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06/07/2000 | LUXEMBOURG | N°11498C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 06 juillet 2000, 11498C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 11498 C Inscrit le 26 août 1999

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Audience publique du 6 juillet 2000 Recours formé par Martine Zans épouse Gruskovnjak contre 1) ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle 2) Administration communale de Mersch en matière de:

employé public - Appel -

(Jugement entrepris nos du rôle 11079 et 11098 du 14 juillet 1999)

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Vu l’ac...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 11498 C Inscrit le 26 août 1999

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Audience publique du 6 juillet 2000 Recours formé par Martine Zans épouse Gruskovnjak contre 1) ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle 2) Administration communale de Mersch en matière de:

employé public - Appel -

(Jugement entrepris nos du rôle 11079 et 11098 du 14 juillet 1999)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 26 août 1999 par Maître Romain Adam, avocat à la Cour, au nom de Martine Zans épouse Gruskovnjak, chargée de direction, demeurant à L-5220 Sandweiler, 7, rue Hiel, contre un jugement rendu en matière d’employé public par le tribunal administratif à la date du 14 juillet 1999 à la requête de Martine Zans épouse Gruskovnjak contre des décisions du collège échevinal de la commune de Mersch et de la ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle.

Vu la signification dudit acte d’appel par exploit d’huissier Pierre Kremmer à la date du 24 août 1999.

Vu le mémoire intitulé 1er mémoire déposé au greffe de la Cour administrative le 15 novembre 1999 par Maître Marc Thewes , au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, représenté par son ministre d’Etat, sinon par son ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle ainsi que le mémoire intitulé mémoire additionnel déposé le 16 mars 2000.

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 30 mai 2000 par Maître Georges Pierret au nom de l’Administration communale de Mersch.

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 7 juin 2000 par Maître Romain Adam au nom de Martine Zans épouse Gruskovnjak.

Vu le mémoire intitulé mémoire ampliatif versé en date du 15 juin 2000 par Maître Marc Thewes.

Vu le mémoire intitulé mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 14 juin 2000 par Maître Romain Adam au nom de Martine Zans épouse Gruskovnjak.

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris du 14 juillet 1999.

Ouï le premier conseiller-rapporteur en son rapport et Maîtres Romain Adam, Marc Thewes et Georges Pierret en leurs observations orales.

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Un jugement du tribunal administratif du 14 juillet 1999, sur recours de la dame Gruskovnjak-

Zans Martine, a déclaré que cette dernière bénéficie, depuis le 15 septembre 1995, d’un contrat d’emploi à durée illimitée la liant à la commune de Mersch et a renvoyé l’affaire devant le conseil communal de Mersch.

Ledit jugement a déclaré non fondé le même recours en ce qu’il était dirigé contre l’Etat, recours qualifié de principal par rapport à celui dirigé contre la commune.

Par requête du 26 août 1999, la dame Zans Martine a relevé appel de la décision intervenue en ce qu’elle ne lui a pas reconnu la qualité d’employé de l’Etat. Elle demande la réformation du jugement et conclut à la reconnaissance du statut d’employée de l’Etat avec contrat à durée indéterminée et au renvoi de l’affaire devant le ministre de l’Education nationale.

Il est conclu à titre subsidiaire à la confirmation du jugement, à voir condamner l’Etat sinon la commune de Mersch à une indemnité de procédure et aux indemnités réclamées en première instance.

Par mémoire du 15 novembre 1999, l’Etat du Grand-Duché conclut au débouté de la requête d’appel et à la confirmation du jugement.

A titre subsidiaire, l’Etat offre de prouver par l’audition comme témoin de l’inspecteur de l’enseignement privé compétent, des faits censés militer en faveur de la qualité d’employeur dans le chef de la commune de Mersch.

Dans son mémoire du 30 mai 2000, la commune de Mersch déclare se rallier aux conclusions de l’appelante quant à l’identité de l’employeur et qu’elle interjette appel incident quant à la détermination de la durée du contrat.

En ce qui concerne l’identité de l’employeur, la commune développe les arguments destinés à faire admettre cette qualité dans le chef de l’Etat.

En ce qui concerne la nature de l’engagement, pour le cas où la Cour devait retenir la qualité d’employeur dans le chef de la commune, celle-ci conclut, dans le cadre de son appel incident, à voir dire que le contrat la liant à l’appelante était de durée déterminée.

Elle conclut à voir dire irrecevables sinon malfondées les demandes indemnitaires à l’encontre de la commune et à voir condamner la partie adverse au payement d’une indemnité de procédure sur base de l’article 240 du code de procédure civile.

2 Dans son mémoire du 7 juin 2000, la dame Zans Martine se rapporte à prudence de justice en ce qui concerne la recevabilité de l’appel incident en faisant remarquer que l’appel principal par elle interjeté était limité à la question de la détermination de l’identité de l’employeur.

Au fond, l’appelante développe les moyens produits antérieurement en vue de faire reconnaître l’Etat comme son employeur et se rallie à ce sujet aux conclusions de la commune de Mersch.

