respecte pas le règlement sur les bâtisses.

La commune fait valoir par ailleurs que, s’agissant d’une exploitation ne tombant pas sous l’empire de la législation sur les établissements dangereux, insalubres ou incommodes, la compétence du bourgmestre en matière des impératifs de police générale serait intacte. En l’occurrence, il s’agirait d’une construction dont l’existence et l’exploitation présenteraient des causes d’inconvénients pour la salubrité et la commodité par rapport au public, au voisinage et pour l’environnement humain.

La commune conclut au rejet des moyens de l’appelant concernant la tardiveté de la communication des motifs en matière de recours contre le silence de l’administration.

Elle conclut au rejet des moyens tenant à l’applicabilité et à l’illégalité des dispositions du règlement sur les bâtisses.

En son mémoire en réplique du 24 novembre 2000, l’appelant maintient et développe ses moyens antérieurs.

Par mémoire en duplique du 4 janvier 2001, tout en maintenant ses arguments antérieurs, la commune de Waldbillig conclut à titre subsidiaire, pour l’hypothèse d’une réformation au renvoi devant le tribunal administratif siégeant dans la même composition.

3 Considérant que l’appel a été introduit dans les formes et délai de la loi ;

Considérant que la commune de Waldbillig oppose l’irrecevabilité de l’appel au motif, déjà produit à l’encontre de la recevabilité de la demande en justice en première instance, que, le sieur Erwin Henkes ayant la qualité de commerçant et n’étant pas inscrit au registre de commerce, n’aurait pas qualité pour agir en justice et que l’appel devrait de ce fait être déclaré irrecevable ;

Considérant toutefois que le droit à l’appel est général en matière administrative et que le justiciable est en droit de faire examiner par la juridiction supérieure le bien fondé d’une décision de première instance qui a déclaré un recours irrecevable quelle que soit la cause de l’irrecevabilité retenue ;

Que sous peine de violer le droit au double degré de juridiction, il doit en être ainsi même si, comme en l’espèce, l’irrecevabilité est motivée par l’incapacité d’agir en justice qui impliquerait, lorsqu’elle est confirmée par la juridiction d’appel, l’irrecevabilité de l’exercice de la voie de recours ;

Considérant qu’il y a dès lors lieu d’examiner le bien-fondé du moyen tiré de l’article 2 de la loi du 23 décembre 1909 sur le registre de commerce et des sociétés et de son applicabilité au présent litige avant de statuer sur la question de la recevabilité de l’appel ;

Considérant que la loi modifiée du 23 décembre 1909 portant création d’un registre de commerce et des sociétés qui, en son article 3 fait obligation à tout particulier faisant le commerce de requérir son immatriculation audit registre dispose en son article 2 (1) qu’« est irrecevable toute action principale, reconventionnelle ou en intervention qui trouve sa cause dans une activité commerciale pour laquelle le requérant n’était pas immatriculé lors de l’introduction de l’action. Cette irrecevabilité est couverte si elle n’est proposée avant toute autre exception ou toute défense ».

Considérant que l’accès du justiciable au prétoire étant la règle en matière administrative et à l’encontre des décisions de l’administration, les exceptions au principe telles que la règle de l’article 2 de la loi du 23 décembre 1909 sont à interpréter de manière stricte.

Considérant que le texte sous examen déclarant irrecevable toute action principale, reconventionnelle ou en intervention qui trouve sa cause dans une activité commerciale pour laquelle le requérant n’était pas immatriculé, il convient de déterminer la notion de « cause » de la demande en justice et de vérifier le cas échéant si en l’espèce la présente instance trouve sa cause dans l’activité commerciale du requérant appelant ;

Considérant qu’il est de principe que le rapport processuel a un objet et une cause, l’objet de l’action étant le résultat, en l’espèce le permis de construire, que le plaideur entend obtenir et la cause se définissant par le fondement juridique sur base duquel l’objet est recherché, soit la règle de droit ou la catégorie juridique qui sert de fondement à la demande ou encore le fait qui constitue le fondement du droit, en l’espèce le règlement des bâtisses de la commune de Waldbillig ensemble la décision du bourgmestre de refuser le permis de construire sur base de ce texte et les arguments de droit et de fait soumis à la juridiction à l’appui du recours (cf.

Cuche, Précis de procédure civile n° 287 , Laurent T. XX n° 63 cité in Rép. prat., dr. belge v° chose jugée n° 21; Savatier et Esmein cités in Jurisclasseur procédure civile, fasc. 554, Autorité de la chose jugée, n° 165 ; Rép. proc. civ. Dalloz, v° Litispendance n°7) ;

4 Considérant qu’il en résulte que la « cause » de l’instance et donc, vu le contenu du jugement entrepris, de l’exercice de la voie de recours, ne réside pas dans l’activité professionnelle du requérant appelant dont le caractère commercial est par ailleurs contesté et que le moyen d’irrecevabilité de l’appel et de la requête introductive d’instance devant le tribunal administratif n’est dès lors pas fondé ;

Que cette conclusion s’impose d’autant plus que le bourgmestre étant chargé de la seule application de son règlement sur les bâtisses et n’étant dès lors pas en droit de subordonner sa décision à une considération y étrangère, telle la régularité de l’accomplissement de formalités d’ordre professionnel dans le chef d’un citoyen demandeur d’une autorisation, cette faculté ne doit pas davantage ressortir à la commune en cas de recours contre l’une de ces décisions alors que ceci reviendrait à priver le justiciable du recours lui conféré par la loi contre la décision de l’administration pour des raisons étrangères à l’objet de la demande et soustraites à la compétence de l’autorité dont émane la décision litigieuse ;

Considérant que dès lors il y a lieu de déclarer l’appel recevable et de réformer le jugement entrepris, partant de dire le moyen d’irrecevabilité de la demande originaire non fondé.

Considérant que de ce fait, il n’y a pas lieu d’examiner le moyen quant à l’éventuelle incompétence de la juridiction administrative pour décider de la qualité de commerçant du requérant appelant ni celui d’un renvoi éventuel devant la Cour constitutionnelle ;

Considérant que pour des raisons tenant au principe du double degré de juridiction il n’y a pas lieu à évocation, mais qu’il convient de renvoyer l’affaire en prosécution de cause devant le tribunal administratif.

Considérant qu’il ne résulte d’aucun élément de la cause qu’il y aurait lieu à ordonner que la prosécution de la cause devrait se faire devant une composition différente du tribunal administratif ;

Que la désignation de la composition devant connaître de la suite de l’affaire doit dès lors se faire suivant le droit commun.

Par ces motifs, la Cour statuant contradictoirement ;

déclare l’appel recevable et fondé ;

réformant, déclare non fondé le moyen d’irrecevabilité de la demande en première instance en ce qu’il a été retenu sur base de l’article 2 de la loi modifiée du 23 décembre 1909 portant création d’un registre de commerce et des sociétés ;

renvoie le dossier en prosécution de cause devant le tribunal administratif ;

réserve les frais.

5 Ainsi jugé par:

Georges KILL, président Jean-Mathias GOERENS, premier conseiller, rapporteur Marc FEYEREISEN, conseiller, et lu par le président Georges KILL en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier en chef de la Cour.

le greffier en chef le président 6


Synthèse
Numéro d'arrêt : 12138C
Date de la décision : 15/03/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2001-03-15;12138c ?

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