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15/03/2001 | LUXEMBOURG | N°12137C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 15 mars 2001, 12137C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéros du rôle : 12137C et 12145C Inscrits les 21 juil et 2000 respect. 24 juil et 2000 ———————————————————————————————————— AUDIENCE PUBLIQUE DU 15 MARS 2001 Requêtes d’appel du sieur Erwin HENKES et du ministre de l’Environnement contre Laurent WELSCH et consorts en matière de protection de la nature (jugement entrepris du 14 juin 2000, n° du rôle 11526)  Vu la requête dépos

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GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéros du rôle : 12137C et 12145C Inscrits les 21 juil et 2000 respect. 24 juil et 2000 ———————————————————————————————————— AUDIENCE PUBLIQUE DU 15 MARS 2001 Requêtes d’appel du sieur Erwin HENKES et du ministre de l’Environnement contre Laurent WELSCH et consorts en matière de protection de la nature (jugement entrepris du 14 juin 2000, n° du rôle 11526)  Vu la requête déposée au greffe de la Cour administrative le 21 juillet 2000 par laquelle Maître Edith Reiff, avocat à la Cour, au nom du sieur Erwin Henkes, agriculteur, demeurant à L-7680 Waldbillig, 9 rue de Christnach, a relevé appel contre Laurent Welsch, fonctionnaire, demeurant à L-7680 Waldbillig, 22, rue de Christnach et consorts et le ministre de l’Environnement d’un jugement rendu le 14 juin 2000 par le tribunal administratif dans la cause inscrite sous le numéro 11526 du rôle ;

vu le mémoire en réponse déposé en date du 2 octobre 2000 au greffe de la Cour administrative par le délégué du Gouvernement Guy Schleder ;

vu le mémoire en réponse déposé en date du 16 octobre 2000 au greffe de la Cour administrative par Maître Pol Urbany, avocat à la Cour, au nom de Laurent Welsch et consorts ;

vu le mémoire en réplique déposé en date du 24 novembre 2000 au greffe de la Cour administrative par Maître Edith Reiff ;

vu le mémoire en duplique déposé en date du 4 janvier 2001 au greffe de la Cour administrative par Maître Pol Urbany ;

Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 24 juillet 2000 par le délégué du Gouvernement Guy Schleder en vertu d’un mandat exprès du ministre de l’Environnement du 19 juillet 2000 contre le jugement rendu le 14 juin 2000 par le tribunal administratif dans la cause inscrite sous le numéro 11526 du rôle;

vu le mémoire en réponse déposé en date du 16 octobre 2000 au greffe de la Cour administrative par Maître Pol Urbany, avocat à la Cour, au nom de Laurent Welsch et consorts ;

vu le mémoire en réponse déposé en date du 17 octobre 2000 au greffe de la Cour administrative par Maître Edith Reiff, avocat à la Cour, au nom de Erwin Henkes ;

vu les pièces régulièrement versées en cause ainsi que le jugement entrepris;

ouï le premier conseiller rapporteur en son rapport à l’audience du 18 janvier 2001, ainsi que Maître Edith Reiff, Monsieur le délégué du Gouvernement Guy Schleder et Maître Pol Urbany en leurs observations orales.

Par requête déposée le 7 septembre 1999 au greffe du tribunal administratif, le sieur Laurent WELSCH et consorts ont sollicité la réformation d’une décision du ministre de l’Environnement qui a autorisé la transformation d’une étable en porcherie dans l’exploitation du sieur Erwin HENKES à Waldbillig.

Après avoir décidé que le litige est soumis à la loi du 21 juin 1999 quant à la procédure à suivre et après avoir écarté pour non-observation des délais certains des mémoires déposés en cause, le jugement du 14 juin 2000 a annulé la décision attaquée au motif que la délégation de signature en vertu de laquelle un premier conseiller de Gouvernement a signé l’autorisation pour et au nom du ministre de l’Environnement n’aurait pas été conforme aux exigences de l’ordonnance grand-ducale du 31 janvier 1970 concernant les délégations de signature par le Gouvernement.

I.

De ce jugement, appel a été relevé par le sieur Erwin Henkes par mémoire déposé au greffe de la Cour le 21 juillet 2000 sous le n° 12137C du rôle.

L’appelant se rapporte à prudence de justice en ce qui concerne la loi de procédure applicable au litige.

L’appelant conclut en premier lieu à l’irrecevabilité du recours originaire pour cause de tardiveté.

Il est relevé que l’autorisation litigieuse date du 30 avril 1999, le recours ayant été déposé le 6 septembre 1999, partant plus de trois mois après la décision, sans que les requérants n’aient rapporté la preuve qu’ils n’ont eu connaissance de la décision que tardivement.

