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06/03/2001 | LUXEMBOURG | N°12689C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 06 mars 2001, 12689C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE N° 12689C du rôle Inscrit le 22 décembre 2000 Audience publique du 6 mars 2001 Recours formé par … Dzogovic et consorts contre le ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique - Appel -

(Jugement entrepris n° du rôle 12250 du 18 décembre 2000)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 22 décembre 2000 par Maître Martine Schaeffer, avocat à la Cour, au nom de … Dzogovic, de

son épouse … et de leurs enfants mineurs…, de nationalité yougoslave, demeurant à L-…, c...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE N° 12689C du rôle Inscrit le 22 décembre 2000 Audience publique du 6 mars 2001 Recours formé par … Dzogovic et consorts contre le ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique - Appel -

(Jugement entrepris n° du rôle 12250 du 18 décembre 2000)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 22 décembre 2000 par Maître Martine Schaeffer, avocat à la Cour, au nom de … Dzogovic, de son épouse … et de leurs enfants mineurs…, de nationalité yougoslave, demeurant à L-…, contre un jugement rendu en matière de statut de réfugié politique par le tribunal administratif à la date du 18 décembre 2000, à la requête des actuels appelants.

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 17 janvier 2001 par le délégué du Gouvernement Jean-Paul Reiter au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, représenté par son ministre de la Justice.

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 29 janvier 2001 par Maître Ardavan Fatholahzadeh, en remplacement de Maître Martine Schaeffer, au nom des consorts Dzogovic.

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris.

Ouï la vice-présidente en son rapport et Maître Ardavan Fatholahzadeh ainsi que le délégué du Gouvernement Guy Schleder en leurs observations orales.

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Le 17 juillet 1998, … Dzogovic, né le … à …/Monténégro), sans état particulier, et son épouse, …, née le … à …/Kosovo), sans état particulier, tous les deux de nationalité yougoslave, demeurant ensemble à L-… , agissant tant en nom personnel qu’au nom et pour compte de leur enfant mineur …, née le … à…, introduisirent oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Par décision du 8 juin 2000, notifiée le 25 juillet 2000, le ministre de la Justice informa les époux Dzogovic-… de ce que leur demande avait été rejetée. Ladite décision est motivée comme suit: « Il résulte de vos déclarations que vous avez quitté le Kosovo le 28 juin 1998. Vous avez transité à travers la Bosnie, la Croatie, la Slovénie, l’Italie et la France pour arriver au Luxembourg le 17 juillet 1998 vers 11.00 heures.

Monsieur, vous exposez avoir travaillé pour la police depuis 1991. Vous auriez reçu l’ordre d’aller à Josanica. Vous auriez eu peur de tirer sur quelqu’un au cas où vous seriez tombé dans une embuscade de l’UCK. Beaucoup de vos collègues de travail auraient été blessés. Il y aurait également eu des pertes de l’autre côté.

Vous expliquez avoir été au front pendant trois jours. Vous auriez dû fermer hermétiquement des villes ou des villages et on vous aurait ordonné de tirer sur chaque personne ayant l’intention d’y entrer.

Vous déclarez ne jamais avoir tiré. Vous auriez été sous pression de tirer, par peur d’être exécuté par vos collègues.

Vous indiquez que vous avez peur d’être considéré par les Serbes comme déserteur et comme témoin des crimes commis par les Serbes.

Vous avez peur également des Albanais, parce qu’ils ne vous croiraient pas que vous n’avez rien fait contre eux.

Madame, vous confirmez les déclarations de votre mari et vous ne relatez pas d’éléments de persécution personnelle.

Force est de constater que l’armée fédérale yougoslave et les forces de police dépendant des autorités serbes, à l’origine des répressions et exactions commises au Kosovo, ont quitté ce territoire. Une force armée internationale, agissant sous l’égide des Nations Unies, s’est installée au Kosovo et une administration civile, placée sous l’autorité des Nations Unies, a été mise en place.

Par ailleurs des centaines de milliers de personnes, qui avaient quitté le Kosovo pour se réfugier en Albanie et dans l’Ancienne République yougoslave de Macédoine, ont réintégré leurs foyers après l’entrée des forces internationales sur le territoire.

Dans ces circonstance vous ne pouvez pas faire état d’un risque actuel de persécution pour des motifs tenant à votre race, à vos opinions politiques, à votre religion, à votre nationalité ou à votre appartenance à un groupe social, que vous courriez si vous deviez retourner dans votre territoire d’origine.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. (…) ».

Par requête déposée en date du 18 août 2000, les époux Dzogovic-…, préqualifiés, agissant en leur nom et au nom et pour compte de leurs enfants mineurs…, préqualifiée, et…, née le 19 février 1999 à Luxembourg, ont fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision précitée du ministre de la Justice du 8 juin 2000.

