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07/11/2000 | LUXEMBOURG | N°11962C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 07 novembre 2000, 11962C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE N° 11962C du rôle Inscrit le 28 avril 2000 Audience publique du 7 novembre 2000 Recours formé par … Andrade Teixeira contre le ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail Appel (Jugement entrepris du 20 mars 2000, no 11377 du rôle) Vu l'acte d'appel déposé au greffe de la Cour administrative le 28 avril 2000 par Maître Gérard A. Turpel, avocat à la Cour, au nom d’… Andrade Teixeira, demeurant à L-…, contre un jugement rendu en matière de permis de travail par le tribunal administratif à la date du 20 ma

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GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE N° 11962C du rôle Inscrit le 28 avril 2000 Audience publique du 7 novembre 2000 Recours formé par … Andrade Teixeira contre le ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail Appel (Jugement entrepris du 20 mars 2000, no 11377 du rôle) Vu l'acte d'appel déposé au greffe de la Cour administrative le 28 avril 2000 par Maître Gérard A. Turpel, avocat à la Cour, au nom d’… Andrade Teixeira, demeurant à L-…, contre un jugement rendu en matière de permis de travail par le tribunal administratif à la date du 20 mars 2000 à la requête d’… Andrade Teixeira contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi.

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 23 mai 2000 par le délégué du Gouvernement.

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris.

Ouï le conseiller rapporteur en son rapport et Maître Gérard Schank, en remplacement de Maître Gérard A.Turpel, ainsi que le délégué du Gouvernement Jean-Paul Reiter en leurs observations orales.

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Par requête déposée le 12 juillet 1999 au greffe du tribunal administratif, Maître Gérard A.Turpel, au nom d’… Andrade Teixeira, de nationalité capverdienne, demeurant à L-…, a demandé la réformation, sinon l’annulation d’un arrêté du ministre du Travail et de l’Emploi du 3 juin 1998 et d’une décision confirmative du même ministre du 16 avril 1999 rendue sur recours gracieux, les deux portant refus de lui délivrer un permis de travail pour un poste de garde d’enfants et d’aide ménagère.

Par jugement rendu en date du 20 mars 2000, le tribunal administratif a reçu le recours subsidiaire en annulation en la forme, au fond l’a déclaré non justifié et en a débouté la requérante avec condamnation aux frais.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 28 avril 2000, Maître Turpel, au nom d’… Andrade Teixeira, a relevé appel du jugement précité.

Il reproche aux premiers juges d’avoir fait une fausse application de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure administrative à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes qui prévoirait expressément, en plus de l’énonciation de la cause juridique, l’énoncé des circonstances de fait à sa base et qu’en l’espèce l’arrêté litigieux ne peut être considéré comme motivé à suffisance de droit, une motivation abstraite a posteriori ne pouvant remplir le devoir d’information de l’administré.

Il relève que les premiers juges n’auraient pas examiné tous les moyens soulevés par la requérante, que l’occupation irrégulière d’un étranger ne saurait constituer un motif de refus de permis de travail, ni la tentative de la régularisation ex post de la procédure, qu’il n’existerait pas sur le marché du travail luxembourgeois un demandeur d’emploi répondant aux critères requis par les employeurs, particulièrement à l’obligation de loger à leur domicile et que le défaut d’autorisation de séjour ne constituerait pas un motif de refus de l’autorisation de travail.

Il conclut en demandant, par réformation du jugement du 20 mars 2000, l’annulation des décisions rendues par le ministre du Travail, ainsi que la condamnation aux frais sur base de l’article 238 du Nouveau Code civil et l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 50.000.- francs.

Dans un mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 23 mai 2000, le délégué du Gouvernement, tout en se référant à son mémoire du 3 novembre 1999, considère que le tribunal a donné une interprétation exacte de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité, et que dès lors qu’il a constaté que le seul motif de l’occupation illégale justifie le refus ministériel, il n’avait pas besoin d’examiner la légalité de tous les autres motifs.

Il conclut au rejet de l’appel, à la condamnation de l’appelante aux frais et au rejet de l’allocation d’une indemnité de procédure.

La requête d’appel ayant été introduite dans les formes et délai de la loi est recevable.

L’appelante reproche en premier lieu au tribunal administratif d’avoir estimé que l’arrêté litigieux peut être considéré comme motivé à suffisance de droit, alors qu’il s’agirait d’une réponse standardisée n’énonçant pas les circonstances de fait à sa base et que, de surplus, la motivation pouvait intervenir à posteriori, faisant en cela une interprétation erronée de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes.

Pour motiver sa décision de refus, le ministre du Travail et de l’Emploi a énoncé cinq raisons: la situation et l’organisation du marché de l’emploi, la priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace économique européenne (E.E.E.), une occupation irrégulière depuis le 1er mars 1998, le défaut d’une autorisation de séjour ainsi que la disponibilité des demandeurs d’emploi appropriés sur place.

La motivation de l’arrêté ministériel du 3 juin 1998 a été valablement complétée par la décision confirmative du 16 avril 1999 ainsi que par les explications et précisions fournies par les mémoires du mandataire de l’Etat au cours des deux instances.

2 En effet, une obligation de motivation expresse d’un arrêté ministériel de refus d’une autorisation de travail n’est imposée ni par la loi du 28 mars 1972 concernant, entre autres, l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, telle que modifiée, ni par le règlement grand-ducal d’exécution du 12 mai 1972, tel que modifié.