L’appelant maintient par ailleurs, le moyen d’irrecevabilité tiré du défaut d’intérêt à agir.

Il conclut à l’irrecevabilité du moyen tiré de la violation de l’ordonnance précitée du 31 janvier 1970 au motif que la formalité prétendument omise n’emporterait pas violation de la loi et ne constituerait pas une violation des formes destinées à protéger les intérêts privés ni l’omission d’une formalité substantielle.

2 L’appelant soutient encore, à titre subsidiaire, que l’acceptation du dépôt de l’acte de délégation par le Premier ministre vaudrait en son chef avis favorable tacite et que, par respect des principes de sécurité juridique, sinon de confiance légitime, l’administré devrait pouvoir se fier aux apparences de régularité d’un acte administratif.

Il est conclu dès lors à la réformation du jugement entrepris.

Par mémoire du 2 octobre 2000, le délégué du Gouvernement se rallie aux développements contenus au mémoire d’appel et se réfère à ses développements dans le rôle 12145C.

En leur mémoire en réponse du 16 octobre 2000, les intimés Laurent Welsch et consorts soutiennent que c’est à tort que le jugement dont appel a rejeté des débats leur mémoire en duplique déposé le 17 mars 2000.

Ils concluent à la confirmation du jugement entrepris.

Ils font plaider qu’il résulterait des éléments de l’espèce qu’ils n’ont pu prendre connaissance de la décision litigieuse dans des délais leur permettant de se conformer au délai de la loi pour le dépôt du recours.

Ils réaffirment leur intérêt à agir que le tribunal a constaté lors de la visite des lieux.

En ce qui concerne la délégation de signature en vertu de laquelle a été signée l’autorisation litigieuse, les intimés soutiennent que les formalités quant à la délégation de signature relèvent de l’organisation de l’Etat et de l’attribution des pouvoirs les plus importants pour les administrés et les justiciables et seraient donc d’ordre public.

Il est conclu à la confirmation du jugement.

A titre subsidiaire, en cas de réformation, les intimés concluent au renvoi de l’affaire devant le tribunal administratif dans la même composition.

En son mémoire en réplique du 24 novembre 2000 l’appelant soutient qu’il appartient aux demandeurs originaires de rapporter la preuve qu’ils ont agi dans les délais, ce qui ne serait pas le cas en l’occurrence. En ce qui concerne l’acceptation du dépôt de l’acte de délégation de signature, l’appelant offre de prouver par témoin :

« qu’en date du 4 février 1998, sans préjudice quant à la date exacte, l’acte de délégation de signature Guy WEISS, dressé par le Ministre de l’Environnement, a été déposé au Ministère d’Etat ;

que le Ministère d’Etat a accepté le dépôt dudit acte qui est archivé depuis lors au Ministère d’Etat ».

L’appelant, en cas de réformation du jugement, s’oppose à ce que le renvoi se fasse devant le tribunal administratif dans la composition qui a rendu le jugement dont appel.

En son mémoire en duplique les intimés Welsch et consorts demandent la jonction de la présente affaire avec celle inscrite sous le n° 12145C du rôle contenant l’appel de l’Etat contre le même jugement.

3 Les intimés développent leur moyen quant à la régularité de l’action en justice quant aux délais en arguant que le recours a été introduit dans le délai de trois mois de la connaissance de l’autorisation litigieuse.

En ce qui concerne la délégation de signature, il est soutenu au-delà des arguments antérieurement soulevés que le ministre compétent aurait ignoré tout de l’autorisation conférée en son nom. Ils reprennent dans ce contexte leur offre de preuve formulée en première instance.

Les intimés concluent au rejet de l’offre de preuve de l’appelant comme irrecevable et non pertinente.

Ils maintiennent enfin leurs conclusions subsidiaires tendant au renvoi devant la même composition du tribunal administratif.

II.

Du même jugement le délégué du Gouvernement, en vertu d’un mandat du ministre de l’Environnement du 19 juillet 2000, a relevé appel par mémoire déposé le 24 juillet 2000, sous le n° 12145C du rôle.

Il est conclu à la réformation du jugement entrepris.

Il est soutenu que le tribunal administratif n’aurait pas été en droit de soulever d’office le moyen de nullité qui ne saurait être qualifié comme étant d’ordre public.

Le délégué du Gouvernement relève ensuite que l’ordonnance du 31 janvier 1970 ne précise pas la forme dans laquelle l’avis du Premier ministre doit être donné.