2 Par jugement rendu à la date du 18 décembre 2000, le tribunal administratif a débouté les requérants de leur demande en concluant que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

La décision des premiers juges est notamment motivée par le fait que l’armée fédérale yougoslave et les forces de police dépendant des autorités serbes, à l’origine de répressions et exactions commises au Kosovo, ont quitté ce territoire et qu’une force armée internationale, agissant sous l’égide des Nations Unies, s’est installée au Kosovo, de même qu’une administration civile, placée sous l’autorité des Nations Unies, y a été mise en place, et qu’il convient d’en conclure que les demandeurs ne peuvent plus faire état d’un risque actuel de persécution au sens de la Convention de Genève en raison de leur crainte de subir de la part des autorités serbes des actes de persécution notamment du fait que … Dzogovic a quitté la police serbe pour ne pas devoir participer à des actes qu’il jugeait contraires à ses convictions; qu’une persécution au titre de l’une des cinq causes visées à l’article 1er de la Convention de Genève émanant non pas de l’Etat, mais de groupes de la population ne peut être reconnue comme motif d’octroi du statut de réfugié politique que si la personne en cause ne bénéficie pas de la protection des autorités de son pays, la notion de protection de la part du pays d’origine n’impliquant pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais supposant des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion et une persécution ne pouvant être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel, mais seulement dans l’hypothèse où les agressions commises par un groupe de la population seraient encouragées ou tolérées par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d’offrir une protection appropriée, le demandeur d’asile ayant concrètement recherché cette protection, de sorte que ce n’est qu’en cas de défaut de protection, dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile, qu’il y a lieu de prendre en compte une persécution commise par des tiers.

Par requête déposée le 22 décembre 2000, Maître Martine Schaeffer, au nom des requérants préqualifiés, a relevé appel du prédit jugement en faisant valoir les mêmes motifs d’insécurité exposés en première instance et des motifs d’ordre économique, la famille ne disposant pas de logement dans son pays d’origine.

Les 5 et 12 janvier 2001, Maître Ardavan Fatholahzadeh a informé le greffe de la Cour qu’il remplace Maître Schaeffer sinon Maître Nadine Bastian pour la défense des intérêts de la famille Dzogovic-….

Le délégué du Gouvernement Jean-Paul Reiter a répondu le 17 janvier 2001 en faisant notamment valoir qu’une loi d’amnistie est en cours de préparation en République Fédérale Yougoslave, qu’un nouveau président a été démocratiquement élu avec formation d’un nouveau Gouvernement et que la République Fédérale Yougoslave fait de nouveau partie de certaines organisations internationales à l’instar de l’Onu.

Maître Ardavan Fatholahzadeh a déposé un mémoire en réplique le 29 janvier 2001 dans lequel il réexamine la situation de son mandant qu’il décrit comme particulière « se sentant doublement persécuté de son origine ethnique tenant d’une part au fait qu’il était 3 policier donc collaborateur aux yeux des Albanais et d’autre part tenant compte du fait qu’il est de la minorité Bochniaque ».

En ordre subsidiaire, il sollicite «l’institution d’une expertise par la nomination d’une organisation non-gouvernementale ou d’autre organisation indépendante ayant pour objet de dresser un rapport détaillé quant aux traitements réservés aux minorités Bochniaques tant par les Albanais que par les Serbes dans la province de Kosovo, et la possibilité ou l’impossibilité pour les forces Kafor de protéger ces types de minorités ».

Le délégué du Gouvernement a répliqué le 8 février 2001 pour souligner qu’une persécution ne saurait être admise que dans l’hypothèse d’agressions émanant de l’Etat ou d’un groupe de la population encouragé par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d’offrir une protection appropriée. Il relève finalement que les élections municipales d’automne 2000 ont été remportées par les partis modérés du Kosovo au détriment des partis extrémistes.

L’appelant insiste sur la situation particulière de policier de … Dzogovic dans son pays d’origine et le fait qu’à son avis l’administration civile mise en place n’est pas en mesure d’éviter des exactions de la part de la communauté albanaise pour justifier sa demande en obtention de statut de réfugié politique.

Il est pourtant un fait que l’armée fédérale yougoslave et les forces de police dépendant des autorités serbes, à l’origine des répressions et exactions commises au Kosovo, ont quitté ce territoire et qu’une force armée internationale et une administration civile ont été installées au Kosovo sous le contrôle des Nations Unies.

Il est également un fait que depuis ces dispositions, des milliers de personnes qui avaient quitté le Kosovo ont réintégré leurs domiciles.

Les moyens reproduits en instance d’appel laissent donc d’être fondés.

L’expertise sollicitée par les appelants est à rejeter, alors qu’elle n’a pas pour objet la situation personnelle des postulants au statut de réfugié politique.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant contradictoirement ;

reçoit l’appel du 22 décembre 2000;

rejette l’offre de preuve par expertise ;

dit l’appel non fondé et en déboute ;

partant confirme le jugement du 18 décembre 2000 dans toute sa teneur ;

donne acte à Maître Ardavan Fatholahzadeh qu’il assiste les appelants dans le cadre de l’assistance judiciaire ;

condamne les appelants aux frais de l’instance d’appel.

4 Ainsi jugé par :

Marion LANNERS, vice-présidente, rapporteur Christiane DIEDERICH-TOURNAY, conseiller Marc FEYEREISEN, conseiller et lu par la vice-présidente Marion LANNERS en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie WILTZIUS le greffier la vice-présidente 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 12689C
Date de la décision : 06/03/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2001-03-06;12689c ?

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