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05/12/2000 | LUXEMBOURG | N°12041C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 05 décembre 2000, 12041C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE N° du rôle 12041C Inscrit le 8 juin 2000 Audience publique du 5 décembre 2000 Recours formé par … Bleser contre le ministre des Finances en matière de protection et d’assistance - Appel -

(jugement entrepris n° du rôle 11549 du 3 mai 2000)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 8 juin 2000 par Maître André Lutgen, avocat à la Cour, au nom de … Bleser, directeur de l’administr

ation de l’Enregistrement et des Domaines, demeurant à…, contre un jugement rendu en mati...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE N° du rôle 12041C Inscrit le 8 juin 2000 Audience publique du 5 décembre 2000 Recours formé par … Bleser contre le ministre des Finances en matière de protection et d’assistance - Appel -

(jugement entrepris n° du rôle 11549 du 3 mai 2000)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 8 juin 2000 par Maître André Lutgen, avocat à la Cour, au nom de … Bleser, directeur de l’administration de l’Enregistrement et des Domaines, demeurant à…, contre un jugement rendu en matière de protection et d’assistance des fonctionnaires par le tribunal administratif à la date du 3 mai 2000, à la requête de … Bleser contre une décision du ministre des Finances.

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 10 juillet 2000 par le délégué du Gouvernement Gilles Roth au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, représenté par son ministre des Finances.

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 28 juillet 2000 par Maître André Lutgen, au nom de … Bleser.

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 16 octobre 2000 par le délégué du Gouvernement Gilles Roth.

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris.

Ouï la vice-présidente en son rapport et Maître André Lutgen ainsi que le délégué du Gouvernement Gilles Roth en leurs observations orales.

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Par jugement rendu à la date du 3 mai 2000 par le tribunal administratif, … Bleser a été débouté de son recours en annulation tendant à se voir présenter des excuses par l’Etat et à voir rétablir son honneur avec remboursement de ses frais et honoraires pour arriver à ces fins, suite à une émission télévisée lors de laquelle le ministre Michel Wolter aurait tenu des propos injurieux à l’égard de l’administration de l’Enregistrement et des Domaines et à son égard, le tribunal s’étant déclaré incompétent pour connaître du recours en réformation, ainsi que pour donner des injonctions à l’administration dans le cadre du recours en annulation.

Par requête déposée le 8 juin 2000, Maître André Lutgen, avocat à la Cour, a relevé appel du prédit jugement au nom de … Bleser.

Il reproche au tribunal d’avoir fait une interprétation erronée de l’article 32-4 du statut général des Fonctionnaires de l’Etat en soumettant le bénéfice de la protection et de l’assistance à une constatation du caractère punissable des faits reprochés par une juridiction répressive et souligne la complémentarité de la protection et de l’assistance prévues à l’article 32-4 précité.

En ordre subsidiaire, l’appelant fait valoir que l’action publique et les droits des victimes sont indépendants dans le sens que l’extinction de l’action publique ne met pas fin aux droits et actions des victimes.

En ordre plus subsidiaire, l’appelant est d’avis que le tribunal a procédé à une appréciation erronée, tant en fait qu’en droit par « la justification à posteriori » du refus ministériel attaqué, une justification à posteriori étant contraire à l’esprit et à la logique de l’article 32-4 du statut général précité.

Il demande partant la réformation du jugement entrepris et la condamnation de l’Etat à une indemnité de procédure de l’ordre de 150.000.- francs en application de l’article 240 du Nouveau Code de Procédure civile.

Le délégué du Gouvernement Gilles Roth a déposé un mémoire en réponse le 10 juillet 2000. Il souligne que le libellé de l’article 32-4 du statut donne à l’Etat un pouvoir d’appréciation discrétionnaire quant au principe d’assister ou non un fonctionnaire, pouvoir discrétionnaire non retenu à l’article 24 (8) du statut CEE. Le délégué soulève finalement que dans le cadre d’un recours en annulation, la juridiction saisie doit se limiter à vérifier si l’Etat n’a pas exercé son pouvoir de compétence discrétionnaire de façon arbitraire sans pouvoir requalifier les faits à la base de la décision attaquée.

Maître André Lutgen a répliqué le 28 juillet 2000 pour notamment insister sur la distinction que le législateur a entendu opérer entre les notions de protection et d’assistance, développer l’approche jurisprudentielle du droit communautaire, examiner les pouvoirs de la juridiction administrative et finalement dénoncer le défaut de procès équitable par rapport à la procédure devant la Chambre des Députés.

Le délégué du Gouvernement Gilles Roth a dupliqué le 16 octobre 2000. Il soutient que l’appelant fait une distinction artificielle entre protection et assistance non prévue par le législateur et redéveloppe son argumentation quant à l’influence du droit communautaire et quant aux pouvoirs de la juridiction administrative.

La partie appelante se rapporte à la sagesse de la Cour quant à la décision des premiers juges se déclarant incompétents pour connaître d’un recours en réformation et faire des constats et injonctions à l’administration dans le cadre d’un recours en annulation.