Il est soutenu que cet avis peut dès lors être verbal ou tacite et que notamment la pratique voulant que le fait que des délégations de signature soumises au Premier Ministre en vue de leur dépôt et ne comportant pas d’observations de ce dernier sont considérées comme bénéficiant d’un avis favorable tacite suffit à l’exigence de l’ordonnance.

Le délégué du Gouvernement soutient en ordre subsidiaire que la formalité de l’avis, à la supposer indûment omise, ne doit pas s’analyser en formalité substantielle pouvant vicier la délégation de signature ni la décision prise par le bénéficiaire de cette délégation.

En son mémoire en réponse du 16 octobre 2000 le sieur Laurent Welsch et consorts concluent à la confirmation du jugement entrepris. Il est soutenu que les intimés ont un intérêt à soulever le moyen et que les formalités auxquelles est soumise la délivrance de la délégation de la signature à un membre du Gouvernement sont d’ordre public.

En son mémoire en réponse du 17 octobre 2000, le sieur Erwin Henkes conclut à la jonction de la présente affaire avec celle introduite sous le n° 12137C du rôle. Il déclare se rallier aux moyens d’appel du délégué du Gouvernement.

Considérant que le jugement du 14 juin 2000 a fait l’objet de deux appels, soit celui de Erwin Henkes déposé au greffe de la Cour le 21 juillet 2000 et celui de l’Etat du Grand-Duché déposé au greffe de la Cour le 26 juillet 2000 ;

4 Considérant que les appels, réguliers et d’ailleurs non contestés quant à la forme et aux délais, sont recevables ;

Considérant que les deux appels étant dirigés contre un seul et même jugement, il y a lieu, dans l’intérêt d’une bonne administration de la Justice, de joindre les rôles 12137C et 12145C pour y statuer par un seul et même arrêt ;

Considérant que le jugement dont appel a déclaré le recours en réformation recevable quant à la forme et au délai ;

Considérant que l’appelant conclut à l’irrecevabilité du recours originaire pour tardiveté ;

Que ce moyen, bien que non produit en première instance, est recevable en instance d’appel sur base de l’article 41 (2) de la loi précitée du 16 juin 1999 ;

Considérant que l’appelant soutient à l’appui de son moyen le fait, non contesté, que le recours a été introduit par les appelants au greffe du tribunal administratif le 6 septembre 1999, soit plus de trois mois après la décision du 30 avril 1999, « sans que pourtant ils n’aient rapporté le preuve qu’ils ont eu connaissance que tardivement de l’autorisation ministérielle litigieuse » ;

Qu’il est reproché à la décision dont appel « d’avoir déclaré recevable le recours introduit à la requête des parties intimées sans analyser préalablement le moyen d’ordre public de l’expiration du délai d’agir imparti aux intimés »;

Considérant qu’en son mémoire en réponse du 2 octobre 2000, le délégué du Gouvernement a déclaré se rallier au moyen invoqué ;

Considérant qu’en leur mémoire en réponse, les intimés Laurent Welsch et consorts soutiennent qu’ils n’ont pu prendre connaissance de la décision que lors des différents entretiens avec l’administration communale à fur et à mesure entre le 15 juillet et le 15 août et que de ce fait le recours aurait été introduit dans les délais de la loi ;

Considérant qu’aux termes de l’article 13 de la loi du 21 juin 1999, ensemble la loi du 11 août 1982 qui ne stipule pas de délai spécial pour l’exercice du recours en réformation auquel donne ouverture son article 38, le délai pour exercer un recours contentieux contre la décision administrative est de 3 mois du jour où la décision a été notifiée au requérant ou du jour où le requérant a pu en prendre connaissance ;

Considérant qu’il est constant que l’autorisation contre laquelle le recours a été exercé n’a pas été notifiée aux requérants ;

Que dès lors le délai de recours de 3 mois a commencé à courir du jour où les requérants ont en fait pu prendre connaissance de la décision ministérielle ;

Considérant que c’est à tort que les parties Erwin Henkes et Etat du Grand-Duché reprochent aux requérants de ne pas avoir rapporté la preuve qu’ils n’ont eu connaissance que tardivement de l’autorisation alors qu’il appartient à l’administration de prouver l’existence de la formalité qui a pu faire courir le délai du recours et que plus généralement la partie qui se prévaut de la tardiveté de l’exercice d’une action en justice a la charge de la preuve que la 5 partie demanderesse a eu une connaissance adéquate de la décision attaquée pendant un laps de temps supérieur au délai légal pour exercer un recours contentieux ;

Qu’en l’espèce, il n’est prouvé ni même fait état d’aucun élément pouvant faire admettre que les requérants aient eu, plus de trois mois avant l’exercice du recours, connaissance effective de la décision ;