En ce qui concerne la nature du contrat d’emploi, l’appelante conclut, à l’égard de l’Etat et, subsidiairement à l’égard de la commune, à voir reconnaître à ce contrat une durée indéterminée.

Elle conclut à voir condamner l’Etat, sinon la commune de Mersch, à lui verser une indemnité de procédure et les montants indemnitaire et de préavis réclamés en première instance.

Considérant que l’appel est régulier et d’ailleurs non autrement contesté en la forme ;

qu’il est partant recevable ;

Considérant que le jugement dont appel a retenu l’existence d’un contrat de travail à durée indéterminée à titre d’employée communale entre l’appelante et la commune de Mersch depuis le 15 septembre 1995, en vertu de contrats de louage de services successifs à des nominations du conseil communal de Mersch aux fonctions de chargée de direction d’une classe de l’école primaire pour les années scolaires 1995/1996, 1996/1997 et 1997/1998 et notamment en raison du fait qu’il ne résulterait pas des pièces versées en cause que le contrat visant l’année scolaire 1995/1996 aurait été signé avant l’entrée en service de l’intéressée ;

Considérant que l’appelante critique le jugement en ce qu’il n’a pas retenu, conformément à ses conclusions principales résultant du recours du 15 janvier 1999, la qualité d’employeur dans le chef de l’Etat ;

que cette prétention est soutenue par l’administration communale de Mersch alors que l’Etat conclut à la confirmation du jugement ;

Considérant que le jugement dont appel a, pour déclarer le recours justifié en ce qu’il vise la décision de la commune de Mersch et non fondé en ce qu’il est dirigé contre la décision du ministre qui, toutes les deux, ont décliné dans leur chef la qualité d’employeur de l’appelante, analysé l’intervention du ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle commune comme décision d’approbation de la nomination et du contrat d’emploi subséquent relevant du pouvoir de tutelle et non, comme le présentait l’appelante comme intervention en tant que partie au contrat, c’est-à-dire comme employeur ;

Considérant que l’appelante, soutenue en cela par la commune de Mersch, critique le jugement intervenu et conclut à la reconnaissance d’une relation de travail entre l’appelante et l’Etat ;

qu’elle soutient que du libellé des pièces versées, il se dégagerait qu’elle aurait été engagée par le ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle, que son salaire aurait été réglé par l’Administration du Personnel de l’Etat, qu’elle serait immatriculée auprès 3 du Centre Commun de Sécurité Sociale comme employée de l’Etat et que le ministre détiendrait le pouvoir hiérarchique à son égard ;

Considérant qu’il est constant en cause qu’à la suite de sa candidature et de la procédure d’avis de l’inspecteur de l’enseignement primaire, la dame Zans-Gruskovnjak a travaillé comme chargée de direction à l’enseignement primaire de la commune de Mersch pendant les années scolaires 1995/1996, 1996/1997 et 1997/1998, année scolaire vers la fin de laquelle elle a bénéficié d’un congé de maternité, le poste par elle occupé ayant été attribué à une autre personne pour l’année 1998/1999 ;

Considérant qu’au moment où l’appelante a été nommée comme chargée de direction d’une classe d’école primaire, comme à l’heure actuelle, les conditions et modalités d’accès à la dite fonction se sont trouvées réglées par la loi du 5 mai 1991 qui dispose en son article 13 :

« Lorsqu’un poste d’instituteur a été déclaré vacant et qu’aucun instituteur ne s’est porté candidat, le conseil communal peut nommer à ce poste un chargé de direction…» ;

que l’article 14 de la même loi porte que, sous certaines conditions de formation, les chargés de direction peuvent bénéficier d’un engagement à durée indéterminée auprès du ministère de l’Education nationale et de la Formation professionnelle par l’affectation au pool de remplacement créé à l’article 16 de la loi, le ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle procédant à l’engagement des personnes affectées au pool de remplacement ;

Considérant que l’article 13 de la loi de 1991 citée ci-dessus est à rapprocher et se situe entièrement dans la logique de l’article 41 de la loi scolaire du 10 août 1912 laquelle, sans mentionner les chargés de direction, notion inconnue à l’époque, dispose en son article 41 que « le remplacement temporaire des instituteurs se fait par le conseil communal, l’inspecteur entendu, sous l’approbation du Gouvernement » ;

Considérant que si, pour la nomination des instituteurs, la procédure de l’article 37 de la loi de 1912 est analogue, leur admission au statut du fonctionnaire de l’Etat résulte formellement d’une disposition spéciale, soit celle de l’article 1er de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat qui, suivant une modification du 24 juin 1987 s’applique « au personnel des communes…de l’éducation primaire… »;

que ce « personnel » ne saurait être autre que le personnel fonctionnaire des communes, l’admission à un statut de fonctionnaire étant étranger à une situation de remplaçant, fût-elle à durée indéterminée, qui est essentiellement temporaire;

Considérant que la formulation de l’article 41 de la loi scolaire, dans laquelle s’inscrit la disposition citée de l’article 13 de la loi 1991 confère clairement au conseil communal compétence pour la nomination des chargés de direction, ceci sous l’approbation du Gouvernement, c’est-à-dire, en l’espèce, du ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle ;

