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06/03/2001 | LUXEMBOURG | N°12644C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 06 mars 2001, 12644C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE N° 12644C du rôle Inscrit le 18 décembre 2000 Audience publique du 6 mars 2001 Recours formé par … Hasovic et consorts contre le ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique -Appel-

(Jugement entrepris n° du rôle 12078 du 15 novembre 2000)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 18 décembre 2000 par Maître Anne-Marie Schmit, avocat à la Cour, au nom des époux … Hasovic-â

€¦ et de leurs trois enfants mineurs…, sans état, demeurant à L-… contre un jugement rendu...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE N° 12644C du rôle Inscrit le 18 décembre 2000 Audience publique du 6 mars 2001 Recours formé par … Hasovic et consorts contre le ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique -Appel-

(Jugement entrepris n° du rôle 12078 du 15 novembre 2000)

-------------------------------------------------------------------------------------------

Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 18 décembre 2000 par Maître Anne-Marie Schmit, avocat à la Cour, au nom des époux … Hasovic-… et de leurs trois enfants mineurs…, sans état, demeurant à L-… contre un jugement rendu en matière de statut de réfugié politique par le tribunal administratif à la date du 15 novembre 2000 à la requête des actuels appelants.

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 29 décembre 2000 par la déléguée du Gouvernement Claudine Konsbrück au nom de l’Etat du Grand-

Duché de Luxembourg, représenté par son ministre de la Justice.

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 30 janvier 2001 par Maître Anne-Marie Schmit, au nom des époux Hasovic-….

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris.

Ouï la vice-présidente en son rapport et Maître Mireille Hames, en remplacement de Maître Anne-Marie Schmit ainsi que le délégué du Gouvernement Guy Schleder en leurs observations orales.

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Le 23 février 1999, Monsieur … Hasovic, né le … à …(Monténégro), sans état particulier, et son épouse, …, née le …à …(Serbie), sans état particulier, agissant pour eux mêmes ainsi qu’en nom et pour compte de leurs enfants mineurs…, tous les cinq de nationalité yougoslave, demeurant actuellement ensemble à L-.., introduisirent oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Par décision du 21 avril 2000, notifiée le 16 mai 2000, le ministre de la Justice informa les époux Hasovic-… de ce que leur demande avait été rejetée. Ladite décision est motivée comme suit: « Il résulte de vos déclarations que vous avez quitté Rozaje le 21 février 1999. Un camion vous aurait conduit à la frontière hongroise. Vous auriez ensuite traversé la Hongrie, l’Autriche et l’Allemagne avant d’arriver au Luxembourg le 23 février 1999 vers cinq heures du matin. Vous auriez pu franchir les frontières sans aucun problème puisque le chauffeur était muni de faux passeports pour tous les passagers.

Vous auriez payé 5000 DEM pour le voyage. Vous affirmez en outre que vous auriez choisi le Luxembourg comme destination parce que c’était le trajet ‘moins cher’. Il résulte du rapport de police, que vous, Monsieur Hasovic, avez été signalé, à Uelzen en RFA pour infraction à la législation sur les étrangers le 21 mars 1994 sous la même identité, mais avec ‘Nova Sarajevo’ comme lieu de naissance.

Lors de votre audition, Monsieur Hasovic, vous avez exposé que vous avez quitté votre pays principalement parce que vous avez été appelé à la réserve et que vous ne vouliez pas combattre "vos frères" musulmans au Kosovo. Vous déclariez que la peur des sanctions (peine de prison accompagnée d’une amende) vous empêche de rentrer dans votre pays maintenant que le conflit est terminé. En outre vous avez déclaré que vous êtes disposé à rentrer dans votre pays dès que la situation sera de nouveau ‘normale’.

Tel que votre dossier se présente, il n'en ressort pas qu'une crainte justifiée de persécution en raison d'opinions politiques, de la race, de la religion ou de l'appartenance à un groupe social ne peut être établie [sic]. L'insoumission n'est en effet pas, en elle même, un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'elle ne saurait, à elle seule, fonder dans le chef du demandeur d'asile une crainte justifiée d'être persécuté dans son pays d'origine du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, ainsi que le prévoit l'article 1er section A §2 de la Convention de Genève. Par ailleurs, la reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d'asile qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu'elle laisse supporter [supposer] une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Quant à vous, Madame Hasovic, vous déclarez avoir subi des menaces de la part des Serbes d'une part du fait que vous avez accueilli une famille albanaise qui s'est enfuie du Kosovo et d'autre part à cause du fait que votre mari a été convoqué à la réserve à trois reprises. Vous affirmez que vous espériez rester au Luxembourg jusqu'à ce que la situation se soit calmée dans votre pays. S'il est vrai que vous faites état de menaces, non autrement spécifiées, vous n'invoquez ni ne prouvez des menaces concrètes ou de mauvais traitements envers votre personne de la part des autorités. S'agissant du fait que votre mari ne s'est pas présenté à la réserve, vous n'avez pas fait valoir des raisons personnelles crédibles de nature à justifier, dans votre chef, la crainte d'être persécutée pour une des raisons énoncées dans la Convention de Genève.