Que le moyen d’irrecevabilité tiré de la tardiveté du recours est dès lors à écarter ;

Considérant que le jugement entrepris a décidé que la procédure de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de la procédure devant les juridictions administratives est applicable au litige et a écarté, sur base de cette loi, deux mémoires, soit le mémoire en duplique déposé par les requérants en date du 14 mars 2000 et le « complément au mémoire en duplique déposé le 6 janvier 2000 par la partie Henkes » déposé par le défendeur Erwin Henkes en date du 5 mai 2000 ;

Considérant que, cette partie du jugement n’étant pas attaquée en instance d’appel, il n’échet pas d’y revenir dans le présent arrêt ;

Considérant que le jugement dont appel a écarté le moyen opposé par le défendeur Erwin Henkes tiré d’un prétendu défaut d’intérêt à agir dans le chef des requérants originaires ;

Que Erwin Henkes maintient ledit moyen dans son acte d’appel en renvoyant à ses conclusions afférentes en première instance ;

Considérant que le moyen du défaut d’intérêt à agir a été rejeté par le jugement dont appel par la considération que « les voisins d’une porcherie, qu’ils soient des habitants du village concerné ou qu’ils habitent le village voisin, situé à proximité de la porcherie, ont un intérêt évident à agir contre les décisions ministérielles emportant autorisation de transformer une étable en porcherie, étant donné qu’ils ont intérêt à voir respecter les dispositions légales et réglementaires qui régissent l’octroi des autorisations de transformer un établissement en une porcherie dont l’existence ou l’exploitation peuvent présenter des causes de danger ou d’inconvénients, soit pour la sécurité, la salubrité ou la commodité, par rapport au voisinage, cette proximité de situation étant pour un tel établissement à elle seule suffisante pour fonder l’intérêt à agir » ;

Que la Cour fait sienne cette appréciation et confirme le jugement dont appel sur ce point ;

Considérant que le jugement dont appel a annulé la décision entreprise au motif que la délégation de signature conférée par le ministre de l’Environnement au premier conseiller de Gouvernement signataire de la décision ne répondrait pas aux exigences de la loi, soit de la disposition de l’article 3 alinéa 2 de l’ordonnance grand-ducale du 31 janvier 1970 concernant les délégations de signature par le Gouvernement qui dispose que « le projet de toute délégation de signature est soumis à l’avis du Ministre d’Etat » ;

Que cette décision des premiers juges est attaquée par les appels de l’Etat et de Erwin Henkes ;

Considérant que le moyen du délégué du Gouvernement tiré de ce que le tribunal administratif aurait indûment suppléé d’office le moyen de l’irrégularité de l’acte de délégation manque en fait alors qu’il résulte des motifs du jugement dont appel que le moyen 6 analysé, qui est reconnu comme fondé au jugement dont appel, a été soulevé en première instance par les requérants ;

Considérant qu’il est constant en cause que l’acte de délégation litigieuse ne comporte pas de mention relative à l’avis du Ministre d’Etat prévu par l’article 3 alinéa 2 de l’ordonnance précitée ;

Qu’il résulte des renseignements fournis en cause par le délégué du Gouvernement que l’avis préalable exigé par le jugement à peine de nullité de la délégation de signature n’existe pas en fait, alors qu’il serait admis par la pratique que l’acte de délégation est déposé au Ministère d’Etat et que l’avis tacite conforme du Ministre d’Etat résulterait implicitement de l’acceptation sans observation du dépôt de l’acte de délégation ;

Considérant que les intimés soutiennent que « les formalités relatives à la délégation de signature relèvent de l’organisation de l’Etat et de l’attribution des pouvoirs les plus importants et seraient dès lors d’ordre public », ce dont pourraient se prévaloir les requérants dont l’intérêt privé serait atteint par la décision litigieuse, le titulaire de la délégation contestée ayant par ailleurs agi à l’insu du ministre compétent ;

Considérant que l’appelant Erwin Henkes offre de prouver par témoin, la formalité de dépôt au Ministère d’Etat de la délégation de signature ;

Que cette offre de preuve est à écarter comme superfétatoire alors que le fait offert en preuve est constant en cause et ne fait pas, en ce qui concerne sa matérialité, l’objet de contestation ;

Considérant que la Cour est amenée à examiner la question de savoir si la formalité de l’avis préalable du Ministère d’Etat sur le projet du ministre de l’Environnement de conférer à l’un de ses conseillers une délégation de signature est d’ordre substantiel et si son omission rend caduque la délégation de signature et dès lors l’autorisation administrative litigieuse accordée en vertu d’icelle ;

