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06/03/2001 | LUXEMBOURG | N°12639C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 06 mars 2001, 12639C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE N° 12639C du rôle Inscrit le 18 décembre 2000 Audience publique du 6 mars 2001 Recours formé par … Radoncic contre le ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique - Appel -

(Jugement entrepris du 22 novembre 2000 / n° du rôle 12262)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 18 décembre 2000 par Maître Gilbert Reuter, avocat à la Cour, au nom de … Radoncic, de nationalité y

ougoslave, sans état, demeurant à L-…contre un jugement rendu en matière de statut de ré...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE N° 12639C du rôle Inscrit le 18 décembre 2000 Audience publique du 6 mars 2001 Recours formé par … Radoncic contre le ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique - Appel -

(Jugement entrepris du 22 novembre 2000 / n° du rôle 12262)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 18 décembre 2000 par Maître Gilbert Reuter, avocat à la Cour, au nom de … Radoncic, de nationalité yougoslave, sans état, demeurant à L-…contre un jugement rendu en matière de statut de réfugié politique par le tribunal administratif à la date du 22 novembre 2000 à la requête de l’actuel appelant.

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 29 décembre 2000 par le délégué du Gouvernement Jean-Paul Reiter au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, représenté par son ministre de la Justice.

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris.

Ouï la vice-présidente en son rapport et le délégué du Gouvernement Guy Schleder en ses observations orales.

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Le 5 août 1999 … Radoncic, né le …à …(Monténégro), de nationalité yougoslave, sans état particulier, demeurant à L-…, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Par décision du 26 juin 2000, notifiée le 1er août 2000, le ministre de la Justice informa … Radoncic de ce que sa demande avait été rejetée, décision motivée comme suit: « (…) Il résulte de vos déclarations qu’après avoir quitté votre domicile, vous êtes allé à Sarajevo où vous êtes resté environ deux mois. Vous avez alors rencontré un passeur qui vous a proposé de vous amener au Luxembourg. Vous avez fait le trajet en plusieurs étapes, en voiture et à pied, pour arriver au Luxembourg le 4 août 1999. Vous ne vous souvenez pas de la date exacte de votre départ et vous ne pouvez donner aucun détail sur le chemin emprunté. Vous avez déposé une demande en obtention du statut de réfugié le lendemain de votre arrivée.

Vous exposez que la police militaire est venue le 15 avril 1999 pour vous emmener à la réserve. Fin avril 1999 vous avez déserté de l’armée, alors que vous étiez en garde. Vous affirmez avoir déserté parce que vous ne vouliez pas tuer des gens innocents. Vous prétendez que les musulmans étaient mis au premier rang au front et qu’ils devraient enlever les cadavres et les mettre sur des camions. Une fois on vous aurait obligé de tirer, mais vous ne savez pas si vous avez tué quelqu’un.

Il résulte par ailleurs de vos déclarations que vous n’êtes pas membre d’un parti politique et que vous n’avez pas d’opinions politiques. Vous souligniez également que vous n’avez jamais été maltraité physiquement.

Par conséquent vous n’alléguez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi la crainte de peines du chef de désertion ne constitue pas une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. (…) ».

Par requête déposée en date du 23 août 2000, … Radoncic a fait introduire devant le tribunal administratif un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du ministre de la Justice du 26 juin 2000.