En application de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux, une décision de refus doit indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base et dans les cas où, tel qu’en l’espèce, la motivation expresse n’est pas imposée, l’administré a le droit d’exiger la communication des motifs.

Si la motivation expresse de l’acte de refus n’est pas imposée implicitement par le texte qui constitue sa base légale, tel qu’en l’espèce, il suffit en l’occurrence, pour que l’acte de refus soit valable, que ces motifs aient existé au moment du refus, quitte à ce que l’administration concernée les fournisse à posteriori sur demande de l’administré, le cas échéant au cours d’une procédure contentieuse.

L’ensemble de la motivation fournie répond à suffisance de droit au critère de précision requis par les dispositions légales et le moyen d’appel n’est pas fondé.

L’appelante reproche ensuite aux premiers juges de n’avoir pas justifié en quoi l’occupation irrégulière d’un étranger pouvait constituer un motif de refus de l’autorisation de travail, alors que l’occupation irrégulière d’un étranger constituerait une infraction pénale mais ne saurait constituer un motif de refus du permis de travail.

La loi du 28 mars 1972 telle que modifiée dispose dans son article 4 qu’aucun étranger ne pourra résider au pays sans disposer d’une autorisation de séjour.

L’article 2 de la même loi tel que complété par la loi du 18 août 1995 énonce que l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger « qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les fais de voyage et de séjour ».

Il résulte des travaux préparatoires à la loi précitée que ledit ajout est destiné à éviter de voir tomber les étrangers à la charge de l’Etat et qu’un engagement personnel de prise en charge par un tiers ne doit pas être pris en considération, alors que l’expérience a montré que les personnes ayant signé une prise en charge soit la retirent après un certain temps, soit ne sont financièrement pas en mesure de remplir les obligations qu’elles ont assumées.

L’article 26 de la même loi, sous réserve des dispositions de l’article 28, prohibe à tout étranger d’être occupé sur le territoire du Grand-Duché sans permis de travail.

Aucune disposition légale ne règle l’ordre chronologique dans lequel un étranger est obligé à se procurer une autorisation de séjour et un permis de travail.

Pour se mettre en accord avec les exigences de l’article 2 précité, il est généralement indispensable qu’un étranger introduise en premier lieu une demande en obtention d’un permis de travail.

3 Il est évident que seul l’octroi subséquent d’une autorisation de séjour met le postulant étranger en situation régulière au Grand-Duché.

Or … Andrade Teixeira n’ayant pas d’autorisation de séjour est à considérer comme ayant été recrutée à l’étranger.

Selon le commentaire des articles relatif au projet de loi N° 1682 concernant l’organisation et le fonctionnement de l’Administration nationale de l’emploi et portant création d’une Commission nationale de l’emploi, un tel « recrutement doit être strictement réglementé, d’abord pour des raisons inhérentes à la surveillance du marché de l’emploi, ensuite pour des motifs concernant la santé publique, l’ordre public et la sécurité publique, enfin dans l’intérêt de la protection de l’emploi de la main d’œuvre occupée dans le pays » (doc. parl. Ad. article 16).

Voilà pourquoi l’article 16 de la loi modifiée du 21 février 1976 précise que le recrutement de travailleurs à l’étranger est de la compétence exclusive de l’ADEM, à moins que un ou plusieurs employeurs, sur demande préalable, n’aient été autorisés par cette administration à procéder eux-mêmes à un tel recrutement « pour compléter et renforcer les moyens d’action de l’administration, notamment lorsque les déficits prononcés de main d’œuvre se déclarent (doc. parl. Ad. article 16).

Pour prospérer dans son intention d’engager l’appelante et en application des dispositions de l’article 16 (2) de la loi précitée du 21 février 1976, l’employeur aurait dû solliciter en premier lieu auprès de l’Administration de l’emploi l’autorisation de recruter un travailleur à l’étranger.

En effet, l’article 16 (1) précité fixe en principe pour l’Administration de l’Emploi le monopole de procéder au recrutement de travailleurs en dehors de l’Espace Economique Européen et cela pour des raisons inhérentes à la surveillance du marché de l’emploi, ensuite pour des motifs concernant la santé publique, l’ordre public et la sécurité publique, enfin dans l’intérêt de la protection de l’emploi de la main-d’œuvre occupée dans le pays (travaux parlementaires n° 1682, exposé des motifs).

Les premiers juges ont ainsi décidé à bon droit que le seul motif de l’occupation illégale avant la remise de la déclaration d’engagement justifie le refus ministériel, sans qu’il y ait besoin d’examiner la légalité de tous les autres moyens soulevés, alors que l’appelante était déjà au service des époux Schank-Frauenberg au moment de l’introduction de la déclaration d’engagement.

Compte tenu de la décision à intervenir, les frais de l’instance d’appel sont à supporter par l’appelante.

La loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ne donne pas qualité à la Cour pour accorder une indemnité de procédure sur base de l’article 240 du code de procédure civile.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant contradictoirement, 4 reçoit l’appel en la forme, le dit non fondé et en déboute, partant confirme le jugement du 20 mars 2000 dans toute sa teneur, se déclare sans qualité pour allouer une indemnité de procédure, condamne l’appelante aux frais de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par :

Marion LANNERS, vice-présidente Christiane DIEDERICH-TOURNAY, conseiller-rapporteur, Marc FEYEREISEN, conseiller et lu par la vice-présidente Marion LANNERS en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie WILTZIUS.

le greffier la vice-présidente 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 11962C
Date de la décision : 07/11/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2000-11-07;11962c ?

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