Qu’il échet par ailleurs, et en premier lieu, d’examiner le moyen du délégué du Gouvernement suivant lequel les requérants n’auraient pas eu intérêt à soulever le moyen ;

Considérant que la décision leur faisant grief ayant été signée en vertu de la délégation de signature litigieuse, les requérants-intimés ont intérêt à voir examiner les moyens tirés de la régularité de la délégation de signature de laquelle procède la compétence pour prendre, au nom du ministre compétent, la décision attaquée ;

Considérant que la validité de la délégation de signature dépend du caractère, substantiel ou non, de la formalité de l’avis du Ministre d’Etat auquel le texte prévoit de soumettre l’acte de délégation ;

Considérant qu’il est admis que les avis de personnes, d’instances ou d’organismes collégiaux auxquels est soumise la procédure d’élaboration d’un acte administratif individuel ou réglementaire est à considérer comme formalité substantielle au vœu notamment de l’article 4 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 sur la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, de manière à ce qu’encourent l’annulation les décisions prises en violations de ce texte en cas d’absence ou de non-conformité aux exigences formelles relatives à l’avis requis ;

7 Considérant toutefois que l’application dudit texte se limite aux hypothèses où, avant de prendre certaines décisions, l’administration est obligée de prendre l’avis d’une instance externe ou subordonnée ;

Que l’administré est dans ces cas en droit de prendre connaissance de l’avis rendu par rapport au fond de la question à trancher par l’administration et à en faire vérifier la régularité de la genèse ;

Considérant toutefois que si l’ordonnance grand-ducale précitée subordonne l’émission d’une délégation de signature par un ministre à l’avis du Ministre d’Etat, cette formalité n’est pas destinée à assurer le bien-fondé de la décision à prendre, i.e. l’acte de délégation lui-même, mais à informer le Ministre d’Etat du choix du ministre sur sa personne de confiance et de lui permettre le cas échéant de formuler des observations quant à ce choix ;

Qu’il en résulte que l’avis visé par l’ordonnance ne concerne que les relations internes au Gouvernement entre le Ministre d’Etat et ses ministres et que dès lors la Cour peut suivre la thèse produite par le délégué du Gouvernement suivant laquelle l’avis en question peut, lorsqu’il est favorable, être tacite, implicite et a posteriori, l’exigence d’une observation formelle et écrite ne se justifiant que dans l’éventualité d’un avis divergent du Ministre d’Etat ;

Considérant qu’il en résulte qu’en matière de délégation de signature par un ministre, l’absence d’un avis écrit et préalable du Ministre d’Etat, à défaut encore de l’exigence d’un avis conforme qui équivaudrait à une autorisation, ne constitue pas l’omission d’une formalité substantielle dont pourrait découler la caducité ou l’inexistence de la délégation de signature et par voie de conséquence la nullité, voire l’inexistence de la décision signée par le titulaire de la délégation ;

Considérant qu’il y a dès lors lieu à réformation de la décision dont appel ;

Considérant que le jugement dont appel, ayant annulé pour les raisons ci-dessus la décision entreprise contre laquelle la loi prévoit un recours en pleine juridiction, le fond du litige n’a pas été tranché par la juridiction de première instance ;

Que les questions tenant au fond du litige n’ayant pas été instruites par les mémoires échangés en instance d’appel, il ne saurait y avoir lieu à évocation du fond de l’affaire ;

Qu’il échet dès lors de renvoyer l’affaire devant le tribunal administratif ;

Considérant qu’il ne résulte d’aucun élément de la cause qu’il y aurait lieu à ordonner que la prosécution de la cause devrait se faire devant une composition différente du tribunal administratif ;

Que la désignation de la composition devant connaître de la suite de l’affaire doit dès lors se faire suivant le droit commun.

Par ces motifs la Cour administrative, statuant contradictoirement ;

8 reçoit les appels de Erwin Henkes et de l’Etat du Grand-Duché en la forme ;

les déclare fondés ;

réformant dit qu’il n’y a pas lieu à annulation de la décision ministérielle attaquée sur base de l’ordonnance grand-ducale du 31 janvier 1970 concernant les délégations de signatures par le Gouvernement ;

renvoie le dossier en prosécution de cause devant le tribunal administratif ;

réserve les frais.

Ainsi jugé par:

Georges KILL, président Jean-Mathias GOERENS, premier conseiller, rapporteur Marc FEYEREISEN, conseiller, et lu par le président Georges KILL en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier en chef de la Cour.

le greffier en chef le président 9


Synthèse
Numéro d'arrêt : 12137C
Date de la décision : 15/03/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2001-03-15;12137c ?

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