2 Aucune disposition légale ne prévoyant en matière de protection et d’assistance des fonctionnaires un recours en réformation devant les juridictions administratives, les premiers juges se sont à bon droit déclarés incompétents pour connaître d’un tel recours et ont reçu à juste titre le seul recours en annulation en présence d’une requête régulière en la forme.

Le rôle du juge administratif saisi d’un recours en annulation se limitant à la vérification de la légalité et de la régularité formelle de l’acte administratif attaqué avec pouvoir d’annulation, la décision des premiers juges dans le sens d’une incompétence dans leur chef à faire des constats qui vont au-delà de la constatation de la légalité de l’acte attaqué et des injonctions à l’administration, est à confirmer.

Quant au fond, les premiers juges ont dit à bon droit que compte tenu de la décision de non mise en accusation prise par la Chambre des Députés le 20 mai 1999, les propos critiqués du ministre ne sauraient plus faire l’objet d’une sanction pénale, de sorte que le refus de protection par l’Etat se trouve légalement justifié à posteriori.

Dans le cadre d’un recours en annulation, la juridiction administrative est appelée à contrôler également les motifs complémentaires lui soumis en cours de procédure par le mandataire de la partie ayant pris la décision déférée. Il appartient de même à la juridiction administrative de substituer, le cas échéant, des motifs exacts à des motifs erronés et d’ajouter à une décision incomplète des motifs légaux qui se dégagent de la loi ou des éléments du dossier et qui justifient complémentairement la décision.

Les premiers juges ont donc légalement pu invoquer la décision de non mise en accusation de la Chambre des Députés du 20 mai 1999 pour justifier leur jugement, décision de non mise en accusation intervenue par ailleurs non a posteriori, mais dans le délai de trois mois de silence concédé à une administration pour faire présumer à l’expiration de ce délai une décision de refus de sa part, le courrier de l’appelant au ministre des Finances pour demander assistance et protection datant du 24 mars 1999.

Il est par ailleurs indiscutable que la juridiction saisie doit se tenir à la seule résolution prise par la Chambre, sans prendre en considération les discussions à la Chambre ayant précédé cette résolution.

Le cas d’espèce diffère des jurisprudences européennes citées par l’appelant dans la mesure où assistance et protection sont réclamées à l’encontre d’un ministre en fonctions qui n’a pas été mis en accusation par la Chambre.

Le délégué du Gouvernement a également souligné à juste titre que l’article 24 (8) du statut CEE est formulé d’une façon plus contraignante que l’article 32 de la loi luxembourgeoise du 16 avril 1979 qui prévoit que c’est « dans la mesure où il l’estime nécessaire » que « l’Etat assiste l’intéressé… ».

En qualifiant les propos reprochés au ministre d’outrage, d’attentat, de menace, d’in-

jure ou de diffamation - énumération visant exclusivement des infractions pénales - , la juridiction administrative violerait l’article 82, alinéa 1er de la Constitution qui réserve exclusivement à la Chambre « le droit d’accuser les membres du Gouvernement », disposition constitutionnelle formant une exception au droit de poursuite contre les fonctionnaires pour empêcher que des poursuites intempestives ou vexatoires intentées par de simples citoyens n’entravent la marche des affaires publiques.

3 Le principe d’un procès équitable invoqué par l’appelant ne saurait jouer dans le cadre d’une résolution prise par la Chambre qui n’a pas agi sur base d’une procédure visée par l’article 6-1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.

La Cour ne saurait pas non plus suivre l’appelant dans sa démarche visant à différencier les notions de « protection » et d’« assistance » prévues à l’article 32-4 du statut et à leur attribuer des finalités distinctes.

Le déclenchement des dispositions de l’article 32-4 du statut étant, dans le cas d’espèce, conditionné par une accusation du ministre par la Chambre, accusation refusée par décision du 20 mai 1999, les premiers juges ont décidé correctement qu’ « au vu du caractère non punissable des faits reprochés au ministre, la décision de refus d’assistance s’avère à son tour légalement justifiée », refus d’assistance englobant nécessairement le refus de protection par référence à l’article 32-4 du statut.

La loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, applicable au cas d’espèce, ne permet pas à la Cour d’examiner compétemment la demande de l’appelant basée sur l’article 240 du nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs la Cour, statuant contradictoirement ;

reçoit l’acte d’appel du 8 juin 2000 ;

le dit non fondé et en déboute ;

partant confirme le jugement du 3 mai 2000 ;

se déclare incompétente pour connaître de la demande de l’appelant basée sur l’article 240 du nouveau code de procédure civile ;

condamne l’appelant aux frais de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par :

Marion LANNERS, vice-présidente, rapporteur, Christiane DIEDERICH-TOURNAY, conseiller, Marc FEYEREISEN, conseiller, et lu par la vice-présidente Marion LANNERS en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie WILTZIUS.

le greffier la vice-présidente 4


Synthèse
Numéro d'arrêt : 12041C
Date de la décision : 05/12/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2000-12-05;12041c ?

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