Par conséquent vous n'invoquez tous les deux aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Vos demandes en obtention du statut de réfugié sont dès lors refusées comme non fondées au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à 2 l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. (…) ».

Par lettre datée du 14 juin 2000, entrée au ministère de la Justice le lendemain, 15 juin 2000, les époux Hasovic-… introduisirent, par le biais de leur mandataire, un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle précitée du 21 avril 2000.

Par décision du 22 juin 2000, le ministre de la Justice confirma sa décision négative antérieure.

Par requête déposée en date du 29 juin 2000, les époux Hasovic-…, ainsi que leurs trois enfants, ont fait introduire un recours tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation de la décision précitée du ministre de la Justice du 21 avril 2000.

Par jugement rendu à la date du 15 novembre 2000, le tribunal administratif a déclaré le recours en annulation irrecevable et débouté les requérants de leur recours en réformation.

La décision a été motivée notamment par le fait que les requérants restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève ; que l’insoumission de … Hasovic n’est pas, en elle-même, un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié; qu’il ne ressort pas à suffisance de droit des éléments du dossier que … Hasovic risquait ou risque de devoir participer à des actions militaires contraires à des raisons de conscience valables, que des traitements discriminatoires, en raison de sa religion musulmane, lui ont été infligés ou risquent de lui être infligés, ou encore que la condamnation qu’il risque d’encourir en raison de son insoumission serait disproportionnée par rapport à la gravité d’une telle infraction ou que la condamnation éventuelle soit prononcée pour une des causes visées par la Convention de Genève; que les déclarations et récits des demandeurs restent vagues et qu’ils n’ont pas apporté suffisamment de précisions quant aux persécutions qu’ils risqueraient personnellement de subir du fait de leur appartenance ethnique et de leurs convictions religieuses ; que finalement les problèmes de santé de leur fille mineure …ne sauraient justifier la reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève.

Par requête déposée le 18 décembre 2000, Maître Anne-Marie Schmit, assistée de Maître Mireille Hames, a relevé appel du prédit jugement au nom des consorts Hasovic au motif que « le jugement entrepris cause torts et griefs aux parties appelantes en ce que les premiers juges n’ont pas fait droit aux conclusions des parties de Maître Schmit prises en première instance ».

La déléguée du Gouvernement Claudine Konsbrück a répondu le 29 décembre 2000 pour demander la confirmation du jugement entrepris tout en relevant qu’en République Fédérale Yougoslave une loi d’amnistie pour les insoumis et déserteurs est en cours de préparation et qu’un nouveau Président a été démocratiquement élu avec formation d’un nouveau Gouvernement.

3 Maître Anne-Marie Schmit a répliqué le 30 janvier 2001 pour décrire la situation difficile d’après guerre au Monténégro et insister sur les problèmes cardiaques de …Hasovic.

A défaut de moyens nouveaux produits en instance d’appel, la Cour renvoie aux développements exhaustifs des premiers juges qui ont notamment dit que la reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour leur personne, compte tenu de la situation existant au moment où il statue; que l’insoumission n’est pas en elle-même un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié ; qu’il n’est pas établi que … Hasovic doive participer à des actions militaires contraires à des raisons de conscience valables ni que des traitements discriminatoires, en raison de sa religion, lui ont été infligés ou risquent de lui être infligés, ni que la condamnation risquée en raison de son insoumission soit disproportionnée par rapport à la gravité d’une telle infraction.

Des raisons de santé d’un membre de la famille ne justifient pas non plus la reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant contradictoirement ;

reçoit l’appel du 18 décembre 2000 en la forme ;

le dit non fondé et en déboute ;

partant confirme le jugement du 15 novembre 2000 dans toute sa teneur ;

condamne les appelants aux frais de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par :

Marion LANNERS, vice-présidente, rapporteur Christiane DIEDERICH-TOURNAY, conseiller Marc FEYEREISEN, conseiller et lu par la vice-présidente Marion LANNERS en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie WILTZIUS le greffier la vice-présidente 4


Synthèse
Numéro d'arrêt : 12644C
Date de la décision : 06/03/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2001-03-06;12644c ?

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