A l’appui de son recours, le demandeur reproche au ministre de la Justice d’avoir commis une erreur d’appréciation de sa situation de fait, au motif qu’il se dégagerait des déclarations qu’il a faites à l’occasion de son audition prévisée du 7 septembre 1999 qu’il devrait être considéré comme étant un réfugié politique au sens de la Convention de Genève; qu’il aurait été enrôlé de force dans l’armée serbe le 15 avril 1999 et qu’en sa qualité de musulman, c’est-à-dire en faisant partie d’une minorité au Monténégro, il aurait été envoyé « au premier rang au front et a été contraint à tirer sur des personnes innocentes et a aussi dû accomplir la pénible tâche d’enlèvement de cadavres » ; qu’il aurait alors déserté de l’armée fin avril 1999 et, qu’en sa qualité de déserteur, il devrait craindre qu’en cas de retour dans son village natal ou dans un autre endroit du Monténégro, il risquerait d’être « doublement poursuivi et sanctionné d’une part parce qu’il est ressortissant musulman du Monténégro et d’autre part, il a déserté du drapeau » ; qu’il risquerait des poursuites voire un emprisonnement qui se ferait dans des conditions inhumaines et qui ne lui permettrait ni de suivre un traitement à l’insuline ni de suivre un régime approprié à son état de diabète ; qu’il souhaiterait rejoindre son frère qui se trouverait aux Etats-Unis et qui se porterait garant pour lui du point de vue moral et financier.

2 Par jugement rendu à la date du 22 novembre 2000, le tribunal administratif a déclaré le recours en annulation irrecevable et débouté le requérant de son recours en réformation en motivant notamment que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève; que la désertion n’est pas, en elle-même, un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié et qu’il n’est pas établi qu’actuellement, au vu notamment des élections ayant eu lieu en Serbie, le demandeur risque de devoir participer à des actions militaires contraires à des raisons de conscience valables, ni que des traitements discriminatoires, en raison de son appartenance à une minorité religieuse, risquent de lui être infligés, ni encore que la condamnation qu’il risque d’encourir en raison de sa désertion serait disproportionnée par rapport à la gravité d’une telle infraction ou que la peine - d’emprisonnement - éventuelle soit prononcée pour une des causes visées par la Convention de Genève; qu’enfin ses problèmes de santé ne sauraient justifier la reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève, étant donné qu’ils ne sont pas de nature à justifier une crainte de persécution au sens de ladite Convention et qu’il n’est par ailleurs pas établi qu’un suivi médical lui soit refusé pour une des raisons prévues par la Convention de Genève; finalement que le fait qu’il souhaite rejoindre son frère se trouvant aux Etats-

Unis, n’est pas constitutif d’un moyen justifiant l’obtention du statut de réfugié politique.

Maître Gilbert Reuter a déposé le 18 décembre 2000 un acte d’appel au nom de … Radoncic dans lequel il développe les mêmes moyens que ceux exposés en première instance.

Le délégué du Gouvernement Jean-Paul Reiter a répondu le 29 décembre 2000. Il demande la confirmation du jugement entrepris tout en insistant sur la situation politique en République Fédérale Yougoslave qui a favorablement changé et sur le fait qu’une loi d’amnistie pour les déserteurs et insoumis y est en cours de préparation.

A défaut de moyens nouveaux produits en instance d’appel, la Cour peut se borner à renvoyer aux développements exhaustifs du Tribunal partiellement reproduits dans le présent arrêt pour confirmer la décision entreprise.

Le délégué du Gouvernement a demandé à ce que l’affaire soit retenue et plaidée même en l’absence de Maître Gilbert Reuter. La procédure étant écrite et Maître Reuter ayant versé un acte d’appel, le jugement sera rendu contradictoirement malgré l’absence de Maître Reuter à l’audience fixée pour plaidoiries.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant contradictoirement ;

reçoit l’appel du 18 décembre 2000;

le dit non fondé et en déboute ;

partant confirme le jugement du 22 novembre 2000 dans toute sa teneur ;

3 condamne l’appelant aux frais de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par :

Marion LANNERS, vice-présidente, rapporteur Christiane DIEDERICH-TOURNAY, conseiller Marc FEYEREISEN, conseiller et lu par la vice-présidente Marion LANNERS en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie WILTZIUS le greffier la vice-présidente 4


Synthèse
Numéro d'arrêt : 12639C
Date de la décision : 06/03/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2001-03-06;12639c ?

Source

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