Que la Cour se rallie à la façon de voir du tribunal administratif qui a qualifié l’intervention du ministre de l’Education Nationale et de la Formation Professionnelle d’acte de tutelle administrative validant la décision du pouvoir communal mais ne conférant pas à l’instance étatique la qualité de partie au contrat ;

4 Considérant que l’appelante ne saurait par ailleurs être qualifiée d’employée de l’Etat alors que la loi du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l’Etat dispose que la qualité d’employé de l’Etat est reconnue à toute personne… qui est engagée par l’Etat… dans les administrations et services de l’Etat ;

que l’école primaire étant une institution relevant de la commune, les agents y occupés ne sauraient être employés de l’Etat, mais le sont au contraire des communes, ceci à la seule exception des membres du pool de remplacement pour lesquels la loi stipule expressément et par disposition spéciale distincte du texte prévoyant la nomination du chargé de direction par les communes, qu’ils sont engagés par le ministre de l’Education nationale conformément aux règles fixant le régime des employés de l’Etat;

Considérant que la Cour fait siennes les considérations du tribunal sur la non-pertinence du fait que, dans un souci d’uniformité, les contrats d’engagement sont conclus sur papier à en-

tête du ministère et qui écartent la mention préimprimée relative à la mutation de l’agent par le ministre, cette clause ne pouvant trouver application qu'aux membres du pool de remplacement;

que l'emploi malencontreux de la même formule pour des situations fondamentalement différentes ne tire toutefois pas à conséquence tout comme l'indication dans les circulaires dites "d'avril" qui portent que le conseil communal "peut proposer" des chargés de direction, entraînant une fausse terminologie dans les délibérations du conseil communal, alors que les lois lui confèrent le droit de nommer ces remplaçants sous l'approbation du Gouvernement;

qu'en présence de ces termes formels de la loi, le statut relevant des communes des chargés de direction ne saurait être mis en doute par le fait que les salaires sont servis par l'Etat, ce qui a été expliqué à suffisance au jugement entrepris et que le ministère de la Fonction publique les a improprement déclarés auprès du Centre Commun de la Sécurité Sociale comme agents de l'Etat;

qu'il en est de même de la pièce incriminée par laquelle le ministère de la Fonction publique a procédé au classement de l'intéressée, ce classement découlant directement de l'article 15 de la loi précitée du 5 juillet 1991, et la pièce critiquée ne pouvant être considérée que comme une formalité interne servant à informer les instances concernées et l'intéressée de son admission aux fonctions de chargé de direction, la référence à des textes généraux sur les employés de l'Etat étant à écarter alors que la base légale du classement est la disposition ci-dessus citée de la loi du 5 juillet 1991;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que le jugement dont appel est arrivé à la conclusion que l'employeur de la dame Zans-Gruskovnjak est la commune de Mersch et qu'il a rejeté le recours en ce qu'il était dirigé contre la décision du ministre de l'Education nationale et de la Formation professionnelle;

Considérant qu'en ce qui concerne les employés des communes, la législation résultant de la loi du 9 juin 1995 modifiant la loi du 24 décembre 1985 fixant le statut général des fonctionnaires communaux, en vigueur au moment des délibérations successives du conseil communal de la commune de Mersch par lesquelles la dame Zans-Gruskovnjak a été nommée aux fonctions de chargée de direction, prévoit deux statuts distincts, soit celui des "employés communaux" assimilable au statut des employés de l'Etat et celui des "employés privés" qui relève entièrement du droit privé;

5 Considérant que cette distinction qui n'a été relevée ni devant le tribunal administratif ni au cours de la procédure d'appel implique des questions tenant à la compétence des juridictions administratives, soit des questions d'ordre public que la Cour doit soulever d'office;

que les parties n'ayant pas eu l'occasion de produire des mémoires sur la question dont s'agit, il convient de prononcer la rupture du délibéré et de refixer l'affaire.

Par ces motifs la Cour administrative reçoit l'appel en la forme;

dit qu'il résulte des éléments de la cause que la commune de Mersch est employeur de l'appelante;

confirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré non fondé le recours en ce qu'il est dirigé contre la décision du ministre de l'Education nationale et de la Formation professionnelle;

avant tout autre progrès en cause prononce la rupture du délibéré et invite l'appelante et l'intimée Commune de Mersch à conclure sur la question du statut dans le chef de l'appelante d'employé communal ou d'employé privé au sens de la loi du 9 juin 1995 et le cas échéant sur la question de la compétence de la juridiction administrative;

condamne l'appelante Martine Zans épouse Gruskovnjak aux frais de l'instance en ce qu'elle était dirigée contre l'Etat;

refixe l’affaire à l’audience publique du 21 septembre 2000 pour continuation des débats;

réserve les frais de l'instance dirigée contre la commune de Mersch.

Ainsi jugé par Georges KILL, président, Jean-Mathias GOERENS, premier conseiller, rapporteur Marc FEYEREISEN, conseiller, et lu par le président en audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier en chef de la Cour Erny MAY.

le greffier en chef le président 6


Synthèse
Numéro d'arrêt : 11498C
Date de la décision : 06/07/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2000-07-06;11498c ?

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